Blason de la maison d'Urfé |
Joseph Marie de Lascaris, marquis d’Urfé, acheta la
baronnie des Essarts vers 1716 à Marie Jeanne Baptiste de Savoie-Lorraine et à
son fils Victor Amédée de Savoie, duc de Savoie et roi de Sardaigne. Les
Lascaris d’Urfé puis les Lascaris de La Rochefoucauld jouiront de la baronnie
des Essarts jusqu’en 1757, date de sa saisie par les créanciers suite à leur
banqueroute. Le marquis de Lespinay l’acheta en 1787, puis la Révolution
Française vint clore peu après cette longue histoire des seigneurs des Essarts.
Joseph Marie de Lascaris d’Urfé (1652-1724)
Dans son aveu en 1718 des Essarts à Charles
Bretagne de la Tremoïlle, duc de Thouars, le nouveau propriétaire se présente
ainsi : « messire Joseph Marie de Lascaris d’Urfé, marquis d’Urfé et
de Bâge, comte de Virieu-le-Grand, Valromey, de Saint-Just-en-Chevalet et de
Bussy, baron des Essarts, seigneur de la Bastie, Rochefort, Saint-Didier et
autres lieux, grand bailli du Forez et l’un des gentilshommes choisis par sa
majesté pour la personne de monseigneur le dauphin » (1). La maison d’Urfé
était originaire du Forez où elle possédait le château de la Bastie d’Urfé
(Saint-Étienne-le-Molard), les seigneuries de Rochefort (Saint-Laurent-de-Rochefort)
et Saint-Didier-sur-Rochefort, et les comtés de Bussy (Bussy-Albieux) et Saint-Just-en-Chevalet.
Tous ces lieux sont situés actuellement dans la Loire en pays de Forez, comté
dont ils étaient baillis depuis des générations. Le bailli tenait à peu près le
même rôle que le sénéchal en Poitou, judiciaire et militaire essentiellement au
début, puis surtout judiciaire ensuite. Il exerçait son pouvoir au nom du roi
en son comté et ressort de Forez (2). Les d’Urfé avaient aussi des possessions
dans la Bresse, avec le comté de Virieu-le-Grand et Valromey (Ain) et le
marquisat de Bâge (Saône-et-Loire près de Mâcon).
Depuis Jacques Ier d’Urfé (1534-1574) la famille
portait le nom de Lascaris d’Urfé. Le motif remonte à la grand-mère de sa femme,
Anne de Lascaris (1487-1554). Celle-ci, fille de Jean Antoine de Lascaris,
comte de Tende, avait épousé d’abord Louis de Clermont-Lodève avec qui elle
n’eut pas d’enfant. Elle se remaria avec René de Savoie en 1501, fils bâtard du
duc de Savoie et demi-frère de Louise de Savoie, la mère de François Ier. Anne
de Lascaris eut 5 enfants de son second mari. Quand sa petite-fille, Renée de
Savoie, fille de Claude de Savoie (1507-1566), épousa en 1554 Jacques Ier
d’Urfé, elle imposa qu’à défaut de mâles dans la famille d’Urfé, l’aînée des
filles ferait prendre à son mari le nom et les armes des Lascaris (3). Elle
mourut 2 mois après la signature du contrat de mariage. Le prestigieux nom de
Lascaris qu’elle voulait sauvegarder provenait des anciens empereurs de
l’empire de Nicée constitué après la prise de Byzance par les latins au début
du 13e siècle. Le mari et les descendants de Renée de Savoie
s’intitulèrent désormais Lascaris d’Urfé. L’acquéreur de la baronnie des
Essarts était un des arrière-petits-fils de Jacques 1er de Lascaris
d’Urfé et de Renée de Savoie.
Il était marquis d'Urfé et de Bâge, comte de Sommerive
(province de Coni en Italie), lieutenant du Haut et du Bas Limousin en 1686,
alors que son frère aîné était évêque de Limoges. Il avait épousé Louise de
Gontaut-Biron et mourut à Paris le 13 octobre 1724 à l'âge de 72 ans sans
laisser de postérité. Ses biens allèrent à son petit-neveu, Louis Christophe de
La Rochefoucauld, petit-fils de sa sœur Marie-Françoise d’Urfé, qui avait
épousé Jean de la Rochefoucauld.
Louis Christophe de La Rochefoucauld Lascaris (1704-1734) et Jeanne Camus de Pontcarré (1705-1775)
Louis Christophe de La Rochefoucauld Lascaris était
fils de Jean Antoine de La Rochefoucauld (1653-1720) et de Marie Thérèse Guerin
de Lugéac. Son père était mort en 1720 et à cette date il devint l’héritier à
venir de son grand-oncle, Joseph Marie de Lascaris d’Urfé, avec une
condition : ajouter le nom de Lascaris à son patronyme. Il épousa le 11
septembre 1724 Jeanne Camus de Pontcarré, un mois avant le décès de son
grand-oncle. Il appartenait à la famille La Rochefoucauld, de la branche de
Barbezieux et des marquis de Langeac, à cette époque marquis de Langeac (Haute-Loire)
et comte de Saint-Ilpize (Haute-Loire). Il devint au décès de son grand-oncle, un
mois après son mariage, marquis d’Urfé et de Bâge, et aussi baron des Essarts.
Le droit de rachat de la baronnie des Essarts dû au
duc de la Tremoïlle et duc de Thouars, suite au décès de Joseph Marie de
Lascaris d’Urfé, devait être payé par le fermier de la baronnie, Jacques Merland,
sieur de Champeau, suivant son bail en cours. Il se montait à une année de
revenus et il en paya la moitié, soit « 4 650 livres en une lettre de
change payable à vue à l’ordre de sa dite altesse par lui tirée sur M. Claude
Groux banquier à Paris », correspondant aux revenus de l’année 1729 (4).
On observe que cette année-là les revenus étaient encore inférieurs d’environ
2 000 livres à ceux de l’année 1649. Et pourtant la période du Petit Âge Glaciaire,
avec ses calamités climatiques, s'estompait progressivement, et le pays entrait dans une
période de reprise économique qui allait durer longtemps. Mais on a pu
constater dans certaines métairies du château voisin de la Rabatelière que la
remontée des revenus a pris du temps, parfois trois décennies, et on n’est donc
pas surpris du constat fait des difficultés économiques de la baronnie des
Essarts à cette date.
Jeanne Camus de Pontcarré
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Jeanne Camus de Pontacarré (1705-1775) était la
fille du premier président du parlement
de Rouen (cour de justice) et de Françoise Michelle de
Braguelonne.
Celle-ci eut pour demi-frère l’abbé Christophe Bernard de Braguelonne, qui
fut membre de l’Académie des sciences. Jeanne est connue pour ses extravagances
et ses fréquentations avec le comte de Saint-Germain et le comte de Cagliostro,
qui l’entraînèrent dans l’univers des sciences occultes. Elle entretint même des
relations avec le célèbre aventurier italien Casanova.
Louis-Christophe de La Rochefoucauld Lascaris
demeurait ordinairement au château de Langeac en Auvergne, résidant aussi à
Paris, soit chez monsieur Pelichon, rue du Batoir (près de Saint-André-des-Arts),
soit chez son oncle, l’abbé de Braguelonne rue des Deux Postes, ou chez son beau-frère, monsieur de Pontcarré, maître des requêtes (5). Il servit comme
capitaine d’une compagnie dans le régiment de cavalerie de la Roche-Guyon, puis
fut nommé colonel du régiment en 1731. Il mourut de la petite vérole (variole) au
camp de Tortonne dans le Milanais le 7 janvier 1734 (6).
Devenue veuve à 29 ans, Madame d’Urfé, ne se
remaria pas et dilapida une partie de sa fortune avec les personnages douteux
cités plus haut. Elle devint la tutrice de ses enfants et intervint en leur nom
dans les affaires de la baronnie des Essarts. Son fils unique mourut en 1742 à
l’âge de 16 ans. Il lui resta deux filles, Adélaïde Marie Thérèse née en 1727,
et Agnès Marie née en 1732.
Le duc de Thouars fit une saisie féodale des
revenus de la baronnie en mai et juin 1751 faute de devoirs remplis (7). Elle
fut signifiée à Landais, greffier et régisseur du château des Essarts. Un
mémoire non daté (situé vers fin 1751) et non signé, mais pour le compte de
« Mademoiselle de La Rochefoucauld d’Urfé », explique que cette
dernière ne refuse point ce qu’elle doit, et qu’elle croit avoir rendu la foi
et hommage qu’on lui demande. Mais le dénombrement à suivre nécessite un temps
considérable pour le mettre en état, car le papier censaire (liste des titres
de propriétés) de la terre des Essarts est en cours de réfection. Le fermier
qui devait le remettre est mort le 8 juillet 1750 sans l’avoir mis à jour. Il
s’agit de Jacques Merland sieur de Champeau, dit le texte, le même fermier
qu’en 1721, le texte ajoutant : « Mademoiselle de La Rochefoucauld
espère que le conseil de M. le duc de la Tremoïlle voudra bien lui accorder 1°
la main levée de la saisie féodale sous l’offre qu’elle fait de prêter la foi
et hommage, supposé que cette formalité n’ait point été remplie ; 2° un
temps convenable pour rendre son dénombrement. Elle est certaine que ses gens
d’affaires ne perdront pas un instant à le mettre en état » (8). On pense
que la situation se régularisa ensuite avec le duché de Thouars. Mais voilà
bien un indice de la lourdeur inhérente à la mise à jour des papiers censaires,
inhérente aussi à la propriété féodale, même si le décès du fermier n’a pas
arrangé la situation. On voit aussi à quel point la terre des Essarts
paraissait bien lointaine à ses propriétaires parisiens.
Logis de Beaumanoir
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On ignore les manières d’agir des officiers de la
baronnie sur place. Fonctionnaires du seigneur ayant acheté leurs offices, leur
activité était encadrée par la réglementation en vigueur, mais restait guidée
par son caractère patrimonial. On le voit dans une querelle opposant la
Rabatelière aux Essarts sur une affaire de scellées apposées au château de
Beaumanoir en la paroisse de Dompierre-sur-Yon. C’est dans ce château, où il
avait vécu, que mourut René Esprit Baudry d’Asson, seigneur de Landelière,
Beaumanoir et de la Boissière-de-Montaigu. Aussitôt après la mort, le juge des
Essarts fit apposer des scellées sur les meubles et papiers du défunt. Le juge
de la Rabatelière et de la Jarrie lui dénia ce droit, et fit enlever les
scellées pour en apposer de nouvelles. L’affaire fut portée au présidial de
Poitiers, et le seigneur de la Rabatelière affirma en 1754 « que l’ouvrage
des officiers des Essarts est un trouble à la possession des seigneurs de la
Rabatelière » (9). Cette concurrence de champs de compétences intéressait
surtout les officiers concernés, même s’ils agissaient au nom du seigneur.
Adélaïde de La Rochefoucauld de Lascaris d’Urfé
épousa en 1754 Alexis Jean du Chastellet. Elle était marquise de Bagé, Langeac,
Urfé, comtesse de Saint-Just, Saint-Ilpyce, Arlet (Haute-Loire), la Bathie et
baronne des Essarts. Par son mariage, le marquis du Chastellet s’appela Alexis
Jean de Lascaris d’Urfé, marquis du Chastellet et de Fresnière.
Alexis Jean de Lascaris d’Urfé du Chastellet
Il était le fils Jean du Chastellet,
comte du Chastellet, seigneur de la Frenière, de Vermanton (Bourgogne), et de
Suzanne Talon. Alexis Jean du
Chastellet fut gouverneur de Bray-sur-Somme à partir de 1736 et grand voyer de
Picardie (responsable de la voirie). Il avait épousé en 1741 Jeanne Regnault,
qui mourut sans enfant en 1753 (10), et il se remaria en 1554 avec Adélaïde
de La Rochefoucauld de Lascaris d’Urfé.
La fortune de la famille La Rochefoucauld Lascaris
était déjà mal en point l’année de ce mariage, subissant des poursuites
judiciaires et des saisies. On sait que le marquis de La Rochefoucauld du
Chastellet, avec ses 18 000 livres de rentes annuelles, devait en 1704
s’employer à désintéresser les créanciers de son père et de ses frères pour un
montant de 80 000 livres. À cause de la guerre contre la Savoie, il ne
pouvait pas toucher les revenus de ses terres du Piémont (11). Un demi-siècle
après les affaires s’étaient-elles arrangées ? La veuve Jeanne Camus de
Pontacarré n’avait-elle pas trop gaspillé son argent ? La terre des
Essarts était-elle bien tenue et avait-elle retrouvé la prospérité ?
Autant de questions que nous nous posons, sans pourvoir y répondre. Elles nous
permettent d’entrevoir les raisons possibles des saisies.
Cachet de la baronnie des Essarts (1770)
Archives de Vendée : B 1434
|
Le 6 septembre 1757, la baronnie des Essarts fut
saisie par les commissaires aux saisies réelles du parlement de Paris, à la
requête de Jean Baptiste Sallière, bourgeois de Paris, « sur messire Alexis
Jean Lascaris d’Urfé du Chastellet et sur dame Adélaïde Marie Thérèse Lascaris
de la Rochefoucauld d’Urfé, son épouse » (12). L’énumération des biens
saisis recoupe le contenu des aveux rendus au 17e siècle. C’est un autre
bourgeois de Paris qui devint adjudicataire général de la terre et seigneurie
des Essarts, Jean Michou repéré en 1761. Son fondé de procuration aux Essarts
était alors Jean Antoine Ducros de Duenne, bourgeois demeurant à Marsugeau
paroisse d’Archigny (dans la Vienne à l’est de Poitiers). Ce dernier dû nommer un garde
« de la forêt des Essarts, eaux, pêches et chasses et dépendances de la
baronnie » le 16 juin 1770, Charles Boudaud habitant de
Saint-Martin-des-Noyers. Sa lettre de nomination fut scellée des armes de la baronnie en cire rouge, pour
être envoyée au maître particulier des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte, afin
que celui-ci reçoive le garde en son office (13). Peu après, le fondé de
procuration du fermier judiciaire fut un notaire de Saint-Fulgent, Claude
Joseph Frappier (14), auquel succéda un nommé Corbelin (15). Ce dernier afferma vers 1772 la baronnie des Essarts en entier à
Charles Guyet de Saint-Fulgent, ami du notaire Frappier (16). Guyet demeura
fermier jusqu’à l’arrivée d’un nouveau propriétaire en 1787. Il avait acheté en
1784 le fief de la Barette, mouvant des Essarts, à René Louis Marie de
Jousbert, baron du Landreau (Herbiers) (17). Ce Guyet était un authentique
homme d’affaires qui amassa une importante fortune, notamment en affermant et
gérant des patrimoines fonciers. Voir sa biographie publiée sur ce site en
avril 2013 : Simon Charles Guyet à Saint-Fulgent (1733-1793).
Alexis Louis Marie de Lespinay (1752-1837)
En 1787 on imprima une affiche pour la mise en
vente aux enchères de la terre des Essarts. La voici copiée ici (18) :
Terre, baronnie et seigneurie des Essarts.
Terre et seigneurie de Sainte-Cécile ; Châtellenie, terre et seigneurie de
l’Aublonnière et de Moraine ; Fief et seigneurie du Breuil Nicou et
dépendances, situés en Bas-Poitou
A VENDRE
PRÉSENTEMENT
Sur l’enchère de 603 000 livres
Le
tout composé de 8 240 boisselées de terre, dont 2 850 en bois et futaie, 3 700
en terres labourables, et le surplus en prés, pacages, jardins, pâtis,
exploitées par 13 métairies. A cette terre sont attachés des droits
honorifiques très beaux dans 3 paroisses et des fiefs qui s’étendent dans 15 ou
20 autres, ce qui procure une mouvance sur plus de 6 lieux d’étendues, avec
tous droits de haute, moyenne et basse justice, de sceaux, armoiries, droits de
lods et ventes, rachats, sous-rachats, guets et reguets, bians et corvées,
banalités de fours et moulins. Il existe sur cette terre 5 moulins à eau, 4 à vent.
Un des produits consiste en redevances portables de 2 400 boisseaux tant en
avoine qu’en seigle. Cette terre que l’on assure rester la seule qui ait des
bois dans la province, offre pour 120 000 livres au moins de bois de haute
futaie à couper. La grande route de Saumur aux Sables passe sous les murs du
château ; la rivière le Lay que l’on projette de rendre navigable,
traverse cette terre, qui se trouve placée à 10 lieux de la Rochelle et à 12 de
Nantes.
Le
bail judiciaire est adjugé 24 100 livres, les sous-baux portent le revenu fort
au-dessus.
L’on
pourra diviser s’il se présente des enchérisseurs pour les différentes parties
qui composent la Terre.
Les
enchères seront reçues au greffe civil du parlement les vendredi 18 mai, 15
juin 1787, de relevée.
L’adjudication
sans espérance d’autres remises, pourra être prononcée l’un de ces 2 jours, si
les enchères s’élèvent à un prix raisonnable.
S’adresser
à Me de La Monoye, procureur au parlement, rue Saint-André-des-Arcs, vis-à-vis
la rue Contrescarpe.
Affiche
de mise en vente des Essarts (1787)
Archives
nationales : chartrier de Thouars
|
En retenant les chiffres de surfaces indiqués on
voit que les 1 000 ha de l’ensemble se partageaient en 350 ha de bois et
futaie, 450 ha de terres labourables et 200 ha de prairies, pacages et jardins.
Les 13 métairies mentionnées comprenaient une moyenne d’environ 45 ha, ce qui
parait plausible, et pouvaient rapporter un revenu total pour le propriétaire
probablement d’environ 6 000 livres par an, sans les coupes de bois. Celles-ci valent environ 800 livres par an en 1572 (19). Les chiffres de
6 000 £ et 800 £ sont intéressants à
rapprocher de la valeur d’environ 4 000 livres de redevances féodales en 1787 que pouvaient valoir les 2 400 boisseaux de redevances portables. Il
montre un nombre insuffisant des seules métairies par rapport au montant des droits
féodaux, pour assurer l’avenir d’une baronnie importante. Par
comparaison on a l’exemple de la châtellenie du Puy du Fou, vendue en 1788 pour
820 000 livres avec un revenu annuel évalué à 48 650 livres (20).
Quant aux trois
paroisses évoquées, où le baron des Essarts a de « très beaux droits
honorifiques », il s’agit des Essarts, de Chauché et de
Saint-André-Goule-d’Oie. Dans son aveu à Thouars en 1639 il se disait y « ayant droit de patronage et fondation »
(21). C’était exagéré, à moins que le sens des mots lui fût particulier. Le
droit de choisir le desservant à la cure ne lui appartenait pas en effet, au
moins à Chauché et à Saint-André. Sans doute en pratique avait-il droit à
quelques honneurs symboliques : bénédiction dans les cérémonies
religieuses, préséance dans les
processions, coups d’encensoir, etc.
La coupe des bois devait être autorisée
par l’administration des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte et faisait l’objet
d’une ferme à part. La baronnie des Essarts n’est pas la seule terre qui ait
des bois dans la province, si on songe à la Rabatelière avec la forêt de Gralas,
ou à la forêt de la Chaize-le-Vicomte.
Quant à la rivière du Lay, le projet de la
rendre navigable était bien ambitieux ; a-t-il vraiment existé ?
On
note enfin l’absence de la mention de la verrerie dépendant de la baronnie, et
installée au lieu de Détroit dans la forêt des Essarts sur la paroisse de
Saint-Martin-des-Noyers. On apprend son existence dans un document concernant la
verrerie de Rortheau à Dompierre-sur-Yon en 1758 (22). Mais peut-être
n’appartenait-elle pas au baron des Essarts, ou était-elle inactive à l’époque,
ou tout simplement d’un rapport assez faible. L’industrie n’existait pas à
l’époque, et il ne faut pas voir ce type d’installation avec l’esprit
conditionné par les normes économiques de notre époque.
Alexis de Lespinay |
C’est Alexis Louis Marie de Lespinay qui acquit la
terre des Essarts le 3 août 1787 (23). Il habitait au château du Pally à
Chantonnay. Son père, Alexis Samuel de Lespinay, avait épousé dans l’église de
Saint-André-Goule-d’Oie Félicité Cicoteau, dame de Linières, le 11 août 1750
(vues 82 et 83 du registre paroissial accessible sur le site des Archives de
Vendée). Sa fortune doit beaucoup à l’héritage de son grand-oncle Gabriel des
Noues, malheureusement assassiné en 1738 par Barraud des Granges après un repas
bien arrosé dans une auberge de Saint-Fulgent (24). Son oncle, Louis Gabriel de
Lespinay, est seigneur de la Vrignonnière, petite seigneurie des Essarts, où
son grand-père était né. Son frère cadet, Charles Augustin de Lespinay, est
seigneur de Linières (Chauché).
Pour payer son acquisition Alexis Louis Marie de
Lespinay s’adressa en 1788 à Charles Guyet, qui était encore fermier de la
baronnie un an plus tôt (25). On ne sait pas s’il le resta longtemps après.
Guyet avait délaissé son activité de maître de poste à Saint-Fulgent à cette
époque, il gérait de nombreux domaines, soit comme fermier soit comme
propriétaire, devenant aussi en corollaire négociant en grains et en bétail. Il
prêtait de l’argent, se portait caution, et aussi servait d’intermédiaire
financier. Ainsi a-t-il été agent d’affaires de la famille Arnoux-Rivière, du
grand commerce nantais (26). Pour Alexis de Lespinay il trouva un nommé Barreau
qui prêta 238 000 livres. Et pour rembourser ce dernier, Guyet trouva un
autre prêteur le 28 juillet 1791, Lambert, pour une somme de 60 000 livres.
Le 7 février 1792 M. de Lespinay révoqua le mandat de Guyet tout en ratifiant
la convention passée avec Lambert (27). À cette dernière date, entre
l’aristocrate et le bourgeois, qui sera bientôt élu électeur du canton de
Saint-Fulgent dans le camp des révolutionnaires, la politique creusait un fossé
qui deviendra vite infranchissable. Tout avait bien commencé pourtant dans
l’euphorie de 1789. Alexis Samuel de Lespinay, père de l’acquéreur, avait été
colonel de la garde nationale de Chantonnay. Il avait présidé le 30 mai 1790 un
rassemblement en confédération des gardes nationales de 18 paroisses des
environs (dont Saint-André-Goule-d’Oie, Saint-Fulgent, les Essarts) au
Fougerais de Sainte-Florence-de-l’Oie (28). Cette concorde des gens de toutes
conditions dans la région autour des réformes de 1789 a disparu au bout d’un
an, puis a laissé la place à une guerre civile à partir de 1793, accompagnée
d’un massacre de masses par les autorités révolutionnaires.
Le château des Essarts servit de prison et de lieu
d’exécution. Les bâtiments, avec les dépendances et son église, furent incendiées
en 1794 par une des colonnes de militaires chargées d’éliminer les habitants de
la contrée et de détruire les habitations et les moyens de subsistance (29).
Les domaines d’Alexis de Lespinay et de son frère de Linières furent confisqués
à cause de leur émigration et vendus comme bien national. Anne de Montault,
épouse d’Alexis Louis Marie de Lespinay, dû quitter le Pally pour échapper à la
mort. Elle se cacha dans
une cabane située dans la partie de la forêt des Essarts qui touche le village
de Curin, (paroisse de la Chaize-le-Vicomte). Elle avait avec elle son fils et
sa fille (30). En mars 1798, vendant ses biens propres pour cela (31), elle
acquit des propriétés confisquées de son mari : l’Aublonnière, le Grand
Morne, le Breuil Nicou à Sainte Cécile, la Tabarière, la Silletière, les deux
moulins à eau et à vent, les Boucheries, les Mornières, le Chataigner à
Chantonnay. Les biens des Essarts rachetés furent le château, la Maison Rouge,
la Capètrie, la Piletière, la Guibonnière, la Grande métairie. À
Saint-Martin-des-Noyers elle racheta les Cosses, la Noue Étienne, la Painerie,
le Sablon, le Détroit. Et à Saint-Philbert-du-Pont-Charraut elle racheta la
Maison Neuve et la Fenêtre (32). Elle fit aussi des réclamations aux autorités
du département au sujet de ces biens (33). Les propriétés du Pally n’avaient
pas été confisquées (34).
Nouveau château des Essarts
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Alexis Louis Marie de Lespinay, revenu vivant
d’émigration, reconstruisit le château du Pally en 1824 (35). Celui des Essarts
resta plusieurs dizaines d’années à l’abandon. Son fils, Louis Armand de
Lespinay (1789-1869), général en retraite qui avait été page de Napoléon et son
officier d’ordonnance (1808), entreprit de construire un nouveau château aux
Essarts en 1854/1857 (36), en récupérant des pierres de l’ancien. Sa fille, Henriette
Armande de Lespinay (1829-1894), en hérita. Elle épousa en 1850 Charles Adrien Joseph Bonabes, vicomte de Rougé, et leur descendance
habite toujours le nouveau château.
Une association des amis du vieux château des
Essarts s’occupe de l’ouverture au public des vestiges de l’ancien château en
juillet et août de chaque année. Un site internet publie des précisions sur ces
vestiges : http://www.passionchateaux.com/ch_les_essarts.htm
(1) Aveu des Essarts du 1-3-1718,
Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(2) Acte de cession d’héritage du 7-9-1543 par
Vital Bodet authentifié par le bailli du Forez, collection privée Thierry
Guilment.
(3) http://labastie.chez-alice.fr/jacquesi.htm.
Voir aussi : Arthur
David, Documents historiques sur le
Forez, Alexis-Jean de Lascaris d’Urfé, marquis du Chastellet, Imprimerie
Chorgnon et Bardiot à Roanne, 1891.
(4) Quittance du 3-5-1730 du rachat des Essarts à
Thouars, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(5) Lettre de Proust du 8-2-1729 à M. Volluette avocat parisien de M.
Descazaux, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G40.
(6) de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France, des grands
dignitaires de la couronne, ... T 8, 1827, page 93.
(7)
Saisie féodale du 15-5-1751, de la baronnie des Essarts, Archives nationales, chartrier
de Thouars : 1 AP/1135.
(8) Mémoire de 1751 sur la saisie féodale des Essarts,
Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(9) Complainte du 24-4-1754 du seigneur de la
Rabatelière pour les scellés à Beaumanoir, Archives de la Vendée, chartrier de
la Rabatelière : 150 J/E 28.
(10) François Alexandre Aubert de la Chesnaye dds Bois, Dictionnaire de la noblesse, 2e édition, T. 4, 1772,
page 255.
(11) Arthur
David, Documents historiques sur le
Forez, Alexis-Jean de Lascaris d’Urfé, marquis du Chastellet, Imprimerie
Chorgnon et Bardiot à Roanne, 1891.
(12) Saisie réelle du 9-9-1757 de la baronnie des
Essarts, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(13)
Dossier de réception du 16-6-1770 de garde de la forêt des Essarts, Archives de
Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1434.
(14) Liquidation du rachat des Essarts dans les
années 1770, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(15) Quittance du 22-1-1763 du rachat payé aux Essarts pour
Languiller, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 8.
(16) Ferme du Sablon 9-12-1774 de C. Guyet à
Gréau, Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/7.
(17) Achat du 30-10-1784 du fief de la Barette de
C. Guyet à Jousbert du Landreau, Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent,
Frappier : 3 E 30/10.
(18) Affiche pour la vente des Essarts aux enchères
en 1787, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(19) Archives de Vendée, baronnie des Essarts-Brosse et
Luxembourg (1435-1642), 19 J 1, ferme de la baronnie des Essarts à Masseau et
Menanteau le 17-12-1571.
(21) Aveu des Essarts à Thouars du 13-6-1639,
Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1136.
(22)
Dépositions du 21-10-1758 pour l’enquête sur la verrerie de Dompierre, Archives
de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1448-1449.
(23)
De Grimoüard, Étude
sur le prieuré des Mignon
(novembre 2001). Aussi, C. de Sourdeval, Le
général baron de Lespinay dans l’annuaire de la société d’émulation de la
Vendée, 1868, p. 126, vue 65 aux Archives de Vendée.
(24) Archives
de Vendée, G. de Raignac, Quelques
familles du Bas-Poitou, tome 5 terminé le 30 mai 1986 : 8 J 5, famille
de Barraud, page 61 et 62.
(25) Procuration du 18-11-1787 dans l’instance
de C. Guyet pour le fief de la Barette, Archives de Vendée, notaire de
Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12.
(26) Idem (23).
(27) Recueil général des lois et des arrêts en
matière civile, 1e série,
2e volume Paris 1843, page 49 : Cour de cassation du 8
nivôse an 13, Lambert/Lépinay.
(28) Louis Brochet, Le canton de Chantonnay à travers l’histoire, Livre
d’histoire-Lorisse, 2007, page 59.
(29) C. de Sourdeval, Le général baron de Lespinay dans l’annuaire de la société
d’émulation de la Vendée, 1868, p. 126, vue 65 aux Archives de Vendée. Voir
aussi :
(30) R. Valette, Famille de Lespinay, Revue du Bas-Poitou 1898-1, page 100.
(31) Communication de M. Charles de Lespinay en
2009.
(32) Archives de Vendée, vente des biens nationaux
en l’an 6 (germinal, ventôse et floréal), à Montault-Lespinay : 1 Q 253 no
527, 528, etc.
(33) Archives de Vendée, réclamation de Mme de Montault sur des biens
nationaux : 1 Q 293.
(34) Louis Brochet, Le canton de Chantonnay à travers l’histoire, Livre
d’histoire-Lorisse, 2007, page 4.
(35) Maurice Bedon, Le château au XIXe siècle en
Vendée, Lussaud (1971).
(36) Idem (29).
Emmanuel
François, tous droits réservés.
Mars
2019, complété en août 2021
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