Le terroir de la Milonnière à Saint-André-Goule-d’Oie, tel qu’il apparaît dans les archives de la Rabatelière qui parlent de lui,
présente la particularité d’une vente dispersée de ses droits féodaux après le
Moyen Âge. Et les recherches de l’historien
Amblard de Guerry nous font découvrir une origine des lieux passionnante.
Depuis la publication de cet article en
octobre 2016, l’accès récent aux notes d’Amblard de Guerry sur les lieux de
Saint-André-Goule-d’Oie nous permet de remonter le temps d’un siècle dans nos
recherches, jusqu’au milieu du 14e siècle. Les travaux de cet
historien sont très importants pour les communes du canton de Saint-Fulgent,
tout comme ceux de son contemporain avec qui il a correspondu : l’abbé
Paul Boisson. Aussi, avant de les utiliser ici dans notre récit sur la Milonnière,
il est juste de le présenter.
Amblard de Guerry (1919-1996) appartient à la
famille très connue de Chavagnes-en-Paillers, les Guerry de Beauregard. Son
frère, Gilbert de Guerry, a été maire de cette commune de 1942 à 1983, et
conseiller général du canton de Saint-Fulgent de 1946 à 1992.
Professeur au Maroc de 1954 à 1988, Amblard de
Guerry a en même temps consacré sa vie à la recherche historique et
philosophique, réservant à la Vendée et à Chavagnes la première place. Il a
fondé l’association « Chavagnes Présence du passé », relancé la
Société d’émulation de la Vendée, et co-fondé l’association de la descendance
La Rochejaquelein. Il a publié 1988 : Chavagnes Communauté Vendéenne, un
livre de 316 pages. Ses autres publications sont des articles historiques et
philosophiques dans plusieurs revues.
Une nouvelle Milonnière en 1372
La particularité de ce bail perpétuel à la
Milonnière était l’absence de droit de terrage, remplacé par cette rente
importante de 52 boisseaux de grains, comme on le constatera quelques dizaines
d’années plus tard aussi à la Chevaleraye et à la Javelière notamment aussi au Bignon de la Brossière plus tard encore. Le
domaine affermé est désigné du mot de métairie, qui désignait au Moyen Âge la
réserve directe d’un seigneur, exploitée par des laboureurs sous ses ordres, ou
affermée dans des conditions variables. Ce qu’il faut relever ici c’est que le
domaine avait déjà été exploité, et que la rente créée par le nouveau bail perpétuel
a probablement remplacé d’autres redevances, peut-être un terrage. C’est que le
terrage était la norme à Saint-André, la plupart du temps partagé alors à
moitié entre le seigneur et le prieur de la paroisse. Or le terrage n’existe
pas (ou plus) à partir de 1372 à la Milonnière.
Cette dernière date marque en
même temps l’acquisition récente de la seigneurie du Coin par celle de Languiller,
peu de temps après ou en même temps que le retrait de la mouvance de la baronnie de Montaigu sur le
fief du bourg de Saint-André-Goule-d'Oie, remplacée
par la mouvance des Essarts (2). Nous sommes en pleins bouleversements et
dévastations de tous ordres dans la contrée, guerriers (la guerre de Cent Ans a
commencé en 1337), épidémiques (la peste noire à partir de 1346) et climatiques
(début du Petit Âge Glaciaire vers 1300). La famille des derniers seigneurs du
Coin (le dernier s’appelait Jean Allaire), a disparu il y a peu, la demeure
noble de la Dibaudelière (près de la Machicolière) est aussi tombée en ruine, et
le nouveau possesseur du Coin relance l’exploitation de la Milonnière. Cette dernière est peut-être une ancienne
possession de la Dibaudelière. On verra
aussi dans les années qui suivent le fief de Saint-André, devenu une possession
entière du seigneur de Linières, être transformé par lui en un bourg franc avec un
régime allégé de redevances féodales. Bref, cette ferme perpétuelle de la Milonnière
nous apparaît comme une étape d’un redressement en ce dernier quart du
14e siècle après les ravages d’une dépopulation certaine et de
ruines foncières importantes.
Changements au 16e siècle
Les héritiers de Jean de la
Milonnière, s’appelait les Million, comme on le voit en 1538 dans un aveu de la
Vergne (Chauché), où ils lui devaient une rente de 1 livre de cire (3). Dans un
aveu de 1605 décrivant la situation en 1550, les confrontations du tènement de la
Milonnière désignent le fief de Saint-André (constitué en gros par le bourg de
la paroisse et une métairie vers l’ouest), les territoires de la Machicolière,
de la Ridolière et des Noues (4). Au 17e siècle on relève les
chemins qui le traversent ou le bordent, et qui devaient exister déjà depuis
longtemps. On a le chemin qui conduit de Saint-André au village du Pin, aussi
appelé chemin de Saint-André à Sainte-Florence. D’autres chemins de moindre
importance sont aussi cités : de la Milonnière à la Croix de Lhomeau, de Saint-André
à la Ridolière, de la Milonnière aux Barains, et le chemin de Saint-André à
l’Aubrier. Certains de ces noms de lieux ont disparu depuis.
La Milonnière |
En 1550
le tènement de la Milonnière contenait alors en jardins 10 boisselées, en
prés huit journaux, et en terres labourables et jachères quatre septrées et
demi, ce qui fait un total de 14 hectares environ, plus des surfaces incultes
dont on ignore l’importance (5). La ferme perpétuelle se payait par les
redevances annuelles suivantes en 1550 à Claude de Belleville (1507-1564),
seigneur de Languiller :
-
rente de trois septiers quatre boisseaux seigle
(52 boisseaux au total ou 8,8 quintaux) à la mesure des Essarts, au titre du bail perpétuel de 1372.
-
cens de cinq sols neuf deniers. Ce montant était autrefois de 2 sols et 6 deniers, auquel s’ajoutait
6 deniers pour droit de rivage à l’étang du Pin (6).
- et droit de dîmes de deux agneaux de l’année à la Saint-Jean-Baptiste (7), continuant
un droit ancien.
Jules de Belleville (frère de Claude ci-dessus), seigneur de
Languiller et chef protestant menant une guerre coûteuse pour ses finances,
vendit beaucoup de redevances féodales. C’est ainsi qu’il vendit la rente noble
de 52 boisseaux de seigle due sur le tènement de la Milonnière, à Jacques
Durcot, écuyer seigneur du Buignon (Chauché) pour six vingt livres avec « rétention
de grâce ». L’expression désignait la faculté de réméré dans un délai
convenu, consistant en la résiliation de la vente et le remboursement de l’acquéreur.
Puis Jules de Belleville vendit le 24 octobre 1575 son droit de grâce à trois
particuliers habitants la Goimetière (Essarts) : Gendreau, Dignot et Basty.
Pour cette somme il leur vend aussi la grâce retenue sur une autre vente à eux
faite en 1571 de la moitié de devoirs féodaux sur le tènement du Retail
Gueffier (Essarts) : 6 boisseaux seigle, 8 ras avoine, mesure des
Essarts, et 6 sols 9 deniers de rente. L’ensemble des ventes est payé 140
livres.
La Goimetière (Essarts) |
Ces trois particuliers avaient
ensuite acheté la rente de la Milonnière pour 400 livres, ayant fait jouer leur
droit de rétention de grâce. Mais le seigneur de Languiller prétendit après
coup faire annuler les contrats pour plusieurs motifs (vice, montant usuraire),
ce que les acquéreurs contestèrent, et l’affaire alla jusqu’au tribunal présidial
de Poitiers. Une transaction fut passée le 5 septembre 1577 entre l’épouse du
seigneur de Belleville, en son nom, Anne Goulard, Gendreau, Dignot et Basty, marchands. Ceux-ci payent un supplément de 130 livres au
seigneur de Languiller, lequel leur reconnaît la propriété des rentes de la Milonnière
et du Retail Gueffier. Gendreau, Dignot et Basty acceptent aussi devoir pour
reconnaissance de fief sur ces rentes, chaque année à noël, pour la rente de la
Milonnière 12 deniers, et pour la rente de Retail Guefier, 3 deniers, le tout
de cens et devoir noble emportant fief et juridiction. La transaction a été
passée devant Michel Masseau et Jean Thyreau, notaires de la baronnie des
Essarts, au château des Essarts. Au bas de l’acte on lit la ratification signée
de Jules de Belleville en son hôtel de Languiller le 1e janvier 1579.
Est également au bas de l’acte la quittance des ventes et honneurs donnée par les
fermiers des Essarts le 14 mai 1579 (8).
La rente de 52 boisseaux de seigle au 17e siècle
En 1606 et 1619, deux déclarations
roturières faites chez des notaires de la Merlatière par les douze propriétaires
du tènement nous renseignent de quelques changements (9). D’abord on y trouve le
nom de ces propriétaires, trois bourgeois importants de la paroisse, Georges et
Félix Proust et François Moreau. Les autres s’appellent : Guibreau
(Mathurin, Antoine), Guereau (Françoise), Brisseau (Pierre), Robin (Pierre, André,
Jeanne, Jacquette, Valérien), Borchet (René), Aparilleau (Jean), Rahraire
(Pierre), Eschasseriau (Christophe, Maurice), Rochereau (Pierre), Bordier
(Jacques). Ils n’habitent pas tous au village, comme Pierre Pasquereau, autre
nom cité par exemple, qui habite la Ridolière, ou André Boussard, ou Jean
Boisseau, ce dernier habitant aux Essarts.
On observe
une nouveauté dans ces déclarations, le paiement de deux tailles d’un
même montant de 15 deniers. La première à payer à la Saint-Jean-Baptiste
à cause de la seigneurie de Languiller, la deuxième à payer à noël à
cause du fief de la Raynard (sud-ouest du bourg des Essarts).
Milonnière à la Croix
Fleurette
|
Un autre
constat intéressant, relevé dans la déclaration de Pierre Moreau en 1675, est
l’indication du nombre de boisselées du tènement. Un arpentement y avait été
réalisé par un nommé Merland et donnait 281 boisselées environ, soit 34,2
hectares. Un autre aveu de 1664 donnait un chiffre approchant : 290 boisselées
(14). Par rapport aux 117 boisselées indiquées dans l’aveu du Coin en 1550, on
a une augmentation considérable de la surface. Le tènement n’a pas lui-même
augmenté de surface bien sûr. Dans les deux cas, les chiffres déclarés servent
à répartir les droits seigneuriaux. On en déduit que les parties non exploitées
ont reculé entre les deux dates. Mais alors on aimerait savoir qui a profité du
défrichement, et comment ?
Un amasseur de terre en action à la Milonnière au 17e siècle
Les archives de la famille Moreau concernant la Milonnière nous confirment par un exemple comment se sont constituées certaines borderies ou métairies, à Saint-André-Goule-d’Oie comme ailleurs. Dans une déclaration roturière, datée vers 1675, Pierre Moreau, sieur du Coudray, qui habitait dans le bourg de Saint-André, déclare tenir du seigneur de Languiller à cause de son fief du Coin Foucaud, des parcelles de terres dans le tènement de la Milonnière, qu’il énumère en indiquant l’antériorité des propriétés (15).
D’abord son grand-père François Moreau a acquis d’un nommé Bousseau au début du 17e siècle deux
parcelles d’une surface de 9 gaulées (1,4 are). Puis son père Jacques, le
fermier de Linières (ou régisseur ou procureur fiscal), a acheté une maison au village et 14 parcelles totalisant
3,8 hectares. Et lui-même a acheté une autre maison et 17 parcelles totalisant
1,9 hectare. Ainsi, sur plusieurs dizaines d’années, la famille Moreau a placé
une part de ses revenus pour constituer une borderie à la Milonnière, modeste
certes avec ses 7,1 hectares, mais de dimension significative pour l’époque.
Ce rachat progressif s’est fait
parce qu’il y eu des vendeurs possédant de trop petites surfaces, les héritages
ayant morcelé les propriétés. En guise de « Safer », que l’époque ne
pouvait pas évidemment imaginer, les plus riches ont amassé des terres et constitué
des exploitations agricoles importantes. On fait aussi ce constat en étudiant
l’état de la propriété à la Porcelière. Mais en ce 17e siècle, le
phénomène était devenu rare, commencé au Moyen-Âge, peut-être avant pour
certaines métairies, principalement à l’initiative des seigneurs locaux. Mais
dans la région, ce regroupement n’a pas été aussi systématique que dans la
gâtine poitevine (16). Les petites parcelles, appartenant à de nombreux
propriétaires, côtoyaient celles regroupées dans les borderies et métairies
jusqu’à une période récente.
La documentation disponible, axée
sur les redevances seigneuriales, ne permet pas toujours de détecter les unités
d’exploitation comme une métairie, souvent à cheval sur plusieurs tènements. Il
faut pour cela interroger les archives des notaires, mais souvent disparues
dans la contrée pour cette époque lointaine.
Ces regroupements de parcelles
ont aussi donné lieu à des regroupements d’habitats, c'est-à-dire à la
suppression de certains d’entre eux. Parfois les textes nous indiquent
l’existence de ces habitats disparus, comme les Petites Mancellières ou la
Dibaudelière par exemple.
Dans la déclaration vers 1675 de
Pierre Moreau de ses nombreuses parcelles, leurs confrontations nous donnent
les noms des nombreux propriétaires voisins, soit limitrophes du tènement de la
Milonnière, soit dans le tènement lui-même. Les noms qui reviennent le plus
fréquemment sont : Pierre Pavageau, Pierre et Bastien Guereau. Il y a
aussi le prieur de Saint-André, le seigneur de la Boutarlière et le bourgeois Proust
de la Barre (Saint-Fulgent). Les autres propriétaires sont dans l’ordre
alphabétique : Ardouin, Auvinet, Pierre Boudaud, Bousseau, Pierre Breteau,
Pierre Brisseau, Pierre Chacun, Chariau, Collas Chenu, Egron, Girardin, Collas
Mandin, Louis Navarre, Collas Pinteau, Louis Remigerau, Rochereau.
Les paysages de la Milonnière : haies, bournes, roustières au 17e siècle
Maisons de la Milonnière
au loin
|
On sait qu’il a pu exister un
« droit de haie » dans la contrée, entendu au sens du droit de créer
une haie. Dans un texte de 1653, on voit le seigneur de Languiller reprocher au
possesseur de la Guiffardière (Essarts), d’inscrire dans son aveu un droit de
haie, dont il prétend qu’il est un droit prohibitif et contraire à la coutume
(18). Il semble bien que le seigneur de Languiller ait eu raison, mais au Moyen Âge certains seigneurs n’ont sans doute pas manqué d’imagination pour créer des
redevances. Et c’est le seul exemple que nous connaissons.
L’entretien de ces haies, formées
d’arbres et d’arbustes, a constitué un élément important de l’économie rurale
de l’époque. C’était une clause incontournable des baux des borderies et
métairies pour les protéger, les tailler, et se procurer du bois de chauffage. Aucun
arbre ne pouvait être abattu sans la permission du propriétaire. Voir sur ce point notre article publié sur ce site en novembre
2012 : Les activités agricoles et les techniques utilisées à Linières
de 1800 à 1830 II. Les haies ne
servaient pas à délimiter précisément les parcelles foncières, pour cela on
pratiquait le bornage. En revanche, elles protégeaient bien sûr de l’intrusion
de certains animaux. Nous avons un indice de l’implantation progressive des
haies avec les amendes pour vagabondage des animaux domestiques sur les terres
du seigneur. Les amendes n’étaient pas rares aux 15e et 16e
siècle (19). Ensuite on n’en a pas, mais les archives conservées sont clairsemées
après la période mentionnée. Néanmoins, il parait probable que l’extension
progressive des haies a diminué les vagabondages d’animaux. Cependant, à voir la
parcellisation à outrance de beaucoup de champs et de prés dès le 17e
siècle, elles n’ont pas accompagné cette parcellisation. On n’aurait plus eu de
bocage alors, mais une forêt avec de nombreuses clairières ! À la
différence de ce qu’on a pu observer dans la Gâtine Poitevine, on ne voit pas naître des haies avec
les nouvelles métairies à partir du 16e à Saint-André-Goule-d’Oie.
Mais nous avons une exception en
1606 à la Milonnière, à cette absence de mention des haies dans les
délimitations ou confrontations des parcelles foncières. Très souvent on y trouve
des « bourne » au lieu des
haies pour séparer les champs. On désignait ainsi très probablement la plante
servant à couvrir le toit des maisons de « bournée », différente bien sûr du chaume qu’on utilisait
aussi. On sait que la fougère a servi à la fois de litière et de matériau de
couverture, et que le genêt a aussi été utilisé pour les couvertures. De plus, on a trouvé pour le même usage dans la région, et à
la même époque, que la bruyère s’appelait brande.
On hésite donc à en faire un synonyme.
À la Milonnière : ruisseau qui descend
de
l’étang des Noues
|
On trouve aussi en 1606 des
pièces de terres qui sont des « roustières »,
possédées par François Moreau et « mademoiselle
de la Boutarlière » (20). On cherche là aussi à définir ce mot. Il est
proche des « rouchères »
cultivées ailleurs dans le Poitou, qui étaient des endroits humides où
poussaient des « rouches »,
plantes de la famille des roseaux, parfois utilisées comme liens. À la Naulière
de Chauché (village disparu situé près de la Benetière), un aveu de la Chapelle
Begouin de 1579 indique l’existence de « rauzés et bournés » entre deux pièces de terre, au lieu d’une
haie (21). L’association des deux mots montre bien que nous avons à faire à des
plantes aquatiques, servant peut-être à fabriquer des engrais par
pourrissement, ou des couvertures de toiture par séchage. On a trouvé aussi le
mot de « rouzoires »
évoquant aussi les roseaux, aussi appelés « rousiaux » (22). Les terres étaient humides, propices à cette
végétation, et traversées par le ruisseau qui descend de l’étang des Noues proche.
Ce ruisseau est nommé aussi en 1606.
Une autre particularité
rencontrée à la Milonnière à cette date, concerne l’espace occupé par les cours
devant les maisons du village. Leur surface était divisée entre les
propriétaires pour calculer la répartition des redevances dues sur le tènement.
Mais à la Milonnière cette division obéit à une arithmétique précise, jusqu’à
la 1/30e partie. On appelait cet espace les « quaireux », ou « quaruage » pour les ruages (abords) à usage de cour, et on ne sait pas pourquoi le besoin s’est fait sentir ici d’une telle division,
unique dans la paroisse. Le plus souvent, le notaire indiquait simplement la
surface occupée ensemble par les bâtiments, les vois d’accès et les cours pour
chaque propriétaire. Peut-être y avait-il des cours non rattachées à des
bâtiments ? On hésite à retenir l’hypothèse d’une redevance particulière
qui leur aurait été attachée, puisqu’on en n’a pas rencontrée. Ce fut le cas
par exemple dans le bourg de la Chapelle de Chauché, où les propriétaires des
aires (écrit : aireau ou airault) devaient chacun une fourche de bian au
seigneur. C’était la corvée de fanage de l’herbe du pré du Clous jusqu’à ce que
le foin soit mis en « mellons »,
c’est-à-dire prêt à être enlevé (23).
L’achat de redevances seigneuriales par Pierre Moreau
Pierre Moreau, le neveu du prieur
de Saint-André dont nous avons parlé plus haut, n’a pas fait qu’acheter des
parcelles de terres sur le tènement de la Milonnière. Il a aussi racheté des
droits seigneuriaux perçus sur lui. On se souvient que la rente de 52 boisseaux
de seigle avait été vendue avant 1619 à plusieurs particuliers du village de la
Goimetière des Essarts. Il en a racheté une partie en plusieurs fois. En septembre 1670 il acquiert
de Jacques Thomazeau sieur de la Rante, 9,5 boisseaux de seigle, moyennant 152 livres, puis le 28
février 1682 d’Adrien Thoumazeau aussi de 9,5 boisseaux seigle, moyennant la même somme (24).
Dans l’évaluation en 1727 par
voie d’experts des biens possédés à Saint-André-Goule-d’Oie par Claude Moreau,
fils du précédent, on relève cette rente de dix-neuf boisseaux de seigle due sur
le fief de la Milonnière (25). Elle est estimée alors en capital à 476 livres.
Celui-ci était calculé à partir des revenus pendant vingt années, ce qui donne
une valeur de 1,25 livres par boisseau cette année-là. Les prix du seigle ont
baissé.
Le conflit avec Languiller sur le droit de fief à la Milonnière
Fosse de la Croix Fleurette à la
Milonnière
|
Après avoir acheté la seigneurie
de Languiller et ses fiefs annexes comme celui du Coin, en 1670/1674, Philippe
Chitton chercha à faire valoir ses droits. En 1693, il réclama au fils de
Pierre Moreau, Claude Prosper Moreau, la communication des contrats d’acquisition de
son père (26). Ce dernier obtint un
délai en 1700 pour fournir sa déclaration noble de la rente de 19 boisseaux
seigle due sur la Milonnière (27). En 1701 il présenta une déclaration
roturière pour ses domaines sur la Milonnière. 11 autres propriétaires firent
de même séparément (28). S’agissant de sa déclaration noble, s’est joué aussi à
la Milonnière le même conflit qu’à la
Porcelière, la Bergeonnière, la Boutinière, la Chevaleraye, la Javelière, etc.
Philippe Chitton se voulait le seul seigneur en titre du Coin, même s’il ne
possédait plus les redevances seigneuriales qui allaient avec, ou seulement une
petite partie.
C’est lui qui rendait hommage et
aveu pour le Coin au baron des Essarts. Il réclamait le paiement du cens dû à
ce dernier, au moins en partie pour les propriétaires des droits seigneuriaux,
ainsi que le droit de basse justice foncière qui ne se divise pas selon lui.
Dans le même temps, des bourgeois comme les Moreau, qui avaient acquis des
droits seigneuriaux, ne voyaient pas pourquoi ils ne jouiraient pas du droit de
basse justice, et même du droit de lods et ventes. C’était une question d’argent,
mais aussi de principe, et d’honneur, comme un signe de reconnaissance d’un
statut de la noblesse auquel ils aspiraient.
Chez les Moreau non plus, les
titres en possession dans la famille en 1693 ne couvraient pas toutes les
propriétés réelles et revendiquées. On suppose qu’à la Milonnière, le sieur
Moreau finit par reconnaître les prétentions de Philippe Chitton.
En 1751, les droits roturiers perçus
par le seul seigneur de Languiller sur les propriétaires de la Milonnière, se
résument à (29) :
-
2 agneaux à la Saint-Jean-Baptiste pour droit de
dîme,
-
12 deniers de service à noël et 12 deniers à la Saint-Jean-Baptiste,
-
2 sols 6 deniers de cens.
Un droit particulier apparaît
alors, le droit de linage qui était une redevance sur le lin, d’un montant de 3
deniers à la Milonnière (30). Peut-être s’agissait-il d’une redevance sur la
pratique du rouissage du lin, car la culture elle-même pouvait être soumise au
terrage, comme on l’a vu dans les environs, ou au droit de dîme. À moins que
ceux-ci aient été arrentés en ce droit particulier qu’on ne rencontre qu’à la
Milonnière pour Saint-André.
(1) Note no 9 sur la Milonnière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(2) Aveu en 1343 de Jean de Thouars à Montaigu (roi de France) pour des domaines à Saint-André no 389, Archives d'Amblard de Guerry : classeur d'aveux copiés aux Archives Nationales. Et note
no 5 sur le fief de Saint-André (bourg) à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard
de Guerry : S-A 3.
(3) Note no 8 sur la Milonnière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(4) Archives de Vendée, chartrier
de la Rabatelière : 150 J/G 61, aveu pour le Coin Foucaud et le Vignault
du 2-7-1605 par le seigneur de Languiller aux Essarts – deuxième copie de
l’aveu de 1550.
(5) Pour l’équivalence des unités
de mesure, voir notre article publié sur ce site en mars 2015 : Les unités de mesure en usage à St André Goule d'Oie sous l'Ancien Régime
(6) Note no 6 sur la Milonnière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(7) Idem (4).
(8) Note no 3 sur la Milonnière Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2. Et transaction du 5-9-1577 sur les rentes de la Milonnière et du Retail Gaiffier, Archives de Vendée, fonds Mignen : 36 J/321.
(6) Note no 6 sur la Milonnière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(7) Idem (4).
(8) Note no 3 sur la Milonnière Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2. Et transaction du 5-9-1577 sur les rentes de la Milonnière et du Retail Gaiffier, Archives de Vendée, fonds Mignen : 36 J/321.
(10) Note no 11 sur la Milonnière Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard
de Guerry : S-A 2.
(11) 150J/G 47, déclaration noble du 8-7-1651 de plusieurs
teneurs à Languiller pour rente sur la Milonnière.
(12) Inventaire après-décès en
1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de
Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 110.
(13) Notes no 12, 14, 15 et 16 sur la Milonnière Saint-André-Goule-d’Oie,
Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(14) 150 J/G 47, déclaration
roturière du 28-6-1664 de Bousseau pour la Milonnière.
(15) Archives de Vendée, chartrier
de la Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, déclaration roturière de
Pierre Moreau pour la Milonnière vers 1675.
(16) Louis Merle, La métairie et l’évolution agraire de la
Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la Révolution Paris SEVPEN
(1958).
(17) Archives privées Gilbert,
ventes du 2-1-1701 de terres aux Essarts de Pierre Robin et Billaud au sieur
Masson.
(18) 150 J/A 12-2, accord du
14-5-1653 par P. de la Bussière, sur les litiges concernant l’aveu et les
déclarations de la Guiffardière (Essarts).
(19) Assises de Languiller et fiefs
annexes en 1481, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150J/M
36, page 1. Ibidem 1484 : 150 J/M 36, page 2.
(20) Isabeau de Plouer, veuve en 1595, était originaire de Mouchamps.
Elle avait épousé, le 25 février 1580, Léon Gazeau Ier, seigneur de la Brandasnière
et de la Boutarlière (Il fut un marin éprouvé à qui le roi Henri III permit
d’armer pour le roi du Portugal).
(21) 150 J/C 74, Chapelle Begouin, aveu du 29-5-1579 de la
Chapelle Begouin, page 21.
(22) Bulletin trimestriel de la
société archéologique de Touraine, 1987, Dr Jean Moreau, Étymologie des toponymes ruraux de Monthelan et leur évolution depuis
cinq siècles, tome 41, page 682.
(23) 150 J/C 74, Chapelle Begouin, aveu du 29-5-1579 de la
Chapelle Begouin, page 4.
(24) Archives de Vendée, chartrier
de la Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, mémoire de Claude Moreau
contre Chitton du 4-5-1693 au sénéchal de Fontenay.
(25) 22 J 29, sentence d’ordre du
9-9-1727 des syndics des créanciers de Moreau et Menard (copie du 9-3-1754).
(26) 22 J 29, mémoire vers 1693 pour
le seigneur de Languiller en réponse à Moreau sur ses propriétés.(27) Assise de
Languiller en 1700, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150
J/M 44, p. 30.(28)
Ibidem : 150 J/M 44, pages 14 à 47.
(29) 150 J /G 47, déclaration roturière du 28-5-1751
de Rochereau pour la Milonnière.
(30) Ancien mot : droit sur le lin [Dictionnaire universel françois et latin Paris
(1752) Tome 4, page 391].
Emmanuel François, tous droits réservés
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