La Baritaudière
|
Sur la route qui conduit du bourg
de Saint-André-Goule-d’Oie à Chavagnes-en-Paillers, deux kilomètres après le
village de la Boninière, on traverse le village de la Jaumarière. Quelques centaines
de mètres plus loin, toujours en direction de Chavagnes, une voie sur le côté
droit conduit rapidement au village de la Baritaudière. Ses quelques maisons
anciennes encadrent un virage de la route qui descend vers la Maigrière. Une
prairie seulement sépare les deux villages, unis dans leur proximité avec le
ruisseau du Vendrenneau proche. Mais chacun garde sa personnalité, avec son propre
calvaire. Et dans les temps très anciens, ils relevaient d’un seigneur
différent. Le seigneur des Bouchauds, résidant à proximité du château des
Essarts, possédait les droits sur le village et tènement de la Maigrière. Quant
au village et tènement de la Baritaudière, il relevait du seigneur voisin du
Coin Foucaud, dont le château s’élevait un kilomètre plus loin vers « Chavagnes les Montaigu », comme on
disait alors.
Le nom de la Baritaudière
provient très probablement d’un nommé Baritaud. Or un Guillaume
Baritaud épousa en 1350 Marie Drouelin, fille
du seigneur de Linières et de Saint-Fulgent. Il était seigneur de la
Baritaudière à Chantonnay. Faute de document à l’appui il ne nous est pas
possible d’établir un lien entre le nom du lieu et un seigneur Baritaud,
surtout dans la période tardive du 14e siècle. Quoique la famille
Baritaud était établie en Bas-Poitou du 11e au début du 15e
siècle selon le chercheur Guy de Raignac (Archives de Vendée, Généalogie des
familles anciennes du Bas-Poitou, 8 J 44).
Les seigneurs et leurs redevances aux 16e et 17e siècles
Dans l’aveu du Coin Foucaud en 1550, les teneurs de la Baritaudière
payent un droit de terrage sur les récoltes d’un sixième de leurs valeurs. S’y
ajoute une dîme d’un douzième sur les agneaux, veaux et pourceaux, laine et lenfaits
(lin). Le cens et devoir noble à payer est de sept sols huit deniers et un
boisseau de seigle. Ce montant en argent tient compte de l’incorporation de la
valeur des anciennes corvées féodales, qui avaient été supprimées (1).
De plus, le seigneur de la
Boutarlière prélevait en 1517 sur les teneurs de la Baritaudière, chaque année
à l’occasion des moissons de l’avoine et du seigle, un droit de métivage, se
montant à un boisseau (2). Il disparaît ensuite dans la documentation consultée. Comme
l’autre droit, dit « hommage », prélevé à la fête de la nativité de
Notre-Dame, se montant à 4 sols. Ce dernier droit se partageait par moitié
entre la seigneurie des Bouchauds et celle de la Boutarlière.
En 1539, les Assises de
Languiller poursuivirent les teneurs de la Baritaudière pour remettre en
culture 2 septerées de terres abandonnées depuis 20 ans en landes, situées près
les Landes de la Maigrière. Le procureur voulait les condamner à arracher ces
landes et à les restituer en terres terrageables (3). Après les désastres
climatiques, épidémiques et guerriers de la période 1330-1450, on était encore
en 1539 à vouloir défricher de nouvelles terres pour retrouver les surfaces
emblavées autrefois. Les teneurs ont traîné les pieds, se faisant condamner à
une amende en 1541.
En 1565 le propriétaire de la
seigneurie de Languiller et du Coin Foucaud s’appelait Jules de Belleville.
Nous avons raconté son histoire dans l’article publié sur ce site en mai 2020 : Les seigneurs de Languiller (1300-1603). Le 7
décembre 1554 Jules de Belleville a cédé à Jean de Ligny, seigneur du Boisreau
(Chauché), ses droits seigneuriaux sur la Baritaudière et la Jaumarière, moyennant
une rente annuelle de 30 livres payée par Jean de Ligny à noël. Puis il annula
cette vente en exerçant son droit de retrait féodal. Ce droit avait fait
l’objet d’une clause spéciale pour 10 années, puis renouvelée. Et il l’exerça
par accord du 2 octobre 1565 (4). Ainsi Jules de Belleville reprit ses droits
seigneuriaux sur la Baritaudière, et annula la rente annuelle de 30 livres qui
lui était due. Et il céda à Jean de Ligny sept pièces de terre situées près de
la Brosse Veilleteau, de la Bouguinière et du Plessis Allaire (Essarts).
Ruines du château des
Essarts
|
Puis il vendit à nouveau ses
droits seigneuriaux sur la Baritaudière à Louis Masson, sénéchal des Essarts,
comme il le fit de ses droits sur le Pin et la Jaumarière. Dès lors, les trois tènements
de la Baritaudière de la Jaumarière et du Pin eurent le même seigneur pendant quelques dizaines d’années. Il dû y avoir un transport de
certains droits par Louis Masson à un parent de sa femme, Marie Mosnier, car on
note une vente réalisée à une date non repérée de droits sur la Baritaudière,
faite par Thomas Saudelet, sénéchal de Tiffauges, à cause de sa femme,
Charlotte Mosnier. Thomas Saudelet et sa femme vendirent ensuite les rentes annuelles
suivantes à Pierre Fournier, sieur des Marais (Chassay-l’Église à Saint-Prouant), sur le village
et tènement de la Baritaudière, l’une de 6 boisseaux seigle, l’autre de 8
boisseaux seigle, requérables au terme de la mi-août (5).
Sébastien Masson, fils de Louis, sieur des Fouzillières (Grand Village aux Essarts) et de la Jaumarière, est qualifié dans plusieurs actes d’écuyer. Il hérita de la Jaumarière et de la Baritaudière. Lui aussi fut sénéchal des Essarts, et licencié ès lois. C’est lui qui créa une rente annuelle et perpétuelle au profit de la chapelle du château des Essarts, d’un montant significatif de 121 livres. Il avait épousé Françoise Marois (6). Il eut pour fille Renée qui sera la première femme de Pierre de Vaugiraud seigneur de Logerie. Ces derniers héritèrent de biens à la Jaumarière. Il eut aussi Jean qui hérita de la Baritaudière. Il avait aussi hérité de son oncle Charles Masson des droits sur le Pin. À partir de là l’histoire de la Baritaudière et de la Jaumarière divergent.
Sébastien Masson, fils de Louis, sieur des Fouzillières (Grand Village aux Essarts) et de la Jaumarière, est qualifié dans plusieurs actes d’écuyer. Il hérita de la Jaumarière et de la Baritaudière. Lui aussi fut sénéchal des Essarts, et licencié ès lois. C’est lui qui créa une rente annuelle et perpétuelle au profit de la chapelle du château des Essarts, d’un montant significatif de 121 livres. Il avait épousé Françoise Marois (6). Il eut pour fille Renée qui sera la première femme de Pierre de Vaugiraud seigneur de Logerie. Ces derniers héritèrent de biens à la Jaumarière. Il eut aussi Jean qui hérita de la Baritaudière. Il avait aussi hérité de son oncle Charles Masson des droits sur le Pin. À partir de là l’histoire de la Baritaudière et de la Jaumarière divergent.
Jean Masson, fils de Sébastien, écuyer seigneur de
la Bonnezière, avait épousé Renée des Nouhes, qui devint veuve en 1642. Ils eurent
deux filles : Catherine et Élisabeth. Catherine, dame de la Baritaudière,
épousa Jacques Audouard, écuyer seigneur de Metz (près de Niort). Il rendit aveu de la Baritaudière, au nom de sa
femme, au seigneur de Languiller en 1644 et 1653 (6). Les droits de la
Baritaudière et du Pin passèrent par acte de partage en 1680 à René Audouard.
L’histoire de ces droits a été racontée dans l’article publié sur ce site
en novembre 2016 et intitulé : Du rififi chez les seigneurs du Pin, avec
des rebondissements. Finalement René Audouard retrouva la propriété de ses
droits sur la Baritaudière, qu’il avait arrentés en 1693 à Jean Masson, par contrat passé avec Léon de la Bussière,
seigneur de la Vrignonnière, le 24 octobre 1694. Cette fois-ci René Audouard
racheta ses droits de terrage sur la Baritaudière, moyennant le paiement d’une
rente annuelle de 21 livres au seigneur de la Vrignonnière. Nous connaissons
cette histoire par les archives du Pin. Celles de la Baritaudière sont
particulièrement pauvres. De 1694 on passe directement à l’année 1751, où nous
disposons de trois documents.
Les redevances au milieu du 18e siècle
Le premier document est une assignation faite le 29
mai 1751 par le procureur fiscal de Languiller, Jacques Barreau, à 16 teneurs
des tènements de la Maigrière et Baritaudière, pour comparaître aux assises de
Languiller le 15 juin suivant, au château de Languiller. Il leur demande de se
présenter ce jour-là à 9 heures du matin dans la salle du château, où lui-même
demeure, afin qu’ils communiquent leurs contrats d’acquisition de leurs biens
situés dans l’étendue de la mouvance de Languiller et ses fiefs annexes, depuis
30 ans. Et ils devront faire leurs déclarations ou aveux et payer tous les
droits qui sont dus (7). Les nouveaux officiers de Languiller
entreprenaient en cette année 1751 une remise en ordre des déclarations et
aveux dus à la seigneurie. Ces assignations générales sont rares à Saint-André,
n’ayant rencontré une situation similaire qu’à la Bergeonnière conservée à la même date. Les réticences des propriétaires se retrouvent
aussi bien chez des nobles (Bignon, Boutarlière, etc) que chez des roturiers. Les
personnes assignées se sont retrouvées à l’audience du 3 août 1751 des Assises
de Languiller pour se voir condamner à présenter leurs déclarations roturières,
au paiement d’arrérages de redevances dues et non payées, et aux dépends estimés
à 31 £ 10 sols pour tous les teneurs (8).
Le jeune procureur fiscal, Mathurin Thoumazeau,
connaissant bien son affaire, a engagé des saisies féodales, et amené les
récalcitrants au respect du droit féodal. Sans disposer des informations
nécessaires à l’analyse de l’attitude des propriétaires, on peut au moins
relever que ce droit était perçu comme pesant dans bien des cas.
Nous disposons enfin de deux déclarations
roturières par deux propriétaires à la Baritaudière dans l’année 1751, mais
bizarrement en laissant le jour et mois de la date en blanc. Elles ont été présentées
à l’assise de Languiller. On doute que ce
soient les seules faites à l’époque, et on pense à une insuffisance dans l’archivage.
La Baritaudière
|
L’une, par Pierre Piveteau, concerne le champ
du « Pâtis Baritaud »,
d’une surface de 2 boisselées (9). Le rendant déclare devoir le terrage à la
sixième partie des récoltes, plus un cens de 5 sols et 6 deniers payables à
noël. Voilà qui est très intéressant. Cela veut dire qu’en laissant René
Audouard en 1694, retrouver la possession de ses droits seigneuriaux sur la
Baritaudière, cela n’a pas duré, pour lui ou sa suite. À un moment que nous ne
connaissons pas, et que nous constatons en 1751, le suzerain de Languiller a
retiré ces droits vers lui, en conséquence de l’insuffisance de son vassal, ou
bien il les a achetés. Quand on voit ce qui s’est passé au Pin, nous somme
poussés vers la première hypothèse.
De plus, Pierre Piveteau indique
devoir :
-
à différents particuliers 18 boisseaux de seigle
à la mesure des Essarts
-
à la seigneurie des Essarts 2 sols 6 deniers par
an
- à Landelière 2 sols par an. Cette seigneurie avait
appartenu à la famille de Goulaine (Vieillevigne), celle-ci ayant possédé
Linières au début du 17e siècle (10). Présentement le seigneur de
Landelière était un Baudry d’Asson, demeurant au château de Beaumanoir à
Dompierre-sur-Yon. Et le 22 octobre 1791, Charles
Esprit Marie Nicolas Baudry d’Asson de Landelière, a vendu cette rente à François
Fonteneau, laboureur demeurant au Plessis Richard (Saint-Fulgent) (11).
Il reconnaît le droit de justice du seigneur de Languiller.
Le texte comprend une précision inhabituelle mais
intéressante : l’ensemble du tènement occupe une surface de 300 boisselées
et 31 gaulées, ce qui fait 36,5 hectares. Ceux-ci ne constituaient pas une
métairie comme à la Roche Mauvin ou à la Racinauzière. Mais nous n’en savons
pas plus sur la répartition des propriétés dans le tènement. On a seulement pu repérer la
borderie de Louis Arnaud (1704-1785) à la Baritaudière, qui fut partagée en
1790 entre son fils Louis Arnaud et son gendre François Payraudeau avec d’autre
domaines. La borderie de la Baritaudière est qualifiée de petite, ayant ses
terres dans le village et sur le village voisin de la Maigrière. Et elle était
grevée de rentes qui venaient diminuer d’autant le prix des fermes
perçues et aussi le prix des terres en cas de vente (12).
L’autre déclaration roturière est faite par Pierre Grinraud
pour deux parcelles totalisant 2,1 boisselées. Elle reconnaît les mêmes droits
que l'autre ci-dessus, évidemment au seigneur de Languiller, mais sans mentionner
les redevances perçues par d’autres. Elle précise le droit de prélever les lods
et ventes par Languiller (à payer au moment des mutations de biens par le
nouveau propriétaire) (13).
En 1838 dans le cadastre
napoléonien, les propriétaires des bâtiments dans le village de la Baritaudière
sont : Morteau, Papin Alexandre, Perraudeau Louis et Marie, Piveteau
Jacques, Tricoire Jean. Il y avait alors un four et une boulangerie.
Le 21 juillet 1887 l’évêque de Luçon accorda une
indulgence de 40 jours pour ceux qui réciteront un Pater à la vue du calvaire
en bois érigé au village de la Baritaudière (14).
(1) Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par le seigneur de Languiller aux Essarts, reproduisant un texte de 1550 – deuxième copie, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61.
(2) 150 J/G 39, copie de l’aveu du 26-1-1517 du seigneur de
la Boutarlière aux Essarts.
(4) 150 J/G 113, retrait des droits seigneuriaux du
2-10-1565 sur la Jaumarière et Baritaudière par Jules de Belleville.
(5) Note no 3 sur la Baritaudière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1
(6) Archives de Vendée, G. de Raignac, Généalogies vendéennes des familles Masson etc. :
(5) Note no 3 sur la Baritaudière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1
(6) Archives de Vendée, G. de Raignac, Généalogies vendéennes des familles Masson etc. :
8 J 40-1, page 39.
(7) 150 J/E 27, assignation à comparaître aux assises de
Languiller le 15-6-1751 à 16 teneurs de la Maigrière et Baritaudière.
(8) Assise en 1751, Archives de
Languiller, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 37, pages 38 et 39.
(9) 150 J/G 113, déclaration roturière de Pierre Piveteau en 1751 pour la Baritaudière.
(10) 150 J/E 28, complainte du 24-4-1754 du seigneur de la
Rabatelière pour les scellés à Beaumanoir.
(11) Vente du 25-10-1791 de 2
rentes et 2 cens par Baudry d’Asson de Landelière à François Fonteneau sur la
Maigrière et la Baritaudière, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E
30/13.
(12) Partage du 18-5-1790 de la succession de Louis
Arnaud et Jeanne Bujaud entre ses enfants : Louis Arnaud et François
Payraudeau, veuf de Marie Anne Arnaud, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Chateigner : 3 E 30/125.
(13) 150 J/G 113, déclaration
roturière de Pierre Grinraud en 1751 pour la Baritaudière.
(14) Indulgence le 21-7-1887 pour le calvaire de la
Baritaudière, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais
de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 31,
chemise XIII.
Emmanuel François, tous droits
réservés
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire