La seigneurie de la Roche, en limite de l’ancien bourg de Chauché, n’était pas de loin la plus importante des seigneuries de la paroisse. Les conflits survenus à l’issue de la Révolution à Saint-André-Goule-d’Oie et aux Essarts sur des rentes dues auparavant à cette seigneurie ont attiré l’attention sur elle. Ces rentes avaient-elles été supprimées par la Révolution, car féodales, ou ne l’avaient-elles pas été, car purement foncières ? Nous avons fait le récit de deux procès concernant ces rentes. Dans l’abondant chartrier de la Rabatelière on n’a pas réussi à trouver leur origine, mais on a pu suivre l’évolution de la seigneurie. C’est ce que nous nous proposons d’exposer ici.
L’origine connue avec les Rezay, seigneurs de la Merlatière et de la Roche de Chauché (1343-1598).
Philippe VI roi de France et seigneur de Montaigu |
Dans cet aveu on remarque que l’influence
de Montaigu s’étendait jusqu’au territoire de Chauché. Elle s’étendait aussi de la même manière sur la moitié du fief de
Saint-André-Goule-d’Oie (bourg) tenu par son vassal Jean de Thouars à cause de
sa ligence de l’Herbergement Entier (au sud-ouest de Montaigu). L’autre moitié
appartenait au seigneur de la Drollinière appelée ensuite Linières (2). Sur ce
fief de Saint-André, on voit qu’en 1405 l’influence de Montaigu a cédé la place
à celle des Essarts, le seigneur du Coin en étant le suzerain direct sous son hommage
aux Essarts, et le seigneur de la Drollinière son possesseur en totalité (3). La
paroisse de Chauché et les fiefs de la Roche de Chauché et de la Vergne Ortie
(devenu la Vergne), sont eux aussi entrés dans la mouvance des Essarts vers le 15e siècle via leur suzerain direct, la Jarry. Ce reflux de
l’influence de Montaigu, dû probablement aux bouleversements engendrés par les
guerres, a entraîné de nouvelles relations féodales dans la mouvance des
Essarts à Chauché et à Saint-André-Goule-d’Oie.
Et pour commencer on constate une
relation bien compliquée à Chauché, au moment où Martin de Rezay possède à la
fois la Jarrie (Saligny) et la Roche de Chauché. Dans un aveu de 1410, le
seigneur de la Vergne Ortie tient la
Roche de Chauché de la seigneurie de la Jarrie (4). Autrement dit son vassal de
la Roche de Chauché était la même personne que son suzerain de la Jarrie. On
sait qu’au-delà des hommes, la relation féodale concernait avant tout des patrimoines
désormais, et les anciennes relations de fidélité entre nobles et chevaliers
avaient laissé la première place à la hiérarchisation entre les fiefs. Nous
allons tenter d’y voir clair dans cette relation féodale de la Roche de Chauché
en remontant aux origines.
Le Jean Cathus que l’on a vu
ci-dessus rendre un aveu en 1343 au roi de France, eut pour héritier son fils,
aussi appelé Jean Cathus, lequel épousa en 1365 Jeanne Drouelin, l’une des deux
filles du seigneur de Saint-Fulgent et de la Drollinière. Une fille de Jean
Cathus, Catherine Cathus, dame de Saint-Fulgent, épousa vers 1380 Sylvestre de
Rezay, seigneur de la Jarrie et de la Merlatière. Elle était veuve sans enfant
de Guy de Vivonne, seigneur de Bougouin, fils aîné d’Hugues et de Jeanne de
Crux. C’est ainsi que Sylvestre de Rezay, seigneur de la Jarrie et de la Merlatière,
devint seigneur de Saint-Fulgent avec la dot de sa femme (5). Rezay était le
nom de cette famille qui avait pris le nom de sa terre d’origine : un fief
breton, dont l’orthographe a évolué en Rezé, proche de la ville de Nantes,
maintenant dans sa banlieue. En 1453 Martin II de Rezay vendit la terre de Rezay à
Guillaume de Saint Gilles, la Merlatière étant devenue la résidence principale
de la famille, possédant aussi deux seigneuries proches : la Raslière,
touchant le bourg de la Merlatière, et la Jarrie à Saligny. Comment les Rezay
sont venus à la possession de la Merlatière ? On ne sait pas répondre de
manière certaine, et l’historien Guy de Raignac avance la possibilité qu’elle
l’ait été aussi par les Drouelin, seigneurs de Saint-Fulgent et la Drollinière.
La Jarrie à Saligny
en 2019 |
Sylvestre de Rezay et Catherine Cathus eurent quatre enfants, dont Martin Ier de Rezay qui était en 1410 seigneur de la Merlatière, fief relevant du baron des Essarts. C’est Martin de Rezay qui reçut l’aveu de la Vergne Ortie cette année-là pour la seigneurie qu’il possédait de la Roche de Chauché (5). Il aurait aussi rendu aveu du château de Saint-Fulgent en 1412 à Tiffauges. On constate à ces dates le retrait de Montaigu de la Roche de Chauché et la Vergne Ortie évoqué précédemment, et probablement aussi de la paroisse de Chauché, le tout au profit du baron des Essarts. Indiquons tout de suite qu’un conflit entre les seigneurs de la Merlatière et des Essarts se termina par une décision du parlement de Paris en 1503 conduisant au changement de suzerain. Désormais la Merlatière dépendrait directement de leur suzerain supérieur : Thouars. Ce dernier consentit à la même époque à l’union en une seule des seigneuries de la Jarrie, Raslière et Merlatière, ne formant qu’un seul hommage (6). Le vicomte de Thouars les a érigées en châtellenies en 1504, leur accordant ainsi le droit de haute justice. Il a accordé aussi le droit de construire un château à la Merlatière, et de fortifier le logis de la Jarrie. Le château n’a jamais été construit, les propriétaires habitant à la Merlatière et à la Jarrie (6).
Martin Ier de Rezay épousa Jeanne de Vernou dont il eut 3 enfants connus : Martin II de Rezay, Louis et Isabeau. Louis succéda à son frère aîné Martin II dans la possession de la Merlatière, Jarrie et Saint-Fulgent comme on le voit en 1468 et 1469 (7). Isabeau de Rezay épousa vers 1450 François de Bessay, lui apportant en dot la majeure partie de la Roche de Chauché (8).
Dans un aveu en 1469 de Jean
Vayronneau à Louis de Rezay, on voit que des domaines situés dans le fief de la
Roche étaient tenus à foi
et hommage plain, à rachat et à divers devoirs (9). Cet aveu ne concerne pas
tout le fief, notamment pas sa métairie qui existait peut-être à cette époque. Et
en 1607 dans un acte de procédure judiciaire on voit le sénéchal de la Jarrie se
transporter « au-devant le grand portail du lieu noble de la Roche
Boursault » (10). L’expression citée signifie qu’il n’y avait pas de
château à la Roche, tout au plus une maison importante par sa taille dans les
critères de l’époque. Ajoutons
que des terres de la Parnière (Brouzils) étaient mouvantes de la Roche
de Chauché (11). Un hôtel de la Nourissière à Chauché dépendait féodalement de
la Roche et fut cédé en 1455 par Jean Geay aux Bertrand (12).
Le nom de la Roche Boursault employé
ci-dessus pour désigner, quoique rarement, le fief situé près du bourg de
Chauché ne doit pas être confondu avec un autre fief aussi appelé du même nom
de la Roche Boursaud ou Boussau près du bourg de Saint-Denis-la-Chevasse, qui
dépendait de la seigneurie voisine de Puytesson (13). Le seigneur de la Roche
Boursaud près du bourg de Saint-Denis fut à la fin du 15e siècle
René Bertrand, qui épousa une demoiselle de Rezay. Son fils, Roland Bertrand,
épousa en 1540 Robinette Maignen, et son petit-fils, Christophe Bertrand,
épousa Charlotte Châteigner en 1579. Le père de cette dernière, Gilles
Châtaigner avait eu Saint-Fulgent en partage, et son oncle, René Châteigner
avait eu la Merlatière, Raslière et Jarrie (14). Des Rezay, la châtellenie de
Saint-Fulgent était passée aux Châteigner, puis aux Bertrand à partir de
Christophe Bertrand ci-dessus.
Le 19 mai 1486 Louis de Rezay avait
fait un accord avec un Bertrand seigneur de Rorthais, au sujet de l’établissement d’une verrerie dans les bois
de Rortheau et de la Jarrie. Celle-ci avait besoin de bois pour alimenter ses
fours, importants à Dompierre-sur-Yon et les environs. Cette verrerie survécut
longtemps avec des hauts et des bas (15). On voit ainsi que les Bertrand
seigneurs de Saint-Fulgent avaient eu des ancêtres verriers comme on l’a
souvent écrit, mais sans que cette activité n’ait dérogé à leur appartenance à
la noblesse. Les verreries valorisaient un domaine noble, comme les forêts et
les étangs. Il y avait aussi des verriers nommés Bertrand à Mouchamps (selon B.
Fillon, auteur discuté), mais ce sont ceux originaires de Dompierre-sur-Yon qui devinrent
seigneurs de Saint-Fulgent.
Dans la mouvance de la Merlatière
se trouvait aussi le fief de Puytesson (alors à Chauché et depuis à Saint-Denis-la-Chevasse),
qui avait juridiction sur 22 tènements de la paroisse de Chauché, dont le bourg,
et avec droit de sépulture dans l’église paroissiale Saint-Christophe. Une
partie de ces tènements, dont la Cantinière et la Marchegaisière, sont devenus
après la Révolution des territoires de Saint-Denis-la-Chevasse. La mouvance de
Puytesson ne comprenait pas l’ancienne paroisse de la Chapelle-Begouin (celle-ci
dans la juridiction des Essarts), ni la seigneurie de la Roche de Chauché, qui
avait sa haute justice. Néanmoins l’évêché de Poitiers incorpora la paroisse de
la Chapelle Begouin dans la nouvelle paroisse de Chauché, n’en formant plus
qu’une seule officiellement, lors des délimitations des paroisses de la contrée
telles qu’elles existaient en 1306 lors de la parution du pouillé de l’évêché
de Poitiers.
La Roche de Chauché en 2019 |
Partage par moitiés de la Roche de Chauché (1470-1730)
Isabeau de Rezay, fille de Martin
Ier, épousa François de Bessay vers 1450, déjà veuf de Françoise Jourdain. Puis
la Roche de Chauché, terre et fief d’hommage, fut partagée entre leurs deux
filles : Isabeau, qui épousa vers 1470 Jean Bodin, seigneur de la
Rollandière (Pouzauges), et Marie qui épousa le 24 janvier 1473 Jean de
Saligné, seigneur de la Lardière et Badiole.
Par un partage au sein de la famille Bodin, leur moitié de la Roche de Chauché échut à une nièce de Jean Bodin, Michelle Bodin, femme de Mathurin Gazeau, seigneur de la Brandasnière et du fief Gazeau. Leur fils Antoine Gazeau épousa le 6 octobre 1519 à la Roche-sur-Yon Louise Bonnevin, dame de la Boutarlière (fille d’une autre Catherine Droulin). Leur fille, Louise Gazeau, épousa vers 1540 Alexis Royrand, seigneur de la Patissière (Boufféré). Ils vendirent le 5 août 1565 la moitié de la seigneurie de la Roche de Chauché, à Jacques Prévost écuyer seigneur du Bignon à Chauché (17). Mais ce dernier revendit sa moitié de la Roche de Chauché le 10 septembre 1581 à Léon Gazeau, et en 1595 une transaction avec le suzerain, François de Beaumont, seigneur de la Jarrie, confirma l’acquisition (18). Ainsi Jean du Gast et Renée Gazeau possèdent cette moitié dans un procès en 1607/1608 de la Jarrie sur l’hommage en parage de la Roche par la Merlatière. Renée Gazeau était une descendante de Louise Gazeau et d'Alexis Royrand.
Jeanne de Saligné, fille de Jean, épousa en 1494 Louis Marchant, seigneur de la Métairie (Poiré-sur-Vie) et de la Chesnelière, lui apportant l’autre moitié de la Roche de Chauché. Louis Marchant, écuyer, licencié ès lois, était sénéchal de la petite seigneurie de Languiller du Luc (Les Lucs-sur-Boulogne) en 1517 (19). Charles Bruneau, seigneur de la Rabatelière, s’en rendit acquéreur à la fin du 16e siècle. Les terres constituaient une métairie appelée la « Petite Roche ». Mais dès 1602 la veuve de Charles Ier Bruneau, Renée de la Motte, fit un contrat d’échange avec Renée de Puytesson, lui donnant cette moitié de la seigneurie de la Roche (sauf deux hommages en dépendant), plus le bordage (borderie) de la Berthelandière (Chauché), deux pièces de terre et la somme de 660 livres. En contre-échange Renée de Puytesson donnait à la dame de la Rabatelière le droit de préciput (réserve prioritaire d’héritage) d’aîné de la seigneurie de Puytesson (20). Il faut savoir que si le château de la Rabatelière dépendait de la commanderie de Launay (Sainte-Cécile), faisant partie de l’ordre de Malte, des lieux autour du château dépendaient de la seigneurie de Puytesson. Renée de la Motte convoitait visiblement d’acheter Puytesson. Mais l’héritier des Puytesson, René Brandon, mari de Renée de Puytesson, sœur aînée et principale héritière de défunt Gilles de Puytesson, voulut annuler l’échange et engagea un procès au présidial de Poitiers. Les parties transigèrent par accord du 5 décembre 1603, enregistrant le désistement de Renée de la Motte dans cette transaction et le paiement d’une somme d’argent. En contrepartie René Brandon céda à celle-ci la moitié des honneurs, prérogatives, autorité et prééminence en l’église paroissiale Saint-Christophe de Chauché du côté droit, plus tout droit de fief et juridiction en la maison dite « Bouronne » dans le bourg de Chauché, appartenant présentement à Nicolas Dorin, moyennant une rente annuelle de 2 boisseaux de seigle, (mesure de Chauché dit le texte (21)). En cas de rachat par l’ouverture du fief de la Rabatelière pour cette maison, un tiers de son montant est abonné à une paire de gants blancs pour cette maison (22).
En 1618 la dame de la Rabatelière fit sa foi et
hommage à la dame de la Jarrie, à cause de la seigneurie de la Merlatière et
Jarrie, pour la moitié de la Roche de Chauché, acquise du seigneur du Gast (25).
L’achat avait concerné le droit d’hommage et non la métairie, toujours possédée
par Jean du Gast. Elle termine son aveu par l’affirmation suivante : « ladite
autre moitié sera tenue de moi sous mon dit hommage comme ayant le droit de
chemerage de toute ladite terre et seigneurie de la Roche de Chauché ». Ce
droit de chemerage évitait à son coindivisaire (Jean du Gast) de rendre hommage
directement à la Merlatière et Jarrie. C’était apparemment nouveau depuis l’aveu
de ce dernier en 1610 cité ci-dessus.
Cette position de la Rabatelière
posa problème en 1725 quand un acquéreur de la Parnière, Jean Majou, sieur du Coudrais, dû payer
les droits de lods et ventes et rachat au suzerain, c’est-à-dire à la Roche de
Chauché appartenant par moitié au seigneur de la Rabatelière. Les droits
s’élevaient à 2 100 £, venant s’ajouter au prix de l’acquisition de 6 900
£. Le seigneur de la Rabatelière empocha toute la somme se prétendant
« seul chemier de la seigneurie de la Roche de Chauché à l’exclusion de
tous autres » (26). En cette année 1725 l’autre moitié était possédée par
Gilles Durcot, seigneur de Puytesson, Chauché et autres lieux. Celui-ci réclama
sa moitié dans le paiement des lods et ventes, et poursuivi l’acquéreur Jean
Majou devant la cour de la Jarrie, dont dépendait judiciairement la Roche de
Chauché. Il obtint la saisie des revenus de la métairie formée des terres de
l’Oiselière, Dublière et Briaudière. Jean Majou fit appel de cette sentence
devant le présidial de Poitiers et appela en garantie le seigneur de la
Rabatelière (27). La cour de Poitiers confirma le 14 mai 1726 le jugement du
sénéchal de la Jarrie, mais condamna le seigneur de la Rabatelière à rembourser
Jean Majou des pertes qu’il avait subies au profit du seigneur de Puytesson (28).
Le 27 décembre 1625, Charles II
Bruneau, seigneur de la Rabatelière et fils de Renée de la Motte, avait acquis diverses
terres dans le fief de la Roche de Jeanne de
Lespinay, dame de l’Etang et de la Parnière, agrandissant ainsi sa moitié de
métairie (29).
À cette époque, une difficulté surgit au sujet de la mouvance de la Roche de Chauché. Dès le 15e siècle nous avons vu le seigneur de la Merlatière en rendre la foi et hommage au même suzerain que celui de la Merlatière (les Essarts, puis Thouars). Il en fut de même en 1598. Ce lien vassalique fut rappelé au procès de 1607/1608 déjà cité. Or à l’assise en 1729 de la Jarrie et Merlatière, la dame de la Vergne Ortie, rendant son aveu pour le fief de la Vergne Ortie, déclara que le fief de la Roche en était un fief vassal. Elle reçut un blâme du sénéchal signifié le 20 mai 1729 (30). Il s’agissait de la dame de la Carte, Françoise Charlotte de Saint-Nectaire (1679-1755), mariée en 1698 à François Gabriel Thibaut de la Carte, marquis de La Ferté-Saint-Aubin (Loiret), capitaine des gardes du duc d’Orléans, gouverneur de Joinville. C’était une claveciniste et compositrice connue à Versailles (voir Wikipédia). Elle prétendait qu’en 1410 la Roche était portée à titre de parage par son chemier de la Vergne à la Merlatière, et ensuite le fief de la Roche était devenu un fief immédiat de la Merlatière dans les aveux, ce qui ne fut pas contesté par son adversaire. Cette omission n’avait pas opéré, selon elle, l’extinction de la directe (ou mouvance) de la Vergne sur la Roche (31). On trouve d’ailleurs dans ce sens un aveu du 22 mai 1524 de Denis Macaire seigneur de la Macairière (Boulogne) à la Vergne Ortie (Renée Ortie) pour l’Oiselière de Chauché (32). Suivant les époques l’Oiselière était associée ou séparée de la Parnière voisine dans les possessions des vassaux de la Roche de Chauché.
La
dame de la Carte prétendait faire appliquer le principe certain en droit féodal
qu’il n’y a pas prescription entre le seigneur et le vassal au sujet de
leurs relations seigneuriales respectives (article 372 de la coutume du Poitou). De son côté le sénéchal de la Jarrie et de la Merlatière
plaida que depuis environ 3 siècles le seigneur de la Vergne Ortie n’avait pas été
servi du fief de la Roche de Chauché, ne l’avait pas reporté au seigneur de la
Jarrie, et ce dernier l’avait toujours reporté à Thouars par ses aveux, une
telle durée se situant hors de la notion de prescription (33). Dans la suite il
paraît que la dame de La Carte abandonna sa revendication.
La borderie de la Vignolle en 1745 et le prélèvement de la grosse dîme
Foyer la Roseraie |
Une déclaration roturière en 1745 de la borderie de la Vignolle, mouvante de la Roche de Chauché, nous donne des informations intéressantes (34). La borderie ne comprenait que 33 boisselées de terre (4 ha) et 1,5 journal de pré (0,7 ha), et occupait la partie sud-ouest actuelle du bourg de Chauché, proche de la Roche. C’est typiquement la surface d’une borderie de l’époque, touchant l’ancien bourg, et qui possédait en même temps 6 boisselées au milieu des « Landes de Chauché ». Celles-ci occupaient donc encore en 1745 une partie du bourg actuel, probablement là où se trouve l’actuel foyer de la Roseraie. Le métayer était logé dans une maison d’une seule pièce sans étage, comprenant un four, et à côté de laquelle il y avait un toit à animaux et une grange. Une pièce de terre appelée le Champ des Landes (5,5 boisselées) était chargée de deux redevances : le terrage au 1/6e des récoltes, allant aux 2/3 au sieur de Puytireau et 1/3 au seigneur de Languiller, et la dîme ecclésiastique ou grosse dîme sur les blés.
Cette dernière redevance est très
rarement mentionnée dans les archives seigneuriales de Languiller et de la Rabatelière. Or elle était due sur
l’ensemble des terres de la borderie, se montant à la 1/13e partie
des récoltes. Cette dîme se partageait entre le prieur de Chauché pour les 2/3
et le curé de Chauché pour un 1/3. On sait que le prieur était un chanoine de
la cathédrale de Luçon, successeur des droits de l’abbaye de Luçon qui
avait fondé le prieuré de Chauché vers le 12e siècle. Et le prieur
déléguait un vicaire perpétuel pour assurer le service religieux sur place,
qu’on appelait le curé. On a confirmation ainsi que le quantum au 1/13e
de la dîme, rencontré ailleurs en Bas-Poitou, s’appliquait aussi à Chauché, et
probablement aussi dans les paroisses environnantes. On apprend aussi que, sauf
le cas particulier du champ des Landes, son prélèvement se substituait à celui
du droit de terrage. C’était la « grosse dîme » ainsi appelée à cause
de son prélèvement sur les récoltes de blés. À côté on avait les « dîmes de
charnage » prélevées sur les « menus » animaux élevés (agneaux,
cochons, veaux, etc.). Dans les documents seigneuriaux de Languiller on rencontre souvent ces
dîmes de charnage car elles allaient le plus souvent au seigneur, parfois
partagées avec le curé de la paroisse du lieu. De manière moins explicite on
relève aussi que dans les tènements et fiefs de la Bernardelière, la
Servantière et la Vergne Ortie à Chauché, la moitié de la « dîme des blés »,
ainsi appelée, était prélevée par indivis en 1700 par les seigneurs de Saint
Hilaire et Durcot. Cette moitié valait alors environ 32 boisseaux par an. C’est
ce qu’on apprend dans un aveu du seigneur de Puytesson à la Jarrie, et on note
l’absence de terrage (35).
On sait que la réforme
grégorienne de l’Église au Moyen Âge a consisté entre autres à restituer au
clergé les dîmes, que les seigneurs avaient confisquées à leur profit. Dans la
contrée les seigneurs prélevaient le terrage au 1/6e des récoltes et
souvent les dîmes de charnage. À Saint-André-Goule-d’Oie, ils ont perçu la
moitié du terrage, l’autre moitié (équivalente à 1/13e) allant au
prieur de la paroisse, et sauf exceptions ils ont gardé aussi les dîmes de
charnage pour eux. Cette situation dura jusqu’à un aveu en 1550 du seigneur de
Languiller, et un demi-siècle après la totalité du terrage était prélevé à son
profit à Saint-André, sauf dans un tènement sur les 12 où on a pu faire un
relevé (37). On fait un rapprochement avec les guerres de religion et
l’engagement de Jules de Belleville, alors seigneur de Languiller, dans les
rangs protestants, pour expliquer ce changement. À partir du 17e
siècle à Saint-André-Goule-d’Oie, on constate que le seigneur de Languiller,
dont la mouvance couvrait toute la paroisse, prélève, sauf dans un cas à la
Bergeonnière, la totalité du droit de terrage au 1/6e des récoltes
et souvent les dîmes de charnage. Et dans le même temps le clergé prélève un
faible droit de boisselage. On ne le voit pas prélever cette grosse dîme au
1/13e. C’est normal car cela ne regardait pas le seigneur dont nous
lisons les archives. Sauf que certaines déclarations et aveux mentionnent aux
17e et 18e siècles, outre les prélèvements seigneuriaux,
aussi toutes les autres redevances d’un même tènement. Et dans ce cas la grosse
dîme n’est pas mentionnée non plus, sauf ici exceptionnellement pour la
borderie de la Vignolle dans le bourg de Chauché, car elle y était prélevée.
Au cas par cas et pour certaines
terres seulement à Saint-André, on constate après coup comme à la Vignolle, que
la grosse dîme existe là où le terrage n’existe pas. Il faut aussi remarquer
que le terrage au 1/6e représente le double de la dîme au 1/13e,
et que l’addition des deux sur une même terre, par ailleurs pauvre, eut été
difficile. Il reste que nous n’avons pas la preuve documentée que cette
situation était générale sur les terres à grosse dîme dans les paroisses de la
contrée. À Chauché, comme à Saint-André, Saint-Fulgent et les Essarts, on
prélevait un droit de boisselage au bénéfice du clergé, s’ajoutant à la grosse
dîme, celle-ci limitée à certains terroirs seulement. Le boisselage était un
prélèvement en grains uniforme sur tous les propriétaires. Il rapportait
à Chauché chaque année à la veille de la Révolution 360
livres, et la grosse dîme avec des rentes rapportaient 485 livres. Le
boisselage en Bas-Poitou a fait l’objet d’une étude publiée en 1953, qui n’est
pas parvenu malheureusement à éclaircir son origine, faute de documents
conservés (38). À cet égard, le cas de la borderie de la Vignolle, rapproché de
l’évolution à Saint-André du prélèvement du terrage à la fin du 16e
siècle, apporte un éclairage à prendre en compte sur l’origine du boisselage.
Les seigneurs de la Rabatelière, seuls possesseurs de la Roche de Chauché (1730-1797)
La Roche de Chauché
en 2019 |
En 1730 le seigneur de la Rabatelière acheta l’autre métairie de la Roche de Chauché (en même temps que la métairie de la Bleure) à Gilles Durcot, seigneur de Puytesson et Marguerite Eveillard son épouse. En février 1732, Marie Bertrand, veuve de René II Montaudouin, les acquéreurs, eut la surprise d’être assignée au présidial de Poitiers pour être condamnée à déguerpir de ses deux métairies (39). Et par sentence du 24 juillet 1733 le présidial condamna la dame Montaudouin au profit de Suzanne Grelier (épouse de Frédéric Reignon, seigneur du Page), à déguerpir des métairies de la Roche de Chauché et de la Bleure (40). Les vendeurs avaient des dettes envers Suzanne Grelier et les biens étaient hypothéqués. Mais l’administration des Hypothèques d’alors n’avait pas les mêmes sûretés qu’aujourd’hui, laissant la possibilité de ventes mal garanties au détriment des acquéreurs. Moyennant dédommagements de la châtelaine de la Rabatelière, celle-ci pu garder les métairies.
Le métayer de cette métairie,
appelée parfois la « Grande Roche », était en 1746 Nicolas Charrier,
payant une ferme annuelle de 140 livres (41). À partir de 1765 il a laissé la
place à son fils Jacques Charrier, qui épousera Perrine Fonteneau à Saint-André
le 10 novembre 1767 (vue 59). Le bail est renouvelé pour 5 ans en 1770,
moyennant 145 livres par an (42). La ferme ne comprenait pas les terrages et
émoluments de fief de la seigneurie de la Roche, perçus directement par le
château de la Rabatelière. En 1773 le bail est renouvelé pour 5 ans à Jacques Charrier et sa femme
Perrine Fonteneau pour 1/3, et pour 2/3 à Nicolas Charrier (frère de Jacques)
et sa femme Marie Bordron (mariés à Chauché le 2 juillet 1761, vue 13), et moyennant
le même prix de 145 livres (43). Ils contribuent, dans cette proportion
dans le prix de la ferme, au coût des charrues, charrettes et ferrures
nécessaires, et au paiement des domestiques. L’autre métairie, dite de la
« Petite Roche », achetée par Charles Bruneau à la fin du 16e
siècle, était en 1758 affermée à un nommé Dugast pour 120 livres par an (44). De
1786 à 1788 ce dernier payait une ferme de 250 livres par an, l’augmentation
constatée de ce montant comprenant pour l’essentiel l’incorporation des
redevances féodales intervenue entre temps (45).
Le 25 août 1635 le seigneur de la
Rabatelière avait acquis par échange les châtellenies de la Merlatière,
Raslière et Jarrie de Louis de la Rochefoucault, marquis de Bayers, et consorts.
Il céda les métairies de Châteauneuf (Mouilleron-le-Captif) et du Plessis des
Landes (Saint-Fulgent), ainsi qu’une rente de 1312 livres et 10 sols par an, et
paya une somme de 12 000 livres (46).
Aux assises de la Roche de
Chauché du 19 août 1632 on constate l’existence de rentes dues par les teneurs
de certains tènements et villages à Chauché, les Essarts et
Saint-André-Goule-d’Oie (7 villages à Saint-André), allant de 4 à 18 boisseaux
de seigle (47). Rien n’est dit sur leur origine ni sur leur nature. En revanche
elles ont été classées parmi les biens non nobles dans un partage de succession
en 1779 par la famille des propriétaires de la Rabatelière. D’autre part nous
savons par une déclaration du 28 avril 1753 que les teneurs de la Brosse
Veilleteau (Essarts) devaient à la Roche de Chauché une rente annuelle et
perpétuelle de 16 boisseaux d’avoine, qui était qualifiée de « noble
foncière » (48). Cette précision est rare et malheureusement les archives
de nous permettent pas toujours de connaître ni l’origine ni la nature des
rentes payées. Une autre déclaration du 22 novembre 1744 par 13 teneurs à la
Rabatelière, à cause de la Roche de Chauché, reconnaît les rentes secondes foncières requérables
de 3 boisseaux seigle d’une part sur le tènement de Puyravault Dessus, et 4
boisseaux seigle d’autre part sur le tènement de Puyravault de Bas, aux Essarts
(49).
Ce sont ces rentes que les
propriétaires au village du Coudray et de la Bergeonnière (Saint-André)
contestèrent sans succès après la Révolution. À leur sujet, voir les articles
publiés sur ce site : Conflit sur la rente foncière du Coudray en 1798 en
février 2015, et Justice indigne en 1805 contre les habitants de la Bergeonnière en
janvier 2018. Les archives conservent aussi un dossier de contestation des
propriétaires de la Boisilière (Essarts), représentés par René Cossais, dont
nous ne connaissons pas l’issue. Certains de ses descendants habitèrent la
Parnière à partir de la fin du 19e siècle, alliés aux Fauchet.
Château de la
Rabatelière |
Les teneurs du village des Gâts (Saint-André) se sont fait « tirer l’oreille » pour déclarer cette rente, ayant boudé l’assise en 1732 de la Roche de Chauché tenue au château de la Rabatelière. Le sénéchal des assises, Jean Bousseau, prononça un jugement de défaut à cause de leur absence, contre Jean Robin, Jacques Chedanneau et Gaucher le 7 juin 1632. À l’assise suivante du 19 août 1632, il enregistra la déclaration de Jean Robin « tant pour lui que pour les autres teneurs » de la rente seconde, foncière, annuelle et requérable de 8 boisseaux à la mesure des Essarts (le boisseau pesait 15,4 kg). C’était une rente qui avait été créée après une rente préexistante (elle était seconde), garantie sur un bien foncier comme un tènement (de nature noble ou non). Il est intéressant de noter qu’aux Gâts, la rente a été acquise plus tard et avant la Révolution par une famille prospère de la Brossière, les Fluzeau (50). Nous aimerions savoir si elle aussi a causé des difficultés après la Révolution.
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