Qu’est-ce qu’un salon ?
Virginie Ancelot |
Amaury-Duval : Marie Menessier-Nodier |
Le salon de madame Guyet-Desfontaines
Charles Guyet Sébastien Luneau
Madame Guyet-Desfontaines dans le statut de la femme en 1840
Février 2011
POUR REVENIR AU SOMMAIRE
Livres : Les Châtelains de Linières à Saint André Goule d'Oie (Vendée) et Découverte d'un poète vendéen : Marcel de Brayer http://lulu.com/spotlight/efrancois
Virginie Ancelot |
Amaury-Duval : Marie Menessier-Nodier |
La dernière période de la
préhistoire, le néolithique, parait tardive en Poitou, datée par les spécialistes
de – 5000 à – 2500 avant J. C. (1), alors que l’histoire des hommes des vallées
de la Mésopotamie ou du Nil commence vers – 4000 avec leurs premiers écrits. « À Saint-André-Goule-d’Oie une hache d’apparat en jadéite fut
découverte en 1940 dans le champ du Vignault, près du village du Peux. Cette
hache exceptionnelle mesure 20 x 7 x 3 cm. L’origine probable de cet objet se
situe dans les Alpes, ce qui peut donner une idée de l’extrême valeur que
devaient revêtir ces prestigieuses haches parvenues jusque dans l’ouest de la
France. Quatre haches polies ramassées au Pin sont conservées au musée Dobrée à
Nantes ». Voilà ce que nous rapporte B. Poissonnier l’auteur du livre
mentionné.
Ces habitats dispersés et près d’un ruisseau se trouvaient à portée des terrains de chasse sur les plateaux de landes ou dans les forêts, celles du Coudray, de l’Herbergement, de la Vrignaie, touchant la grande forêt des Essarts. Le nom de cette dernière localité indique son origine, son espace a été gagné sur la forêt par essartage (défrichement).
Voie romaine (voie Domitia à Narbonne) |
À Saint-André l’Histoire visible commence
avec les romains, plus exactement avec les voies romaines. On sait à quel point
elles ont favorisé le peuplement de certains lieux situés sur leur passage. La
voie Nantes/Saintes par Montaigu, Saint-Georges-de-Montaigu, avait, à partir de
Chavagnes-en-Paillers, deux parcours différents. L’un passait par Saint-Fulgent
à la Chaunière, puis par la Boutinière (Saint-André-Goule-d’Oie), située sur la
crête d’une colline, et continuait vers les Quatre-Chemins par la Brossière. On
peut émettre l’hypothèse que les deux villages de la Brossière et de la
Boutinière ont été habités depuis très longtemps sur ce tracé, même si nous ne
possédons aucun document pour le prouver. L’autre parcours passait à Benaston,
le Haut-Bourg de la Rabatelière, la Chapelle de Chauché, Languiller, et près du
bourg des Essarts (2). Entre ces deux tracés on a une partie de la paroisse de
Saint-Fulgent au nord et une partie de celle de Chauché au sud et Saint-André-Goule-d’Oie
au milieu. La Rabatelière est une création récente en 1640 sur une partie des
territoires de Chauché, de Chavagnes et un peu de Saint-André-Goule-d’Oie. Sur
ce futur espace de la paroisse de Saint-André, il existait des lieux d’activité
agricole comme on en a trouvé à Chauché, Chavagnes, Saint-Fulgent et les
Essarts. On y a défriché au premier millénaire de notre ère, mais il est
difficile d’être plus précis.
L’historien A. de La Fontenelle
de Vaudoré a écrit il y près d’un siècle et demi que le nord du Bas-Poitou
était occupé par le peuple des Anagnutes (3). Ces peuples ont été désignés du
nom plus général de Pictons, ayant donné leur nom au Poitou. Les historiens
romains ont donné le nom générique de gaulois à tous ces peuples de l’ancienne
Gaule, dont nous ne connaissons que très peu de choses à vrai dire, sinon
qu’ils étaient d’origine celtique.
Vercingétorix (site
d’Alesia) |
Dans son livre, Guerre des Gaules, Jules César nous informe que les Pictons ont fourni des vaisseaux à Décimus Brutus pour aider les Romains dans leurs luttes contre les Vénètes (Morbihan) en 56 av J. C. (4) Leur capacité de marins sur la cote de l’océan était donc déjà bien reconnue. Mais quand Vercingétorix demanda aux tribus gauloises de se rassembler autour de lui en janvier 52, il envoya des ambassades à tous les peules. « Il ne lui faut pas longtemps pour avoir à ses côtés les Sénons, les Parissi, les Pictons … » (5). Au cours du siège d’Alésia qui suivit, les chefs gaulois demandèrent le secours de contingents déterminés aux peuples de la Gaule. Ainsi aux Pictons ils demandèrent 8 000 hommes à l’été 52 (6). En 51 une multitude d’ennemis s’étaient rassemblés dans le pays des Pictons. La cité de Duriatos (Lémonum), fidèle aux Romains, s’était divisée, une partie importante ayant fait défection. Les Romains vinrent y rétablir l’ordre. Appelée Lémonum par les Romains, la capitale des Pictons a pris ensuite un nouveau nom emprunté à celui du peuple, Poitiers, comme beaucoup d’autres villes de Gaule (7). On sait par ailleurs que les monnaies des Pictons attestent et illustrent le rite des têtes coupées sur l’ennemi et ramenées pour orner la maison du vainqueur. Enfin les gaulois avaient leurs propres unités de mesures qui ont été transposées en mesures romaines avec la colonisation de Rome (8).
Nous disposons d’une carte de J.
M. Guerineau sur « La Vendée de l’époque
gallo-romaine à l’époque féodale » (9). Saint-André-Goule-d’Oie y
apparaît comme possédant un camp gaulois, comme les Essarts, Saint-Fulgent et
Chauché. D’une vraie valeur pédagogique, cette carte ne prouve rien sur
l’existence des camps gaulois cités, nous semble-t-il. En revanche il semble
bien qu’ait existé un camp romain avéré au lieu-dit le Chatelier entre les
Essarts et Sainte-Florence (10). Mais à Saint-André, il n’existe aucune trace
probante à notre connaissance.
Chez les voisins, l’histoire a
laissé plus de traces. Ainsi à Saint-Fulgent on a découvert des pièces de
monnaie romaine du 3e siècle après J. C. et l’activité d’un potier
dans le bourg au 4e ou 5e siècle (11). À Chavagnes on a
trouvé des traces d’une villa gallo-romaine au Cormier, et une probable
implantation wisigothe (12).
L’évangélisation de la contrée remonte
aux années 600 après J. C. Elle
s’est déroulée à partir des deux couvents (hommes et femmes), installés à Saint-Georges-de-Montaigu
vers 580 par saint Martin de Vertou (527-601). À cette époque la ville
s’appelait Durinum, ayant déjà perdu de sa prospérité d’antan. L’église érigée
par les moines fut dédiée à saint Georges et les couvents étaient une extension
du monastère de Vertou que saint Martin (de Vertou) y avait créé vers 575, en y
instaurant la règle monastique de saint Benoît.
Les moines de Durinum
évangélisèrent le pays alentour et un historien cite les Herbiers, Mouchamps,
Vendrennes, les Essarts, Rocheservière (13). Saint-Fulgent faisait aussi partie
de cette région évangélisée et son prieuré dépendait de l’abbaye de Vertou. Que
l’évangélisation des peuplements de ce qui deviendra Saint-André-Goule-d’Oie ait
commencé au tournant des 6e et 7e siècles est donc très probable. Comment
évangéliser Saint-Fulgent et les Essarts en évitant le territoire de la future
paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, situé entre les deux ?
Les premières églises ou
chapelles ont été bâties en bois, à cette époque. Parfois elles l’ont été chez
le seigneur du lieu, où les habitants avaient l’habitude de venir pratiquer
leurs anciens cultes païens. À la place ils sont venus pratiquer le nouveau culte
catholique. La notion de paroisse, au sens de territoire, n’existait pas
encore.
D’autre fois c’étaient des moines qui bâtissaient leur église-prieuré sur des terres données par un seigneur, et accueillaient les habitants des alentours. À l’origine, les prieurés étaient de simples fermes, appelées granges, dépendantes des abbayes. L’abbé envoyait un certain nombre de religieux dans une ferme pour la faire valoir. Les religieux n’en avaient que l’administration et rendaient compte à l’abbé tous les ans. Ils ne formaient pas une communauté distincte et séparée de celle de l’abbaye et l’abbé pouvait les rappeler dans le cloître quand il le jugeait à propos. Les prieurés furent érigés ensuite en paroisse. L’abbaye y plaçait alors au moins un simple prêtre. Quand il y en avait plusieurs, l’un d’eux, l’écolâtre, pouvait enseigner aux enfants « les lettres divines et humaines. »
Dès les débuts de
l’évangélisation, on fixa les circonscriptions ecclésiastiques de l’évêché de
Poitiers, érigé au 4e siècle, et s’étendant alors sur la contrée. L’évêque
était à l’origine secondé dans son territoire par des chorévèques. C’étaient des évêques attachés à un « pays » (pagus ou vicus), avec la
fonction d'aider les évêques des cités épiscopales dans l'administration des
groupes de population vivant à la campagne. À la fin du 8e siècle on supprima
les chorévèques, tout en reprenant les mêmes circonscriptions. Ils laissaient
en souffrance des services qui furent attribués à des archidiacres,
archiprêtres et doyens. Les différences entre ces trois catégories, de nature
semble-t-il surtout honorifique, sont difficiles à établir pour une époque
aussi lointaine et ont pu varier suivant les évêchés. N’y attachons pas
d’importance.
Ainsi est né le doyenné de Paillers (transféré à Montaigu après les invasions normandes du 9e siècle), qui doit son nom à une petite ville réduite à l’état de village et enclavée depuis dans la commune de Beaurepaire (14). Il a donné son nom à Bazoges-en-Paillers et Chavagnes-en-Paillers. Le mot « paillers », d’origine gauloise, signifie cachette (dans les bois). Paillers a été le lieu de résidence du doyen de la contrée. Une partie de la contrée faisait partie du doyenné de Paillers, alors qu’une autre partie appartenait à l’archiprêtré de Pareds, dont Saint-André-Goule-d’Oie.
Ruine de l’ancienne église de
Pareds
|
L’archiprêtré de Pareds mérite
une explication elle aussi, donnée par l’abbé Aillery dans son pouillé de
l’évêché de Luçon en 1860. Sur les bords de l’Arcançon, ruisseau qui traverse
la plaine du Bas-Poitou, avait été édifiée au haut Moyen-Âge l’antique bourgade
de Pareds. Cette localité, devenue
depuis un simple village de la Jaudonnière, a continué à imposer son nom à
beaucoup de lieux aux alentours (ex. : Mouilleron, Bazoges, etc.). Son
archiprêtré comportait beaucoup de paroisses de l’est vendéen (notamment
Pouzauges, les Herbiers, Chantonnay), et aussi Vendrennes, Sainte-Cécile et Sainte-Florence-de-l’Oie.
Le roi Charles le Chauve remporta une bataille à Fontenay-le-Comte le 25 juin 841 contre les troupes de ses frères, et recouvra Nantes avec l’aide notamment de Lambert, prétendant au comté de Nantes, et Renaud, comte d’Herbauge. Lambert demanda le comté de Nantes au roi, lequel refusa à cause de l’influence des Bretons, alors ses ennemis, sur lui. Il donna la ville à Renaud d’Herbauge. En 843 le comte Lambert fit appel aux pirates Danois et Norvégiens (aussi appelés à l’époque les Normands), stationnés à l’embouchure de la Loire, et avec leur aide s’empara de Nantes. Renaud d’Herbauge fut tué à Blain dans un combat contre Lambert le 24 mai 843. Puis ce dernier livra aux Normands les territoires de Renaud comte d’Herbauge, et les barbares se répandirent pour la première fois dans le pays des Mauges, de Tiffauges et d’Herbauge à partir de 843, dans des incursions toujours temporaires. Établis en permanence à l’embouchure de la Loire, leurs pillages dans ces territoires durèrent plus d’une centaine d’années, avec beaucoup de dévastations à Noirmoutier, Luçon, Mareuil, Fontenay, etc. Lambert donna ensuite à ses chevaliers des territoires avec droit d’héritage : la région d’Herbauge à Gundfroy, Mauges à Rainarus et Tiffauges à Girard. Le roi Charles institua un autre duc d’Aquitaine, Begon, pour défendre ces territoires contre les vassaux de Lambert. Ceux-ci le vainquirent à DurInum (Saint-Georges-de-Montaigu) en fin 843 (16). En 845-851, Erispoé, roi de Bretagne, envahit l’Aquitaine dont le pays d’Herbauge, « occit le populaire qu’il trouva aux champs », et fit reculer les troupes du roi (17).
Au milieu du 10e siècle les comtes de Poitiers contestaient toujours la mainmise du duc de Nantes sur les Mauges, Tiffauges et Herbauge. Mais vers 942 le comte de Poitiers, Guillaume III Tête d’Étoupe (934-963/965) reconnut à Alain Barbe Torte, duc de Bretagne (937 à 952) la souveraineté sur ces territoires. Leurs limites communes du côté du Poitou sont celles indiquées ci-dessus et décrites sommairement dans « la Chronique de Nantes » pour le traité de 942, et plus précisément par Dom Morice (18), mais sans date. À la suite de nouvelles luttes, le comte de Poitiers, Guillaume IV Fier à Bras (963/965-995/1000), concéda définitivement le pays de Retz en 982 au duché de Bretagne, mais recouvra la plus grande partie du pays d’Herbauge et de Tiffauges peu après, et les comtes d’Anjou mirent la main sur le pays des Mauges (19). Ces derniers constituaient alors un danger à contenir par l’alliance des comtes de Nantes et du Poitou.
Le Vendrenneau à la Boutinière |
Les principes du système féodal
ont été fixés sous les premiers carolingiens dans un contexte de luttes
incessantes entre les provinces et contre les envahisseurs. La distribution de
terres à des vassaux de plus en plus nombreux a permis à ces derniers de
s’équiper en tant que cavaliers. Elles provenaient des domaines royaux ou de la
confiscation aux églises et abbayes, et furent concédées en contrepartie du
service armé. Le bénéfice (domaine) fut associé à la vassalité (service du
suzerain). Puis des fonctionnaires (comme les comtes) sont devenus des vassaux
du roi, de plus en plus riches, les plus puissants créant leurs propres
vassaux. Avec les divisions entre les descendants de Charlemagne (v742-814),
les comtes s’émancipèrent de leur suzerain royal, privatisant à leur profit les
fonctions militaires, de justice et d’impôts. La féodalité était née, qui
dégénéra en un droit particulier et original de la propriété avec la
transmission héréditaire des bénéfices devenus des fiefs.
C'est au début du 9e
siècle qu'apparaissent les premiers vicomtes de Thouars (833). Mais les premiers châtelains de la région ont
une origine non documentée. Dans une
charte du 7 décembre 1099, concernant des donations octroyées au prieuré
de Saint-Nicolas de la Chaise-le-Vicomte, par Albert II vicomte de Thouars, on
fait mention de ses vassaux contributeurs. Cette charte donne les noms des barons relevant de la vicomté de
Thouars à cette date. Parmi eux, Maurice de Montaigu, Geoffroy de
Tiffauges et Guillaume-Bertrand des
Essarts. À partir de 1120 on connaît la lignée des seigneurs de Montaigu. Aux
Essarts on a la mention d’un Tainart en 1120 et de Pierre d’Aspremont en 1196,
après quoi la documentation sur les barons des lieux nous permet de commencer
un récit sur eux. C’est un demi-siècle après qu’on connaît, vers 1250, Jehanne Guygnère dame du Coudray Loriau à Saint-André. Elle
était alors veuve et appartenait à une famille noble, étant aussi indiquée dame
de la Cour de Tiré, de Musse (situé à Ligron-Champaumont au nord de La Flèche),
et la Boninière (Saint-Martin-des-Noyers ou Saint-André) (23). Les premiers
seigneurs de Saint-Fulgent nous sont connus à partir de la même époque du
milieu du 13e siècle. Ils sont aussi seigneurs de la Drollinière
(devenue Linières) et de la Boutarlière, et possèdent au moins en partie le
fief de Saint-André (le bourg). Mais il faut attendre le Moyen âge finissant
pour découvrir l’organisation féodale en place à Saint-André-Goule-d’Oie. Avant,
son implantation nous est inconnue.
Gauthier de Bruges |
On découvre l’existence de la
paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie dans un document daté de 1306. Il s’agit du
« Grand Gauthier » (24), recueil réalisé avant cette date, puisque
son auteur, Gauthier de Bruges, évêque de Poitiers, mourut cette même année. C’était un pieux
et savant religieux de l’ordre des Frères Mineurs, nommé évêque en 1271, qui
mérita par ses vertus le titre de Bienheureux. Le nom de la paroisse est
indiqué sur le document en latin : De Gula Anceris (De Goule d’Oie). De
même y est mentionnés le choix du prieur-curé par l’abbaye de
Nieul-sur-l’Autise, et l’existence de la chapelle de Fondion, dédiée à saint
Laurent et desservie par le prieur de Goule d’Oie. L’abbaye de
Nieul-sur-l’Autise ayant été fondée en 1068, on situe donc la création de la
paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie au 12e siècle ou au 13e
siècle. Deux siècles pour y localiser une date, nous manquons de
précision !
Géographiquement la paroisse
avait une forme allongée d’orientation sud-est/nord-ouest avec un resserrement
en son milieu au niveau du bourg. Ses limites nous sont décrites avec le cadastre
napoléonien de 1838, mais les documents de l’Ancien Régime confirment les mêmes
depuis la fin du Moyen Âge avec une seule modification en 1640. Ainsi dès leur
origine l’extrémité nord/ouest formait un angle situé un peu au nord du village du
Coin, qui faisait limite avec Chavagnes-en-Paillers. L’extrémité sud-est de la
paroisse était limitée par la forêt de l’Herbergement, située sur
Sainte-Florence-de-l’Oie, en ligne droite de 3 kms dans une direction nord/sud.
Elle se prolongeait vers le nord en direction de la Brossière à partir de
Fondion en suivant le ruisseau d’eau venant de l’Oie. C’était la limite décrite
plus haut du traité de 941 entre les pays d’Herbauge et de Tiffauges. Elle
séparait Saint-André de Vendrennes. Puis à la Brossière elle suivait la même
frontière du pays d’Herbauge, où était situé le territoire de Saint-André : le
ruisseau du Vendrenneau. Elle faisait désormais limite avec Saint Fulgent, dont
la seigneurie relevait de Tiffauges et la paroisse était plus ancienne que
Saint-André (rattachée à l’abbaye de Saint-Martin-de-Jouarre).
La limite sud en partant de la forêt de l’Herbergement a été fixée dans les terres du fief Pothé, donnant le tènement du Clouin à Saint-André au nord et l’hôtel noble de la Frissonnière (habitat disparu au nord de la Guiffardière) aux Essarts au sud. Le prieuré des Essarts avait été rartaché à l’abbaye de Luçon au moins dès le 11e siècle. Cette limite dans le fief Pothé faisait ainsi frontière entre Saint-André et les Essarts dans une direction est/ouest, jusqu’à rencontrer à la Clémencière la paroisse de la Chapelle Begouin et les territoires des seigneurs Droullin (la Boutarlière et Drollinière). Cette paroisse avait été absorbée dans la nouvelle paroisse de Chauché créé à la même époque que Saint-André et elle a disparu des registres officiels de l’évêché de Poitiers et de celui de Luçon qui a pris sa suite dans la contrée en 1317. Mais ses habitants relevaient de la haute justice des Essarts, à la différence d’autres paroissiens de Chauché. Le culte y a été célébré dans son église de la Chapelle régulièrement jusqu’au 17e siècle en tant qu’annexe de l’église du bourg de Chauché, et les actes notariés ont toujours distingué les lieux de cette ancienne paroisse de celle de Chauché. C’est une bizarrerie où l’organisation ecclésiastique a dû composer avec l’organisation seigneuriale et les habitants des lieux, au point d’imposer sa limite nord à la nouvelle paroisse de Saint-André. Cette situation étonne davantage quand on sait que le seigneur de Linières, la Boutarlière et Saint-Fulgent, était seigneur en partie du bourg de Saint-André déjà probablement au moment de la fixation des limites des nouvelles paroisses. Le lieu noble de Linières était situé sur la paroisse de la Chapelle à 1 km du bourg de Saint-André. Il y resterait, alors que sur son fief du bourg, le prieuré appartiendrait à la nouvelle paroisse. C’est donc la limite de la paroisse de la Chapelle qui servit de frontière à Saint-André, d’abord en direction du nord jusqu’à son bourg.
On remarque qu’en trois endroits
les limites de la paroisse scindèrent un même ensemble de terroirs ou d’habitats
préexistants. C’est d’abord le cas de la Gandouinière dont le village a été
scindé en deux, sa partie ouest située à Chauché et sa partie est située à
Saint-André. La limite physique du ruisseau parait avoir été préférée pour
définir une frontière, plutôt que la réalité humaine. De même à la Brossière,
où le ruisseau du Vendrenneau a coupé en deux le tènement du même nom. Celui-ci
s’étendait sur la paroisse de Vendrennes en effet (25). Enfin à la Boninière, le ruisseau du Vendreneau
séparait le tènement portant ce nom situé à Saint-André de celui, aussi appelé
Boninière, et situé à Saint-Fulgent de l’autre côté du ruisseau. L’ancienne
frontière entre les pays d’Herbauge et de Tiffauges, reprise pour devenir celle
entre l’ancienne paroisse de Saint-Fulgent et la nouvelle paroisse de
Saint-André, parait avoir divisé ce lieu-dit très ancien.
Finalement la géographie des ruisseaux et des forêts a compté de manière
importante dans la fixation des limites de la nouvelle paroisse de Saint-André,
au point de séparer l’appartenance de certains habitats. Quoique le Vendrenneau
n’était pas qu’un ruisseau, il avait acquis une dimension politique vers 939. Mais
on trouve des exceptions tout aussi importantes à cette géographie physique, soit pour
partager le fief Pothé entre les Essarts et Saint-André, soit au contraire pour
garder les seigneuries de Linières et la Boutarlière entièrement à Chauché. On
devine derrière ce mélange de géographies physique et politique des enjeux de
pouvoirs et de fiscalité, sans en connaître l’histoire malheureusement.
Étang de Linières |
C’est ainsi qu’il faut expliquer très probablement que les terres de
Linières, de la Louisière actuelle, de la Mauvelonnière, continuèrent, jusqu’au
ruisseau de la Haute Gandouinière, de toucher le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie. Il en serait de même pour l’actuel hameau
du Doué anciennement fief de la Pinetière (du domaine de Linières aussi), si on
n’avait pas rectifié la limite de la commune de Saint-André en 1980. La
Révolution en créant les communes en 1790, a laissé aux nouveaux départements
le soin de fixer leurs frontières. Dans la région de Saint-André, on a repris
les limites anciennes des paroisses pour les donner aux communes. Ainsi depuis
8 siècles certains des habitants de Saint-André et de Chauché, vivent-ils dans
des territoires, dont la vie religieuse et sociale ne correspond pas à ceux
auxquels leurs demeures ont été administrativement rattachées.
La remarque a-t-elle encore un sens en ce début du 21e siècle, où les notions de distances ne sont plus les mêmes ? En tout cas l’évêque de Luçon a régularisé la situation au bout de huit siècles en modifiant les contours géographiques des paroisses de Chavagnes, Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie, pour mieux les faire coller à la réalité. Il n’y avait plus d’enjeux fiscaux. Ainsi les villages excentrés au nord-ouest de la commune de Saint-André Goule d’Oie furent rattachés à la paroisse de Chavagnes-en-Paillers par ordonnance du 29 juillet 1957, « pour régulariser une situation de fait » dit le texte : la Racinauzière, le Coin, la Mancellière, le Peux et la Roche Mauvin (26). De même les villages de Chauché touchant Saint-André furent rattachés à la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie par ordonnance du 2 février 1957 : Charillère, Boutarlière, Gandouinière, Julière (ou Saint-Jean), Sainte-Anne, Guérinière, Guerinet, Mauvelonnière, Louisière, Lignière, Villeneuve, et Bois du Vrignais (27).
Les troubles de la fin du premier millénaire et la naissance de la féodalité éloignèrent aussi l’Église de ses dogmes, mettant le clergé à la solde des laïcs. Il faut rappeler aussi que l’évangélisation des campagnes fut œuvre difficile en raison d’un enracinement profond des croyances anciennes. Parfois les évangélisateurs durent s’adapter en donnant à celles-ci une coloration chrétienne. Des seigneurs construisirent des églises, nommèrent des curés et des évêques, et créèrent ce qu’on appelle, un peu rapidement, des paroisses, qui rapportaient de l’argent. Les nouveaux ordres monastiques et les réformes du pape Grégoire VII (1073-1085) enrayèrent le processus et réformèrent l’Église.
Grégoire VII |
Les seigneurs des fiefs situés dans la nouvelle paroisse de Goule d'Oie avaient accaparé les dîmes ecclésiastiques. Sur les petits animaux ils en partagèrent un petit nombre soit avec le prieur de la paroisse, soit avec l’ordre des templiers à Mauléon et à Launay (Sainte-Cécile). Sur une partie du territoire les grosses dîmes (prélèvement au 1/13e) furent restituées à l’Église, mais la situation est très peu documentée à Saint-André, un peu mieux à Chauché. L’autre partie des territoires était acensé à droit de terrage au 1/6 des récoltes et les seigneurs le partagèrent à moitié avec le prieur de la paroisse. Donner la moitié d’un prélèvement au 1/6 équivalait à un prélèvement au 1/13e. C’est la situation constatée au début du 15e siècle, la même qu’à l’origine probablement. Néanmoins sur 4 tènements le terrage fut remplacé par de grosses rentes fixes féodales au 14e siècle, non partagées avec le prieur. Le droit de boisselage a été repéré sur l’un d’eux plus tard, né peut-être de cette transformation. C’était une rente fixe sur toutes les exploitations agricoles d’un tènement au profit du prieuré. Voir sur ce sujet l’article publié sur ce site en juillet 2019 : Du prieuré cure au presbytère à Saint-André-Goule-d’Oie (1306-1988). La moitié du terrage prélevé par le prieur a été confisqué à son profit exclusif par le seigneur protestant de Languiller au moment des guerres de religion à la fin du 16e siècle.
Si on ne sait pas comment est née
l’organisation féodale dans la paroisse, on en a une vue globale au 14e
siècle. Le baron des Essarts avait reçu du vicomte de Thouars des territoires
touchant à ceux des seigneurs de Tiffauges et de Montaigu. Ce dernier avait
Chavagnes et les deux, chacun une partie de Saint-Fulgent. Montaigu avait une
influence sur une partie de Saint-André comme en témoigne un aveu en 1343 de
Jean de Thouars à Montaigu à raison de sa ligence à L’Herbergement-Entier (au
sud-ouest de Montaigu). Il y déclare tenir des droits dans la moitié du fief de
Saint-André (bourg), l’autre moitié appartenant au seigneur de la Drollinière
(devenue Linières). Il déclare aussi un fief de la Sextenbreische, situé aussi
à Saint-André, tenu par Aimery Loriau à foi et hommage (29). Les noms
transcrits ne permettent pas une localisation facile, sauf pour un fief de
vigne dans le bourg. Deux autres sont probablement le tènement de la Roche
Herpière (près de la Javelière) et celui de la Machicolière. Comme Puytesson,
la Jarrie, la Roche de Chauché, la Vergne Ortie, Aimery Loriau devait pour la
Sextenbreische à Montaigu un devoir de garde, qui ne peut s’expliquer que par
une sorte de dépendance lâche (30).
Cette situation seigneuriale
qu’on peut décrire en 1343 remonte certainement à plus loin dans le temps mais
sans qu’on puisse l’évoquer faute de documents. On a seulement l’existence vers
1250 du fief du Coudray, appelé Coudray Loriau, du nom de cette famille qu’on a
vu plus haut tenir le fief de la Sextenbreische. À cette date une Jehanne
Guignière est dite dame du Coudray (31). D’autres fiefs remontent probablement
à cette époque lointaine du Moyen Âge : le Coin et les Bouchauds. Cette
dernière seigneurie, avec son château aux Essarts était suzeraine de plusieurs
fiefs et tènements situés à Saint-André.
Richard Cœur de Lion |
Ces seigneuries avaient une vocation militaire, on le sait, dans ce Bas-Poitou impliqué à l’époque dans les conflits entre les rois Capétiens et les Plantagenet d’Angleterre (1159 à 1259) au temps de Richard Cœur de Lion et de Jean sans Terre. Certains allèrent aux croisades en Palestine. Les seigneurs du Coin, des Bouchauds, leurs propres vassaux du Coudray et de la Mancellière, leurs voisins de Chauché : Languiller, la Chapelle, Linières, etc. devaient combattre aux côtés du baron des Essarts, assurer des gardes au château, dans sa maison à ligence (casernement de l’époque) située dans un espace dans lequel fut creusé plus tard un étang près de l’ancien château féodal.
Le seigneur de Saint-Fulgent est
moins connu. Il relevait de Montaigu pour une partie de la paroisse de Saint-Fulgent
(dont les seigneuries des Roussières, des Valinières et de la Thibaudière),
mais pour sa prison dans une tour située dans l’enclôture de son château, il
rendait hommage à Tiffauges (avec la seigneurie du Puy-Greffier dans sa
mouvance et le reste de la paroisse de Saint-Fulgent). Le plus ancien connu de ces
seigneurs est Aimery Droulin ou Droslin, qui serait né vers 1240. Cette famille
fut à l’origine d’un fief au lieu-dit actuel de Linières (Chauché). Il lui
donna son nom : la Drollinière (transformée en Linières au 17e
siècle). À cause de son nom, on pense que la Drollinière, avec déjà sa
muraille d’enceinte probablement (notée dans un texte du 17e siècle),
est une création de cette période florissante des 12e et 13e
siècles, où beaucoup d’anciens ou nouveaux lieux habités prirent des noms que
nous connaissons encore : Boutinière, Porcelière, Baritaudière, etc.
souvent à partir du nom d’un fondateur. La Drollinière apparaît comme
participant du même mouvement.
Ses seigneurs œuvrèrent au
défrichement de leur domaine, où on a trouvé plus tard des métairies
importantes totalisant 300 hectares cultivés en 1830 dans le domaine de Linières : Bois du Vrignais,
Mauvelonnière, Guérinière, plus le fief de la
Boutarlière. Les 90 hectares rattachés directement à Linières furent divisés
d’abord en 1880 pour créer la métairie d’une Linières plus éloignée du nouveau
château, puis vers 1900, pour créer celle de la Louisière. Le village de
Villeneuve s’ajoute à cet ensemble relevant des Essarts, mais le seigneur de
Linières en fit un tènement concédé à des roturiers. En 1342 c’est Maurice
Droulin, né vers 1310 et mort avant 1378, qui est « seigneur de Saint-Fulgent, Droullinière et la Boutarlière ».
La maison forte de Linières, alias la Droullinière, relevait toujours au sortir du Moyen Âge du seigneur baron des Essarts, à cause de sa châtellenie des Essarts, à foi et hommage plain et à rachat, « et à une maille d’or », précise l’aveu du baron des Essarts à Thouars en 1597 (32). En 1658, un aveu du même précise que la maille d’or est estimée à 24 sols tournois. Cette maille d’or, monnaie disparue ensuite, a continué d’être citée dans les fois et hommages de Linières au fil des siècles. La féodalité qui a survécut jusqu’à la Révolution, on le voit, n’est pas exactement la même que celle qui est née à l’époque carolingienne et qui s’est épanouie dans la chevalerie des 12e et 13e siècles.
la peste noire |
Dans ce contexte des débuts de la guerre de Cent ans et des désastres du milieu du 14e siècle, des changements vont s’opérer dans les seigneuries à Saint-André. La mouvance de Montaigu va reculer jusqu’à Chavagnes, laissant la place à celle des Essarts. Le roi de France avait confisqué en 1343 la baronnie de Montaigu pour cause de félonie de son possesseur, Olivier IV de Clisson, l’année même où il reçut l’aveu mentionné ci-dessus pour le bourg de Saint-André. Il rendit les biens confisqués en 1362 au fils, Olivier V de Clisson. C’est donc probablement autour de 1350 que le roi céda au baron des Essarts la mouvance de Montaigu sur le bourg de Saint-André, dont le droit de fief fut concédé au seigneur du Coin, alors probablement Jean Allaire. Savary III de Vivonne (ca1300-1367), le baron des Essarts d’alors, fut qualifié par le roi en 1360 « d’aimé et féal », à cause de son dévouement à la cause française. Et le bourg de Saint-André n’est pas le seul fief concerné par cette poussée de la mouvance suzeraine des Essarts vers le nord, on observe la même chose à Chauché.
Stèle du traité de Brétigny |
Une maison noble située près de
la Machicolière, la Dibaudelière, est mentionnée pour la première fois dans la
première moitié du 15e siècle, alors mouvante elle-aussi du Coin.
Elle disparaîtra ensuite, et son domaine foncier sera arrenté aux habitants de
la Machicolière (36). Et dans le même contexte de dévastations des patrimoines
il faut ranger la ferme perpétuelle du tènement de la Milonnière faite en 1372
à deux particuliers par Jean de Sainte-Flaive, le nouveau possesseur du Coin (37). À cette occasion il institue comme redevance une grosse rente fixe de 54
boisseaux de seigle prélevée sur les récoltes du tènement, au lieu de
l’habituel droit de terrage au 1/6 des récoltes. Et cette pratique se rencontre
dans d’autres tènements de la paroisse. Il y a dans ces initiatives
une adaptation du mode de concession des terres par les seigneurs aux nouvelles
données économiques nées des désastres de tous ordres.
Une autre conséquence fut la transformation
du régime féodal du bourg appelé le fief de Saint-André-Goule-d’Oie. Vers
1405 le Coin est suzerain de la totalité du fief, tenu par lui des Essarts, et
le seigneur de la Drollinière est pour ce fief son vassal aussi pour la
totalité du fief. Il devait au seigneur de Languiller, à cause de la seigneurie
du Coin, la foi et hommage plain, abonné à quarante sols par an, à un droit de
rachat « quand le cas y advient par
mutation d’hommes » (38) à un cheval de service.
Sur ce fief les Droulin avaient aménagé
un étang se trouvant moitié sur les terres de Linières et moitié sur celles
tenues du Coin, puisqu’en amont et en aval le ruisseau alimentant l’étang
faisait limite entre les deux terres. Il ne s’agissait pas à l’époque d’en
faire un lieu d’agrément, mais un centre d’élevage de poissons d’eau douce. En
plus, ils construisirent un moulin à eau, puis sur le coteau en direction de
l’est un moulin à vent. Autour du moulin à vent il y eut quelques maisons,
aires, cours et voies d’accès. Le nom du champ où le moulin à vent a été construit
s’appelait encore, il y a quelques dizaines d’années, le champ du moulin. À
quand remontent ces créations de l’étang et des moulins ? Au plus tard au
début du 14e siècle probablement.
Les seigneurs de Linières avaient leurs armes inscrites dans le chœur de l’église. Nous en déduisons qu’ils aidèrent peut-être à la création de l’église et du presbytère, au milieu du bourg, ou à son entretien, puisqu’ils y avaient une position éminente, même si nous la cernons mal. Le mot bourg, d’origine germanique, eut plusieurs sens à cette époque. Dans la France de l’Ouest le mot désignait alors des villages neufs (39).
Les très riches heures du duc de Berry : La glandée (musée Concdé à Chantilly) |
Le montant du cens, à la fois en
argent et en nature, est conforme aux pratiques dans les tènements des
environs. Et il est faible. Ainsi en 1370, on s’offrait environ 60 kilos de
beurre pour 101 sols, ceux-ci étant répartis sur tous les habitants du bourg.
Au rendement de l’époque, cette quantité de beurre devait correspondre à
environ 5 mois de traite d’une vache laitière. Une paire de souliers valait 3
sols (42). Ensuite l’inflation vint diminuer le pouvoir d’achat de cette
modeste somme, dont le montant n’a pas bougé dans les siècles à venir,
aboutissant rapidement à une valeur symbolique.
L’espace foncier concédé comprenait des bois qui ont disparu depuis, ce qui explique la place des cochons dans le régime des redevances. Les glands constituaient à l’automne leur nourriture indispensable et le droit de panage était celui de faire paître les porcs en forêt. La viande de l’animal pouvait se conserver dans le sel. L’animal donnait lieu au commerce aussi, puisque les redevances versées au seigneur l’étaient en numéraire.