Même imparfaitement, on découvre
la géographie de certains lieux de la seigneurie de la Chapelle Begouin par les
confrontations des biens fonciers décrits dans les actes notariés des aveux et
déclarations roturières. Notre période d’observation se situe entre la fin du
16e siècle et le milieu du 18e siècle. Faute de cadastre,
on identifiait alors une parcelle par l’indication des propriétaires voisins et
par des limites naturelles, comme les chemins et les rivières. La parcelle
était ainsi « confrontée » sur trois côtés souvent par les
notaires de la région, alors que la législation royale prévoyait en principe une
confrontation dans les quatre directions des points cardinaux.
Les limites du village de la
Chapelle n’ont pas notablement évolué depuis le 17e siècle jusqu’à
nos jours. Ainsi le petit plateau au nord-ouest du village de la Chapelle, vers
la Rabatelière, voué totalement à l’agriculture maintenant, est le lieu de
l’ancien village ou métairie de la Galloctière, localisé par les confrontations
dans les actes notariés.
Le village de la Chapelle
Maison d'autrefois reconstituée |
Le village de la Chapelle était
constitué par un ensemble de maisons autour de l’église et de la maison noble
du seigneur des lieux. Les unes avec un toit à chapt (orthographe la plus pratiquée dans la contrée), c'est-à-dire à
pente double et le faîte au milieu (appelées ailleurs maison à faîtage), ou
avec un toit à pens, c'est-à-dire à pente unique partant du mur du fond le plus
élevé (1). Parfois les maisons à chapt étaient qualifiées de haute, car ayant
deux niveaux. Elles supportaient sur un côté, un ou deux appentis avec toits à
pens.
Ces toits étaient recouverts de chaume, sauf probablement la maison du seigneur qui se trouvait dans le bourg. Au 18e siècle on voit des tuiles sur les toitures des maisons des bordiers et métayers. Dès cette époque on sait que fonctionnaient des tuileries en Bas-Poitou et qu’il y en eut dans les temps anciens à la Parnière (Brouzils) chez le vassal du seigneur de la Chapelle, mais aussi à Languiller, chez son suzerain.
Les photos anciennes prises de ces maisons nobles, qui ont résisté au temps et aux guerres, comme la Roussière de Saint-Fulgent, montrent des bâtiments tout simples, préfigurant les logis vendéens des riches propriétaires, avec leurs toits en tuiles. Leur allure n’est pas celle d’un château, ni même d’une maison de maître de l’époque moderne. Les textes les désignent de « maison noble », lieu de résidence du seigneur en principe. Cette désignation reconnaissait d’abord l’endroit où se pratiquait l’hommage et l’aveu au seigneur, et aussi emportait une exonération d’impôt sur les lieux concernés. À la Chapelle Begouin c’était en réalité l’habitation du fermier de la seigneurie, car nous savons que son propriétaire a longtemps habité à Saint-Sulpice-le-Verdon, puis à Largeasse (Deux-Sèvres), puis à Foussais-Payré (près de Mervent), puis à Nantes, et enfin épisodiquement à la Rabatelière juste avant la Révolution.
Ces toits étaient recouverts de chaume, sauf probablement la maison du seigneur qui se trouvait dans le bourg. Au 18e siècle on voit des tuiles sur les toitures des maisons des bordiers et métayers. Dès cette époque on sait que fonctionnaient des tuileries en Bas-Poitou et qu’il y en eut dans les temps anciens à la Parnière (Brouzils) chez le vassal du seigneur de la Chapelle, mais aussi à Languiller, chez son suzerain.
Les photos anciennes prises de ces maisons nobles, qui ont résisté au temps et aux guerres, comme la Roussière de Saint-Fulgent, montrent des bâtiments tout simples, préfigurant les logis vendéens des riches propriétaires, avec leurs toits en tuiles. Leur allure n’est pas celle d’un château, ni même d’une maison de maître de l’époque moderne. Les textes les désignent de « maison noble », lieu de résidence du seigneur en principe. Cette désignation reconnaissait d’abord l’endroit où se pratiquait l’hommage et l’aveu au seigneur, et aussi emportait une exonération d’impôt sur les lieux concernés. À la Chapelle Begouin c’était en réalité l’habitation du fermier de la seigneurie, car nous savons que son propriétaire a longtemps habité à Saint-Sulpice-le-Verdon, puis à Largeasse (Deux-Sèvres), puis à Foussais-Payré (près de Mervent), puis à Nantes, et enfin épisodiquement à la Rabatelière juste avant la Révolution.
Cette maison noble de la Chapelle, située proche
de l’église, comprenait aussi des locaux pouvant recevoir et stocker la part des
récoltes due au seigneur dans l’exploitation des terres de son fief, appelée
habituellement la grange terrageouse. On ne sait pas si les préclôtures (2) de
la maison comprenaient aussi les bâtiments de la métairie attenante. À la
Chapelle, les terres de cette métairie avaient été séparées de celles d’une
borderie, qui elle, dépendait directement de la maison noble pour son
exploitation. En 1729, cette borderie était dite en régie, exploitée par un
nommé Orion. Comme dans beaucoup de lieux nobles, il y avait une petite garenne
à la Chapelle (bois où vivent les lapins
sauvages).
Il y avait aussi un bois taillis, appelé la Touche, et aussi bien sûr une vigne,
le tout proche du village.
L’église de la Chapelle, qui fut
détruite en 1792, se trouvait dans le village, longeant sur son côté ouest le
chemin qui va de la Chapelle à la Limouzinière (3). Elle occupait la parcelle no 53 du cadastre
napoléonien (4). Dans son chœur étaient
inhumés les seigneurs du lieu. Si quelque habitant de la Chapelle de nos jours,
creusant dans sa cave à cet emplacement, trouvait des ossements, il y a fort à
parier que ceux-ci avaient appartenu à des représentants des très anciennes
familles nobles Bégaud ou Chitton.
Il y avait le grand cimetière et
le petit cimetière au 18e siècle, cités dans des documents de la
seigneurie, mais ne nous permettant pas de préciser leurs emplacements. Le
registre paroissial de Chauché en fait mention aussi, et ils ne sont
probablement pas propres au village de la Chapelle, même s’ils en sont proches.
Passant à côté de l’église dans
le village, un ruisseau descendait se jeter dans celui qui coulait en bas de la
Chapelle. Celui-ci alimentait un moulin à eau, appelé le « moulin de la
Folie », probablement situé au niveau du village disparu de la
Galloctière, proche de la rivière de la Petite Maine. Un chemin venant de la
Chapelle y conduisait. Un bief devait créer une chute d’eau importante en
amont, nécessaire pour faire tourner une roue de moulin. Le débit du ruisseau
est en effet bien faible, même si on peut imaginer qu’il était-il plus fort il
y a quelques siècles.
Sur les hauteurs de la Chapelle,
au nord-est, on trouvait aussi un moulin à vent. Au lieu-dit du Moulin de la
Chapelle actuellement, vers la Borelière, son emplacement est parfaitement
délimité encore de nos jours. Par temps sec en été, l’herbe qui pousse sur la
terre recouvrant la base de l’ancien moulin à vent, est plus sèche (5), formant
un cercle.
La Borelière |
Il y avait aussi la maison du
four, appartenant en indivision à Mathurin,
René et Anne Fresneau en 1658.
Les confrontations de parcelles
révèlent l’existence des chemins reliant la Chapelle aux chefs-lieux
voisins : Chauché, Saint-Fulgent, les Essarts, la Rabatelière. Nous savons
qu’il faudra attendre le milieu du 19e siècle pour que ces chemins
deviennent des routes empierrées, avec une chaussée de 3 m de large.
Auparavant, ils sinuaient entre les champs et les prés, nets de toute
végétation, sur la terre et la pierre travaillées par les roues des charrettes
et les sabots des animaux. Même avec des fossés, ce dont nous ne sommes pas
sûrs, des fondrières s’y formaient régulièrement, ralentissant les convois. Et
du côté de la Chapelle, la situation des chemins n’était pas bonne. Ainsi,
c’est la route no 37, venant de Boulogne et allant à Saint-Fulgent, qui passe au
long du village de la Chapelle. Sur cette partie « il existe quelques parties molles ; des bourbes ont surgi
sur les accotements au village de la Chapelle ». (Rapport de l’agent
voyer au préfet en 1867).
Des chemins conduisaient aussi
dans les villages, fiefs, tènements ou terroirs (synonymes employés dans les
documents lus), fondés au Moyen Âge par les seigneurs dans la campagne. C’est ce
que nous découvrons avec d’autres documents de la seigneurie de la Chapelle Begouin
pour la Bouguinière, la Brosse Veilleteau et la Pierre Blanche. Nous savons que
le seigneur de la Chapelle possédait des droits dans les villages de la Boule
(Rabatelière), la Coussaie et la Corère (Essarts), la Gorelière (Chauché), et à Chauché, de la Benetière, la Limouzinière, la
Girardière, la Coumaillère (Coumeillère), ainsi qu’à la Naullière (aujourd’hui
disparu).
Le lieu de la Bouguinière doit
probablement son nom au nommé Begouin qui fonda aussi le village de La Chapelle
Begouin. Aussi loin que l’on peut remonter, en 1595, il était déjà situé sur la
paroisse des Essarts, à trois kms au sud du bourg de Chauché. De nos jours, le
nom s’est transformé en Bouguinière, désignant une métairie accueillante, siège
d’un élevage utilisant les techniques les plus modernes. En 1598, passait non
loin de la fontaine de la Bouguinière un chemin conduisant des Essarts à la
Copechagnière (6). On accédait à la Begouinière par le chemin de Chauché aux
Essarts et par une bifurcation partant de ce dernier chemin, comme maintenant.
La Bouguinière, la Corère et la Brosse Veilleteau
La Bouguinière (Essarts) |
Au tènement de la Corère, une
parcelle de terre et de pré contenant huit boisselées, située plus proche du
bourg des Essarts et du village de la Boisilière, était de nature noble. Appelée la Fraignaie et faisant partie de la mouvance du fief de
la Chapelle Begouin, son propriétaire devait à cause d’elle la foi et hommage
au seigneur de la Chapelle (7). La parcelle longeait en partie le chemin de la
Grève à Chauché. Cette désignation en 1598 souligne l’importance de la baronnie
de la Grève à cette époque et de son manoir (au sud-ouest du bourg de Saint-Martin-des-Noyers), car le bourg des Essarts se trouvait sur son parcours. De même la
parcelle longeait un autre chemin, celui de la Boisilière (Essarts) à
Lairière. Ce dernier lieu fait partie actuellement de la Ferrière, mais c’était
le bourg d’une paroisse indépendante à l’époque.
Le village de la Brosse
Veilleteau est situé à côté de la Bouguinière, sur la paroisse des Essarts. Au
17e siècle, une quinzaine de propriétaires y possédaient des
parcelles. Parmi eux, on peut détecter quelques bourgeois, comme Louis Masson,
sénéchal des Essarts. Un chemin partant de celui de Chauché aux Essarts y
conduisait, mais à la différence de maintenant, on ne faisait que rarement de
différence entre les chemins vicinaux reliant les bourgs des communes et les
chemins reliant les villages entre eux. Aussi désigne-t-on indifféremment la
même voie de noms différents : de la Brosse aux Essarts, de la Brosse à la
Grève, de la Brosse à Chauché, de la Brosse Veilleteau au Plessis Allaire, du
Plessis Allaire aux Essarts, de la Brosse à la Chauvinière, de la Jutière aux
Essarts. Deux fois seulement elle est désignée de grand chemin. On note aussi un
chemin qui va de Chauché à la Chaize-le-Vicomte (passant par Boulogne).
La Brosse Veilleteau (Essarts) |
Avec les parcelles de la Brosse
Veilleteau, on rencontre d’autres chemin reliant des villages entre eux :
de la Bouguinière au Plessis Allaire, de Chauché à l’étang du Boisreau, de la
Brosse Veilleteau à la Rabaudière (nom transformé en Rabretière aux Essarts), de Boisreau à Bretaud (nom de lieu qui semble avoir disparu), de
Boisreau à la Breraudière (disparu), de la Brosse à la Gontrie.
Le paysage agricole observé
L’agriculture qu’on devine
dans les documents de la seigneurie est orientée vers la culture des blés
(céréales) : le seigle surtout, mais aussi l’avoine, le froment (blé) et
le sarrazin. L’élevage des veaux fait l’objet d’un prélèvement de dîme
seigneuriale, comme les porcs et les agneaux. La laine des moutons constituait
une matière première pour le tissage.
On note aussi l’existence de landes communes au village de la Brosse Veilleteau.
On note aussi l’existence de landes communes au village de la Brosse Veilleteau.
De même le ruisseau de Laillée (aussi écrit aiglé) sur
ce tènement est souvent cité. Non situé par le site Geoportail, il existe
peut-être encore dans les environs du village de la Brosse.
Ce qui frappe dans les déclarations roturières
de la seigneurie de la Chapelle ce sont les petites surfaces des parcelles.
L’historien M. L. Autexier explique que l’origine de la division du sol en
petites parcelles, rencontrée en 1550 dans le Haut-Poitou, remonte au Moyen
Âge. Il est probable qu’il en a été de même en Bas-Poitou. Mais à ses débuts la tenure attribuée
pour faire vivre une famille allait de 5 à 20 ha (8). A ce morcellement
correspondait aussi des habitats plus nombreux, plus de villages, dont certains
ont disparus depuis comme la Galloctière et la Naullière à Chauché. La
conception égalitaire de l’héritage prévalant en Poitou, y compris dans la
classe des nobles, et mis à part les privilèges pour l’ainé noble, constitue la cause
importante de ce morcellement des surfaces foncières. Les désastres climatique
(refroidissement du climat), sanitaires (vagues de peste) et guerrier (guerre
de Cent ans et guerres privées) au 14e et début du 15e
siècle, ont entraîné une importante dépopulation et par la suite la disparition
de certains villages.
Le mouvement de regroupement des parcelles
pour constituer de plus grandes propriétés, à partir du 16e siècle, ne
s’observe pas à la Chapelle Begouin. S’il est probable que les paysans ont
vendu leurs petites parcelles, apparemment surtout à des bourgeois, le seigneur
de la Chapelle n’en a pas profité pour s’agrandir. Néanmoins on observe un
retour de certaines tenures (maisons et terres) au début du 18e
siècle dans sa propriété personnelle.
Enfin les documents disponibles
citent le fief ou village de la Pierre Blanche, situé entre la Bouguinière et
le bourg de Chauché, dont la dénomination de lieu semble avoir disparu. On y note
un chemin qui conduit au moulin à eau de la Pierre Blanche, non situé cependant
sur la Petite Maine (9).
(1) Archives de Vendée,
chartrier de la Rabatelière, seigneurie de la Chapelle Begouin, dossier 150 J/C
77 : déclaration roturière des Fresneau pour le bourg de la Chapelle et la
Barotière du 4-11-1658. Aussi A. de Guerry, Chavagnes, communauté vendéenne, Privat, (1988), page 38.
(2) Terme de coutume, aussi
appelé accins, par lequel on désigne les environs, appartenances et dépendances
d’un lieu seigneurial, qui fait partie du préciput de l’aîné. Ce sont ses
principales dépendances.
(3) Archives de Vendée, vente de
biens nationaux, dossier 1 Q 263 (no 1188) : vente de la masure,
emplacement et décombre de l’ancienne église de la Chapelle le deux prairial an 6.
(4) Renseignement donné par M. J.
Gris en août 2014.
(5) Témoignage oral de M. Oré
père du 7-4-2013.
(6) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière, seigneurie de la
Chapelle Begouin, dossier 150 J/C 77 : deux déclarations roturières de teneurs
de la Bégouinière du 10-6-1598.
(7) Archives
de Vendée, chartrier de la Rabatelière, seigneurie de la Chapelle Begouin,
dossier 150 J/C 78 : aveu de J. Brosset à la Chapelle Begouin du 15-12-1598, et
dossier 150 J/C 79 : aveu de François Heulin du 15 juin 1684.
(8) M. L. Autexier, Les droits féodaux et les droits
seigneuriaux en Poitou de 1559 à 1789, Lussaud (1947). Voir aux Archives de
Vendée : L 55 (ou BIB 820)
(9) Archives
de Vendée, chartrier de la Rabatelière, seigneurie de la Chapelle Begouin,
dossier 150 J/C 79 : déclaration roturière de Guyard à Daniel Prevost du
16-5-1693, et dossier 150 J/C 80 : déclaration roturière de Fuzolleau et
Renolleau le 14-5-1693.
Emmanuel François, tous droits réservés
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