dimanche 22 janvier 2023

Les seigneurs de Linières aux 15e et 16e siècles

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Les archives de la seigneurie de Linières ont été sauvegardées par la marquise de Lespinay au moment de la démolition du château en 1912. Elles ont été entreposées dans son château de la Mouhée (Chantonnay). L’historien Guy de Raignac les a consultées et il a publié une généalogie de ses possesseurs depuis son origine documentée. Malheureusement, ces archives ont été détruites avec le donjon du château qui les abritait lors d’une tornade en 1972. À partir de la liste de ses possesseurs, on peut cependant se documenter sur chacun d’eux dans les travaux des généalogistes et des historiens. On y accède désormais par internet, et les moteurs de recherche nous les font découvrir. De plus, les travaux des deux chercheurs locaux à la fin du 20e siècle : Amblard de Guerry (Chavagnes-en-Paillers) et Paul Boisson (Rabatelière), et ce qui reste du chartrier de la Rabatelière, enrichissent nos connaissances. En final, et malgré l’absence des archives de Linières, un récit sur ses possesseurs est devenu possible, même partiel. Il reste que des habitants, métayers, journaliers, domestiques, artisans, voire officiers et régisseurs, nous ne savons rien dans toute la période de l’Ancien Régime. Dans l’histoire du bourg de Saint-André, et dans celle du fief de la Boutarlière, on découvre les seigneurs de Linières au 14e siècle. Pour cela on peut voir les deux articles publiés sur ces sujets, le premier en octobre 2018 : Sept siècles d’Histoire du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, et le deuxième en décembre 2018 : Les seigneurs de la Boutarlière et leurs descendants. Nous proposons la suite : Les seigneurs de Linières aux 15e et 16e siècles.

Château de Linières (1890)
Quand Marguerite Baritaud épouse en 1381 Guillaume Foucher (1363-v1413), elle lui apporte notamment les seigneuries de Thenies (Saint-Germain-de-Prinçay) et de la Drollinnière (Saint-André-Goule-d’Oie). La Drollinière était un héritage de sa mère, Marie Droulin. On sait que la Drollinière, écrit aussi Drollinière ou Drouelinière, ou Drolinière, deviendra Linières vers 1630, aussi adopterons-nous ce dernier nom pour toute la période évoquée ici. Guillaume Foucher appartient à une ancienne famille du Poitou remontant au moins jusqu’au 12e siècle par ses titres, établie aux Herbiers, venant de Gençay (Vienne) (1), et plus précisément à la branche de Thénies. Il existe 7 autres branches dont celles de l’Emenstruère et du Brandois, de Circé et du Gué-Sainte-Flaive (2). De son mariage avec Marguerite Baritaud sont issus (3) :

- Antoine Ier qui suit.
- Jeanne, qui épouse vers 1405 Georges de la Forêt, seigneur de Beaurepaire.
- Marguerite, qui épouse Simon de Baro, seigneur de Tournehon (Pas de Calais).
- Jacquette, qui épouse vers 1420 Pierre Fradin, écuyer seigneur de Bessé et du Fraisne. Il fut échevin en 1430 et maire de Saint-Jean-d’Angély de 1434 à 1453 (4).

 

Antoine Ier Foucher (v1390-v1471)


Il est chevalier, seigneur de Thenies et de Linières, de Saint-Mars, de la Chevalerie et de Saint-Porchaire en 1413. Vers 1405 son père lui a donné Linières et le fief de Saint-André-Goule-d’Oie en dépendant, ce dernier comprenant le bourg de la paroisse et des terres autour. À cette date il en rend un aveu au seigneur du Coin Foucaud, Jean de Sainte-Flaive (5), lequel deviendra seigneur de Languiller en 1414. Cet aveu marque la fin des bouleversements qui se sont opérés à Saint-André dans la 2e partie du 14e siècle dans l’organisation féodale. Le refroidissement climatique brutal au début du 14e siècle, le déclenchement de la guerre de Cent ans en 1337 et de la guerre de succession au duché de Bretagne en 1341, l’épidémie de la peste noire en 1348, provoquèrent ensemble une forte mortalité et un appauvrissement général.  

Le roi de France, ayant confisqué la baronnie de Montaigu, remercia le baron des Essarts pour sa fidélité et ses services en lui cédant la mouvance qu’elle avait sur Saint-André, Chauché et d’autres paroisses des environs. Par ailleurs, le seigneur de Linières qui n’avait qu’une partie du fief de Saint-André, en devint le seigneur en totalité sous la dépendance de la seigneurie du Coin. Cette dernière récupéra aussi les domaines de la seigneurie de la Dibaudelière (située près de la Machicolière) après la disparition de ses seigneurs, et les transforma en terres roturières. Les seigneurs du Coin disparurent aussi à leur tour, leur château tombant en ruines. Leur seigneurie devint une annexe de celle de Languiller. Et pour peupler à nouveau le bourg presque abandonné, le seigneur de Linières attira des habitants en les exonérant du droit de terrage, ne gardant que de faibles redevances seigneuriales, et concéda le tout à des roturiers. Il créa une métairie dans le fief du bourg, par rassemblement des tenures existantes, comprise dans la concession de fief. Lui-même tenait ce fief du Coin par foi et hommage plain, avec un abonnement de quarante sols par an pour tout droit de rachat.

Antoine Foucher participa aux combats de la guerre de Cent Ans. Il eut la chance d’échapper au massacre des nombreux chevaliers français à Azincourt. Par un acte du 27 septembre 1420, on voit qu'il avait été fait prisonnier, et que le prix de sa rançon fut fixé à 600 écus d'or, une somme très importante (6).

Il épousa en 1417 Marguerite de Chateaubriand, fille de Briant de Chateaubriand et de Marguerite de Partenay. Elle avait pour frère Jean de Chateaubriand, seigneur des Roches-Baritaud, et pour sœur Isabeau de Chateaubriand, femme de Guy du Puy-du-Fou. Ils eurent :

-          François Foucher seigneur de Thenies. Il est aussi qualifié de seigneur de Linières en 1480 à l’Assise de Languiller et du Coin Foucaud (7). Il mourut célibataire, peut-être l’année d’après.

-          Jeanne Foucher, mariée vers 1420 à Jamet de la Ville qui combattit les Anglais sous les ordres du connétable de Richemont.

-          Guillemette Foucher, mariée à Maurice d’Escoubleau, seigneur de Sourdis (Gaubretière).

Antoine Foucher se remaria vers 1443 avec Gillette Rouault, de la famille de l'illustre maréchal de France, Rouault de Gamaches, fille de Miles de Rouault et d'Isabeau de Beaumont-Bressuire. De ce mariage naquit :

-          Louis Foucher qui suit.

-          Françoise Foucher, mariée à Guillaume de Chergé.

-          Marie Foucher, mariée à Pierre Tignon, seigneur de Marchais-Renaud (Maine-et-Loire), chevalier de l’ordre du roi.

 

Louis Foucher (v1445-?)


Il épousa Gilette de la Porte de Vezins en 1465, fille de Hardi de la Porte, baron de Vezins (Maine-et-Loire), et de Marguerite de la Jaille (8). Louis Foucher fut présent à l’arrière-ban du Poitou en 1465 convoqué par lettre du roi Louis XI pour aller se battre en Bretagne contre le duc (9). Les ducs de Bourgogne et de Bretagne, avec le soutien du frère du roi, s’impliquèrent dans une révolte de la haute noblesse contre l’autorité du roi qu’ils jugeaient trop envahissante, « pour le bien public », disaient-ils. On l’appela d’ailleurs la ligue du bien public. Louis Foucher servit aussi comme archer au ban du Poitou du 12 décembre 1485 sous le roi Charles VIII. L’archer désignait à cette époque un cavalier légèrement armé. Ces combats sporadiques ne touchèrent pas les habitants du Poitou. Ils connaissaient la paix depuis la fin de la guerre de Cent Ans, officiellement en 1453. Et au temps de Louis Foucher, le Bas-Poitou commença à se repeupler, entraînant plus tard des défrichements de terre. On peut supposer que le bourg de Saint-André avait retrouvé à son époque son animation et effacé la plupart de ses ruines.

Dans le domaine de sa vie privée on relève qu’il passa une transaction, en 1476, avec Jacques de Beaumont, son oncle maternel, chambellan du roi et grand sénéchal du Poitou (10). En 1489 il passa une autre transaction avec le curé de Saint-Germain-de-Prinçay, reconnaissant que les seigneurs de Thenies lui devaient 47 sols de rente annuelle pour une messe chantée tous les lundis (11).

Vieux coutumier du Poitou
Médiathèque Pierre-Moinot (Niort)
En 1473, les Assises de Languiller et ses fiefs annexes poursuivirent Louis Foucher pour répondre aux reproches faits à son père, Antoine Foucher, concernant un aveu blâmé (12). Il s’agit de celui du fief de Saint-André mouvant du Coin. La poursuite est répétée en 1475 et 1476. En 1477, elle s’élargit à une procédure de saisie, continuée dans les deux années suivantes 1478 et 1479. En 1480 Louis Foucher est condamné à 5 sols d’amende pour défaut de réponse sur l’aveu blâmé (13). À l’assise du 6 mai 1480, tenue en la maison d’André Brisseau, sergent, dans le bourg de Saint-André, il est question d’une pièce de terre et d’un chaintre situé dans le bourg. Le fief de Saint-André est alors possédé par un nommé Bonnet qui le tenait du seigneur de Linières (13). Et Louis Foucher est encore poursuivi en 1481 et les années suivantes 1482 et 1485. On ne peut pas en dire plus car les décisions du sénéchal ne sont pas motivées, et le fond des affaires n’est pas détaillé.


Les enfants de Louis Foucher furent :
- Antoine Foucher qui suit.
- Germain Foucher seigneur de Thénies, la Baritaudière et Saint-Porchaire. Il vivait en 1515 et mourut célibataire.
- Jacquette Foucher, mariée à Louis de Vernon, seigneur de Montreuil-Bonnin (à l’ouest de Poitiers) et Chausseraie (Deux-Sèvres).

 

Antoine II Foucher (v1470-1515)


Il fut seigneur de Thénies, de Saint-Porchaire et la Péraudière. Par transaction passée le 25 juillet 1503 entre Antoine Foucher, faisant pour Marie de la Porte de Vezins, sa mère, et François de la Porte, Jean de la Porte céda à Antoine Foucher la terre et dépendances de Saint-Porchaire (Charente-Maritime) (14). La Péraudière était un fief mouvant du comté de Civray, situé dans la commune de Montjean (Charente).

Antoine II Foucher servit pour son père au ban du Bas-Poitou en 1488 comme homme d’armes du seigneur de Bressuire (15). Ce fut le prélude à la « Guerre folle », provoquée par le duc de Bretagne, profitant de la faiblesse supposée du jeune roi Charles VIII (13 ans) et de la régente, sa sœur, Anne de Beaujeu. Louis II de la Tremoïlle, vicomte de Thouars et baron de Montaigu (entre autres), commandait l’armée royale et écrasa en juillet 1488 l’armée des princes à Saint-Aubin-des-Cormiers (Ille-et-Vilaine). Au traité de Sablé qui suivit, le vieux duc François II de Bretagne accepta de rendre hommage de ses États au roi de France. Sa fille, Anne de Bretagne, finit par accepter en 1491 de se marier avec le roi de France, après la défaite de ses troupes à Nantes et à Rennes.   

Après la condamnation par le parlement de Toulouse en 1506 du gouverneur d’Amboise, Pierre de Rohan, accusé de crime de lèse-majesté, le roi Louis XII nomma Antoine Foucher pour le remplacer. Ce poste de confiance marque sa proximité avec la cour. Il fut aussi reçu chevalier de l’ordre du roi (15). C’était une distinction de l’ordre de Saint-Michel, ancêtre de la légion d’honneur. Elle reconnaissait une carrière militaire brillante pour laquelle nous manquons de documentation. Dans le principe, cet ordre ne se donnait que pour de grands services, et le nombre des chevaliers ne devait pas excéder trente-six.

Son beau mariage en 1509 avec Françoise de Marconnay, demoiselle d’honneur de Louise de Savoie, marqua lui aussi la reconnaissance que lui portait la famille royale. Louise de Savoie était cousine du roi Louis XII, et mère de son successeur, François Ier. Françoise de Marconnay était la fille de Pierre de Marconnay, écuyer et seigneur de Marconnay (Sanxay dans la Vienne), maître d’hôtel du roi, et de Prégente du Bois de Fienne, dame de la Barbelinière (Thuré dans la Vienne). Le couple eut deux filles : Françoise et Claude, qui devinrent orphelines jeunes. Antoine Foucher est mort le 14 août 1515 et sa femme le suivit dans la tombe le 16 Juillet 1519. Le roi François Ier prit leurs enfants en charge et ils furent élevées à la cour. Il avait eu une relation amoureuse avec une demoiselle de Polignac, demoiselle d’honneur de sa mère, au temps de sa jeunesse à Amboise, mais il ne semble pas que Françoise de Marconnay eut à subir son comportement de conquête.

Françoise et Claude devinrent filles d’honneur d’Éléonore de Hasbourg, veuve du roi du Portugal et sœur de Charles Quint, qui avait épousé en 1530 François Ier, lui-même veuf de Claude de France. À partir de 1528, ce dernier avait installé sa cour au Louvre à Paris où vivaient les demoiselles Foucher.

 

René de Pierres


Il épousa en 1530 Claude Foucher. Il était chevalier seigneur du Plessis-Baudoin (Chemillé en Anjou) et de la Plaisse (Anjou), gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et fut nommé gouverneur des villes et château d’Angers. Dans le contrat de mariage la reine voulut être nommée tutrice honoraire de Claude Foucher (15). La dot de la mariée comprenait les deux petites seigneuries de Thenies et de Linières.

René de Pierres offrit aux Assises de Languiller en 1533 sa foi et hommage, par Richard Jeulin son procureur, « pour raison de son hôtel de la Drouelinière », ce fief ayant été saisi pour hommage non fait (16). Or ce fief était mouvant des Essarts. C’est donc une erreur dans l’écriture du texte du jugement, alors qu’il s’agit bien du fief de Saint-André comme on le verra dans les poursuites en 1537 de manière explicite. Il faut dire que le chef d’hommage du fief de Saint-André, situé sur son territoire, était constitué par la possession d’une moitié d’étang et deux moulins faisant partie du domaine de Linières. La situation était donc ambiguë. Le nouveau seigneur de Languiller à qui il fallait offrir l’hommage, était Claude de Belleville. Il avait succédé à son père Jean IV de Belleville. Le suzerain et le vassal ne vivaient pas sur place. Leurs droits étaient gérés par leurs officiers, apparemment dans l’à peu près de l’écriture ici.

Devenu veuf, René de Pierres entra dans les ordres et devint aumônier de la reine. Il mourut en 1591. Il avait eu un enfant : René ou Guy de Pierres, né vers 1540.

 

Joachim de La Châtre (v1496-1546)


Hôtel de ville de La Châtre (Indre)
Il épousa en 1535 Françoise Foucher, et peu après il y eut un nouveau partage de leurs héritages entre les deux sœurs. Linières passa à Françoise Foucher, comme on le voit en 1536 aux assises de Languiller, où son mari, Joachim de La Châtre est poursuivi pour rachat non payé (17). C’était un droit sur le changement de propriétaire. En 1536, le tribunal poursuit séparément les deux beaux-frères. À René de Pierres, il lui reproche son défaut d’aveu et lui réclame la restitution de revenus saisis.  On sait que sur le fief de Saint-André, ceux-ci étaient très faibles. Joachim de La Châtre est qualifié de chevalier seigneur de Linières, mais on ne lui réclame pas les dettes de son beau-frère.

Le nouveau seigneur de Linières est poursuivi en 1537 pour un motif supplémentaire : foi et hommage non fait, « qu’il doit à cause des moulins et autres choses de la Drouelinnière » (18). Cette fois-ci le chef d’hommage est désigné sans erreur. Le fief de Saint-André étant saisi, le nouveau seigneur continuant d’en toucher les fruits comme son beau-frère avant lui, la cour lui réclame de les restituer. Avant la fin des Assises, Joachim de La Châtre fut reçu sous réserve en son offre de foi et hommage plain faite par Jacques Messianne, en vertu d’une procuration spéciale à son profit, signée le 14 octobre 1537 et passée sous la cour de Bourges, « pour raison des moulins et de la moitié d’étang dudit lieu de la Drouelinière », et à cause du Coin Foucaud. Il est alors qualifié de « chevalier seigneur de la Nancay, la Bantandière et de la Drouelinière, capitaine de la garde du corps du roi ».

Joachim de La Châtre recommencera son offre de foi et hommage en 1539, probablement à la demande du procureur fiscal de Languiller. Et le chef d’hommage est plus précis : « pour raison des deux moulins, l’un à vent et l’autre à eau et moitié de l’étang dudit lieu de la Drouelinière ». Il avait délégué un nouveau procureur, Jean de Pochon, seigneur de l’Ansonnière (Essarts) dans une procuration passée sous la cour de la châtellenie de Nancay (Cher). À la suite, et en vertu de la même procuration, Jean Pochon rendit l’aveu par écrit (19).

Les Assises de Languiller citèrent à nouveau Joachim de La Châtre à venir faire sa foi et hommage en 1541 « à cause des moulins » (20). C’était obligatoire après que Charles de Coucys, mari de Suzanne de Belleville, soit devenu seigneur, au moins en partie, de Languiller. Faute de l’avoir fait, la cour saisit l’année d’après en 1542 les moulins à eau et à vent (21). En 1546 le procureur du seigneur de Linières signa une attestation d’avoir fait la foi et hommage à Languiller pour le fief de Saint-André, où il reproduit le texte de sa procuration datée vers 1544 (22). Pendant ce temps, Renée de Pierres continuait d’être poursuivi pour non-respect de ses devoirs au temps de sa possession de Linières : faire son aveu et restituer les revenus du fief.

Pour exécuter la saisie du fief de Saint-André, la cour nomma un commissaire aux saisies, André Rochereau, qui afferma les revenus du fief aux enchères. Pour cela il fit citer le seigneur de Linières et celui de la Boutarlière. Ce dernier, François de la Muce, avait épousé Louise Bonnevin, veuve de Léon Gazeau. Elle était propriétaire du fief de Saint-André depuis peu. En février 1542, des affiches annonçant l’enchère du fermage furent apposées à la porte du logis de Linières en même temps que sur celle du logis de la Boutarlière (23). Cette saisie a été confirmée en 1544 et 1545.

Les registres des Assises ont disparu des archives accessibles ensuite de 1546 à 1571, nous privant des suites des procédures. Et ceux qui suivent à partir de 1571 n’évoquent pas le seigneur de Linières avant l’année 1648.


Joachim de La Châtre appartenait à une famille du Berry. Il était seigneur de Nancay (canton de Vierzon, Cher), de Toury (bailliage de Sens dont il hérita en 1541) (24), seigneur de Besigny (Souppes-sur-Loing en Seine-et-Marne), Sigonneau (près de La Châtre dans l’Indre), Linières, Saint-Porchaire. Il fut confirmé dès 1526 conseiller, chambellan et maître d’hôtel du roi, puis maître des cérémonies et prévôt de l’ordre de Saint-Michel (25). Les chevaliers de l’ordre du roi avaient encore à cette époque un prestige reconnu, qui se perdit ensuite avec l’inflation des nominations (26). Il fut capitaine de la grosse tour de Bourges et rendit des services considérables, disent les généalogistes, à François Ier, qui le pourvut :
- 12 décembre 1532 : gouverneur de la ville et château de Gien avec 1200 livres de pension.
- 15 janvier 1533 : capitaine de l’ancienne garde française du corps du roi.
- 15 octobre 1537 : grand-maître enquêteur et général réformateur des Eaux et Forêts de France au département d’Orléans.
- 8 février 1538 : gouverneur de la ville et duché d’Orléans.

Joachim de La Châtre et Françoise Foucher eurent 5 enfants :
- Gaspard qui suit.
- Balthasar, seigneur de Besigny.
- Jeanne, mariée avec Guy d'Auxy, seigneur de Houdan.
- Marie Jeanne, mariée avec François de Villeprouvée.
- Melchiote, mariée avec Pierre du Pé, seigneur de Tannere.

Joachim de la Châtre donna procuration à Jean de Pochon pour faire sa foi et hommage à la baronnie des Essarts, le 10 juin 1540, pour les terres de la Pinetière (27). Situées au lieu actuel du hameau du Doué à la sortie du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie sur la route des Essarts, elles contenaient quatre septerées (environ huit hectares) de terres et deux journaux de pré (environ un hectare). Voir à ce sujet notre article publié sur ce site en janvier 2015 : Les fiefs de Saint-André-Goule-d’Oie et de la Pinetière en 1550 et 1540.

Joachim de La Châtre est mort en 1546. Françoise Foucher, dame de Saint-Porchaire en Charente-Maritime, reçut en 1550 un hommage de Jacques Barro pour la Guionnière (paroisse de Saint-Porchaire), et en 1566 un aveu et dénombrement (28). 

 

Gaspard de La Châtre (v1539-1576)


Il avait 7 ans à la mort de son père et le roi Henri II en fit, avec son frère Balthazar, un enfant d’honneur auprès du dauphin (futur François II) pour être élevé à la cour. En 1523 on comptait une vingtaine d’enfants d’honneurs (29), et sans doute un nombre proche vingt ans plus tard. L’emploi de capitaine des gardes du corps du roi, lui fut réservé pendant ce temps, confié provisoirement au seigneur de la Ferté-Ufeau. Adolescent, il entra dans une compagnie de chevau-légers pour apprendre les armes, et dès l’âge de 17 ans il s’engagea dans une première campagne militaire en Italie sous la direction du duc de Guise. Puis il s’illustra surtout dans les guerres de religions, commencées en 1562.

Frans Hogenbegr :
L'ordonnance de la bataille de Jarnac
(Musée du château de Pau)
Gaspard de La Châtre, seigneur de Nançay, Sigonneau, Linières, etc., participa à de nombreux combats où il montra un courage remarqué : à Rouen, à Dreux, à Saint-Denis. Il devint lieutenant à la compagnie des gens d’armes provenant du Berry (30). Dans les armées du roi il combattit aussi les protestants à Jarnac, Châtellerault, et Poitiers. De même on le vit à Moncontour et à La Rochelle, où dans les rangs des combattants protestants se trouvait son suzerain de Languiller, Jules de Belleville, pour le fief de Saint-André. Son suzerain des Essarts pour Linières, Sébastien de Luxembourg, se trouvait, lui, dans le camp catholique aux combats de Saint-Jean-d’Angély, où il fut blessé et en mourut quelques jours plus tard.

Henri II donna à Joachim de La Châtre, par brevet du 26 décembre 1552, le titre de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. En 1567, Charles IX le distingua de l’ordre de Saint-Michel et plus tard de chevalier des Ordres. Il épousa Gabrielle de Bastarnay du Bouchage le 15 janvier 1570. Elle était la fille de comte René du Bouchage et d’Isabeau de Savoie.

Les livres d’histoire évoquent la participation du seigneur de Linières aux massacres ordonné par le roi, du dimanche 24 août 1572, jour de la saint Barthélémy. Il y participa comme capitaine des gardes du corps du roi (depuis 1568) au palais du Louvre à Paris, qu’il parcourut avec les gardes Suisses. Ils massacrèrent tous les gentilshommes protestants qu’ils trouvaient dans les galeries et dans les chambres. Dans ses mémoires, Marguerite de Valois, qu’on venait juste de marier à Henri de Navarre, raconte l’épisode tragique qu’elle vécut ce jour-là. Elle était la sœur du roi, du camp catholique (la reine Margot du film de Patrice Chereau), et Henri de Navarre était un des chefs du camp protestant (le futur Henri IV). Étant étendue sur son lit dans la chambre, elle en fit ouvrir les portes pour répondre aux coups répétés entendus. C’était un gentilhomme protestant blessé qui cherchait à échapper à 4 archers. Il se jeta sur le lit de la reine pour lui demander secours et protection. Celle-ci écrit : « Nous crions tous deux, et étions aussi effrayés l’un que l’autre. Enfin Dieu voulut que monsieur de Nançay, capitaine des gardes y vint, qui me trouvant en cet état-là, encore qu’il y eu de la compassion, ne se put tenir de rire ; et se courrouçant fort aux archers de cette indiscrétion, il les fit sortir, et me donna la vie de ce pauvre homme qui me tenait » (30).

Pendant la maladie de Charles IX (tuberculose pulmonaire), la reine mère Catherine de Médicis lui confia la garde du duc d’Alençon et du roi de Navarre, deux chefs protestants retenus prisonniers. Ce dernier lui rendit rendu grâce après, ce qui laisse à penser qu’il s’acquitta de sa mission avec doigté. 

Le roi Henri III (roi de 1574 à 1589), accorda une pension de 2 000 livres le 28 novembre 1574 à Gaspard de La Châtre. Néanmoins ce dernier mit des bâtons dans les roues à l’application de la trêve de Champigny-sur-Veude du 21 novembre 1575 entre protestants et catholiques. Gouverneur alors de Bourges, il devait confier la ville au duc d’Alençon. Il ne voulut pas abandonner son poste sans compensation honorable (31). Avant de partir, il livra même la citadelle aux bourgeois qui ne voulaient pas entendre parler du duc d’Alençon, frère du roi. Gaspard de La Châtre est mort l’année d’après en 1576, des suites d’une blessure reçue à la bataille de Dreux (32). Le célèbre jurisconsulte de l’université de Bourges, Jacques Cujas, fit son oraison funèbre dans la paroisse de Nançay le 17 janvier 1577. Déclamé en présence de tous les gentilshommes de la contrée, le texte fut ensuite imprimé (33).

Françoise Foucher, sa mère, avait rendu ses devoirs à Languiller à cause du Coin après le décès de son mari, pour le fief de Saint-André. Dans l’aveu du Coin aux Essarts en 1550, il est rappelé que pour ce fief, Linières devait la foi et hommage plain et le rachat abonné chaque année de quarante sols tournois (2 livres). Françoise Foucher avait droit de vagrelliers (verolie) et destroit (justice) pour ses moulins. Sous son hommage elle tenait aussi à foi et à hommage plain et à rachat Louise Bonnevin dame de la Boutarlière (34). Celle-ci avait en effet acheté le fief avec sa métairie depuis peu (35).


Gabrielle de Bastarnay, sa veuve, est mentionnée en 1582 pour la seigneurie de Saint-Porchaire (36). Avec son mari ils ont eu :
- Madeleine, mariée avec Henri de Bourdeilles, baron de Bourdeilles, marquis d’Archiac.
- Henry, marié avec Marie de La Guesle, seigneur de La Châtre.
- Marguerite, mariée avec Charles de Châtillon.
- Louise, mariée avec Martin du Bellay, seigneur du Bellay.
- Gasparde, née en 1577, mariée avec Jacques Auguste de Thou, baron de Meslay. Leur fils, François Auguste, fut décapité en 1642 sur ordre de Richelieu pour avoir gardé le secret dans la conspiration de Cinq-Mars avec les Espagnols.

Pierre Garreau


Les héritiers de Gaspard de La Châtre et Gabrielle de Bastarnay vendirent Linières à Charles Bruneau, seigneur de la Rabatelière, à la fin des années 1570 (37). Ce dernier, est l’un des cent gentilshommes de la maison du roi, alors que sa femme, Renée de la Motte, est qualifiée en 1598, « l’une des dames de la reine ». Celle-ci était la bien connue « reine Margot », première épouse d’Henri IV. Le seigneur de la Rabatelière reconstruisit un nouveau château à la place du château féodal et voulu agrandir ses domaines. C’est ainsi qu’il acheta le fief-métairie de la Roche Mauvin à Saint-André-Goule-d’Oie en 1591 (38). Il garda Linières peu de temps, car apparaît sur les lieux Pierre Garreau dès 1581 (39).

On sait peu de choses sur le nouveau seigneur de Linières, écuyer et seigneur aussi de la Laurentie et la Parentière à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers dans la Vienne. Il épousa Gillette du Chaffault, fille de Jean du Chaffault, seigneur de la Sénardière (Boufféré) et de Suzanne Girard.

Journal de raison de Julien de Vaugiraud
Archives de Vendée

En janvier 1593 Pierre Garreau, sieur de Linières, est mort. C’est ce que nous apprend le journal de raison de Julien de Vaugiraud. À la date du 20 janvier 1793, il note avoir reçu la copie d’un exploit d’huissier qu’il avait demandé à l’encontre de la veuve et des héritiers de défunt Pierre Garreau. Il ne donne pas de détails sur l’objet de l’acte. On comprend plus tard qu’il est en procès contre eux. À la date du 2 septembre de la même année il enregistre la dépense de la caution qu’il a dû donner pour continuer la procédure, en exécution d’une ordonnance du siège présidial de Niort (40).

La veuve de Pierre Garreau reçut en 1605 un aveu d’Isabeau de Plouer, dame de la Boutarlière, pour le fief de Saint-André (41).

La fille de Pierre Garreau, Marie Olympe Garreau, dame de Linières, épousa en 1611 Élie de Goulaine, seigneur de l’Audonnière (Vieillevigne) et veuf de Marguerite de La Lande de Machecoul (42).

 

 


(1) Guy de Raignac, Histoire des châteaux de Vendée de l’époque féodale au 19e siècle, Ed. Bonnefonds, 2000, histoire des Herbiers, page 73.
(2) Léon de Givodan, Livre d'or de la noblesse européenne, deuxième série, registre premier, Le collège héraldique et archéologique de France (1852), page 229 à 234.
(3) Jean Vincent, Les Foucher, seigneurs des Herbiers et de l’Esmentruère et leur descendance, 1995, Archives de Vendée : 134 J 9.
(4) pagesperso-orange.fr : généalogie des Fradin
(5) Notes no 5 et 17 sur le bourg à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(6) Recueil général des généalogies historiques et véridiques des maisons nobles d’Europe volume 1, Elibron classics, Paris, 1864.
(7) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1480, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 36, pages 3, 6 et 11.
(8) Cf. note 2.
(9) Louis Brochet, Histoire de la Vendée et du Bas Poitou en France, 1902, chapitre 18, section 6 :
(10) Auguste Charles Henri Menche de Loisne, Histoire généalogique de la maison de Foucher, Imprimerie Fourdrinier et cie. 1898, 228 pages.
(11) Transaction de l’an 1489 ... dans l’annuaire départemental de la Société d'émulation de la Vendée, 1887, Archives de Vendée, vue 126.
(12) Assises de Languiller en 1473, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 36, page 2.
(13) Cf. note 7.
(14) Guy de Raignac, Dépouillement concernant les familles vendéennes, Archives de Vendée : 8 J 100, extraits des archives de la Rabatelière, page 206.
(15) Cf. note no 2. La date rectifiée par l’historien Louis de la Boutetière est 1488 et non pas 1491.
(16) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1533, ibidem : 150 J/M 22, pages 326, 327 et 330.
(17) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1536, ibidem : 150 J/M 22, pages 449, 482 et 483.
(18) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1537, ibidem : 150 J/M 22, pages 553, 569, 609, 610 636 et 643.
(19) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1539, ibidem : 150 J/M 22, pages 676 et 677.
(20) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1541, ibidem : 150 J/M 22, page 689.
(21) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1542, ibidem : 150 J/M 22, pages 774 et 842.
(22) Procuration vers 1544 du seigneur de Linière pour sa foi et hommage à Languiller, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17.
(23) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1543, ibidem : 150 J/M 22, pages 891 à 893 et 896 à 897.
(24) M. Roy, Ban et arrière ban du bailliage de Sens, édition 1885, Bibliothèque Durzy : L 2828.
(25) Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France ..., généalogie de la maison La Châtre, 3e édition, tome 7, Paris, 1733, page 367.
(26) G. Zeller, Les Institutions de la France au 16e siècle, PUF, 1948, page 93.
(27) Foi et hommage du seigneur de Linières pour la Pinetière du 10-6-1540, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17.
(28) Cf. note 14, page 209.
(29) Cf. note no 26, page 108.
(30) Mémoires et Lettres de Marguerite de Valois, texte établi et publié en 1847.
(31) Michel Pernot, Henri III le roi décrié, Le livre de poche et de Fallois, 2013, page 328.
(32) Cf. note 30, et note no 8
(33) Berriat-Saint-Prix, Histoire du droit romain suivie de l’histoire de Cujas, Paris, 1821, page 473 ; accessible par Gallica.fr
(34) Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par Languiller aux Essarts – deuxième copie, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61.
(35) Cf. note 23.
(36) Cf. note 14, pages 209 et s.
(37) G. de Raignac, De châteaux en logis, Itinéraires des familles de la Vendée, Bonnefonds éditions, 1990-1995, Linières.
(38) 150 J/G 35, échange de terrains du 17-2-1591 au Rochais.
(39) Archives de Vendée, fonds Mignen : 36 J 101 de Chauché – Linières
(40) Livre de raison de Julien de Vaugiraud (06-1584-08-1597), Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille de Vaugiraud : 22 J 9, pages 111 et 124.
(41) Positions contradictoires sur la dépendance de Saint-André-Goule-d’Oie à Linières et factum de M. du Plessis Clain contre M. de La Brandasnière dans un mémoire de 1646, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17, page 3.
(42) Cf. note 37.


Emmanuel François, tous droits réservés
Janvier 2023

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