Nous avons raconté l’histoire de
Jean Aimé de Vaugiraud (1753-1814) en avril 2012. Depuis, de nouvelles
découvertes à son sujet, nous conduisent à mettre à jour une nouvelle
fois cet article pour remplacer le précédent.
Les ancêtres à Saint-André-Goule-d’Oie en 1650
Son histoire commence par un
mariage dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie le 29 mai 1650 (vue 6). Ce jour-là,
Renée Moreau épouse René de Vaugiraud, écuyer seigneur de Logerie.
Elle était la fille de Jacques
Moreau, sieur du Coudray, et de Suzanne Cherruy. Jacques Moreau, lui-même
fils de François Moreau, était fermier ou procureur fiscal de la terre de Linières (1). C’était un
bourgeois à la fortune importante, tout comme son frère, René Moreau, sieur de
Villeneuve. Son autre frère, Pierre Moreau, fut vicaire puis prieur-curé de Saint-André-Goule-d’Oie de 1622 à 1626 et de 1639 à 1665. Les découvertes sur cette famille Moreau, et
son importance à cette paroisse au 17
e siècle, nous ont
conduit à écrire sur cette famille en juin 2014 :
Les Moreau de St André Goule d'Oie aux 17e et 18e siècles. Enfin nous avons présenté le
livre de raison du grand-père de René de Vaugiraud, Julien de Vaugiraud, dans un
autre article publié en décembre 2020 :
Le livre de raison de Julien de Vaugiraud (1584/1597).
Le marié de 1650 à Saint-André-Goule-d’Oie était le fils de Pierre de Vaugiraud et de Renée Masson, fille du seigneur de la
Jaumarière (eux aussi mariés à Saint-André en 1625). Veuf, Pierre de Vaugiraud s’est remarié ensuite avec Marie Saudelet. Il faisait partie de la noblesse
vendéenne peu fortunée à cette époque. C’est ce que nous apprend l’historien A.
de Guerry en racontant une anecdote tirée des titres de Logerie-Vaugiraud aux
Archives de Vendée. Le 2-9-1635, Jacques Caillau, seigneur de la Martinière (Saint-Sulpice), Pierre de Vaugiraud seigneur de Logerie (Bazoges-en-Paillers), Jean
du Puy demeurant la Petite Barillère (Saint-Hilaire-de-Loulay), Pierre du Puy
demeurant au bourg de Falleron et Quentin Mesnage demeurant à Pamplie, exposent
« que à présent leur revenu est de
si peu de valeur, leurs métairies et maisons abandonnées et sans culture, que
leur bien ne vaut point à présent mille à onze cent livres, toutes charges
faites et acquittées, savoir Caillau 300 livres de revenu, Vaugiraud 350, les
du Puy 250 et 40, Mesnage 200 ; et d’autant que tout ledit revenu n’est
point suffisant pour monter, équiper et entretenir un cavalier en qualité de
cheval-léger, ils offrent l’un d’eux pour aller servir tant pour lui que pour
eux. » On tire au sort et c’est Caillau qui est ainsi désigné (4).
Cette situation pécuniaire
difficile explique aussi les mariages avec des familles de bourgeois fortunés
comme les Moreau à Saint-André-Goule-d’Oie. Dans les années suivantes, les de
Vaugiraud vont être qualifiés de sieur du Coudray et de la Jaumarière, deux
terres situées à Saint-André-Goule-d’Oie, la première apportée en dot lors des deux mariages dans la paroisse de
Pierre et de René de Vaugiraud.
Renée Moreau va donner cinq
enfants au seigneur de Vaugiraud. On relève leurs baptêmes à Bazoges-en-Paillers : Charlotte le 5-1-1656 (enterrée le 13-2-1663 à Bazoges, vue 8/31),
René le 12-11-1652, Jean le 17-7-1654 (enterré à Bazoges le 24-6-1687), Jean
François le 26-5-1660 et Pierre le 26-6-1661.
Renée Moreau, dame de la Logerie,
mourra jeune et sera enterrée à Bazoges dans l’église en mai 1663.
Leur fils, Jean François de
Vaugiraud se maria en 1689 (5) avec Gabrielle de Villeneuve, veuve de Philippe
Desnos, seigneur du Tablier, avec qui elle avait eu deux filles. Elle était
la fille de Gilbert de Villeneuve, seigneur du Plessis dans la paroisse de
Rosnais. Elle n’eut pas d’enfants du seigneur de Vaugiraud, et vint s’installer
avec ses filles à la Logerie de Bazoges-en-Paillers. Elle maria l’une d’elle,
Marie Renée Desnos, dame de Rosnais, avec le dernier frère de son mari, Pierre
de Vaugiraud, le 21 janvier 1697 (6).
Le grand-père Pierre de Vaugiraud (1661-1731)
Pierre de Vaugiraud et Marie Desnos
habitèrent à la Boissière-de-Montaigu, puis à la Logerie de Bazoges, et ils eurent
dix enfants, dont :
-
Alexis né à Bazoges le 16-3-1698 (vue 29). Sans
enfant, sa veuve se fera religieuse.
- Marie Madeleine Thérèse, née à Bazoges le
19-3-1700 (vue 47), qui s’est mariée avec Charles Auguste de Tinguy de Vanzais,
déjà veuf, et qui vint s’installer à la Clavelière de Saint-Fulgent. Ce dernier
est le fondateur de la branche des Tinguy du Pouët.
-
Pierre René Gabriel de Vaugiraud. En 1719 il
était clerc tonsuré au séminaire de Luçon. Il se maria à Chauché avec Madeleine Françoise Chitton, dame de Languiller en 1732 (7). Il mourut le 17-8-1743 à Bazoges sans
descendance.
-
Aimée, née le 26-05-1709 (vue 135) à Bazoges.
Elle fut mariée avec Gabriel Jacques de la Cantinière, veuf de Marianne
Gaborin, le 13-2-1741, paroisse de Péault (8).
-
Céleste née à la Boissière le 27-8-1710 (vue
128), deviendra religieuse.
-
François René Joseph né le 10-9-1712 (9), (1712-1790),
seigneur de Logerie et de Rosnay (près de Mareuil), habita près d’Angers puis
aux Sables-d’Olonne, où il se maria avec Marie Lodre (veuve de Jacques Massé) le 4 février 1739. L’un de ses fils, Pierre René Marie, comte de
Vaugiraud de Rosnay (1741-1819),
participa à la guerre d’indépendance des États-Unis aux côtés de La
Fayette, au débarquement royaliste de Quiberon en 1795 dans les rangs des
émigrés, devint vice-amiral en 1814 et enfin gouverneur de la Martinique.
François René fut électeur pour la noblesse du Poitou en vue de désigner les
députés aux Etats Généraux de 1789 (10).
-
Jean Gabriel né à Bazoges le 13-8-1720 (vue 218),
était appelé M. le chevalier dans la famille.
Deux sœurs, Catherine et Marie Anne,
et un frère, Charles, moururent jeunes et n’apparaissent pas dans les documents
de succession de la famille.
Pierre de Vaugiraud, est mort en
1731 (9).
Le père Jean Gabriel René de Vaugiraud (1720-1765)
Le dernier des enfants, Jean
Gabriel René, s’est marié le 13 février 1747 (vue 191) à Mortagne-sur-Sèvre avec
Marie Jacquette Boutillier. Il était alors capitaine au régiment Vermandois
infanterie. Le grand-père maternel, Maurice Boutillier, père de 25 enfants, était le trisaïeul
de Boutillier de Saint André, le futur auteur du « Mémoire d’un père à ses enfants, Une famille vendéenne pendant la
grande guerre (1793-1795) ». Ce qui fait un cousinage éloigné et peut expliquer
les erreurs du mémorialiste concernant Jean Aimé de Vaugiraud, dont il date la
mort en 1794 (voir ci-après).
Marie Jacquette Boutillier était
aussi la cousine de Jacques Grégoire Boutillier, sieur du Coin (Pierres
Blanches à Saint-Matin-de-Beaupréau dans le Maine-et-Loire), qui acheta la seigneurie
de la Boutarlière (Chauché) en 1770. Ils avaient le même grand-père, Maurice
Boutillier.
Jean Gabriel de Vaugiraud et Marie Boutillier habitèrent
Mortagne où ils eurent :
-
Jeanne Marie le 26-2-1748 (morte le 7-10-1750 à
Mortagne)
-
Pierre Eusèbe le 15-12-1749. Il fut seigneur de
la Jaumarière de Saint-André-Goule-d’Oie (11). Son parrain était Eusèbe Girard
(Beaurepaire) et sa marraine Marie Madeleine de Vaugiraud.
-
Auguste le 25-9-1751, avec Charles Auguste de
Tinguy pour parrain. Il habitait ordinairement aux Essarts au moment de la
Révolution, à la Fouzillière (Grand Village), où il avait hérité de biens
provenant au 17
e siècle des Masson.
En 1703 on voit dans un partage de succession
des enfants de Joachim Merland et Jeanne Jeullin, anciens fermiers de la
baronnie des Essarts, une créance du 20 juillet 1700 sur Mme de Logerie (Marie
Desnos) de 579 livres 5 sols. Elle est très probablement liée à ses possessions
aux Essarts (12).
-
Jean Aimé Jacques né le 4-1-1753. C’est lui qui vint habiter dans le
bourg de Saint-André-Goule-d’Oie à la fin de l’Ancien Régime, retrouvant les
terres de son arrière-grand-mère Renée Moreau au Coudray. Il était le cousin du
futur vice-amiral, et, comme lui, commença une carrière dans la marine de
guerre.
Jean Gabriel de Vaugiraud,
qualifié de seigneur de la Maigrière, afferma le 11 décembre 1750 sa borderie
de la Porcelière à prix d’argent pour 60 livres par an pour 7 ans de 1751 à
1758 (13). Les preneurs étaient Jean Roy et sa femme Jeanne Brisseau, demeurant
à la Porcelière, qualifiés de bordiers. Il demeurait à Mortagne, et la
signature de l’acte se fit en l’auberge du Chêne-Vert, chez Louis Guyet. De Vaugiraud louait à l’époque la seigneurie de Logerie à Bazognes-en-Paillers à la famille
Chesneau, avec ses métairies et borderies en dépendant (14).
Il afferma sa borderie du Coudray
en 1753 pour 7 années à l’aubergiste de Saint-Fulgent, Louis Guyet, le
grand-père du futur châtelain de Linières. Louis Guyet la sous louait ensuite à
Pierre Guedon et Louise Brillouet. Elle était affermée à partage à mi fruits et
son revenu annuel estimé pour le fisc se montait à la somme modeste et
probablement sous-évaluée pour une métairie, de 150 livres par an (15).
Étant militaire en activité, Jean
Gabriel de Vaugiraud délégua sa belle-mère Marie Louise Henriette Girard, veuve
de Jacques Boutillier sieur de Belleville, pour le représenter en 1759 lors
d’une visite contradictoire de sa métairie du Pinier à Vendrennes. Il était en
procès contre le fermier, la veuve de Jean Boisson sieur de Lhoumeau, qui avait
été fermier général de la terre et seigneurie de Vendrennes (16).
Jean Gabriel de Vaugiraud est
mort le 9 janvier 1765 (registre de Mortagne : vue 112). L’acte d’inhumation à Mortagne précise : « lequel
fut trouvé mort et assassiné jeudi au soir sur le chemin qui conduit du pont de
Mortagne à la Verrie ». Et le mémorialiste Boutiller d’ajouter qu’il fut
assassiné par un mari jaloux. Sa famille quitta Mortagne.
En 1777 sa veuve
habitait dans le bourg des Essarts (17), comme le feront ses enfants plus tard,
sauf Jean Aimé venu s’installer dans le bourg de Saint-André. Les biens de ses enfants mineurs
furent gérés ensuite par sa belle-mère. On la voit ainsi arrenter en leur nom
le 27 juillet 1765 le Gros moulin à vent de la Bourolière à Charles Auguste
Tinguy seigneur de Vauzais, demeurant à la Clavelière (Saint-Fulgent). Le
moulin était en ruine, et il lui fallait « chapeau, verge, arbre et
lamoulange à neuf, étant totalement en dommage dans le surplus des charpentes
et même dans sa tonnelle » (18). Marie Louise Henriette Girard reçut aussi
la reconnaissance en 1767 d’une rente due par les Micheneau de 3 livres par an,
sur une partie de la maison où ils habitent dans le bourg de Saint-André, avec
un masureau attenant et trois planches de jardin (19).
L’enfance et la jeunesse de Jean Aimé de Vaugiraud
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Soldats de la marine de guerre
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À cette époque des 17e et 18e siècles, certaines
familles nobles du Bas-Poitou, peu fortunées, faisaient entrer leurs garçons
dans l’école des cadets de la marine, grâce à leurs relations. Moyennant une
pension à payer d’un montant raisonnable, le jeune homme pouvait acquérir une
formation lui ouvrant droit à la carrière d’officier. L’achat d’une charge
militaire d’officier dans les armées de terre représentait en comparaison une
charge financière plus lourde. C’est la raison pour laquelle on trouve des
membres des familles du Chaffault à Montaigu, Royrand à Chavagnes, Vaugiraud à
Bazoges, etc. ayant fait une carrière « sur les vaisseaux du roi ».
Ce fut aussi le cas de notre « gouldoisien » Jean Aimé Jacques de
Vaugiraud.
Il n’avait que 12 ans lorsque son
père est mort, et on l’envoya dans la marine. Il semble qu’on partagea assez
tôt l’héritage, car on voit son frère Auguste vendre en 1776, à Charles Trotin,
cabaretier demeurant au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, à titre de rente
foncière, annuelle et perpétuelle, une masure de maison en ruines, composé de 5
pièces avec un petit jardin, situé au bourg de Saint-André. Il habitait alors
le bourg des Essarts (20).
Le frère aîné, Eusèbe de
Vaugiraud, seigneur de la Jaumarière, vendit le 16 septembre 1775, à Pierre
Fonteneau de Saint-Fulgent (habitant la Roche au Roi), deux métairies sur
Saint-André-Goule-d’Oie à la Maigrière et à la Baritaudière (21).
Il était alors officier au régiment du Bourbonnais, et possédait lui aussi une
demeure au bourg des Essarts. En 1776 il vendit un pré à la Boninière. L’acheteur
était Charles Auguste Tinguy, déjà cité, qui ne put signer l’acte,
« attendu la goutte qu’il a actuellement à la main droite et le
tremblement de main qui l’agite » (22). Le 7 octobre 1777 Eusèbe de
Vaugiraud vendit pour 200 livres une rente qu’il possédait sur le Petit moulin
à vent de la Bourolière, de 10 livres 10 deniers par an. L’acheteur de la rente
était un meunier de la Clavelière, Jean Badreau (23).
Jean Aimé Jacques de Vaugiraud gardera sa part d’héritage au
Coudray, à la Jaumarière et au bourg de Saint-André, et viendra habiter plus tard sur place dans
le logis du bourg.
Persécuté au début de 1793
En 1790 il est commandant de la garde nationale de Saint-André-Goule-d’Oie.
Il faut dire qu’il était le seul militaire de métier dans la nouvelle commune (24). À ce titre il dû participer au rassemblement de la fédération des gardes
nationales rassemblant 18 communes du bocage vendéen à l’Oie (château du Fougerais) le 30
mai 1790 (la commune de Saint-André y est citée) (25). Les rassemblements avaient pour
but de manifester l’attachement à la patrie. Ils devaient aboutir à la
fête de la Fédération du 14 juillet 1790, à l’origine de notre fête nationale
comme chacun sait. Qui pouvait imaginer dans ce premier semestre 1790 que des
tensions politiques allaient surgir dans la commune, à propos de la vente des
biens d’Église ?
L’achat de Jean Aimé de Vaugiraud de la borderie de la cure de Saint-André, le 5 mai 1791, pour 7 000 livres, intrigue à cette époque de la Révolution.
C’est que la municipalité, reflétant sans doute l’avis général dans la commune,
avait protesté quelques mois auparavant auprès de l’administrateur du district
de Montaigu, Philippe Charles Aimé Goupilleau, contre la vente forcée de tous les biens
dépendants de la cure. Outré de la démarche, le futur député à la Convention
avait répondu, bien sûr, que c’était « une
position criminelle. » D’ailleurs, ces biens furent achetés par des
étrangers à la commune, habitant Sainte-Florence-de-l’Oie, Chavagnes-en-Paillers et
même Cholet (26). Alors, qu’avait de particulier
l’achat de Jean de Vaugiraud, pour qu’il ait osé le faire ? L’attitude des
jeunes gens de la commune deux ans plus tard, au moment du soulèvement de mars
1793, montre clairement qu’on ne lui reprochait pas cet achat.
Dans sa séance du 4 mars 1793, le directoire du
département de la Vendée décida de faire saisir Jean de Vaugiraud et de
l’amener à Fontenay pour y être interrogé. La mesure fut prise sur des motifs
bien faibles de soupçons de complot et d’émigration, dont aucun n’était établi,
ni à l’époque ni depuis (27). Mais voilà, il avait séjourné plusieurs mois à
Paris au cours de l’année 1792 avec son frère Augustin.
Rentré à Nantes, où il s’était établi à la fin du
mois de septembre, son frère avait été arrêté et interné le 1e
décembre 1792 à la prison du château de Nantes (28). Des certificats de
présence à Paris et des attestations fournies montrent que le soupçon d’émigration formulé contre lui ne
tenait pas. Dans les Archives départementales de la Loire Atlantique, concernant la « police des suspects de 1792 incarcérés au
château de Nantes », on y constate le zèle sectaire des annotations,
et à la fois l’amateurisme et le formalisme des procédures et documents.
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Source : Archives de la Loire Atlantique |
Requête
du citoyen Vaugiraud aux citoyens administrateurs du département de la Loire
Inférieure.
Expose
le citoyen Vaugiraud détenu au château de Nantes que d’après l’arrêté du
département qui exige que dans le délai d’un mois il produise les certificats
de sa résidence sur les terres de la République conformément à la loi pour
faire disparaître les faux soupçons d’émigration à son égard il demande que vu
les ...
Sur
une réclamation aux autorités départementales d’Augustin de Vaugiraud, un
employé a écrit en marge : « pièces
jointes par erreur au dossier d’un M. Vaugiraud prêtre – les sieurs Vaugiraud
Aimé et Augustin ». Par deux
fois, le 5 décembre 1792 et le 10 janvier 1793, le conseil général du département
de la Loire-Inférieure refusa à Augustin sa libération, pour des motifs
essentiellement de forme des certificats produits. C’était visiblement au
présumé coupable de faire la preuve que le soupçon porté contre lui n’était pas
fondé. Enfin les autorités départementales délivrèrent Augustin de Vaugiraud
provisoirement pour deux mois à compter du 16 janvier 1793, afin de lui
permettre de présenter des certificats de résidence en la forme légale requise
(29).
Les détails fournis à cette occasion ne permettent
pas de confondre ces deux frères avec leurs cousins des Sables-d’Olonne. Mais
on ne peut pas écarter l’idée que la confusion a pu régner chez certains
fonctionnaires de l’époque. Ils nous informent de la présence des deux frères ensemble
à Paris. Le dossier d’Augustin fut transmis aux autorités départementales de la
Vendée. Celles-ci ne pouvaient pas être en reste et leur décision d’arrêter
Jean Aimé de Vaugiraud provient probablement de la mésaventure de son frère
Augustin à Nantes. Lutter contre les « complots des nobles » et le
« fanatisme des prêtres », était l’urgence du moment pour les
autorités, seule explication possible, selon elles, à l’agitation politique
secouant les campagnes vendéennes depuis au moins deux ans.
Jean de Vaugiraud avait probablement connu
l’emprisonnement de son frère à Nantes et l’arbitraire qu’il avait subi. Il
ignora la convocation, par crainte que cette persécution judiciaire ne le
conduise à la mort.
À la demande du directoire du
département le 4 mars 1793, Benjamin Martineau, membre de la municipalité de Saint-Fulgent, et responsable de la garde nationale du canton de Saint-Fulgent, vint
avec les gendarmes s’emparer de Jean de Vaugiraud le 6 mars 1793.
Un attroupement d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie fit
déguerpir ces derniers. Devant
sa maison, les « bleus » reçurent des « insultes graves »
(30). B. Martineau écrivit à Fontenay : « Vous verrez, par ce procès-verbal de la
rébellion que j'ai éprouvée, que je me suis comporté dans cette affaire avec
toute la présence (d'esprit) possible ; j'espère, citoyen, que vous me
vengerez, ainsi que ma brigade, des insultes graves que nous avons essuyées
sans aucun succès malheureusement. » (31). Ce rapport
est daté du 6 mars, donnant un avant-goût de ce qui va se passer dans les jours
à venir.
Martineau fut entendu et le directoire envoya de Fontenay
une troupe de soixante gardes nationaux, commandée par Charles Rouillé le
jeune, à Saint-Fulgent.
Au
début de la guerre de Vendée à Saint-André-Goule-d’Oie
Mais entre-temps un évènement d’une portée
considérable était annoncé : le tirage au sort des conscrits réquisitionnés par
la Convention pour faire la guerre aux frontières. Dans tout le bocage les
jeunes conscrits s’apprêtaient à refuser ce tirage au sort.
Alors, quand la troupe de Rouillé aborda le bourg
de Saint-Fulgent au petit matin du 13 mars 1793, les hommes de Saint-André, sous les
ordres de Christophe Cougnon, la mirent en déroute. B. Martineau et son
beau-père, Charles Simon Guyet, suivirent Rouillé pour se mettre en sécurité.
Le lendemain, Guyet fut rattrapé et tué dans une auberge de Saint-Vincent-Sterlanges (32).
On ne protégeait pas ainsi normalement, à Saint-André-Goule-d’Oie, un
acheteur de biens d’Église. Jean de Vaugiraud a-t-il fait cet achat de la
borderie dans le but d’en faire retour au prieuré plus tard ? Les
documents sont muets comme il se doit en pareille circonstance, mais la
question demeure, car nous savons que cette pratique a existé, en particulier
pour les biens nobles.
Cette borderie sera à nouveau confisquée et estimée en 1798 à
2 200 F (26).
Jean de Vaugiraud habitait un logis en face de l’église actuelle,
acheté par Léon de Tinguy après lui. Le logis devint presbytère à partir de
1898 (33). Il possédait aussi 4 boisselées et 19 gaulées de terre dans les Landes
du Pin, près de la Brossière de Saint-André (34).
Son frère aîné, Pierre Eusèbe, n’est pas mort célibataire
comme cela a été dit. Il a épousé le 25 novembre 1789 à la Gaubretière Marie
Germaine Geneviève Le Beault de la Touche (vue 120). Elle était née dans
cette paroisse le 29 novembre 1766 (vue 98), fille de Charles Le
Bault seigneur de la Touche et de Marie Anne Gentet de la Chesnelière. S’il y
eut postérité, on ne l'a pas retrouvée (35). On a même un acte de 1805
où Jean Aimé de Vaugiraud se trouve alors seul héritier de son père, reconnaissant
une rente de 300 F sur la Maigrière due à Pierre Fonteneau à qui son frère
Pierre Eusèbe avait vendu sa métairie du lieu (36).
L’épouse de Pierre Eusèbe de Vaugiraud a effectué la Virée de Galerne et est passée à Jersey à la fin de l’année 1793 en compagnie
de Marie-Anne-Élisabeth de Tinguy, demeurant à la Ferrière, veuve du
chef vendéen de Chouppes (37). Elle serait morte à Bath en Angleterre en 1800
(38).
Un détail révélateur : les paysans de Saint-André l’appelaient « le
marquis ». Certes, il était de famille noble, mais lui-même n’avait pas de
titre nobiliaire. C’est son frère aîné, Pierre Eusèbe, qui fut électeur
pour la noblesse du Poitou en vue de désigner les députés aux États Généraux de
1789 (39). On sait ce que révèle de vérité la pratique des surnoms dans les
sociétés fermées et repliées sur elle-même. L’homme devait inspirer le respect
autour de lui. Et pourtant il
exploitait lui-même sa borderie du bourg (39). Il est vrai qu’avoir un noble
pour collègue, le mot pouvait devenir une épithète au sens multiple, difficile
à interpréter deux siècles auprès faute de document pour nous aider à le faire.
Il est intéressant de relever
qu’il honora de sa présence, dans l’église de Saint-Fulgent le 17 mai 1791, la
bénédiction nuptiale de la fille aînée de Simon Charles Guyet avec Benjamin
Martineau. Il y croisa le jeune frère de la mariée, âgé alors de 17 ans,
Joseph, qui deviendra moins de dix ans plus tard châtelain de Linières. Il y
croisa aussi le coléreux frère aîné du marié, Ambroise Martineau. Vingt-un mois
plus tard, dans ses fonctions d’administrateur du département de la Vendée à
Fontenay, ce dernier n’eut de cesse de faire emprisonner Jean de Vaugiraud.
C’est lui qui avait envoyé la troupe de Rouillé pour le faire arrêter à Saint-André.
Et pourtant que reprocher à Jean
de Vaugiraud ? On ne lui connaît pas d’activité politique, il n’émigrera
pas, il n’avait pas de titre nobiliaire, il payait « ses cens et devoirs
seigneuriaux et féodaux » (40) car ses terres étaient roturières, il ne
possédait que sept métairies et une borderie, ce qui est peu à comparer aux biens du père de
la mariée, Charles Guyet. Mais il était né dans une famille noble, son
patronyme portait la particule, et si la mort ne l’a pas emporté pendant la
guerre de Vendée c’est bien que son heure est un mystère.
Le rôle peu connu de Jean Aimé de Vaugiraud dans la guerre de Vendée
Les témoignages recueillis sur les combats des
paysans de Saint-André-Goule-d’Oie passent sous silence le rôle de Jean de
Vaugiraud. Ils insistent sur celui de chefs de bande incarné par Christophe et
François Cougnon, devenant à partir d’avril 1793 les capitaines de paroisse successifs
de Saint-André-Goule-d’Oie. Ils indiquent aussi le choix des paysans d’aller
demander à Chavagnes-en-Paillers au vieux militaire en retraite, de Royrand, de
prendre la direction des combats (41). Sur les motivations et les actions de
Jean de Vaugiraud, nous ne disposons d’aucun écrit de sa part ou de ses
proches. Seul son cousin éloigné, Boutiller de Saint-André, écrivit quelques phrases sur
lui et sa mère.
Le général de l’armée du Centre, de Royrand,
constituant son état-major le 16 mars 1793, y fit entrer Jean Aimé de
Vaugiraud avec le grade de commandant. Ce dernier participa à la bataille du Gravereau,
près de Saint-Vincent-Sterlanges, le 19 mars 1793, contre les troupes de Marcé (42).
Il participa au commandement du camp de l’Oie dans les semaines suivantes, mis
en place par de Royrand.
Ainsi n’eut-t-il une fonction d’encadrement dans la
guerre de Vendée que par nomination. Les paysans auraient pu lui demander de
diriger les combats, comme ils l’ont fait avec d’autres anciens officiers. L’ont-ils
fait ? Si c’est le cas, nous connaissons sa réponse, donnée par Mme de Sapinaud
sans ses mémoires : « il n’avait
aucun commandement, il n’en voulait pas … » (43). Elle ne donne pas de
raisons à la position de Jean de Vaugiraud sur ce point, et nous n’en avons pas
trouvées par ailleurs.
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Paulin Guerin : D'Elbée |
En avril 1793 il accompagne Gabriel Baudry d’Asson (1752-1793),
originaire de Grézé aux Essarts, dans une mission qu’a décidée Royrand auprès
des chefs des différentes armées vendéennes. Il s’agit de s’entendre avec eux
sur les opérations militaires à venir auxquelles participera l’armée du Centre
(44). Le 19 juillet 1793, il accompagna, avec Sapinaud de
la Verrie, le général de Royrand à la réunion de Châtillon pour désigner le
nouveau général en chef des armées catholiques et royales. Ce fut d’Elbée qui
fut élu en remplacement de Cathelineau, mort peu de temps auparavant (45).
À partir du 18
octobre 1793, il suivit son chef dans la Virée de Galerne au nord de la Loire,
en traversant le fleuve à Saint-Florent-le-Vieil. Il fut témoin, et en rapporta le
témoignage devant notaire, de la mort du général de Royrand en décembre 1793
(46).
Indirectement on
apprend sa participation aux combats victorieux de Dol les 20, 21 et 22
novembre 1793, qui permirent aux Vendéens de se diriger ensuite vers Fougères
et la Flèche. Il attesta en effet dans un acte de notoriété, de la mort dans
ces combats de Charles Joseph de
Goué à cette période, entre Dol et Pontorson, affirmant l’avoir vu sur le champ
de bataille. Avec lui témoignèrent aussi François Mandin, cultivateur demeurant
au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, et Joseph Leroy, chargé d’affaire du domaine de Linières demeurant à
Chauché (47).
Au retour vers la Vendée, il réussit à passer la
Loire en compagnie d’Henri de La Rochejaquelein, Stofflet, Sapinaud et d’autres à Ancenis (48). Il
continua le combat avec d’autres officiers survivants de l’armée du Centre,
sous l’autorité de Sapinaud de la Rairie, se retrouvant au camp des Angenières
près de la Gaubretière (49). Des liens particuliers unissaient sa famille à
celle de ce dernier. Sa marraine était en effet Charlotte Aimée Sapinaud du Bois-Huguet (50).
Le 24 novembre 1793, sa mère, Marie Jacquette Boutillier, avait été
mise dans un convoi en direction d’Angers par le comité révolutionnaire de
Cholet, car « ci-devant noble, dont
les fils ont été chefs de brigands et qui ont communiqué avec elle ». Elle
fut guillotinée à la fin de décembre suivant (51).
En janvier 1794, le général républicain Amey, dans
un message à Turreau, confirme à sa manière cette activité. Il accuse les chefs
Sapinaud et Vaugiraud de « menacer
de brûler les maisons des Vendéens si ceux-ci ne se soulèvent pas » !
(52). Toujours le complot des nobles pour expliquer la révolte du peuple, dans
la bouche des révolutionnaires.
De son côté, Mme de Sapinaud raconte dans ses mémoires
qu’en janvier 1794 les « citoyens »
(nom qu’elles donnent aux révolutionnaires) vinrent aux Landes tuer « le curé, sa sœur, une quantité étonnante de
femmes, et cette pauvre petite femme fut égorgée dans son jardin avec quatre
enfants …. Son mari vint m’apprendre cette triste nouvelle en faisant des cris
épouvantables. Il me dit qu’il allait prendre les armes et suivre M. Sapinaud,
que tous les hommes de la Gaubretière et de toutes les paroisses voisines
avaient été le trouver et lui avaient dit qu’il fallait qu’il fût à leur tête,
qu’ils voulaient mourir ou venger la mort de leurs femmes et enfants. »
(53)
Auge du grand massacre à la Gaubretière (27 février 1794)
La belle-mère de Pierre Eusèbe de Vaugiraud, Mme Le
Bault de la Touche, est une des victimes du grand massacre perpétré à la
Gaubretière, le 28 février 1794 (54). Sur la photo reproduite ci-dessus, on peut
lire sur la pancarte « En souvenir
de madame Le Bault de la Touche : la tête tranchée par un bleu, son corps
fut jeté dans ce bassin appelé depuis : Auge du Grand Massacre ».
Jean de Vaugiraud participa aux combats autour de
Saint-Colombin au début de février 1794, où les soldats de l’armée du Centre
vinrent aider Charette (55).
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Alfred
de Chasteigner : Charette |
Dans la querelle entre Charette et Stofflet, il
prit parti, avec Sapinaud, pour le premier. C’est ainsi qu’on trouve sa
signature en bas des cinq articles que Charrette
adressa à Stofflet dans une lettre, où il lui refusait le titre de général et
ne le regardait que comme un aventurier, le 6 décembre 1794. Le texte avait été
adopté par le conseil des deux armées,
du Centre et de Charette, à Beaurepaire. Il consacrait la rupture des accords
intervenus en avril 1794 à la Boulaye entre les chefs des armées d’insurgés (56). D’ailleurs, Jean de Vaugiraud échappa
de justesse avec Sapinaud de la Rairie et Fleuriot à l’attaque du camp de Beaurepaire
en 1795 par Stofflet (57).
On n’a pas trace de sa soumission
aux lois après l’arrestation de Charette, mais elle paraît vraisemblable. En
1799, il était connu des autorités pour vivre à Saint-André-Goule-d’Oie, chez
lui. Ainsi le 1er août 1799, l’administration centrale du
département de la Vendée, décida d’une liste d’une trentaine d’otages, parmi
lesquels « Jean Aimé de Vaugiraud, demeurant à
Saint-André-Goule-d’Oie ». Il n’avait rien fait, mais la loi du 23 messidor an VII
(12-7-1799) frappait collectivement des individus qui appartenaient à une
population désignée comme suspecte : parents d’émigrés, leurs alliés et
ci-devant nobles etc. On appliqua la loi suite à des troubles à la Bruffière,
où 52 brigands armés s’étaient emparé du corps de garde, avaient égorgé 5
hommes et avaient pris 13 fusils. Les otages désignés furent tenus pour
responsables « personnellement et civilement des assassinats commis en
haine de la République dans le canton de la Bruffière et sur les autres points
limitrophes du département ». Ils devaient se rendre à Fontenay dans les
10 jours et « s’y établir à leurs frais dans le local de Notre-Dame ».
(58). Jean de Vaugiraud dut se cacher une nouvelle fois.
Après
la guerre
Après la guerre, Jean Aimé de Vaugiraud retourna
vivre au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie. Il arrenta en 1798 sa métairie du
Pinier (Vendrennes), héritage provenant des Moreau, bénéficiant ainsi d’une rente
viagère annuelle de 400 F (59). L’acte comportait un oubli de taille : M.
de Vaugiraud avait omis de charger l’acquéreur du paiement d’une rente foncière
de 136 décalitres de blé seigle, dont la métairie était tenue envers l’abbaye
de la Grainetière. En 1804 l’administration de l’enregistrement et des domaines,
propriétaire de la rente après la nationalisation de l’abbaye, en réclama le
paiement. Au final M. de Vaugiraud du accepter de payer par une transaction en
1808, qui amputait sa rente viagère d’environ la moitié (60).
Enfin on remarque plusieurs fois sa présence sur le registre
d’état-civil de Saint-André-Goule-d’Oie comme témoin à des naissances, décès et
mariages au début des années 1800. En 1802, il accepte de représenter le
fermier sortant lors de la visite d’état des lieux de la métairie de la
Morelière, appartenant à Joseph Guyet (61). Son nom est nommé en premier par
les notaires dans la liste des propriétaires qui rachetèrent en commun et en
indivision, en 1801 et 1802, l’église et le presbytère de Saint-André-Goule-d’Oie, à l’acquéreur de biens nationaux qui les possédait.
En 1802 il acheta pour 800 F 10 ha de bois taillis appelé « Vrignaux », situé entre le bois du Vrignais (dépendant de Linières) et la
Boutarlière. Le vendeur était Jean Jacques Montaudouin, qui l’avait
acquis 10 mois auparavant de la veuve Vexiau, ce dernier acheteur de biens
nationaux sur Chauché (62),
et ancien agent municipal (maire)
de Saligny. Avant la Révolution le Bois taillis du Vrignais appartenait au
seigneur de la Rabatelière, possesseur aussi du Bois de Languiller et du Bois
Thibaud (ce dernier situé à l’endroit des éoliennes actuelles) (63).
Jean de Vaugiraud est resté célibataire jusqu’à sa mort à Paris le 7
septembre 1814. Dans sa déclaration de succession au bureau de Montaigu, le 3
décembre suivant (64), par maître Bouron, notaire à Chavagnes, on relève que
ses cohéritiers sont au nombre de 10, tous cousins au 4e, 5e et 6e
degré, dont 2 du côté paternel et 8 du côté maternel. Ses biens meubles se montaient à
10 897 F et ses biens immeubles à 34 600 F. Ces derniers
comprenaient :
1° Son logis du bourg avec quelques pièces de terre autour, qu’il
exploitait lui-même, y compris un petit bois taillis près de la
Boutarlière (voir ci-dessus). Le revenu annuel a été estimé à
360 F pour une surface de 24 ha.
2° La petite borderie de Blonet à
Bazoges-en-Paillers (12 ha et 50 F de revenu
annuel).
3° Les trois métairies affermées à
moitié de partage de fruits au Coudray
(19 ha
et 370 F de revenu annuel) et à la Jaumarière de Saint-André-Goule-d’Oie
(25 ha
et 350 F de revenu annuel), et à Villeneuve de la Boissière-de-Montaigu
(77 ha
et 600 F de revenu annuel) (64). On
remarque des valeurs de revenus anormalement faibles à Blonet et à Villeneuve,
pouvant résulter de plusieurs causes non connues ici (mauvaises récoltes,
séquelles de la guerre civile, sous-évaluation volontaire). Sur les biens
meubles, l’impôt sur les successions était à cette époque de 1,25 % de leur valeur,
auquel s’ajoutait 60 F de frais de notaires (total : 1,8 %).
Sur les biens immeubles, l’impôt était de 1 % du capital
calculé forfaitairement en multipliant par 20 le revenu annuel.
Il faut ajouter 3 autres métairies qui figurent au partage des biens immeubles le 5 décembre, ainsi que dans la déclaration de succession au bureau des Herbiers le 9 décembre (vue 38) :
4° la métairie de la Brunellière (Verrie), exploitée par Mathurin Pornier (50 ha et 1047 F de revenu annuel)
5° la métairie de la Roullière (Saint-Martin-des-Ormeaux), exploitée par Pierre Poirier (48 ha et 1035 F de revenu annuel)
6° la métairie de la Fumelière (Saint-Martin-Lars), exploitée par Jean Micheneau (59 ha et 922 F de revenu annuel)
Sur les biens immeubles, l’impôt était de 0,5 % du capital aux Herbiers, soit moitié moins qu’à Montaigu à la même date. Il est bien difficile d’expliquer cette différence à cette époque.
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Comte de Vaugiraud 1741-1819 |
Les héritiers de Jean de Vaugiraud partagèrent les biens immeubles de
la succession en deux lots définis par un expert des Herbiers. Puis ils
convinrent que le premier lot échoirait à la ligne paternelle (
le comte de Vaugiraud des Sables-d’Olonne, et sa sœur Marie
Anne de Vaugiraud de Nantes), comprenant beaucoup de rentes payées sur les métairies. Il comprenait le logis et métairie du bourg, plus les métairies du
Coudray, la Jaumarière, le Blonet et Villeneuve. Le 2
e lot, avec les
métairies de la Fumelière, Brunellière et Roullière, échoirait aux 7 héritiers
de la branche maternelle. Ensuite il y eut des ventes entre eux (65).
La métairie du Coudrais, ainsi que la borderie
de Blonet et le logis du bourg de Saint-André devinrent la propriété du cousin
et vice- amiral, le comte Pierre René Marie de Vaugiraud, demeurant aux Sables-d’Olonne. Il mourut lui-même à
Paris le 13 mars 1819, selon sa déclaration de succession au bureau de Montaigu
(66).
Le logis du bourg et des terres autour passèrent à sa fille, Marie
Renée Marguerite de Vaugiraud, épouse du baron Louis de Feriet (67). Avec sa sœur, Pierre René Marie
comte de Vaugiraud vendit le 21 novembre 1814 une petite maison au Coudray pour
400 F à Melle Buttier, célibataire et François Chatry, domestique (68
). Le 9 décembre suivant, les mêmes vendirent la métairie de la
Jaumarière à Chaigneau et
consorts moyennant le prix de 7 000 F (69). Les acquéreurs se sont
associés à 5 pour acheter cette métairie de 25 ha. Deux habitent dans le
village même de la Jaumarière : Jean Moreau et Jacques Piveteau (fils de
Jeanne Piveteau), ayant chacun 2/10 de parts. Les trois autres habitent à la
Boninière voisine. D’abord Jean Chaigneau, qui a 3/10, vivant en communauté
avec Jeanne Chaigneau, veuve Guibaud. Ensuite André Chaigneau, qui a 2/10.
Enfin André Rochereau, qui a 1/10.
L’homme dans son Logis
L’inventaire après décès réalisé en 1814 au logis du bourg nous permet d’esquisser le personnage Jean de Vaugiraud dans son milieu (70). Il fut officier dans l’état-major du général Royrand de l’armée du Centre de la Vendée au début du soulèvement vendéen. Ancien officier de marine, il n’a pas pu échapper à la fonction, nommé par Royrand, en faisant aussi un temps commandant du camp de l’Oie. Dans ce rôle on lit deux lettres brèves de lui, révélant une faible maîtrise de l’orthographe. Et à la fin de sa vie il ne laisse que 4 vieux livres à ses héritiers : La Maison rustique en 3 volumes et le Livre de l’Écuyer. Même si l’incendie de son logis en 1794 en a peut-être fait disparaître quelques-uns, il parait que nous n’avons pas affaire à un intellectuel, ni même à un homme instruit par les livres. Il n’a pas pu échapper non plus à la fonction de commandant de la garde nationale de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie en 1790. Mais si les habitants de la commune l’ont protégé d’une arrestation en mars 1792, ils ne l’ont pas mis à leur tête ensuite. C’est un fils du métayer de la Guérinière qui tint le rôle et prit les initiatives.
Célibataire toute sa vie, Jean de
Vaugiraud est mort à Paris à l’âge de 61 ans, lors d’un voyage. Mais sur cet
aspect de sa vie privée, nous ne disposons d’aucune information. En revanche
nous savons qu’il s’est investi dans sa borderie du bourg, allant jusqu’à
l’exploiter lui-même, aidé au moins d’un valet, et avec à son service une
cuisinière femme de chambre. Pour quelqu’un qui laissait à ses héritiers 7
métairies totalisant 314 hectares et rapportant annuellement environ 4 500
F par an en 1814, le travail n’était pas une nécessité financière. C’était un
choix de vie, au contact des paysages, des sols et des aléas de la nature, végétale,
animale, climatique (il avait un baromètre), avec les connaissances,
observations, savoir-faires nécessaires, et les décisions de ventes et d’achats
dans la durée, etc. Pour saisir toutes les dimensions de ce métier si
particulier, exercé dans le silence des champs par des
hommes au corps d’athlètes, il faut se défaire bien sûr de l’idée simpliste et traditionnelle
du paysan arriéré. L’époque, avec
la mode de vivre près de la nature, était peut- être pour quelques
chose dans ce comportement. Voltaire n’avait-il pas écrit en 1764
avec quelque affectation de Genève : « J’écris
rarement, parce que je suis agriculteur. Vous ne vous doutez pas de
ce métier-là » (71). Sans aller jusqu’à tenir la charrue, on a vu au 18e
siècle Abraham de Tinguy vivre à Saint-André comme un gentilhomme fermier. Jean
de Vaugiraud n’est donc pas un cas à part dans la société de son temps. Il
était bien moins riche que le fermier général et négociant Charles Guyet de
Saint-Fulgent, devenu révolutionnaire. Son fils, républicain aussi et
propriétaire de Linières, possédait 1342 hectares dans le bocage et le marais,
lui rapportant 31 000 F par an en 1830. La fortune de Jean de Vaugiraud le
mettait au niveau des bourgeois fortunés et un peu au-dessus des riches
agriculteurs-marchands comme Loizeau du Coudray ou Fluzeau de la
Brossière.
Le bétail dans son étable servait
au trait (2 bœufs de charrue et une jument), à la reproduction et à la
consommation domestique (4 vaches de divers poils dont une jeune, une génisse,
2 taureaux, 2 petits taureaux). Il se déplaçait à cheval. 20 ans plus tard dans
son logis, on y verra un cabriolet, signe simplement d’une nouvelle génération
d’occupants. L’équipement de l’agriculteur comportait, en dehors des petits
outils habituels, 2 charrettes avec ses règles
et râteaux, un tombereau sur roues, une charrue, un moulin à vanner. Et
on le soupçonne d’aimer la menuiserie, car il avait 2 établis de menuisier avec
des outils, et dans la cour il a accumulé 220
planches, 72 limandes (planches peu épaisses), 10 madriers et 1 chevron,
plus 5 paquets de genevelles et une meule à
aiguiser.
Il affermait ses deux métairies
du Coudray et de la Jaumarière à partage de fruits à moitié. Dans l’inventaire
de ses blés au mois de novembre 1814, sont rassemblées les récoltes de l’année
provenant de ces deux métairies, ajoutées à son exploitation du Bourg :16 boisseaux de baillarge
(orge de printemps), 72 boisseaux de seigle, 170 boisseaux de froment nouveau.
Il reste 47 boisseaux de froment de l’année précédente, choisissant le bon
moment pour le vendre à l’un des négociants en grains de la région. Et suivant
l’usage, il y avait aussi 60 boisseaux de blé restés pour la nourriture
des gens de la maison et pour faire des semences. L’avoine est laissée pour la
consommation des chevaux et les pois (dont on ne connais pas l’espèce) le sont
pour la consommation de la maison. Ainsi en ce début du 19e siècle
le seigle avait perdu sa prépondérance d’antan, constatée en 1760 à la
Télachère par exemple (Chavagnes). Le froment avait pris sa place.
Notre agriculteur n’était pas
comme les autres néanmoins, et on le voit en même temps du milieu de la
noblesse. En témoigne le contenu de sa cave : une
barrique de vin de Médoc rouge et une autre de Grave blanc. Quelle
distinction ! Même si c’est beaucoup pour un seul homme, d’autant que
l’hypothèse d’un long vieillissement de ces vins d’excellence est à exclure
pour l’époque. D’ailleurs, la barrique du vin de pays est « totalement
gâtée ». Et s’ajoutaient 50 bouteilles de vin blanc et 10 bouteilles d’eau
de vie. Les fameux vins bien connus en Vendée autrefois (Noah, Othello,
Oberlin, Baco, 54.55, etc), issus de plants hybrides, ont été plantés après la
crise du phylloxéra à la fin du 19e siècle. Les cépages cultivés au
temps de Jean de Vaugiraud sont peu connus : la Folle-Blanche, le Chenin,
le muscadet, le Gros-Plant, etc. pour les vins blancs ; le Pinot Noir, le
Dégoutant, le Balzac, etc. pour les vins rouges (72). Les vins de Bordeaux
étaient connus au château de la Rabatelière et à l’auberge du Chêne Vert de
Saint-Fulgent au 18e siècle. Encore fallait-il pouvoir se les payer
et en apprécier la saveur. Quant à la quantité, on y voit un trait répandu dans
la population, celle-ci portée à mettre de côté, à épargner, à accumuler. On le
voit aussi sur la quantité de bois dans la cour située à l’arrière du
logis : 2 milliers de bois fagots (environ 1 000
kgs) et 4 cordes de bois (12 m3). On retrouvera ce type
d’accumulations plus loin dans sa maison pour d’autres objets.
Le logis du bourg où il demeurait
remonte à environ 1,5 siècle, un héritage de la famille Moreau. Le
rez-de-chaussée comprenait 5 pièces : salon, salle à manger, vestibule,
office et cuisine. Là encore on n’est pas chez les fortunes de la noblesse et
de la bourgeoisie, mais plutôt chez celle des bourgeois aisés. Le mobilier a dû
être renouvelé après l’incendie du logis pendant la guerre de Vendée, et il ne
paraît pas en manquer au jour de son décès, 20 ans après. Il y avait dans
plusieurs pièces des fontaines avec bassin de cuivre rouge ou de faïence pour
se laver. En revanche la seule baignoire de l’inventaire est en en fer blanc,
stockée dans le grenier au-dessus de l’écurie. Il manque une maîtresse de maison
dans ce logis, à voir un établi de menuisier dans le vestibule, à côté des
outils rangés dans un placard, des réchauds et des pots de grès sous
l’escalier. Dans la buanderie on trouve aussi un autre établi de menuisier.
Il
possédait au jour de sa mort 2 pistolets dans une commode de la salle à
manger, et 4 fusils dans la cuisine : un fusil à deux coups, un fusil no 2, un fusil no 3, et un fusil no 4. Il
gardait dans un tiroir d’un meuble de sa chambre à coucher un « petit
baril de poudre à tirer ». Même
s’il n’y avait pas de chenil et de chiens dans l’inventaire, Jean de Vaugiraud
a probablement été chasseur. Il avait un filet pour attraper les oiseaux
carnassiers (rapaces). Mais l’arsenal inventorié est visiblement celui de
l’ancien officier des armées vendéennes qui s’est engagé dès mars 1793, a fait
la virée de galerne à la fin de cette année, et a continué à batailler en 1794
et 1795 dans les restes de l’armée du Centre. Ces stocks d’armes constituaient
une crainte pour les autorités, et le préfet de la Vendée publia le 10 octobre
1816 une instruction aux maires pour en faire un inventaire dans les communes.
La chambre à coucher de Jean de
Vaugiraud, à l’étage du logis, était
chauffée par une cheminée, comme le révèle la présence des ustensiles
nécessaires : une paire de chenets, une pince et un soufflet. Elle
était meublée de deux lits, dont l’un pliant, un petit
secrétaire, un grand meuble à 4 tiroirs, une armoire à 2 battants, une table,
un fauteuil et 5 chaises. Son lit était garni
d’une paillasse, d’un matelas, d’une couette, d’un traversin, et de 2
couvertures en laine. Dans les tiroirs du meuble on trouva au jour de
l’inventaire une seringue, deux bassins à barbe (l’un en fer blanc et l’autre
en faïence), et 118 diverses pièces de monnaie totalisant l’importante somme de
665 F. Dans l’armoire on trouva du linge pour confectionner des habits (étoffe
grise, coton), divers objets (miroir, valise, seringue à cheval, cage peinte en
vert), 10 livres de café, 2 pains de sucre de 5 kgs chacun. Plus intéressant
est la composition de son habillement : 2 vestes, un habit tête de nègre
(marron foncé) avec une culotte noire, 2 pantalons d’Écosse, 2 pantalons
ordinaires, une écharpe blanche. Ce n’est pas gai, mais c’est chic, et il avait
aussi 5 gilets de diverses couleurs, 6 jabotières et 12 mouchoirs de cols de
diverses couleurs. Pour se chausser il avait 2 paires de bottes usées et 4
paires de guêtres, utiles dans les chemins du bocage. On ne compte pas ici bien
sûr ses habits emportés dans son voyage à Paris, mais l’ensemble révèle de la
retenue dans ses achats d’habits, comme certains célibataires savent le faire, sauf
pour les chemises : 44 au total ! On suppose qu’un certain nombre
étaient des chemises de nuit. Et puis l’inventaire n’est sans doute pas
exhaustif, car on ne voit pas de bas de chausse ou de chaussettes à la façon
d’aujourd’hui. L’histoire s’intéresse à tout, son linge de corps comprend 10
caleçons, 4 gilets « à mettre sur la peau », et 15 bonnets de coton.
Dans
le mobilier de la cuisine il y avait un grand meuble, (partie armoire, partie
alcôve), plus ailleurs dans la salle un autre lit équipé. La partie armoire du
grand meuble comprenait des effets (habits) de domestique. La partie alcôve
contenait un lit de plumes avec son traversin et 2 couvertures de laine blanche
(estimé 45 F). L’autre lit était composé de son châlit en bois, paillasse,
couette et traversin de plumes et 2 couvertures vertes (estimé 50 F). L’équipement
de ces lits ne montre pas de différence pour une domestique. On ne s’attardera
pas sur le reste de la cuisine avec sa table et ses 2 bancs au milieu, et la
cheminée équipée de 2 crémaillères, un tournebroche et 3 lèchefrites pour
recevoir la graisse de cuisson. Il n’y avait pas de cuisinière à cuire, mais la
pièce était bien équipée en ustensiles de cuisines, et on note ses 10 flambeaux
en cuivre pour l’éclairage. À côté de la cuisine se trouvait au rez-de-chaussée
l’office, transformé en laiterie par les futurs acquéreurs du logis. Il
apparaît comme une pièce de travail et de rangements pour les servantes. Outre
un meuble garde-manger, s’y trouvaient un rouet à filet, un coffre (contenant
de la laine), 2 moules de chandelle, un peigne à lin et plusieurs ustensiles
servant à la cuisine.
Ce
n’est pas tout, et là on remarque l’importance du logis à cause d’autres pièces
à l’extérieur autour de sa cour. D’abord une buanderie avec sa poêle à lessive,
4 chaudrons en cuivre et en fer, et 2 trépieds. Elle servait aussi au
rangement : 17 barriques, une « cage à volaille » et une à
furets, et 500 bouteilles vides. Ensuite une boulangerie équipée d’une maie à
pétrir, d’une table, d’une pelle à mil, d’une ponne (cuve) à lessive. À côté
une chambre à pétrir était équipée d’un grand et un petit pétrin, un
« moulin à passer la farine », un chaudron de fer, mais aussi un lit
garni, un coffre et 67 livres de laine.
D’autres
pièces révèlent l’aisance du propriétaire. Le salon au rez de chaussée n’était
pas très bien meublé mais l’argenterie a été pesée au poids de l’argent et
évaluée à 804 F (équivalent aux revenus annuels de 2 métairies d’une vingtaine
d’hectares). De peu de valeurs, mais en grande quantité, on a compté 11,5
douzaines d’assiettes, en porcelaine anglaise de forme octogone, en porcelaine
française, en faïence, 35 plats en porcelaine de diverses grandeurs et formes,
3 huiliers en cristal, etc. Peut-être faut-il voir dans cette accumulation le
produit d’héritages. Objets d’une vie, c’était un patrimoine à léguer.
La
salle à manger était meublée d’une commode à 5 tiroirs, d’un buffet bas en
cerisier à 4 portes et 3 tiroirs, d’un cabinet en cerisier à une porte, d’une
table en cerisier avec 2 allonges, 18 chaises et un fauteuil. La présence d’un
instrument de musique mécanique intrigue : une serinette à 2 cylindres,
peut-être pour apprendre des mélodies courtes à des oiseaux siffleurs. La présence
de deux bouteilles à tabac suggère l’usage de cette drogue. Peut-être en
cultivait-il quelques plants lui-même, cachés dans les champs parmi d’autres
cultures, car c’était interdit à cause du monopole d’État. C’eut été tout à
fait dans la mentalité vendéenne. Les 6 bissacs, outre là encore leur nombre
élevé, conduisent à penser à un probable usage domestique à la mi-journée
durant les travaux des champs. Ils étaient la « saquette » ou le sac
à dos du temps jadis. On pense aussi aux longues randonnées dans la campagne de
cet homme attaché à sa terre.
À l’étage il y avait alors 2
chambres à coucher en plus de celle du maître des lieux, chacune avec ses ustensiles
de cheminées, c’est à dire avec une cheminé. Celle dite « du milieu »
était meublée de deux lits garnis, une table avec son tapis et 6 chaises.
L’inventaire fait état de 2 miroirs, mais pas plus ici que dans les autres
pièces on ne relève des images, desseins ou tableaux aux murs. S’ils avaient eu
la moindre valeur ils auraient fait partie de la liste. Une cinquante d’années
auparavant au logis du Coudray, Mme de Puyrousset avait quelques images sur les
murs de sa chambre. Notre homme devait avoir un côté austère, en tout cas peu
porté à la décoration.
La chambre au-dessus du salon
était elle aussi équipée de 2 lits garnis et
d’une table avec son tapis. Elle comprenait 18 chaises et une armoire en bois
de noyer. Dans celle-ci on rangeait le linge de maison, abondant : 15,5
douzaines de serviettes à raies rouges, 26 serviettes à raies noires, 19 nappes
à raies rouges, 28,5 paires de draps de différentes qualités, 5 paires de gros
draps appelés berne, 19 vieux draps, 5 souilles (taies) d’oreiller de grosse toile,
11 essuie-mains. Là aussi on avait du tissu pour faire des vêtements : 4
livres de fil, 111 aunes de toile de diverses qualités, et une pièce de toile à
35 aunes. La correspondance de l’aune dans la contrée ne nous est pas connue,
mais généralement elle était d'une la longueur d'1,20 m. Pour
comprendre cette abondance de linge, il faut se rappeler les techniques de
lessive de l’époque. Dans les bonnes maisons, les draps et nappes sales
bénéficiaient après usage d’une pré-lessive ou détrempage. Séchées, elles
attendaient ensuite la lessive annuelle de Pâques (la bujaille). On utilisait pour
cela de la cendre, à laquelle on ajoutait des feuilles de lierre ou de saponaire
pour obtenir un produit moussant. Celui-ci était enfermé dans de petits sacs de
toiles spéciaux disposés sous le linge au fond de la cuve. On versait l’eau
ensuite, récupérée puis reversée plusieurs fois de suite dans la même cuve avec
un pouvoir détergent de plus en plus fort à chaque fois.
En
définitive qu’y avait-il des marques de noblesse en Jean de Vaugiraud, vu de
son époque ? Rappelons qu’il était le troisième des garçons de sa famille,
mais il n’empêche qu’il était de famille noble. Dans l’église de Saint-André il
n’avait aucun titre de préséance. Son premier devoir était de servir le roi, ce
qu’il a fait en s’engageant dans la marine royale d’abord, puis dans la guerre
de Vendée. Mais retiré de la carrière dans la marine et revenu jeune chez lui,
il n’a pas émigré comme la plupart des nobles en âge de combattre, en 1791 (il
avait 39 ans) ou 1792, comme le châtelain de Linières, par exemple. Vivre
noblement était une condition de son état, c’est-à-dire, sauf exceptions, ne
pas exercer un métier, de paysan surtout. Mais s’il était agriculteur en 1814,
on ne sait pas s’il l’était avant la Révolution après s’être installé dans le
bourg de Saint-André. En tout cas, cela n’a pas compté pour lui après la guerre
civile. Du côté des privilèges, il faut fermer les livres de propagande de l’époque
et lire les documents d’origine du chartrier de la Rabatelière. Son logis du
bourg relevait du seigneur de la Boutarlière qui était un bourgeois. De même
pour sa métairie du Coudray relevant d’un marchand-laboureur, le sieur Loizeau.
Sa métairie de la Jaumarière relevait de son frère aîné, Euzèbe de Vaugiraud,
possesseur du droit de fief avant 1789. Il s’en suit qu’il devait payer plus de
redevances féodales qu’il pouvait en recevoir. Leur suppression a dû
l’avantager. Mais leur force symbolique était chargée d’une conception
inégalitaire passée de mode pour beaucoup. De plus, la justice seigneuriale qui
les gérait entretenait une subordination compliquée envers les propriétaires,
bourgeois ou noble local, ou leurs représentants. Le poids financier des
redevances ne faisait pas la richesse, celle-ci provenait des métairies
possédées. Il y a longtemps que dans la contrée le droit de ban pour le moulin
et le pressoir n’existait pas. Comment s’étonner après cela que Jean de
Vaugiraud fut protégé par la population, mettant en fuite les gendarmes de
Saint-Fulgent venus l’arrêter en mars 1793 sur l’ordre du département, au motif
qu’il était noble, donc suspect ?
(1) Il affermait auprès du propriétaire
l’intégralité des droits du fief, qu’il gérait en sous-affermant les
exploitations agricoles. Le propriétaire, le plus souvent absent pour faire la
guerre, sous-traitait ainsi la gestion de son fief.
(2)
Jean Laniau, Les Herbiers, ses
châtellenies …, annuaire de la société d'émulation de la Vendée, 1941-1949, page 57 et s.
(3) Charles Colbert de Croissy (marquis), Jacques
Honoré Barentin, État du Poitou sous
Louis XIV : Rapport au roi et mémoire sur le clergé, la ..., page 404.
(4)
A. de Guerry, Revue du Bas-Poitou 1961-2, note
de la page 111.
(5) Jean François de Vaugiraud, seigneur de Logerie,
s’était marié le 22-2-1689, avec Gabrielle de Villeneuve, dame du Tablier, de
la paroisse de Rosnay (rapport au Conseil général, 1893, 2e session,
vue 313).
(6) Archives de Vendée, registre paroissial de Bazoges-en-Paillers, mariage de P. de Vaugiraud et Marie Desnos le 21-1-1697 (vue 19).
(7) Archives de Vendée, registre paroissial de
Chauché, mariage de P. R. G. de Vaugiraud et Madeleine Françoise Chitton le
18-2-1732 (vue 12).
(8) Archives de Vendée, rapport au Conseil Général, 2e session, 1893, 2e
session, vue 338.
(9) Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, mémoire
sur la succession Prosper Moreau pour de Vaugiraud de Rosnais après 1745.
L’année 1712 manque au registre paroissial de Bazoges-en-Paillers.
(10)
G. Bady, Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest (1860), page 325 et
s.
(11)
Archives de Vendée, étude du notaire de Saint-Fulgent, Frappier 3 E
30/10, amortissement d’une rente sur la
Porcelière par Eusèbe de Vaugiraud.
(12) Inventaire et partage du
1-4-1703 de la succession de Jeanne Jeullin, veuve Merland, Archives de Vendée,
famille Babin et Cicoteau : 25 J/4, page 19.
(13)
Ferme du 11-12-1750 de la borderie de la Porcelière, Archives de Vendée,
notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/113.
(14)
Ferme du 30-7-1766 de la métairie de la Fontaine (Landes-Genusson), Archives de
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/4.
(15) Archives historiques du
diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 20, famille Guyet, ferme
du 1-4-1753 de la borderie du Coudray de M. de Vaugiraud à Louis Guyet.
(16)
Visite du 24-2-1750 de la métairie du Pinier (Vendrennes), Archives de Vendée,
notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/113.
(17) Dépôt du 3-3-1786 d’un
billet consenti par Mme de Vaugiraud, par le sieur Camus au profit duquel il est
consenti, Archives de Vendée, notaires des Herbiers, étude (C), Graffard fils :
3 E 020 accessible par internet vue 57/293.
(18) Arrentement du 27-7-1765 du Gros moulin
de la Bourolière par Tinguy, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Thoumazeau : 3 E 30/118.
(19)
Reconnaissance du 29-7-1767 d’une rente de 3 £ dans le bourg de St André,
Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/119.
(20) Arrentement
du 7-5-1776 d’une maison dans le bourg de St André par de Vaugiraud, Archives
de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(21)
Archives de Vendée, étude du notaire de Saint-Fulgent, Frappier 3 E 30/8, achat de
P. Fonteneau à P. E. de Vaugiraud du 16-9-1775.
(22) Vente
du 17-12-1776 d’un pré à la Boninière par de Vaugiraud, Archives de Vendée,
notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(23)
Vente du 7-10-1777 d’une rente sur le Petit moulin de la Bourolière de Pierre
Eusèbe de Vaugiraud à Jean Badreau, Archives de Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/8.
(24) Archives historiques du
diocèse de Luçon, bibliothèque, P. Molé, François
Cougnon un capitaine de paroisse dans la guerre de Vendée (mémoire de
maîtrise, Paris IV Sorbonne), 1990, page 66 et s.
(25) Louis Brochet,
Le canton de Chantonnay à travers l’histoire,
Livre d’histoire-Lorisse, 2007, page 59.
(26)
Archives de la Vendée, Fichier historique
du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d’Oie : 1 Num 47.
(27) Charles-Louis
Chassin, Études documentaires sur la
Révolution française / Préparation de la guerre de Vendée, 1789-1793, Tome
3, pages 225, 227 et 282.
(28) Archives
de Loire Atlantique, Police des suspects de 1792 incarcérés au château de
Nantes, interrogatoire et pièces du sieur Augustin de Vaugiraud du
4-12-1792 : L 241-2. Merci à J. P. Guibert qui m’a orienté vers ces
documents d’archives.
(29)
Archives de Loire Atlantique, Séances publiques du conseil général du
département de Loire Inférieure : 2 MI 509 (L 39).
(30)
Maurice Maupilier, Saint-Fulgent sur la
route royale, Hérault (1989), page 145.
(31)
Papiers de Mercier du Rocher, reg. I, n° 63. Voir aussi : Archives historiques du diocèse de Luçon,
bibliothèque, P. Molé, François Cougnon
un capitaine de paroisse dans la guerre de Vendée (mémoire de maîtrise, Paris
IV Sorbonne), 1990, page 82.
(32) Acte de
notoriété établissant le décès de Charles Simon Guyet et les circonstances de
sa mort, minute notariale du 7 messidor an 3 (25 juin 1795) de Me Pillenière,
notaire de Luçon, Archives de la Vendée 3 E 48/111-étude I, en ligne vues
311-312/416.
(33)
F. Charpentier, Saint-André-Goule-d’Oie - Chez nous en 1793 (1906),
page 214.
(34) Archives de la Vendée, don
de l’abbé Boisson : 84 J 14, gaulaiement du 3-2-1808 du tènement des
Landes du Pin.
(35) information donnée par J. P.
Guibert le 22-02-2016, ainsi que les suivantes.
(36) Reconnaissance du 11-5-1805
d’une rente de 300 F par J. A. de Vaugiraud à Fonteneau, Archives de Vendée, notaires de Chavagnes-en-Paillers,
Bouron : 3 E 31/22.
(37) Archives de la Vendée, notaires de la
Chaize-Le-Vicomte, étude C Jean Baptiste Peschard, actes de notoriété du 5 et
du 15 germinal an V, sur le commandant de Chouppes et sa femme, vue 241 et s. ;
et vue 248 et s.
(38) Édition critique de Pierre Rézeau, Mémoires de Mme de Sapinaud, Édition
CVRH, 2014, page 178.
(39) Note no 11 sur le bourg de Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 3.
(40)
Formule utilisée par le notaire de Saint-Fulgent à l’époque, Frappier de la
Rigournière.
(41) Alexis des Nouhes a recueilli ces
témoignages dans les années 1840 auprès des survivants.
(42) Félix Deniau, Histoire de la Vendée, Tome 1,
page 132.
(43) Mémoires de Mme de Sapinaud, Édition
critique établie par Pierre
Rezeau, Édition du C.V.R.H 2014, page 147.
(44) Pierre Gréau, Août 1792, Les préludes aux
guerres de Vendée, Éditions La Chouette de Vendée, 2021, page 153.
(45) Félix Deniau, Histoire de la Vendée, Tome 2,
page 210, faisant référence aux papiers
de Goupilleau, cités aussi par L. de la Boutetière.
(46) A. de Guerry, MM. De Royrand, Revue du Bas-Poitou
(1961-2), page 120. Et acte de notoriété du 12 pluviôse an 11, 1-2-1803,
Arch. dép. Vendée, notaire de Chavagnes-en-Paillers, répertoire Bouron, 8 U 45,
vue 19/107.
(47) Archives de Vendée, notaires
de Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E 18/18, acte de notoriété du 19
fructidor an 5 constatant la mort de Charles Joseph de Goué en novembre/décembre
1793 lors de la Virée de Galerne.
(48)
Mme de Sapinaud, Mémoires sur la Vendée,
Beaudouin frères (1823), Bibliothèque électronique des Archives de Vendée 4 Num
280/53, (vue 3). Et G. Gautherot, L’épopée vendéenne (1789-1796), Mame et
fils, 1930, page 268.
(49) Félix Deniau, Histoire de la Vendée, Tome 4,
page 216.
(50)
Archives de Vendée, registre paroissial de Mortagne-sur-Sèvre, acte de baptême de
Jean Aimé de Vaugiraud du 4-1-1753 (vue 298). Le Bois Huguet était un fief de
St Hilaire de Mortagne.
(51) Mémoires de Mme de Sapinaud, Édition critique
établie par Pierre Rezeau,
Édition du C.V.R.H 2014, page 82.
(52) Jean
Savary, Guerre de Vendée, Tome 3, page 71, Bibliothèque
électronique des Archives de Vendée (vue 73).
(53) Mémoires de Mme de Sapinaud, Édition critique établie par Pierre Rezeau, Édition du C.V.R.H 2014,
page 95.
(54) Alain Gérard, Vendée, les archives de l’extermination, Éditions du CVRH, 2013, page
343.
(55) Mémoires de
Bodereau, éd. Gustave Bord (1879), page 39, Bibliothèque
électronique des Archives de Vendée (vue 39)
et G. Lenôtre, Monsieur de Charette,
Hachette (1924), pages 120 et s.
(56) Félix Deniau, Histoire de la Vendée, Tome 4, page 566
et s.
(57) Mémoires
de Mme de Sapinaud, Édition critique établie par Pierre Rezeau, Edition du C.V.R.H 2014, page 224.
(58)
Archives de Vendée, délibérations de l’administration centrale du département
de la Vendée du 14 thermidor an VII (1-8-1799) : L 78, vue 117.
(59) Archives de Vendée, notaires
de Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E 18/18, arrentement du 21 prairial
an 6 de la métairie du Pinier de Vaugiraud à Savarit.
(60) Archives de Vendée, notaires
des Herbiers, P. H. Charrier : 3 E 020, acte reconnaissance de rente du 3
août 1808 par de Vaugiraud (vue 365/557).
(61)
Archives de Vendée, étude de notaire de Saint-Fulgent, papiers Guyet :
3 E 30/138.
(62) Vente
du 4-10-1802, du taillis des Vrignaux par Montaudouin à Vaugiraud, Archives de
la Vendée, notaires de Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E 31/20.
(63) Archives de la Vendée,
domaines nationaux : 1 Q 342, no 117, partage Montaudouin et République du
3 pluviôse an 5 (22-1-1797).
(64) Archives de Vendée, déclaration de succession au bureau de Montaigu de Jean Aimé de Vaugiraud le 3-12-1814, vue 106.
(66)
Archives de Vendée, déclaration de succession au bureau de Montaigu du comte de
Vaugiraud en 1820, vue 101.
(67) Notes no 16 sur le bourg de
Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(68) Vente du 21-11-1814 d’une maison héritée de Vaugiraud,
Archives de Vendée, notaires de Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E/31-26.
(72) Belliard, Godard et
Camuzard, Histoire et traditions de la vigne et du vin en Vendée, Éditions du
CVRH, 2019.
Emmanuel François, tous droits réservés
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