avril 15, 2025

La seigneurie de Grissay 1392-1784

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L’histoire connue de Grissay aux Essarts commence à la fin du 14e siècle, où Galéas de Plouer est cité comme seigneur de Lespinay. C’était alors le nom de la seigneurie établie au lieu de Grissay, qui portera le nom de la Barette ensuite jusqu’au début du 19e siècle, retrouvant néanmoins l’ancien nom de Lespinay au tournant des 17e et 18e siècles. Galéas de Plouer appartenait à une famille venue de Bretagne. Son grand-père, Phélipot de Plouer, était seigneur de Plouer (Côtes d’Armor), marié vers 1323 à Nicole de Dinan. La paroisse de Plouer existait dès 1187 dans l’ancien diocèse de Saint-Malo. Galéas de Plouer était aussi seigneur de Saint-Benoist-sur-Mer dans le sud Vendée (1).

Plouer sur une carte IGN

Galéas de Plouer était seigneur du Beugnon (Sainte-Florence), Lespinay en 1392 (devenu Grissay aux Essarts), Saint-Benoît-sur-Mer et du fief Orson (probablement Moutiers-sur-le-Lay). Vers 1392, époque de son mariage avec Perette Baritaud, il possédait des domaines à la Bergeonnière (Saint-André-Goule-d’Oie) et prenait aussi une partie de la dîme des bêtes, laines et lins prélevée dans le village (2). Perette Baritaud était l’une des trois sœurs héritières de Guillaume Baritaud, seigneur de la Baritaudière (Chantonnay), Drollinière (Chauché), Roches Baritaud, (Saint-Germain-de-Prinçay), Saint-Porchaire et de Louise de Beaumont-Bressuire. Sa sœur Marguerite, dame de la Drollinière, épousa en 1381 Guillaume Foucher. Une autre sœur, Jeanne, épousa en 1406 Nicolas Chabot, seigneur de la Chabotterie (3). La liste des domaines de Galéas de Plouer suggère une implantation de sa famille commencée avant lui dans le Bas-Poitou et dans la contrée des Essarts.

Un Jean de Plouer, tenait en 1550 sous l’hommage du Coudray Loriau la moitié par indivis du tènement de la Bergeonnière qui pouvait valoir 2 septiers de blé par an et 11 trullaux d’avoine, plus le quart de la dîme des bêtes, laines et lin valant 12 deniers par an environ (4).


L’aveu en 1437 de Regnaut de Plouer

Un aveu rendu par son fils, Regnault de Plouer, écuyer, en 1437, nous décrit la seigneurie de Grissay, mais sans le dénombrement détaillé de ses domaines et de ses revenus (5). Cette absence de dénombrement n’était pas rare à l’époque, on le constate aussi pour la baronnie des Essarts en 1398. Celle-ci était le seigneur suzerain de Grissay, possédée alors par Richard d’Etampes (1395-1438), fils du duc de Bretagne, devenu baron des Essarts par confiscation à Isabeau de Vivonne. Ce fut la conséquence de la défaite de son mari dans la guerre de succession au duché de Bretagne. La seigneurie de Grissay était tenue de la baronnie des Essarts à foi et hommage lige. Elle devait une ligence de 40 jours par an. Celle-ci comprenait la participation aux combats du suzerain et un service militaire de garde, lequel avait cessé en cette fin du Moyen Âge. Il était effectué autrefois dans une maison de garde aux abords du château des Essarts. Restait en 1437 une parcelle foncière appelée les Pirocherie où se trouvait cette maison et dépendant de Grissay. La ligence emportait prééminence sur les autres fois et hommages simples qu’on disait « plain », et sa mention dans les actes officiels fut maintenue alors que l’obligation disparut au fil du temps. Cette ligence plaçait le seigneur de Grissay à un rang plus élevé que les nombreux autres guerriers dans la baronnie des Essarts.

La seigneurie comprenait le logis à Grissay et sa métairie attenante, appelé le tout « la Barette jadis nommé Lespinay ». Elle rapportait 60 livres de revenus par an. En 1597, le chiffre déclaré dans un aveu des Essarts était de 50 écus sol (150 livres), équivalent à celui des seigneuries de Linières (Saint-André-Goule-d’Oie) et de l’Aublonnière (Sainte-Cécile), supérieur aux 20 écus sol de la petite seigneurie de Grezay (Essarts), mais inférieur aux 100 écus de la plus importante seigneurie, Languiller (Chauché) (6). Grissay possédait des redevances sur des terroirs voisins concédés en terres nobles ou roturières, qui ne sont pas ici énumérés. Nous les découvrirons plus tard. Autre signe de son importance, Grissay avait le droit de moyenne et basse justice. Tous les seigneurs avaient la basse justice, leur donnant le droit de juger dans leur tribunal des affaires civiles relatives à leurs biens et des petits délits. En complément, la moyenne justice jugeait des affaires civiles autres (ex. successions) et des délits plus importants, sauf ceux punissables de mort réservés à la Haute justice.

L’aveu en 1437 de Regnault de Plouer comprend une autre foi et hommage lige et à ligence de 40 jours pour le fief de la Chopinière (maison, terres, prés, bois), situé à Sainte-Cécile, pour un revenu de 10 livres par an seulement. Sa ligence, comme celle de Grissay, fut transformée en une redevance de 30 sols par an en 1462 (7). Au lieu de payer 200 sols de rachat à chaque mutation de bien, le vassal paierait désormais 30 sols par an. C’était une faveur financière et la fin complète de l’obligation militaire. On ignore la contrepartie, probablement une somme d’argent. Il resta une terre appelée l’Ouche de la Ligence près du château des Essarts, d’une superficie de 3 700 m2, qui était possédée par Jean Jupille en 1513 à 7 sols 6 deniers de cens par an dus à Grissay (8).

L’aveu déclare les principaux vassaux dépendant de Grissay. C’est le cas d’une maison noble au village du Petit Moulinet en la paroisse de Saint-Martin-des-Noyers, tenue à foi et hommage plain et à rachat, avec 6 parcelles de terre, prés et bois totalisant environ 14 ha. Le tout rapportait 100 sols de revenus par an. En 1437, le possesseur du fief est Pierre Verdon, un héritage de sa femme Guillemette Boudaud. C’est apparemment un roturier.

Grissay tenait aussi à foi et hommage plain le seigneur du Boisreau pour divers domaines dans son environnement à Chauché et les Essarts. Le même seigneur relevait du baron des Essarts pour d’autres de ses domaines. En 1437 c’était Gilles de Launay à cause de sa femme, Catherine Chevallier, dame du Boisreau et de Grezay. Les domaines compris dans son hommage à Grissay, avec droit de basse justice, étaient :
- Les tènements de la Martinière et de la Renardière (Essarts), se joignant et occupant 14 ha de terres, 10 ha de bois et garenne et 9 ha de prairies. Les mêmes surfaces seront reprises dans un aveu de 1679.
- Le moulin à eau du Boireau appelé le moulin de Jarreau, car situé sur les Landes Jarreau (devenues Jarries) au nord du logis de Boireau à Chauché. En 1679 la dame de Grissay déclare le tènement des landes jarreau et indique que le moulin est en ruine.
- Le tènement et village de la Corère (Essarts). Le seigneur du Boireau y prélevait le terrage au 1/6 des récoltes des blés, lins, chanvres et légumes, la dîme sur les bêtes bélines, pourceaux, veaux et laine, chaque année un cens de trois chapons et une poule, 14 sols de taille et une rente de quatre boisseaux de froment. À cette date il pouvait bénéficier à sa demande d’une corvée de 4 bœufs sur les habitants d’un jour chaque trois semaines et d’une autre corvée de 2 hommes pour faucher et faner les prés de Boireau.
- L’étang du Boireau (Essarts) près du village de la Martinière. Il n’est plus cité dans l’aveu de 1679.
- Le tènement des Couteaux (probablement les Essarts) contenant environ 3 ha de terre et situé entre les terres de la Martinière et celles de la Faubretière. Dans l’aveu de 1679, il porte le nom de Courond pour une même surface
- Un tènement de terres de 14 ha proche du Boireau. Dans l’aveu de 1679, un tènement de terre comprend 20 ha, c’est peut-être le même, s’étant agrandi par défrichement.
- Un autre tènement de terres appelé Alèze près la Faubretière contenant 39 ha de terres et quelques ha de prairies. Il n’est plus cité dans l’aveu de 1679.
- Le tènement de terre appelé le fief Gaudin.
- Dans le tènement Millet (Essarts), qui avait appartenu à Etienne Millet (aveu de 1506), le seigneur de Boireau prend les 2/3 des redevances des teneurs : terrage au 1/6, dimes des bêtes belines, pourceaux et laine, 8 sols de taille par an, cens d’une poule, corvée d’une charrette de 2 bœufs un jour chaque 3 semaines. Dans un aveu de 1541, il est précisé que le tènement s’appelait aussi la Chataigneraie. C’est une confusion et il est devenu la Ravatrie dans l’aveu de 1679.
- Dans le tènement du Chataigneau (Essarts, devenu la Chataigneraie), le seigneur de Boireau prend les 2/3 des redevances suivantes : terrage au 1/6, dimes des bêtes belines, pourceaux, veaux et laine, 2 sols 8 deniers de taille par an, cens de 1/3 de poule, corvée d’une charrette de 2 bœufs 1 jour chaque 3 semaines ou 2 hommes de bras pour une journée à la demande chaque période de 3 semaines. Dans l’aveu de 1541 il porte par erreur en plus le nom de Millet, peut-être parce que lui aussi a appartenu à Étienne Millet.
Carte IGN, lieux mouvants de Grissay
- Est compris dans la mouvance du seigneur de Boireau et de son suzerain de Grissay une vigne dont le mode d’exploitation particulier appartient au baron des Essarts. Celui-ci avait concédé dans un bail appelé « baillette à complant » le droit de planter des ceps de vigne et de les cultiver en donnant la 1/5 ou 1/6 partie de la vendange au propriétaire du sol. Le baron des Essarts avait gardé le droit de complant an en donnant ensuite la propriété éminente de la terre au seigneur de Grissay, lequel l’avait concédée au Boisreau. Cette situation compliquée est significative des redistributions des terres entre seigneurs, probablement dans une période récente. Les vignes étaient cultivées depuis l’époque romaine et il est intéressant de constater l’existence du régime de complant dès la fin du Moyen Âge dans la contrée. Ne s’y ajoutait qu’un cens de 5 sols par an. Les premières années après la plantation des ceps, il n’y avait pas de prélèvements à droit de complant faute de récoltes. La propriété des ceps accordée au cultivateur durait tant que la vigne était cultivée et elle pouvait se transmettre par vente et héritage. Le propriétaire du sol récupérait son usage en cas d’abandon de la vigne ou de mauvaises façons de la cultiver. Celles-ci étaient codifiées dans le vieux coutumier du Poitou datant de l’époque de l’aveu (9). Ce premier écrit de la coutume a officialisé et stabilisé des normes et pratiques antérieures.

Grissay recevait une autre foi et hommage plain, rachat et 10 deniers de devoir par an, pour le fief et tènement de la Bourolière à Saint-André-Goule-d’Oie, tenue en 1437 par Marie de Saint-Martin. Celle-ci y prélevait le terrage au 1/6, mais affermé à 32 boisseaux de seigle par an, sur lesquels le prieur des Essarts avait droit à 12 boisseaux.


Carte IGN, liens féodaux de Grissay en 1437

Le village et tènement de la Faubretière (Chauché), au nord de Boisreau, était tenu de Grissay par le sieur des Bouliere à foi et hommage plain, à rachat et à 12 deniers de service. Il y prélevait la moitié des redevances des teneurs : droit de terrage au 1/6 des récoltes, dîmes des laines, veaux, agneaux, pourceaux, une corvée de 2 bœufs à la quinzaine transformée par un bail en paiement de 40 sols par an, une taille seigneuriale de 20 sols par an. L’autre moitié était perçue par le seigneur de Grissay sous l’hommage du sieur des Boulière. Et chacun détenait sa part des droits de fief dont celui de basse justice. Le suzerain était aussi vassal sur le même tènement. Là encore cette bizarrerie résulte très probablement de redistributions de terres à différentes époques.

Regnaut de Plouer était seigneur de Saint-Benoist-sur-Mer, Grissay, Landes Borgères (près de la Brossière sur la paroisse de Vendrennes), la Chopinière (Sainte-Cécile). Il paraît probable qu’il demeurait à Saint-Benoist-sur-Mer. Il avait fait rédiger son aveu à la baronnie des Essarts par des notaires de la châtellenie de la Roche-sur-Yon. Il constitue le premier document décrivant la seigneurie de Grissay. Et pourtant il nous donne des indices d’une histoire plus ancienne et mouvementée. Mais nous ne connaissons pas bien les premiers châtelains de la région dans les trois premiers siècles du 2e millénaire. Rares sont les lignées de nobles dans la contrée à avoir conservé des archives ayant survécu aux guerres civiles. Et il semble qu’une partie d’entre elles ont émergé à cette époque. Les premiers barons des Essarts, seulement connus brièvement sont un nommé Tainart en 1120 et Pierre d’Aspremont en 1196. Ils étaient dans la mouvance d’un vassal important du comte du Poitou, le vicomte de Thouars. On sait que les mottes fortifiées, puis des châteaux apparurent à partir du XIe siècle en Poitou, et donc probablement en Bas-Poitou (devenu la Vendée), érigés par des guerriers d’origines diverses sur fond d’insécurité généralisée. Le désordre et la violence s’alimentèrent l’un l’autre, transformant les guerriers en seigneurs, qui s’arrogèrent des pouvoirs politiques de service militaire, de fiscalité et de justice. Ce fut le système féodal profondément hiérarchisé par nature. Ainsi le baron des Essarts régnait sur son territoire allant de Saint-André-Goule-d’Oie à Dompierre et de Sainte-Cécile à Chauché, y créant des redevances à son profit et concédant presque toutes ses terres à des seigneurs. Ces derniers dépendaient de lui, comme celui de Grissay, et avaient eux-mêmes des seigneurs sous leur dépendance comme on l’a vu pour divers domaines du Boireau, du Petit Moulinet, etc., dépendant de Grissay. L’inflation aidant, les moins dotés d’entre eux s’appauvrirent et disparurent au profit des plus importants.

À partir du 14e siècle, des malheurs s’abattirent sur l’Europe de l’Ouest, dont on trouve les effets dans la contrée des Essarts. Le plus déterminant fut la peste noire (1347/1348), causant la mort d’environ le tiers de la population générale du royaume en quelques années. Elle atrophia les jeunes générations et la pandémie prolongea le vide démographique. De plus, la guerre de Cent Ans entre l’Angleterre et la France avait commencé en 1339 officiellement. Elle tua de nombreux chevaliers. Les troupes de relève fournirent de nouveaux guerriers récompensés par des concessions de fiefs. Des compagnies de soldats furent créées qui se nourrissaient et se payaient en pillant les populations civiles des pays qu’ils parcouraient. Dans cette guerre, les Essarts furent victimes en plus de la guerre de succession au duché de Bretagne entre les familles de Penthièvre et de Montfort (1341-1365). La baronnie de Montaigu fut confisquée par le roi de France à cette occasion, lequel donna la mouvance de certains terroirs de Saint-André et Chauché au baron des Essarts pour le récompenser de sa fidélité. Cette guerre de succession fut relancée quelques dizaines après 1365 par le comte de Penthièvre, Charles de Blois, qui avait épousé l’héritière des Essarts, Isabeau de Vivonne. Il la perdit, et ses terres furent confisquées en 1420. La baronnie des Essarts devint alors possession du breton Richard d’Etampes. Enfin, dernier malheur, une nouvelle période climatique, le Petit Âge Glaciaire, apparu autour de 1300, avec ses printemps froids, ses étés pluvieux et parfois ses hivers très froids. Le gel et la pluie ont détruit des récoltes et engendré des famines, parfois mortelles comme en 1315. Le changement climatique ne paraît pas déterminant dans la crise agraire de la fin du Moyen Âge et l’effondrement démographique. Mais à l’échelle locale, il compte, surtout ajouté aux malheurs de la guerre et des épidémies. Parmi les morts on compta des seigneurs, d’autres furent ruinés à cause de revenus reposant sur l’activité agricole. Leurs biens furent récupérés par les survivants plus fortunés.

Dans les trois siècles qui ont précédé l’aveu de 1437, les prédécesseurs de Regnaut de Plouer ont dû affronter la situation générale que nous venons d’évoquer. On ne s’étonnera donc pas de le voir seigneur suzerain sur des terres éparses du Boireau, à Sainte-Cécile et à la Bourolière de Saint-André-Goule-d’Oie. De même, les partages de droits et redevances au Chataigneau, à la Faubretière, au Millet et sur le fief de vigne du Boireau résultent probablement de circonstances extérieures à une gestion normale des patrimoines. La même année 1437 verra par exemple une autre seigneurie des Essarts, les Bouchauds, vendue par moitié, le suzerain baron des Essarts gardant l’autre moitié. Il l’avait reprise à son seigneur. Le vendeur était Bertrand de Pouez, écuyer seigneur de Gastinie et du Pin (Ille-et-Vilaine) et alors capitaine au château des Essarts (10). On n’est pas étonné après cela que les possesseurs de Grissay, les de Plouer, soient venus de Bretagne.


Partage en 1526 entre René, Aimery et Pierre de Plouer

Regnault de Plouer épousa d’abord en 1443 Robinette du Plessis, veuve de Jean Cathus, écuyer, puis Jeanne de la Nouhe, fille d’André, seigneur de la Nouhe, et d’Isabeau Meschin, héritière de la Bastardière. Ils eurent 5 enfants, dont Julien qui suit et Jean, auteur de la branche de la Burcerie (11). 

Julien de Plouer est décédé avant 1526. Il avait rendu son aveu pour Grissay au baron des Essarts le 26 mai 1506 (12). Il épousa le 1er janvier 1469 Catherine de Cousdun, fille de Guillaume de Cousdun, seigneur des Ouches et de Marie de Clermont-Taillard, « maison la plus illustre du Dauphiné et alliée à la maison de France ». Ils eurent Robinette, René, Marguerite, Louise, Isabeau, Aimery (ou Amaury et Mery) et Pierre (13). Les trois garçons et leur sœur Robinette signèrent un partage des successions de leurs parents le 18 janvier 1526 en forme de transaction (14). Robinette fut mariée après le décès de ses parents et dû partager avec ses frères. Les trois autres sœurs, mariées du vivant des parents, avaient renoncé à leur héritage au profit du frère aîné.

Domaine de la Chopinière à Sainte-Cécile
Julien de Plouer était seigneur de Grissay et de Saint-Benoist-sur-Mer. Catherine de Cousdun était dame de la Boissière et de la Chopinière (Sainte-Cécile au sud de Launay). Étant décédés au temps du vieux coutumier du Poitou daté de 1417, la manière de succéder entre nobles pour les biens nobles prévoyait la succession entre frères avec le droit le droit de retour à la descendante du fils aîné. Mais le nouveau coutumier du Poitou a été rédigé en 1514/1526 et publié en 1559. Il consacrait le droit d’aînesse dans les successions avec un préciput (réserve) et les 2/3 des biens nobles à son profit. La transaction trouvée s’affranchit des coutumes. Les parties à ce partage se sont rassemblées à Bournezeau avec les conseils de leurs parents et amis, Valérien de Thorigné chanoine prébendé de l’église cathédrale de Luçon, Guy de Thorigné écuyer seigneur de Noiron et de Marchoux, René des Chasteigners écuyer seigneur de la Grolle, Loys Travers, écuyer seigneur des Chaffauds, maître Raoul Amaury licencié ès lois, Nicolas Moussiau bachelier, Jean Jupille licencié ès lois, notaire, procureur puis sénéchal (en 1536 et 1542) de la cour des Essarts, châtelain de la cour de la Roche-sur-Yon, seigneur des Forgettes.

Suivant la transaction passée, les seigneuries du père vont, pour Saint-Benoist-sur-Mer à l’aîné (René) et pour Grissay au premier puîné Mery (Aimery). Les seigneuries de la mère vont, pour la Boissière à l’aîné, et pour la Chopinière au 2e puîné, Pierre. Une transaction du 3 octobre 1545 complétera ce partage pour l’héritier de Robinette de Plouer, son fils Hardy d’Appelvoisin écuyer seigneur de la Bodinatière. Aimery de Plouer céda à son neveu des cens et rentes dus sur des tènements autour de Grissay pour parfaire le partage (15).

La description du lot dans le partage mentionne dans les préclôtures du logis de Grissay une fuie et une garenne, constituant au moins le droit d’en avoir, sinon la preuve de leur existence à la date de l’aveu. Il y avait aussi un moulin à vent avec le droit de vérolie (obligation de faire moudre au moulin du seigneur) et le droit de mouture (prix payé au meunier). Il indique que René, le frère aîné, s’est réservé le droit de terrage sur les villages de Lespinay (Cambronnière), Rabretière et une partie de Puy Mest, lesquels relevaient de Grissay. La seigneurie de Grissay conservait les hommages et les droits de patronage des chapelles du Buignon et de la Meygrière, desservies en les églises de Sainte-Florence et des Essarts. Elle continuerait de payer la rente de 16 boisseaux de seigle au prévôt des Essarts (bénéfice d’un chanoine de la cathédrale de Luçon). Mais c’est dans l’aveu et dénombrement d’Aimery de Plouer en 1541 qu’on découvre mieux la composition de la seigneurie de Grissay.


L’aveu et dénombrement en 1541 d’Aimery de Plouer (16)

Aimery de Plouer habita à Grissay, c’est prouvé en 1539. Il épousa Marie Bastard dame de la Lévraudière. Il rendit son aveu pour Grissay à la baronnie Essarts le 22 juin 1541. Y apparaît le fief de vigne de Grissay (non situé et portant ce nom à l’époque), la métairie dite de la Barette, le pré Bouchot et 6 pièces de bois. Surtout sont énumérés les redevances perçues sur les tènements et villages des environs aux Essarts : Rabretière, Libaudières, Puy Mest, Mesguière, la Baronnière (près les Libaudières), Grand Epinay (Cambronnière), Bonnetrie (près de la Cambronnière), Poisville (entre la Rabretière et la Grollière), la Vif (près de Beauregard) et beaucoup d’autres terres isolées ou de petits tènements.

Carte IGN, les lieux mouvants de Grissay

On retrouve les fois et hommages rendus à Grissay par le seigneur du Boireau (voir l’aveu de 1437) à une exception : le fief Gaudin est tenu à foi et hommage par Jean Jupille, écuyer. Dans un aveu de 1506, c’est Julien de Plouer qui en était devenu le possesseur (17). Par ailleurs, c’est désormais René Bertrand qui rend hommage pour la Bourolière (Saint-André), et Pierre Verdon, au nom de Guillemette Boudaud sa femme, est encore cité pour l’hommage de sa maison noble des Moulinets (Saint-Martin des Noyers). On voit repris ici le même nom du possesseur que 104 ans auparavant dans l’aveu de 1437. Et on a en plus une autre foi et hommage pour une autre maison du Moulinet rendu par Pierre Normandeau, avec d’autres pièces de terres, des prés et un moulin. On constate que l’auteur du texte ne distingue pas le Moulinet du Petit Moulinet, voisins l’un de l’autre. François Lingier, écuyer seigneur de la Mancellière (Saint-André) a remplacé le sieur des Boulière dans l’hommage de la Faubretière. On pardonnera au notaire le fait que François Lingier était décédé depuis une douzaine d’années, remplacé par son fils René.

De nouveaux hommages apparaissent en 1541. D’abord la métairie de Puy Mest était tenue par René de Plouer, le frère aîné, à foi et hommage, tandis que quatre ha de prés dans la grande prairie de Puy Mest étaient tenus de même par Pierre de Plouer, le frère puîné. Le fief de la Grollière (Essarts) apparaît dans ce dénombrement, tenu à foi et hommage plain et à rachat par un nommé Guillaume Thomas. L’aveu de 1506 avait mentionné pour cette terre un Pierre Beschiau, sergent féal de la Belette, et avant lui Lucas Beschiau. Une rente de 20 boisseaux de froment étaient partagés à moitié et le cens était de deux chapons et une poule. Enfin, l’article 181 de l’aveu mentionne la Barillère tenue à foi hommage plain et rachat, mais sans qu’on puisse en lire davantage, le document étant très abîmé.

Nous n’avons pas cité les petites redevances prélevées dans ces territoires, mais il est intéressant d’indiquer maintenant les acquisitions de rentes effectuées en 1546 par Aimery de Plouer à « monseigneur Jean de Bretagne » (18). Il s’agit de Jean IV de Brosse, qui agrandit le vieux château fort des Essarts dans un mélange de styles et d’époques, dont celui contemporain de la Renaissance. Voici la liste des rentes achetés :
- 24 ras avoine de rente noble primitive foncière sur le village de la Cambronnière
- 6 ras avoine de rente noble, primitive sur la Guibonnerie
- 17 ras avoine de rente noble primitive et foncière sur Puy Mest
- 40 sols de corvées affermées par an sur la Rabretière
- 30,5 ras d’avoine de rente primitive et foncière sur la Grollière
- 6 boisseaux de seigle et 6 ras avoine sur le tènement de Vif


Archives de la Vendée,
archives de la Barette : 2 MI 36/3
Aveu du 22-6-1541
  Aveu du 22-6-1541 de la Barette aux Essarts

 Les villages concernés faisaient partie de la mouvance   de Grissay, mais les redevances seigneuriales avaient   été dispersés entre plusieurs possesseurs. Elles faisaient   l’objet de commerce. Le baron des Essarts a reçu ainsi   de l’argent tandis que le seigneur de Grissay a placé le   sien en rentes seigneuriales, fixes dans leur quantum et   liées au mouvement des prix des marchés. Les   seigneurs  de la Gâtine poitevine (nord Deux-Sèvres)   achetaient des terres à la même époque pour constituer   des métairies. L’avenir leur donna raison.

 Aimery de Plouer eut deux enfants survivants connus :   Jean, l’aîné qui hérita de Grissay, et François. Celui-ci a   peut-être été seigneur de Grissay, mais sans trace   trouvée dans les archives de la Barette. Jean était   mineur (moins de 25 ans) en 1553 quand l’aveu des   Moulinets fut rendu en son nom à François Allard   écuyer seigneur de Bois-Imbert. Dans un acte de saisie   à  la Faubretière en 1554, François Allard est mentionné   comme son curateur. Jean de Plouer reçu une déclaration roturière en 1559 de plusieurs particuliers habitant à la Grollière. Il épousa le 5 août 1560 Madeleine Charruyau et ils eurent deux filles, Elisabeth et Marie. En 1580, Elisabeth de Plouer est dame de la Barette dans un aveu rendu pour elle à René Jaillard écuyer seigneur de la Gorinière, qui était le 2e mari de Madeleine Charruyau sa mère. Ce qui veut dire que Jean de Plouer était décédé à cette date, ayant vécu une cinquantaine d’année.

Il avait reçu en 1563 une déclaration roturière de dix particuliers à cause de la seigneurie de Grissay pour le fief Terroil, autrement appelé le fief du Chastellier. C’était une lande d’une superficie de 0,5 ha près de la Cambronnière, sur laquelle était prélevée 1 chapon par an (19). Mais l’essentiel des redevances du fief Terroil, avec rentes, cens et terrages, de nombreuses terres, maison et jardin, dépendait de la seigneurie de Languiller (20).


La construction vers 1670 du nouveau logis de Grissay

Élisabeth de Plouer épousa par contrat le 18 mars 1580 Paul Robert, seigneur de la Rochette aux Clouzeaux. Elle fut la première de ses quatre épouses. Élisabeth de Plouer était décédée en 1591 quand Paul Robert reçu la foi et hommage de la Bourolière pour raison de Grissay, à cause de sa fille, Renée Robert (21). Paul Robert habitait aux Clouzeaux en 1599. Il fit sa foi et hommage pour Grissay aux Essarts encore en 1607 comme père de Renée Robert (22). Celle-ci épousa le 19 juillet 1608 Antoine Poictevin, seigneur du Plessis-Landry à la Mothe-Achard près de la côte vendéenne.

C’est lui qui arrenta en 1614 le fief de vigne de Grissay à Louis Allaire, marchand demeurant à la Rabretière (Essarts). Une partie des parcelles était à l’abandon et la concession à ferme perpétuelle obligeait Allaire à les défricher pour les mettre en culture. Il aura le droit de percevoir alors un terrage au 1/6 des récoltes et sur les vignes restantes un complant de 1/6 des vendanges. L’arrentement est fait moyennant une rente annuelle, féodale, foncière et perpétuelle de 72 livres au profit de Grissay (23).

Antoine Poictevin et Renée Robert eurent Jacques et Renée. Devenu veuf, Antoine Poictevin épousa en 1621 Louise Goulard, veuve de René Légier seigneur de la Sauvagère (24), dont il eut Barbe. Il eut un autre fils, Antoine, dont on ne connaît pas la mère. Il fit sa foi et hommage en 1623 pour raison de Grissay, comme tuteur de son fils aîné Jacques Poictevin (25).

Jacques Poictevin, seigneur du Plessis Landry et de Grissay, épousa en 1626 Jacqueline Légier, fille du premier mariage de sa belle-mère Louis Goulard avec René Légier. Sa sœur Renée Poictevin épousa le même jour, Louis Légier, frère de Jacqueline ci-dessus. L’autre sœur, Renée Légier, épousa après 1643 Pierre du Plantis, seigneur du Landreau (Herbiers), alors veuve de Charles Robert seigneur de la Rochette (Clouzeaux), qu’elle avait épousé en 1628.

Jacques Poictevin eut Charles, Louis, seigneur de la Rochette et Antoine, seigneur de la Guittière. On ne trouve pas d’acte concernant Charles Poictevin qui aurait été seigneur de Grissay. En revanche, les actes conservés concernent son père, Jaques Poictevin, et sa deuxième épouse Renée Jousseaume. Ces derniers demeuraient à Poitiers en 1648 (26). La mésentente divisa le couple, le mari ayant dilapidé la dot de sa femme. Une sentence du 6 août 1659 ordonna la séparation de biens (27). Une autre sentence du 27 mai 1662 ordonna le transport du fief de Grissay par Jacques Poictevin à sa femme Renée Jousseaume, pour lui restituer la valeur de sa dot de 16 000 livres, des intérêts et autres sommes formant une dette due à l’épouse de 20 430 livres (28). Le fief fut estimé valoir 27 000 livres. Exerçant son droit de retrait féodal en 1670, Renée Jousseaume rappela qu’elle était « autorisée par justice à la poursuite de ses droits au refus de son mari » (29). Celui-ci a été lieutenant de la compagnie des gendarmes du seigneur des Roches-Baritaud (Saint-Germain-de-Prinçay). Il commandait la compagnie en l’absence de son capitaine en titre (29).

Entre temps, Jacques Poictevin était décédé comme on le constate dans un acte vers 1666 (30), où Renée Jousseaume réclame un droit de banc dans l’église paroissiale des Essarts. Elle s’installe à Grissay et y construit un nouveau logis, proche de l’ancien. Il existe toujours, profondément remanié au 19e siècle et devenu le château de Grissay. On date sa construction vers 1670. L’aveu de Grissay aux Essarts en 1679 indique en effet la construction d’un logis « nouvellement bâti pour s’appeler à l’avenir ledit nom Lespinay ». Jusqu’en 1666, les actes mentionnent le nom de la Barette. En 1670, on écrit « la maison noble de Lespinay et la Barette » dans le retrait féodal déjà cité. Un aveu du 21 octobre 1671 de la Bourolière est rendu à « votre seigneurie de l’Espinay vulgairement appelée la Barette ». L’orthographe Lespinay s’imposera ensuite progressivement, le même que celui du village du même nom qui deviendra Cambronnière au début du 19e siècle. En revanche, le nom de la Barette reviendra dans les actes dès 1713 pour désigner le logis et la seigneurie (31). La volonté de René Jousseaume de redonner à son nouveau logis un nom oublié depuis plus de trois siècles est à remarquer. Sa propriété n’était pas de sa lignée, mais peut-être avait elle consulté des parchemins disparus de nos jours, qui témoignaient de l’époque des croisades et de l’importance alors des seigneurs de Lespinay auprès du baron des Essarts. Avec la construction d’un nouveau logis, la reprise de l’ancien nom apparaît comme un hommage à son patrimoine. Le plan masse dessiné par le cadastre de 1826 reproduit le logis de 1670 avec exactitude. Les communs ont très probablement peu changé et les autres parcelles foncières ont la même destination probable.

Archives de Vendée, cadastre de 1826
cote 3 P 084-28, section H, 2e feuille
Il faudra attendre un siècle pour décrire ce logis tel qu’il existait au départ (32). Le rez-de-chaussée comprenait une salle (pièce principale d’une demeure importante), une cuisine, deux chambres et un couloir. Le sol était carrelé. L’unique étage était construit à mi-hauteur avec un mur en pierres et au-dessus avec des poutres en bois supportant une maçonnerie de torchis en terre détrempée et chaume. Il comprenait une chambre au-dessus de la salle avec un petit cabinet à côté, un couloir, une chambre au-dessus de la cuisine. Chaque pièce avait une ou deux fenêtres et son carrelage. À l’extérieur il y avait une boulangerie, une écurie avec la chambre des valets à coté suivant l’usage, les toits aux brebis, aux veaux et aux vaches, une grange, un pressoir à vendange, une cave, un toit aux cochons construit en bois et des greniers aussi construits en bois au-dessus de bâtiments non indiqués. À côté il y avait aussi la maison de la borderie (non décrite). Quant aux deux métairies de « l’hôtel de la Barette », on note deux maisons pour les métayers sans indication précise de leur emplacement, ni description.

L’assemblée paroissiale, vers 1666, mérite qu’on s’y arrête pour connaître un peu les Essarts de cette époque. Renée Jousseaume, avait exposé au lieutenant général du Poitou (magistrat à Poitiers) que « de temps immémorial » les seigneurs de Grissay étaient inhumés dans une chapelle dite de Notre-Dame se trouvant dans l’église des Essarts où ils avaient aussi un droit de banc. Mais ils avaient « discontinué de faire de la Barette leur demeure et le banc est tombé en ruine ». À présent elle veut venir habiter à Grissay et désire mettre un banc dans la chapelle pour conserver son droit de banc et sépulture. Elle offre à cet effet de donner chaque année à la cure des Essarts 1 boisseau de froment et à la fabrique 3 boisseaux de seigle, plus une rente foncière annuelle et perpétuelle de 30 livres à la cure pour dire une messe basse avec un Salve Regina tous les samedis de l’année. Après quoi, le lieutenant général a requis le curé des Essarts, le syndic (ancêtre du maire dans les campagnes) et le marguiller gérant la fabrique, de faire délibérer la demande par l’assemblée des paroissiens suivant les lois du royaume. Après délibérations, ces derniers ont accepté l’offre de la dame de Grissay « sous le bon plaisir de la duchesse de Savoie » (baronne des Essarts), est-il écrit par le notaire pour le principe.

Marie Jeanne Baptiste de Savoie-Nemours,
duchesse de Savoie
De même les notaires rédigeant l’acte notent par déférence, parmi les paroissiens, le nom des élites locales :
- Gabriel de Baudry d’Asson, chevalier seigneur de la Rondardière (Guyonnière), gouverneur de la ville et baronnie des Essarts.
- René Grassineau, sieur de Beauregard et sénéchal de la baronnie,
- Jacques Jeullin, sieur de la Hardière et lieutenant de la baronnie,
- Nicolas Audouard, Charles Gazeau écuyer sieur du Plessis, Julien et Louis Cicoteau, sieurs du Plessis et de la Touche, Joachim Merland sieur du Charprais, Jean Frappier sieur de la Martinière et Jean Masson notaire sieur du Puytireau.
La baronne était une cousine de Louis XIV et duchesse de Savoie. De petite fortune locale, Gabriel de Baudry d’Asson occupe une fonction militaire surtout honorifique à cette époque aux Essarts. Il avait épousé en 1619 Anne Charbonneau, héritière de Grezay (Essarts). Comme Charles Gazeau, Nicolas Audouard est de famille noble originaire de la région de Niort. Les autres personnes citées sont des bourgeois nourris des offices de la baronnie et plaçant leurs revenus en acquisitions foncières. Parmi eux, Louis Cicoteau fut fermier de la baronnie et son fils Louis, magistrat, acheta ses lettres de noblesse en juin 1701 et fut seigneur de Linières (Saint-André et Chauché). Il possédait des terres aux Essarts, notamment les métairies de la Touche, de Bellevue et de la Vallée, les fiefs Coulon, de la Gagnollière et de la Septembrière (33).


L’aveu et dénombrement en 1679 de Renée Jousseaume

Il est écrit sur un cahier de 111 pages conservé l’année de la réception en septembre 1679 de l’aveu, dans le trésor du Landreau (Herbiers). Ainsi appelait on le lieu de conservation des archives. Il avait été présenté le 4 août 1679, rédigé et signé par deux notaires de la Rocheservière (34). On ne peut le comparer que partiellement au dénombrement de 1541, le premier conservé, mais d’une lecture très incomplète à cause de son mauvais état de conservation. Celui de 1679 est le seul complet apparemment et précis, comportant notamment l’antériorité des propriétés et la situation géographique des parcelles foncières, sauf pour les possessions du seigneur de Grissay.

Celles-ci se composaient du logis et de sa métairie attenante exploitées par deux métayers, outre quelques arpents de bois et des prairies proches. La métairie ne payait pas de redevances féodales et n’avaient donc pas besoin des mêmes descriptions que les biens concédés. La métairie, aussi appelée l’Escartière, totalise 51 ha environ, réparti en 29 ha de terres, 20 ha de prairies, 0,5 ha de vigne et 1,5 ha de bâtis et jardins. S’ajoutent autour du logis de Grissay, 6 ha de bois (appelés Jard, la Garenne et Barillaud), 2,5 ha de prairies et 2,5 de terres et jardin. Cela fait alors un ensemble de 62 ha environ, avec probablement peu de landes.

La seigneurie de Grissay continuait de posséder sous divers hommages, dont parfois ceux ses propres vassaux, une partie du terrage du fief Gaudin, une partie des droits sur la Faubretière et la moitié du terrage sur la Chataigneraie et Puy Mest. Elle possédait aussi des rentes nobles tenues sous l’hommage aux Essarts sur la Cambronnière, la Guibonnerie, Puy Mest, la Rabretière, la Grollière et la Vif (village disparu).

Les hommages reçus restent identiques avec ceux des aveux précédents, mais avec les noms des nouveaux propriétaires. Par exemple à Puy Mest, la métairie noble est possédée désormais par Jacques de la Douespe seigneur de la Robelinière et la prée Neuve par Claude Guignardeau, seigneur de Vanne et de la Guignardière (Sainte-Florence). Le fief du Petit Moulinet, enfin bien distingué du Moulinet voisin, est possédé par Philippe Le Bœuf. S’y trouvait en 1679 un ancien moulin à eau tombé en ruine, Dans le dénombrement de 1541, une nouvelle foi et hommage était apparue sur Sainte Cécile, le fief Reputé, mais sans aucune précision. Dans le présent aveu de 1679, son dénombrement occupe les pages 100 à 106. La seigneurie était tenue alors par de Montsorbier, écuyer, à 4 deniers de service par an, plus 5 sols abonnés pour le droit de rachat. Il comprenait un moulin à vent, quelques bois, de nombreuses terres soumises à terrage au 1/6 des récoltes, pâtis, prairies, vergers, maisons. Le fief comprenait aussi quatre petits arrières fiefs et sa métairie de Champ Versé. Aux assises de la Barette du 14 août 1713, c’est Charles Daniel de Montsorbier, seigneur de la Bralière (Boulogne) et Reputé qui fait l’aveu. Il avait succédé à son frère aîné Gabriel de Montsorbier.

Dans l’aveu de 1541, on remarque des rentes dues sur le Petit Epinay, sans plus de précision à cause de la détérioration du document. En 1679, on comprend mieux. Il s’agissait d’un fief ayant appartenu très probablement à Jean de Vivonne (v1402-av1470), seigneur de l’Aublonnière (Sainte-Cécile), vassal de la baronnie des Essarts. Il en rendait hommage à sa cousine Isabelle de Vivonne, dame des Essarts. Le fief avait été vendu à Jean, Nicolas et Claude Leboeuf (roturiers), puis fut acquis par la baronnie des Essarts. L’essentiel était constitué d’une métairie dont les parcelles foncières comprenaient en plus des terres sur le tènement roturier voisin du Grand Epinay, mouvant de Grissay. Ainsi le vassal des Essarts était devenu son suzerain pour certains champs de la métairie du Petit Epinay. Le Petit Epinay s’appela Guibonnerie (à cause d’un nommé Guillebon) et le Grand Epinay la Cambronnière. L’aveu énumère 11 domaines du fief du Petit Epinay, avec la mention pour chacun des redevances particulières de terrage, cens, rentes, profits de fiefs, partagés ou non avec la métairie du Petit Epinay, et un pré partagé avec Louis Cicoteau. On remarque l’existence d’un « moulin de Lespinay à présent ruiné », probablement un moulin à vent.

L’aveu de 1679 décrit en détail les divers tènements ou terres roturières mouvant de Grissay que nous connaissons déjà. Voyons d’abord ceux dont les villages existent toujours. Il y a la Cambronnière (page 15) comprenant 49 ha de terres défrichées. Sur le village et certaines terres, Grissay partageait en indivision le terrage, la dîme sur les petits animaux et des rentes en volaille. Grissay avait la mouvance seule sur des terres non possédées par la baronnie et précisées dans l’aveu, d’environ 10 ha : Poirières, Bonnaudries, Mocquoires. Elle percevait aussi seule une rente de 4 boisseaux froment, sur les Poirières acquise par retrait féodal. Enfin, la baronnie des Essarts contribuait aux paiements de droits à Lespinay, « pour raison » de la métairie du Petit Epinay, et « à cause » du Grand Epinay.

Le tènement et village de la Rabretière (page 36) contenait, avec les bâtis, environ 58 ha de terre. Sa propriété était partagée entre 31 teneurs dénommés, dont Jacques Guerry, écuyer, et la baronnie des Essarts à cause de ses métairies du Petit Epinay et de la Piletière, dont certains champs faisaient partie du tènement de la Rabretière, et « autres teneurs et propriétaires qui ne sont dénommés ». On voit ici la parcellisation des tenures à cause des héritages, mais les exploitations agricoles, constituées de tenures en propriété et en affermage, n’apparaissent pas dans les documents seigneuriaux. Ce sont les actes notariaux (transferts de propriété et fermes) qui nous en informent. Les redevances se partageaient comme à la Cambronnière entre Grissay et son suzerain des Essarts, suivant les terres spécialement désignées et avec des exceptions, voire des exceptions dans les exceptions. Par exemple sur un champ de 1216 m2 (Chaintre du Parc du Frêne), Lespinay partage le terrage entre ¼ pour la baronnie et le reste pour elle. On est ici au comble du détail et un défi pour le receveur des redevances.

Le village et tènement de la Grollière ou les Grollières (page 55), appelé aussi les Petites Garrettes, contenait environ 8 ha et était partagée entre des teneurs non cités. Grissay percevait le cens et le terrage, sauf sur 4 pièces de terre où elles les partageaient avec la baronnie à cause du Petit Epinay.

Archives de Grissay,
aveu de Lespinay en 1679
Le village et tènement de la Méguière (page 65) contenait environ 10 ha de terre. Sa mouvance était partagée entre la seigneurie de Grissay et alors Guerry, sieur de la Goupillière et successeur de Michel Masseau dit des Roulins, écuyer seigneur du Bois-Saint-Martin. Ils se partageaient par moitié entre eux les dîmes d’agneau, laine, veaux et pourceaux, 8 deniers de cens dus par les héritiers de Jeanne Garraud et 2 sols, 3 deniers, 1 chapon et 1 geline de cens dus par les autres teneurs. Le terrage de la sixte des fruits prélevé sur les jardins et vergers de la Bretauderie au Roi étaient partagés par moitié, mais sur le reste du tènement, Grissay prenait 1/6 de la sixte des fruits, et Guerry en prenait 5/6.

L’aveu de 1679 décrit d’autres tènements sans habitat mouvant de Grissay et situés dans son environnement. La Bonnetrie (page 28), située au nord-ouest de Puy Mest, contenait environ 10 ha de terre et 4 ha de prairies. L’aveu y indique un droit de dîme « quand il y a maison bâtie », ce qui n’était pas présentement le cas. Le tènement de la Bonnetrie était de la mouvance de la seigneurie de Lespinay, mais les redevances perçues sur ses teneurs étaient partagées avec la baronnie des Essarts à cause du fief du Petit Epinay. Sur une partie du tènement, d’autres teneurs ne payaient pas leurs redevances. En conséquence, l’aveu acte une protestation. En droit féodal, une obligation ou une créance omise était sauvegardée par l’acte de protestation, à conditions de n’être pas importante. Autrement, il fallait engager une procédure judiciaire sans attendre. On ne sait rien sur la raison du défaut des teneurs : contestation du droit concerné, impossibilité ou difficulté après un appauvrissement pour diverses causes, mauvaise entente sur les modalités d’un prélèvement solidaire, tentative d’organiser l’oubli en traînant les pieds. Aux assises de Languiller aux 16e/17e siècles on rencontre épisodiquement ces situations, mais jamais de fronde collective.

Le tènement de Poisville (page 50) contenait environ 12 ha de pré, terre labourable et landes de longue durée. Il avait comporté un village maintenant en ruine, situé au nord-est de la Grollière. À cause du Petit Epinay, Grissay partage avec ce fief par moitié le terrage et la dime sur les petits animaux « quand il y a maison » précise l’aveu. Elle perçoit seule une rente noble de 6 ras d’avoine et deux cens, l’un de 14 sols 6 deniers, 1 géline et ½ géline, l’autre de 4 sols. Mais pour deux particuliers le montant de ces paiements est modifié. Enfin, un particulier, René Crespeau, tenait sur le village et tènement de Poisville, à foi et hommage plain et à rachat, une rente noble foncière de 4 boisseaux seigle et 4 sols en argent.

Une partie du tènement des Libaudières (page 52), sans le village, contenait environ 39 ha de terres et prés. La seigneurie de Grissay partageait à moitié avec le fief du Petit Epinay, le terrage sur certaines terres, sauf exceptions. Elle partagerait aussi les dîmes d’agneaux, laine, veaux et pourceaux, « s’il y avait des maisons à l’avenir », et 5 gelines de cens sur 3 domaines. Grissay percevait seule différents cens propres à divers domaines, plus une rente de 30 ras d’avoine due par la métairie du Petit Epinay avec 17 teneurs dénommés et « autres qui ne sont dénommés », pour raison des villages et tènements des Hautes et Basses Libaudières, des terres mentionnées dans le tènement et celles du Fief Commun. Ce dernier n’était pas un domaine mais un groupe de redevances dues aux Essarts, plus une terre de 1,5 ha dépendant des Baronnières

Le tènement des Baronnières (page 59) contenait environ 20 ha de terre, et était situé au sud du village de la Grollière. Les teneurs du village ont laissé leurs maisons à l’abandon, poussés par la misère on s’en doute. Ils devaient fournir une corvée de 3 charrettes, chacune garnie de 6 bœufs et la dîme des petits animaux. Les habitants avaient disparu mais les notaires notaient la redevance s’ils revenaient, puisque la coutume était un des fondements importants du droit. Les teneurs devaient 3 sols de cens à Grissay et le terrage. Ce dernier partagé par moitié avec Jacques Guerry, lequel y possédait des terres.

Le tènement de la Vif (page 60), alias la Baronnerie, contenait environ 12 ha de terre et était possédé par Guerry, écuyer, sieur de la Goupillère. Il avait acheté les terres de 14 tenanciers nommés et « autres » non nommés. Le village a été démoli par le père du sieur de la Goupillière, probablement pour récupérer des matériaux après sa désertion par les habitants. Il était situé à l’ouest du village actuel de Beauregard. Guerry devait 4 sols de cens à Grissay et une rente de 2 chapons. Il était aussi astreint aux corvées (en paiement ou exécutées par des valets). Et il devait une rente de 6 boisseaux de seigle et 6 ras d’avoine. En revanche, le terrage et la dîme étaient partagés par moitié entre Jacques Guerry et Grissay. Guerry ne payait donc que la moitié du terrage, mais la formulation du droit ne changeait pas pour le cas où la possession du domaine venait à changer. Ce partage résultait des deux fois et hommage dues pour cette terre à la baronnie des Essarts, l’une par Guerry et l’autre par Renée Jousseaume (35).

L’aveu de 1679 décrit des cens dus à Lespinay sur six très petits domaines isolés, dont trois dans le bourg des Essarts. Significatifs sont les 18 cens non perçus (page 70). Les débiteurs sont connus (toujours des successions), ainsi que les domaines, mais le fermier n’arrive pas à se faire payer. Parfois seuls sont connus les héritiers ou les domaines, le fermier et le procureur fiscal paraissant impuissant à percevoir. Le nombre de ces petits devoirs divers exigeait en effet du travail. Le fermier du seigneur en était chargé à Lespinay. Il a dû s’attacher aux montants les plus importants. On a l’exemple à la Parnière (Brouzils) où les petits droits de la sergentise n’étaient plus perçus au 17e siècle parce que « le jeu n’en valait pas la chandelle ». Il va sans dire que les frais de recouvrement pouvaient décourager le créancier le plus pointilleux. Même la saisie féodale exigeait l’intervention d’un tribunal.

En conclusion, on constate que ces droits seigneuriaux, complexes et partagés parfois à l’extrême à Grissay, rapportaient peu. Le système encourageait les tentations de s’y soustraire. Les procédures coûtaient et le fermier qui les percevait devait se rémunérer. Les droits étaient en partie figés dans des valeurs devenus symboliques. Ceux qui suivaient le coût de la vie (terrage) étaient exposés aux catastrophes comme leurs débiteurs. Et le bilan de ces redevances doit aussi tenir compte de celles dues sur les terres possédées par ailleurs. À elle seule, une petite seigneurie n’enrichissait pas.


Le transfert de Grissay aux barons du Landreau 1684-1710

En 1679, Renée Jousseaume était âgée d’environ 64 ans et elle n’avait pas eu d’enfant. Elle ne reconnut pas d’héritiers dans la famille de son mari décédé, Jacques Poitevin, contre qui elle avait obtenu une séparation de biens et l’autorisation de les administrer elle-même. Elle l’avait même forcé à lui donner la seigneurie de Grissay pour compenser la dilapidation de sa dot. Elle avait des héritiers dans sa propre famille. Son frère, Michel Jousseaume n’eut pas de descendance, mais elle avait deux sœurs. Louise Jousseaume avait épousé Louis Jallard en 1610 avec qui elle eut un fils Louis et une fille, Marie, qui épousa Nicolas Chateigner. Ces derniers eurent Jean Chateigner (1658-1714), seigneur de Tennessus et Marie Madeleine qui épousa Antoine Acquet. L’autre sœur, Charlotte Jousseaume, épousa en 1645 Louis de la Guerinière et ils eurent Gilbert qui épousa Marie Buor, Henry qui épousa Anne Marie de Rorthais et Anne qui épousa Isaac de Bessay.

Renée Jousseaume épousa le 13 janvier 1684 un vieillard comme elle, Pierre du Plantis. La fille d’un écuyer épousait ainsi le baron du Landreau (Herbiers), aussi seigneur de la moitié de la châtellenie des Herbiers, le Petit bourg, Roche Themer, les Enfrins, Vounant (Vienne). Le contrat de mariage fut signé en sa demeure de Grissay (36). Les nouveaux mariés partageaient l’amour du patrimoine et ils ont dû s’entendre sur la dévolution de la seigneurie de Grissay aux héritiers du baron. Renée Jousseaume lui voulait un avenir sûr, alors que les enfants de ses sœurs étaient trop nombreux pour probablement le garantir. Peut-être pas assez riches aussi, peut-être divisés et éloignés d’elle, nous ne savons pas. Le baron du Landreau en était à son troisième mariage et était bien connu de Renée Jousseaume. Il avait épousé en premières noces Renée Legier, une belle-fille de jacques Poictevin. Ils avaient eu Pierre et Marguerite du Plantis. Devenu veuf, Pierre du Plantis s’était remarié avec Jeanne de la Touche Limousinière en 1659 (37). Ils eurent Charles du Plantis chevalier, baron du Landreau, fils aîné et principal héritier noble, Suzanne Jeanne et Louise Magdeleine du Plantis et 3 autres filles devenues religieuses. Les enfants du Plantis étaient jeunes et bien pourvus en futurs héritages. Avec eux, l’avenir de la seigneurie de Grissay paraissait mieux assuré.

Renée Jousseaume fit en 1688 un testament en faveur de son mari devant des notaires des Herbiers (38). Elle le compléta en faisant de lui son donataire universel dans une donation mutuelle du 31-12-1694, indiquée dans un acte de 1703 où ses descendants collatéraux Jousseaume consentent à la jouissance de ses biens par Pierre du Plantis (39). Renée Jousseaume mourut la première à une date non connue avant 1703, puis Pierre du Plantis est décédé le 7 mai 1704 (40).

Ses biens et ceux de Jeanne de la Touche Limousinière son épouse, furent partagés en 1708 entre leurs enfants. Leur fille Suzanne Jeanne du Plantis eut Grissay, estimé à 24 000 livres alors que le total de la valeur des deux successions s’élevait à 210 420 livres en biens immobiliers (41). Elle épousa le 17 janvier 1710 aux Herbiers René Julien Jousbert seigneur du Plessis Tesselin, lui apportant Grissay en dot. Elle apporta aussi le Landreau qui avait été dévolu à son frère aîné, Charles du Plantis, dans le partage de 1708. On en déduit que ce dernier est décédé peu après le partage. Le registre paroissial des Herbiers conservé ne commence qu’en 1737 et nous n’en savons pas plus. René Jousseaume avait choisi de donner Grissay à la famille du Plantis. Le sort décida que ce serait la famille Jousbert.


Grissay au 18e siècle

René Julien Jousbert est né en septembre 1672 à Saint-Florent-des-Bois (42) où était situé le fief du Plessis Tesselin (au nord du bourg). Il était fils de Charles Jousbert et de Catherine Aymon. Son épousa resta habiter aux Herbiers et on voit apparaître dans la documentation en 1709 un fermier à Grissay, Pierre Perraudeau (43).

Armorial d'Hozier, famille Jousbert du Poitou :
D'azur à trois molettes d'or.

Ont été conservés aussi des registres d’assises de la seigneurie, les précédents ayant disparus. Le premier commence à la date du 15 mai 1713 sous l’autorité du sénéchal (juge) Louis Grassard sieur de la Bernardière et licencié ès lois. Le procureur fiscal, François Boivineau, représente « Suzanne Jeanne du Plantis, baronne du Landreau, dame de la Barette et épouse non commune en biens de René Julien Jousbert seigneur du Plessis Tesselin, demeurant au château du Landreau ». Suivant l’usage, le curé des Essarts, Pierre Gourrin, a publié un avis à tous les vassaux de comparaître « à la maison noble de la Barette » pour faire leurs aveux des domaines nobles et leur déclarations roturières et payer leurs devoirs (44). À la date du 29 mai qui suit sont inscrits des aveux et surtout de nombreuses demandes de délai pour présenter les « certes et obéissances ». Le 14 août suivant, c’est Jean Dupas, le sénéchal de la baronnie d’Ardelay, qui l’est aussi à la Barette. Au fil des années qui suivent on note les nouveaux possesseurs des fiefs connus dépendant de la Barette. Le sénéchal prononce parfois des défauts (absence de présentations), préludes à des procédures de saisies féodales des revenus des biens. Il condamne aussi à produire des contrats d’acquisitions ou d’arrentements. Cette activité judiciaire faisait vivre les notaires, qui rédigeaient les actes produits au tribunal, et les trois membres du tribunal (sénéchal, procureur et huissier), qui prélevaient des droits sur les justiciables. Ils avaient acheté leurs offices au seigneur et se remboursaient en faisant payer leurs actes.

On a noté qu’en 1667, un Trastour appartenant à une famille de bourgeois des Essarts, était fermier de la Barette (45). En 1748, le fermier sortant de la Barette était le sieur du Plessis Allaire. René Julien Jousbert le remplace par François Girault sieur de la Clery et Marie Basty son épouse pour 9 ans (1749-1758) pour 1 300 livres par an. Le bail sera renouvelé aux mêmes conditions en 1754 pour aller jusqu’en 1765 (46). Les bestiaux de la métairie de la Barette appartenant au bailleur sont estimés valoir 935 livres. François Girault venait de Thenis, un fief aussi ancien que la Barette situé à Saint-Germain-de-Prinçay (47).

René Julien Joubert est décédé en 1752. Avec Suzanne Jeanne du Plantis, il eut René Julien II Jousbert (1712-1782), Louis Pierre Jousbert (1713-1790) et Catherine Augustine Jousbert (48). L’aîné, René Julien II Jousbert, fut baron des Landreau, seigneur de Roche Themer, les Enfrins, la Barette, le Plessis Tesselin et de la moitié de la seigneurie des Herbiers (le gros bourg). Celle-ci, dépendante de Mortagne, était partagée par moitié de temps immémorial. Une première moitié avait été possédée par les familles des Herbiers à l’origine, puis Foucher et divers autres jusqu’aux Boisson. La deuxième moitié avait été possédée par les Rouault, les du Plantis et présentement les Jousbert. René Julien II Jousbert fut capitaine au régiment du roi infanterie et fut blessé à la bataille de Parme en 1734, âgé de 22 ans. Au ban de la noblesse du Poitou en 1738 il est major général. Il épousa le 14 avril 1751 à Fontenay-le-Comte Marie Claire Duchesne du Mesnil, avec qui il eut René Louis Marie Jousbert (1752-1796), baron du Landreau et Charles Alexandre Joubert. René Louis Marie Jousbert fut capitaine au régiment royal Bourgogne cavalerie et mourut pendant son émigration à Dortmund en 1796, marié avec Antoinette d’Escoubleau de Sourdys (49).

Catherine Augustine Jousbert fut dame de la Barette comme on le voit dans le registre des assises de la Barette le 15-12-1741. Pour l’exercice d’un droit de retrait en 1743, elle est représentée par son frère Louis Pierre Jousbert. Lors des assises de l’Herbergement-Ydreau le 8 mars 1770, René Julien II Jousbert représente sa sœur Catherine Augustine Jousbert, « fille majeure et héritière en partie de René Julien Jousbert et Jeanne du Plantis ». La Barette était en indivision entre eux. Dans le registre des Grandes Assises du 29 mai 1775 de la Barette tenues par Gilles Rondel des Hommay, sénéchal, en présence de Jean Gabriel Marateau procureur fiscal, la dame de la Barette est toujours Catherine Augustine de Jousbert. L’année d’après, c’est René Julien II Jousbert, son frère, qui reçut un aveu de Reputé et autres à la Barette. Le frère et la sœur avaient fait un partage par licitation entre eux le 2 mars 1748 des successions de leur mère et d’une tante religieuse (50).

René Julien II Jousbert, seigneur du Landreau, du Plessis Tesselin, de la Barette, de la moitié de la châtellenie des Herbiers, est à l'initiative du chartrier du Landreau. Il en confia le classement au feudiste Jacques Moisgas dont le travail s'est vraisemblablement échelonné de 1777 à 1786.

Une visite des bâtiments, champs, bois et prés de Grissay eut lieu en 1772 entre le baron du Landreau (non nommé dans la transcription) et son fermier, Pierre Perraudeau, qui avait succédé au sieur Girault (51). Les carrelages dans le logis sont en mauvais état et certains carreaux des fenêtres sont cassés. Le torchis du mur de l’étage « est en dégradation ». Certaines portes et fenêtres ferment mal. « Le pressoir à faire vin hors d’état de servir ». Les bestiaux semblent avoir pacagé dans le jardin. On trouve plusieurs « bouillées d’ormeaux qui n’ont point été arrachées et beaucoup de taupinières » dans le Pré de l’Isleau. Dans les vergers, « beaucoup de vieux arbres qui menacent ruine ». Pour les deux maisons des deux métayers, Savarit et Rivière, il y a des pans de mur à refaire, etc. On ne connaît pas le fermier Girault et son successeur Perraudeau, responsables de cet abandon. Gérer les droits féodaux et les percevoir nécessitaient des hommes de lois, gérer une exploitation agricole nécessitait des agriculteurs. On craint que les fermiers choisis alors n’avaient pas toujours les compétences complètes suffisantes.

René Julien II Jousbert est décédé en 1782 et Catherine Augustine était décédée un peu avant 1780 (52). Les deux fils de René Julien II Jousbert, « René Louis Marie de Jousbert, chevalier baron du Landreau, paroisse de Saint-Pierre des Herbiers, et son frère Charles Alexandre de Jousbert, chevalier du Landreau », vendirent la seigneurie de Grissay à un bourgeois de Saint-Fulgent, le 30 octobre 1784, Charles Simon Guyet. Celui-ci paya le prix fort de 70 000 livres, comptant (53). Le seigneur baron du Landreau acheta la même année 1784 au seigneur du Puy du Fou des droits de terrage, et cinq ans plus tard quatre métairies au même.

Cinq années plus tard, la Révolution supprima la propriété féodale. Grissay entrait dans une nouvelle ère, objet d’un chapitre à suivre.


(1) Famillesdevendée. Fr, famille Plouer (de).
(2) Note no 1 sur le Coudray à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(3) VINCENDEAU Gilles, 2010, Se Souvenir de Saint-Germain-de-Prinçay, Geste Éditions, La Roche-sur-Yon, p. 117. Et BARITAUD DU CARPIA (de) Alain, La Famille Baritaud, Patrice du Puy Éditeur, 2010, p. 52.
(4) Note no 2 sur la Bergeonnière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.(5) Aveu du 30-1-1437 de la Barette aux Essarts, Archives de la Vendée, archives de la Barette : 2 MI 36/3.
(6) Aveu du 16-4-1597 des Essarts à Thouars, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(7) Abonnement des ligences de Lepinay et de la Chopinière, Archives de la Vendée, archives de la Barette : 2 MI 36/3.
(8) Transaction du 17-11-1513 faite aux Grandes Assises des Essarts, Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, page 22.
(9) FILHOL R., Le vieux coutumier du Poitou, Edition Tardy, Bourges, 1956, art. 420.
(10) Mémoire vers 1680 disant que Languiller est seigneur chemier des Bouchauds, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 12-5. Et note no 15 sur Languiller, Archives d’Amblard de Guerry : CH 3.
(11) Cf. note 1.
(12) Aveu du 26-5-1506 de la Barette, Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, pages 11 et s.
(13) Cf. note 1.
(14) Transaction et partage du 18-1-1526 entre René, Amaury et Pierre de Plouer, Arch. de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, pages 23 et s.
(15) Transaction du 3-10-1545 sur le partage Plouer, Arch. de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, pages 33 et s.
(16) Aveu et dénombrement en 1541 d’Amaury de Plouer, ibidem, pages 12 et s.
(17) Cf. note 12.
(18) Aveu et dénombrement du 4-8-1679 de Lespinay/la Barette aux Essarts, Archives de Grissay, pages 19, 23, 31, 37, 58 et 64.
(19) Déclaration roturière du 23-4-1563 des Paynaud, Loyau et autres à la Barette pour le fief Touroil, Archives de la Vendée, archives de la Barette : 2 MI 36/3.
(20) Aveu de Languiller et autres fiefs aux Essarts le 2-7-1605 (reproduisant un aveu de 1550), Archives de Vendée, travaux de G. de Raignac : 8 J 101, page 76.
(21) Foi et hommage du 11-6-1591 de la Bourolière à la Barette, Arch. de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, pages 56 et 57.
(22) Ibidem, 8 J 87-1, page 18.
(23) Ibidem, 8 J 87-1, page 71, arrentement du 3-11-1614 du fief de vigne de Grissay,
(24) Archives du château de la Barre à Ménigouttes (Deux-Sèvres), tome 1, pages 102 (notes de J. P. Guibert).
(25) Ibidem, 8 J 87-1, page 42.
(26) Ibidem, 8 J 87-1, page 46, échange du 6-2-1648 des pièces de terre aux Moulinets.
(27) CHASSIN DU GUERNY, Canton de la Roche-sur-Yon, dictionnaire topographie, historique et géographique de la Vendée, 1959, p. 367 (notes de J. P Guibert).
(28) Ibidem, 8 J 87-1, page 47, transport du 27-5-1662 du fief de la Barette par Jacques Poictevin à sa femme Renée Jousseaume.
(29) Ibidem, 8 J 87-1, page 50, retrait féodal du 20-9-1670 d’une partie de rente de 4 boisseaux de froment due sur le village de Lespinay.
(30) Ibidem, 8 J 87-1, page 43, assemblée paroissiale des Essarts vers 1666.
(31) Ibidem, 8 J 87-1, page 123 bis, assises de la Barette 1713 à 1718.
(32) Ibidem, 8 J 87-1, page 163, visite de la Barette du 23 avril 1772 par le baron du Landreau et le fermier Me Pierre Perraudeau.
(33) Assises de Languiller en 1701, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 44, pages 15 à 17.
(34) Aveu du 4-8-1679 de Lespinay/la Barette aux Essarts, Archives de Grissay.
(35) Aveu des Essarts du 13-5-1677, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1136, page 7.
(36) Archives de la Vendée, chartrier du Landreau, famille du Plantis, 32 J 40, vue 104 (note de J. P. Guibert).
(37) Ibidem, vue 98 (note de J. P. Guibert).
(38) Ibidem, vue 110 (note de J. P. Guibert).
(39) Consentement en 1703 des héritiers Jousseaume à la jouissance des biens de Renée Jousseaume par pierre du Plantis, Arch. de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, page 51.
(40) Cf. note 38.
(41) Partage des biens de Pierre du Plantis du 27-1-1708, ibidem 32 J 40, vue 123 (note de J. P. Guibert).
(42) Baptême de René Julien Jousbert le 18-9-1672, Archives de Vendée, registre paroissial de Saint-Florent-des-Bois, vue 28/77.
(43) Supplique du 19-6-1709 d’Allaire de Lespinay contre le fermier de la Barette, Pierre Perraudeau, Arch. de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, page 53.
(44) Ibidem, 8 J 87-1, page 123 ter, premières assises de la Barette le 15-5-1713
(45) Ibidem, 8 J 87-1, page 174, acte du 8-5-1624 entre les Verdon frères et sœur.
(46) Ferme du 6-11-1754 de la Barette à Girault sieur de la Claverie, Archives de la Vendée, archives de la Barette : 2 MI 36/3.
(47) Ibidem, 8 J 87-1, page 45, ferme de la Barette du 17 juillet 1748 à François Girault.
(48) Ibidem, 8 J 87-1, page 170 ter, requête du 28-9-1780 de famille de La Douespe Fougeré.
(49) Archives de Vendée, dictionnaire des Vendéens, René Louis Marie Jousbert.
(50) Ibidem, 8 J 87-1, pages 54, consultation juridique en 1776 à Poitiers sur le partage par licitation du 2 mars 1748.
(51) Ibidem, 8 J 87-1, pages 166 et s., visite de la Barette du 23 avril 1772.
(52) Ibidem, 8 J 87-1, page 170 ter, requête du 28-9-1780 de François de La Douespe contre René Jousbert.
(53) Achat 30-10-1784 du fief de la Barette de C. Guyet à Jousbert du Landreau, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/10.

Emmanuel François, tous droits réservés
avril 2025








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