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mardi 3 septembre 2013

Les assemblées d'habitants à Saint-André-Goule-d’Oie au 18e siècle

Dans les papiers du notaire de Saint-Fulgent, conservés aux Archives de la Vendée à la Roche-sur-Yon, on trouve sept procès-verbaux d’assemblées d’habitants de Saint-André-Goule-d’Oie entre 1763 et 1784.

De nombreuses études ont été faites sur ces assemblées d’habitants sous l’Ancien Régime, qui nous aident à comprendre ces procès-verbaux. L’institution est originale vue d’aujourd’hui, et elle nous permet d’approcher la vie collective de cette communauté à cette époque. Nous avons présenté les deux dernières réunions de 1784 pour décrire la vie de la fabrique de la paroisse (les biens et revenus ou temporel), au sujet de l’élection d’un nouveau fabriqueur et de travaux dans l’église et au presbytère (voir l’article publié en janvier 2013 : La fabrique de St André Goule d'Oie au 18e siècle.

La confusion du temporel et du religieux


Voyons maintenant ce que nous apprennent les cinq autres assemblées sur Saint-André. En ce qui concerne leur fonctionnement, nous ne noterons pas de traits originaux ou particuliers, mais une question mérite d’être soulevée pour décrire la société d’alors, elle se rapporte à la distinction entre le civil et le religieux. Elle n’était pas très prononcée à Saint-André-Goule-d’Oie.

En effet, la communauté des habitants, aussi appelée « général de paroisse », qui se réunissait dans ces assemblées pour gérer ses problèmes civils (le paiement des impôts, l’entretien des chemins, la construction d’un lavoir, la répartition de la charge du logement des troupes de passage, les frais d’équipement des tirés au sort pour la milice, la gestion d’une école, etc.), et pour gérer le temporel de la paroisse, se confondaient l’une l’autre. Telle était la pratique à Saint-André-Goule-d’Oie, différente parfois ailleurs dans le royaume.

Il est vrai qu’à la différence des villes, les campagnes n’avaient jamais connu les franchises communales (dans ce dernier cas on parlait de « communes »). Le bourg de Saint-André avait bien été un bourg franc à l’origine, c’est à dire libre des grosses redevances seigneuriales, mais pas le reste de la paroisseCes communautés d’habitants pouvaient vivre sous l’emprise du seigneur local comme à Mesnard la Barotière et à la Rabatelière, ou relativement en indépendance comme à Saint-André, où aucun des arrière-fiefs implantés sur le territoire de la paroisse n’a constitué longtemps à lui seul une seigneurie avec son seigneur à sa tête, à l’origine d’une communauté propre. De plus, ils n’avaient pas l’exclusivité de la propriété foncière. On n’a pas trouvé de charte d’affranchissement du bourg de Saint-André, où le seigneur de Linières, ne vivant pas sur place, a simplement voulu dans la 2e moitié du 15e siècle, attirer des habitants dans son domaine en allégeant les redevances perçues. On pense qu’il n’y eut pas de charte formelle, et on doute que le seigneur ait voulu établir un contrôle sur la communauté des habitants de la paroisse à cette époque. Il n’habitait pas sur place.

Procession des flagellants
À cette donnée particulière il faut ajouter que la place de la religion dans la société d’alors était centrale. Le profane et le sacré concouraient ensemble, depuis le Moyen-Âge, à jalonner les vies. Cette distinction que nous faisons entre civil et religieux fait anachronisme, jusqu’aux efforts de l’Église catholique pour préserver la religion du profane, qu’on commence à observer vers la fin du 17e siècle. À titre d’exemple, un édit d’avril 1695 a dispensé les curés des paroisses d’annonces administratives au prône de la messe (1). Mais il ne fut pas appliqué à Saint-André, où les réunions d’assemblées étaient annoncées en chaire. C’était bien commode et on n’y voyait pas à mal. Ce faisant, on n’appliquait pas encore la directive de l’évêque de Luçon de 1768, qui recommandait de lire après la messe les informations comme les convocations aux assemblées, quitte à en avertir préalablement l’assistance à la fin du prône (2).

La tutelle de l’administration royale


Ce que les procès-verbaux de l’assemblée des habitants ne disent pas, c’est que chaque convocation de l’assemblée devait être autorisée par l’intendant du Poitou (ancêtre du préfet) ou son représentant. L’autonomie de ces assemblées était donc toute relative. La tutelle royale avait remplacé celle des seigneurs existant aux débuts des communautés d’habitants, et elle fit l’objet de déclarations royales au 18e siècle (3). Servant à collecter l’impôt, l’assemblée reçu à cet effet ses directives de l’Intendant, ce dernier s’immisçant en conséquence dans son fonctionnement. D’autant que beaucoup de communautés n’avaient pas de biens et s’endettèrent fortement au 17e siècle. En 1667 un édit enjoignit aux communautés de rentrer dans leurs biens aliénés depuis 1620, de rembourser les acquéreurs en 10 années et de payer l’intérêt des emprunts restant à 4,17 %, en levant des cotisations sur les habitants. Il devint interdit de vendre des biens communaux (4).

Le procès-verbal commence généralement ainsi : « Aujourd’hui dimanche 29 juin 1763, par devant nous notaires royaux de la sénéchaussée de Poitiers soussignés, étant au-devant de la principale porte et entrée de l’église paroissiale de Saint-André Degouledois, à l’issue de la grande messe dite et célébrée par le sieur Chevreux, prieur dudit lieu, a comparu en sa personne maître Pierre Monnereau, syndic de la paroisse dudit Saint-André, lequel après avoir fait sonner la cloche et les habitants s’étant rassemblés … ». Nous sommes sous le règne de Louis XV, où la sénéchaussée à cette époque recouvre des compétences exclusivement judiciaires sur un territoire précis. Et le fondement des pouvoirs des notaires est alors totalement judiciaire.

Mais l’assemblée pouvait être réunie à la requête d’un juge. C’est ce que fit le lieutenant général du Poitou en requérant le 27 février 1632 le curé, le syndic et le fabriqueur de la paroisse des Essarts. Ceux-ci organisèrent en conséquence une assemblée paroissiale le 19 avril 1632 suivant. Il avait été saisi par Renée Jousseaume, dame de la Barette (petite seigneurie proche du bourg), qui réclamait la poursuite du droit des seigneurs de la Barette d’être inhumés dans la chapelle Notre-Dame se trouvant dans l’église des Essarts, où ils avaient aussi un droit de banc. Les seigneurs de la Barette avaient déserté les Essarts pendant plusieurs dizaines d’années, mais Renée Jousseaume était revenue y habiter et voulait retrouver les droits de ses ancêtres. L’assemblée accepta sa requête moyennant de devenir bienfaitrice en donnant chaque année à la cure des Essarts 1 boisseau de froment et à la fabrique 3 boisseaux seigle, plus une rente foncière annuelle et perpétuelle de 30 livres à la cure pour dire une messe basse avec un salve regina tous les samedis de l’année (5).

L’organisation des assemblées : où, quand, convocation, animation


Exemple de ballet
La réunion des habitants a lieu sous le ballet de l’église paroissiale de Saint-André, c'est-à-dire un porche abrité construit devant l’entrée de l’église. On se réunissait dans l’église dans les temps plus anciens, mais là aussi les autorités ecclésiastiques l’interdisaient désormais pour éviter de transformer les lieux en un champ clos de disputes profanes. Le presbytère, avec son étage au-dessus du rez de chaussée, était à l’époque adossé à l’église et à ce ballet. L’ensemble du prieuré constitué par l’église, le presbytère et quelques bâtiments et servitudes occupait deux boisselées (24 ares) au milieu du bourg, entouré aux trois quarts par le chemin conduisant à Sainte-Florence. S’y ajoutait une ouche d’une boisselée. Le presbytère comprenait au rez de chaussée une cuisine, un salon, un cabinet, un cellier, et trois chambres à l’étage. Une cour à l’extérieure conduisait à deux toits (animaux), deux petites écuries, un jardin et une grange, avec un grenier par-dessus (6).

La réunion avait lieu naturellement à la sortie de la messe, où presque tous les paroissiens se rendaient chaque dimanche. Pas de tambour ici pour signaler la tenue des assemblées, mais la sonnerie de la cloche de l’église. Elle jouait un rôle majeur dans la vie de la paroisse, annonçant les joies et les deuils, les catastrophes et les réunions d’assemblées. On sait qu’une deuxième cloche fut installée en mai 1789 dans le clocher de Saint-André.

L’initiateur de la réunion est clairement désigné : le syndic. Ancêtre du maire dans les campagnes, il est le mandataire de la communauté désigné par l’assemblée des habitants. Dans les campagnes du Poitou il était unique. À ce titre il avait pour rôle de convoquer et d’animer la réunion. À Saint-André il fait pendant avec le fabriqueur qui gère la fabrique de la paroisse et tient le même rôle dans l’assemblée si l’ordre du jour se rapporte au temporel de l’activité religieuse de la paroisse, en binôme avec le curé. C’est bien là le signe d’un début de séparation entre le civil et le religieux avec ce partage des rôles, même s’ils utilisent la même cloche pour annoncer le début de la réunion. C’est la Révolution qui introduira le tambour, instrument du garde champêtre et de la laïcité à Saint-André, pour émanciper de la cloche de l’église l’annonce des affaires civiles.

Nous ne connaissons pas bien Pierre Monnereau (1724-1784), syndic de Saint-André-Goule-d’Oie en 1763/1764. Il habitait le bourg, fils de Pierre Monnereau et de Marie Masson. Son père avait été fermier du fief de la Boutarlière dans les années 1730 (7).  Le fils s’était marié le 3 février 1756 avec Anne Rose Jagueneau (8). Ce devait être un bourgeois, au vu de son entourage familial. Son frère Louis est huissier royal et son beau-frère Pierre Garnaud, est notaire, greffier à l’Oie où il habitait (9) (appelé Herbergement Ydreau), procureur fiscal de la baronnie des Essarts et huissier au Châtelet (10). Le syndic exécutait les décisions de l’assemblée des habitants, engageait les dépenses et recevait les revenus de la communauté, l'engageait en justice, informait l’intendant d’évènements notables. Parfois il était agent de l’administration pour organiser le recrutement de la milice, les corvées royales (pour les chemins) et le logement des troupes. Ses gages étaient d’environ 30 livres en 1786, prélevée comme accessoires de la taille (11).

La gestion de l’impôt royal de la taille : exonération d’un noble


Le texte du procès-verbal de 1763 aborde ensuite l’ordre du jour, unique, avec les explications données par le syndic. Il concerne le paiement de l’impôt royal de la taille.

Jan Massys : Collecteurs d'impôt
Nous avons fait état de sa naissance en 1479 à Saint-André-Goule-d’Oie dans un article publié en mai 2012 : La naissance de la taille à St André Goule d’Oie en 1479. Rappelons que c’était un impôt personnel basé sur les revenus supposés de chaque chef de famille (en pays d’élections). Dans le midi, la taille, dite réelle, était imposée sur la base d’un compoix (ancêtre du cadastre). C’était la paroisse qui était imposée en Poitou et qui devait répartir cette somme à prélever sur les chefs de « feux » la composant. La communauté était collectivement responsable de la bonne rentrée de l’impôt, suivant le principe de « solidité », comme on disait à cette époque (pour solidarité).

Un problème est posé ici à la paroisse par Charlotte du Puyrousset, propriétaire du fief du Coudray : elle prétend s’exonérer du paiement de la taille à partir de l’année 1763. Elle a entamé une requête à cet effet auprès des fonctionnaires de l’élection de Châtillon-sur-Sèvre, devenue Mauléon dans les Deux-Sèvres, (à laquelle était rattachée Saint-André-Goule-d’Oie), chargés de la perception de la taille. Le mot élection (choix) se rapporte à la désignation de ces fonctionnaires, élus disait-on, sauf que le mot avait alors un sens différent de celui de maintenant. À la suite de quoi elle « a fait assigner les procureurs syndics corps et communauté dudit Saint-André en la personne du dit sieur Monnereau, par exploit de Garnaud huissier royal ». La notion de procureur-syndic est synonyme ici de celle de syndic. Et on voit bien que la communauté des habitants est regardée comme une personne morale, suivant la conception moderne de celle-ci.

Le Coudray
La prétention de Charlotte de Puyrousset est fondée sur sa qualité de noble, l’exonérant de payer la taille. Vu de maintenant et du principe de l’égalité de tous devant l’impôt, il faut rappeler l’ancien principe de l’époque : les nobles, étant chargés de répondre aux convocations du roi pour combattre (l’impôt du sang), n’avaient pas à payer cet impôt créé pour compenser l’exonération du service militaire appliquée aux roturiers. Son mari, Louis Corbier, qui était un bourgeois (on le saluait dans les textes de « noble homme »), payait la taille. Mais il était mort le 13 novembre 1761 et sa veuve, noble de naissance, prétendait jouir de l’exonération fiscale due à son état.

Dans le droit féodal, une femme noble épousant un roturier devenait roturière. Mais au décès de son mari, elle redevenait noble par une déclaration en justice de vivre désormais noblement (12). S’agissant d’une femme, on voit là l’écart existant entre le principe fondant l’exonération fiscale et la réalité, surtout à cette époque. En conséquence, l’assemblée, dûment instruite probablement du droit en vigueur, décida d’accéder à la demande de Charlotte de Puyrousset. Sa part dut être répartie sur l’ensemble des autres personnes imposées dans la paroisse. Rappelons que l’exonération du paiement de la taille s’appliquait outre aux nobles résidents dans la paroisse, aux curés, aux valets de chambre, aux titulaires d’offices divers (ex. poste) et aux septuagénaires (13).

Revenons au déroulement de la réunion : après avoir expliqué le problème, Pierre Monnereau a donné « lecture à haute et intelligible voix de ladite requête et assignation », puis il a formulé la question à décider. Ou l’on défend la position mise en œuvre par les collecteurs d’impôts de prélever la part de la taille prévue pour la demanderesse en 1763, ou bien celle-ci est rayée des rôles de la taille (répertoire contenant la liste des contribuables et le montant des contributions). Sa part étant ensuite répartie au prorata des valeurs de chacune des autres personnes imposées (selon la formule indiquée : « au marc la livre à la prochaine taxe sur le général des habitants de ladite paroisse de Saint André Degouledois »).

Les participants à l’assemblée


Vient ensuite un point intéressant du procès-verbal, il énumère le nom « des habitants en corps politique », c'est-à-dire constitués en corps politique autonome et responsable et « comparant par les personnes … ». Suivent dix-neuf noms d’hommes avec le village de leur domicile, et pour terminer : « … autres, faisant la plus sûre partie des dits habitants, corps et communauté de ladite paroisse de Saint-André ».

Jan Massys : Notaire
Cette dernière formule indique que les dix-neuf noms sont une partie des personnes présentes, qu’il y en a d'autres. Sur ce nombre, six apposeront leur signature sur le procès-verbal, signe d’une alphabétisation bien minoritaire. Quant à « la plus sûre partie des habitants », la formule raisonne comme un air appuyé d’oligarchie. Elle est reprise systématiquement dans tous les procès-verbaux par les notaires de la région, comme une de ces formules juridiques dont la portée est appréciée des initiés. Elle parait faire référence à une décision du roi en 1458, ordonnant de consulter : « la plus grande et saine partie des habitants de la ville … », ce qui donnait l’occasion de réunir l’assemblée de ses notables en présence des notaires sous la présidence du seigneur du lieu (14). Cette formule consacrée avait déjà été employée en 1302 par Philipe le Bel, lors de la première assemblée qu’il avait convoquée à Notre-Dame, composée de barons, prélats et représentants des villes, pour enregistrer ses décisions (15). Elle désignait alors les élites du royaume.

Le mode de désignation des membres présents ne semble pas avoir existé de manière formelle. Et pas question à Saint-André-Goule-d’Oie d’une désignation par ordres séparés : clergé, noblesse et tiers-état, comme dans certaines grandes communes. Avec deux prêtres dans la paroisse et deux ou trois nobles n’habitant pas toujours sur place, la question ne se posait pas. En revanche, au sein du tiers-état, l’électeur pouvait avoir le poids de son patrimoine, mais nous ne disposons d’aucune information sur les modalités de désignation des présents à Saint-André. Beaucoup d’auteurs indiquent qu’en principe chaque chef de feux devant payer l’impôt pouvait participer à l’assemblée, souvent avec des conditions d’âge (25 ans) et de ressources minimums. Ils étaient seuls à délibérer mais pas toujours seuls à être présents. Le chef de feu représentait une maison avec toute la famille y vivant : conjoint, frères et sœurs, enfants, etc. S’agissant de réunion pour désigner les collecteurs d’impôts, il y eu parfois un fort absentéisme. Dans ce cas l’Intendant procédait à des nominations et l’absentéisme était sanctionné d’amendes. 

La formule citée suscite un doute sur le caractère démocratique de cette assemblée. Mais là encore le mot démocratie fait anachronisme pour l’époque. À cet égard, la réalité est complexe et souvenons-nous que sous l’Ancien Régime tout y est particulier. Des études ont montré qu’il y eut de vraies assemblées représentatives avec des votes individuels (16), y compris impliquant des femmes en de rares cas. Mais la pratique générale, pour autant qu’on puisse en être sûr au vu des procès-verbaux, n’allait pas jusque-là. Pour Saint-André, on ne peut rien dire de précis sur ce point. De toute façon, les principes de souveraineté populaire et d’égalité des citoyens étaient alors inconnus.

Il fallait un nombre minimum de présents pour décider valablement semble-t-il (17). En réalité sur tous ces points de détails, les usages variaient d’une paroisse à l’autre, même s’il existait des ordonnances royales sur le sujet. La notion d’habitant a pu parfois inclure un critère de patrimoine, d’où le montant minimum d’impôts à payer pour avoir le droit de participer à la prise de décision. Et les élections sous la Révolution reprendront cette notion de minimum de ressources pour définir l’électeur, non sans débats néanmoins.

Le rôle des collecteurs de la taille


Les trois personnes nommées en premier sont les collecteurs « de la présente année ». Paroissiens élus pour un an ayant la charge de collecter l'argent de la taille, ils n’avaient pas le droit de refuser leur désignation. En pays d’élection ils étaient aussi en principe asséeurs, c'est-à-dire chargés du calcul de l’assiette de l’impôt et de l’établissement du rôle, les deux fonctions avaient été unifiées depuis 1625. Le rôle était ensuite contrôlé par un fonctionnaire avant d’être publié. Les collecteurs se déplaçaient chez les habitants, effectuant en général quatre paiements étalés au cours de l’année. Les recours des habitants contre les collecteurs étaient examinés par le général de paroisse, dès lors qu’ils prenaient un tour judiciaire. C’est que les collecteurs étaient responsables sur leurs propres biens des sommes prélevées. Une déclaration du roi du 28 août 1685 prévoyait la désignation des collecteurs « bons et solvables ».

On a un exemple intéressant de cette responsabilité en 1783 à Vendrennes. Au mois de novembre, les trois collecteurs nommés pour l’année 1784, craignant de rencontrer des difficultés, demandent au syndic de réunir l’assemblée des habitants de la paroisse. Une épizootie avait tué nombre de bestiaux dans les fermes, créant une insolvabilité certaine pour certains contribuables, et le risque de fuite de la paroisse de certains d’entre eux. Les collecteurs ont fait poser la question suivante aux habitants : veulent-ils exonérer dès maintenant certains assujettis, auquel cas il faut les nommer, ou taxer tout le monde comme à l’habitude ? Faute de réponse, les collecteurs préviennent qu’ils devront taxer tout le monde, aux risques et périls de la fortune du général de la paroisse. C’est que les collecteurs ne veulent pas payer à la place des infortunés, et ils préviennent qu’ils répartiront les montants non perçus sur le général de la paroisse.

Les habitants répondirent qu’ils n’étaient pas assez nombreux et proposèrent de se réunir à nouveau le même jour, à l’issue des vêpres du début d’après-midi. Manœuvre dilatoire, car à la sortie des vêpres, « personne n’a rien voulu répondre et chacun d’eux s’est retiré quoique d’abondant sommé et requis par ledit sieur Boisson, syndic, de délibérer et donner leur avis ». Et à la fin du procès-verbal le notaire est obligé de noter : « Aucun des habitants présents n’a voulu signer, ni déclarer s’ils le savent ou non ». On touche ici à la limite du possible dans la participation des intéressés à la gestion de cet impôt collectif (18). 

Les votes ou décisions de l’assemblée


Il est temps maintenant de donner le nom des dix-neuf personnes de Saint-André citées dans le procès-verbal des notaires en 1763 : « Jacques Richard demeurant à la Bourolière, Jean Rochereau à la Boninière, François Ripaud à Fondion, les trois collecteurs de la présente année, Jean Brisseau, Jean Fluzeau demeurant à la Brossière, Jacques Parpaillon au Coudrais, Jean Bordron, François Thoumazeau demeurant les deux au bourg du dit Saint-André, Jean Fonteneau, Nicolas Boudaud demeurant à la Javellière, Pierre Mandin au bourg, Nicolas You à la Gandouinière, Jacques Chaigneau à la Jaumarière, François Brisseau à la Gandouinière, Mathurin Sellier au Pin, François You à la Brossière, Jean Allain à la Mancellière ».

Natacha : Le penseur
Et le vote ? Nous avons vu qu’il pouvait exister suivant les formes les plus variées qu’on trouvera aussi avec les débuts de la démocratie élective à partir de la Révolution. Mais nos procès-verbaux de Saint-André sont muets sur ce point. La formule rituelle employée par les notaires est : « Après avoir mûrement réfléchi et délibéré … a été d’avis … ». Pour la demande précise de Charlotte de Puyrousset, les habitants se rangeant de son côté, indiquent que la « taxe sur elle imposée hors leur consentement et celui des collecteurs de la présente année par le commissaire qui a fait le rôle de la taille et autres impositions de la paroisse dudit Saint-André ». Apparemment le fonctionnaire de contrôle dépassait son rôle et on lui a fait « porter le chapeau ». Même si le texte des procès-verbaux est muet sur les modalités du vote, cela ne veut pas dire pour autant que les décisions prises ne reflétaient pas l’assentiment de la majorité de l’assemblée.

Le procès-verbal des deux notaires présents (Frappier et L. Jagueneau) se termine enfin par les dispositifs propres à ce type d’acte : pouvoir au syndic d’exécuter la décision prise, requête aux notaires d’en dresser acte, lieu, date, nom des soussignés et signatures de l’acte notarié (19).

La gestion de l’impôt royal de la taille : paiement par le métayer


Six mois plus tard, le 8 janvier 1764, nouvelle assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d’Oie (20). Comme la précédente elle est convoquée par le syndic Pierre Monnereau dans les mêmes conditions, et toujours pour un problème de collecte de la taille. Cette fois-ci le propriétaire et le fermier d’un pré se « renvoient la balle » pour le paiement de l’impôt. Le fermier a renvoyé « le collecteur pour l’amas de la taille » (ramassage), Jacques Parpaillon, sur le propriétaire, arguant du fait que le bail avait cessé. Et le propriétaire prétend que le bail est toujours en cours et que c’est au fermier de payer la taille, qui est un impôt sur le revenu. Les protagonistes ont fait signifier leur position par huissier au collecteur. On est donc au début d’une procédure judiciaire et le collecteur en a saisi le syndic qui doit soumettre à l’assemblée des habitants la décision à prendre sur ce différent naissant.

Le propriétaire fait partie d’une famille bien connue de Saint-Fulgent, ayant des biens aussi à Saint-André : les Proust. Ses parents ont occupé des postes de fonctionnaires (procureur fiscal, subdélégué de l’intendant, etc.). Il s’appelle Joachim Proust de La Barre, propriétaire du pré des Coutauds à Saint-André (près de la Bergeonnière). Il est capitaine sur les vaisseaux marchands d’un armateur nommé La Pinière, et il loue ses biens fonciers dans la région. Le fermier est Madame veuve Guyet et son fils, Simon Charles, eux-aussi de Saint-Fulgent. Elle est veuve depuis cinq ans et son fils a trente ans alors, pas encore marié. Nous avons raconté sa biographie dans un article d’avril 2013, étant le père de Joseph, châtelain de Linières à partir de 1800, qui a épousé l’ex vicomtesse de Lespinay. Le mot de fermier ici n’est pas à prendre dans son sens habituel, désignant quelqu’un qui travaille la terre qu’il loue. Les Guyet affermaient et faisaient travailler la terre par d’autres.

L’assemblée des habitants va donner tort aux fermiers, au motif « qu’ils ont fait la récolte des foins et regains de l’année dernière et fait pacager jusqu’à présent, tout comme ils peuvent le faire jusqu’à la Saint-Georges prochaine, temps auquel expirera leur ferme », reprenant le constat du propriétaire. Le vrai problème est ici que l’année d’un bail commence le 23 avril et que l’année fiscale commence le 1e janvier. L’argument de la décision ne paraît pas à lui seul suffisant pour la justifier, mais on ne peut en dire plus, faute de connaître les usages alors en vigueur dans la paroisse sur ce problème de chevauchement des dates d’une même année.

Le procès-verbal n’est pas plus explicite que le précédent sur l’existence d’un vote et son décompte, reprenant la formule que les habitants : « après avoir entre eux mûrement réfléchi et délibéré … ont été d’avis que … ».   

La participation aux assemblées de Saint-André-Goule-d’Oie


Cette fois les présents cités nommément sont vingt-cinq, et dix d’entre eux signent l’acte notarié. Celui-ci indique que l’ensemble des présents (dont on ne connaît pas le nombre) composent « la plus sûre et majeure partie des habitants de ladite paroisse de Saint-André ». Le mot « majeure » apparaît ici, à la différence de la fois précédente. Il certifie, par la signature des notaires, que les présents (cités et non cités) représentent au moins la moitié plus un des chefs de feux imposés à la taille, si l’on veut lire ce mot au sens strict. C’est dire l’importance du présentéisme dans cette assemblée.

On n'avait retrouvé que huit personnes nommées, aussi présentes à l’assemblée précédente de juin 1763, soit le tiers. D’abord Jean Bordron, le fabriqueur de la paroisse, fidèle au poste, par ailleurs maréchal-serrurier au bourg, certainement une personnalité, le plus assidu de tous dans la liste des personnes citées. Puis on a Jean Fluzeau, qui sera plus tard élu syndic, Pierre Monnereau, qui laissera sa fonction de syndic l’année suivante, Jacques Parpaillon, qui ne sera plus cité dans la liste des présents plus tard, Mathurin Seiller, cité à nouveau plus tard, Nicolas You, Pierre Mandin et Nicolas Boudaud.

Apparaissent André Fonteneau et Charles Trottin, qu’on retrouve cités dans les assemblées postérieures. Enfin quinze autres noms sont indiqués pour la première fois, qu’on ne retrouvera presque plus par la suite, remplacés par d’autres, et cette fois-ci les notaires n’ont pas noté leur adresse. L’interprétation de ce constat est délicate, faute de connaître l’usage des notaires dans ces relevés de noms. On a le sentiment de beaucoup de noms pris au hasard, à cause de leur renouvellement. Celui-ci est moins fort néanmoins qu’il n’y parait, à cause de l’importance de la période d’observation, environ une vingtaine d’années.

L’élection du sacristain en 1765


Sacristain sonneur
En 1765, l’assemblée des habitants réunie au mois de juin aborde un autre sujet : l’élection d’un sacristain dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie (21). La convocation de l’assemblée n’est pas indiquée, mais il y a tout lieu de croire qu’elle a été faite par le curé dans son prône au cours de la messe. Le lieu de réunion est toujours le même devant la porte d’entrée de l’église sous le ballet, à une heure identique, c'est-à-dire à l’issue de la messe du dimanche, précisée cette fois à 11 h. Le rassemblement s’est fait au son de la cloche comme à l’accoutumé. Le changement réside dans l’initiative de la réunion. C’est le curé qui l’a prise, sans que le procès-verbal ne cite le syndic ou même le fabriqueur. Bien sûr cela se comprend par l’ordre du jour. Mais cela signifie aussi le rôle notoire du curé dans la vie de la paroisse, et la participation des habitants aux décisions concernant son fonctionnement au plan administratif et matériel.

Le procès-verbal continue en relatant les explications du curé qui mène la réunion. Il a instruit depuis plus d’un an le nommé Pierre Michelleau et il le trouve en état maintenant de « s’acquitter exactement de son devoir ». En conséquence il demande aux habitants de le nommer sacristain. Lesquels « ont dit et déclaré être d’avis et consentant que ledit Pierre Michelleau soit nommé sacristain de cette église de Saint-André Degouledois, le trouvant idoine (22) et capable de ladite charge, pourquoi ils l’ont tous d’une voix unanime nommé pour lui jouir des émoluments, exemptions et prérogatives annexés à ladite charge … » Le sacristain était ordinairement exonéré des corvées là où il y en avait, du tirage pour la milice et de la taille, et il pouvait toucher un salaire. C’est qu’il était sollicité assez souvent dans cet emploi à temps partiel comme nous dirions aujourd’hui. Il devait balayer l’église, y enlever les toiles d’araignée, sonner les cloches aux heures dites (en particulier l’angélus), assister le curé aux offices, aux baptêmes, aux mariages, à l’administration des sacrements des malades et « faire ce qu’il faut aux enterrements », etc.

On voit dans cette décision que le curé en est à l’origine, mais que le choix officiel appartient à l’assemblée, acté par des notaires, y compris ensuite l’acceptation de la personne choisie. Nous savons qu’aux Sables-d’Olonne, il y eut cinq candidats en 1754 et les habitants ont fait leur choix à la majorité (23). La richesse des villes probablement, comparée à la modestie des campagnes !

Des paroissiens sous influence ?


Église actuelle de Boulogne
Dans les procès-verbaux de Saint-André on constate une harmonie entre le curé et les paroissiens. Mais ce n’était pas toujours le cas. C’est ainsi qu’à Boulogne en 1776, le curé avait fait adjuger aux enchères par le fabriqueur deux bancs dans l’église, et en avait fait sortir un appartenant à mademoiselle de la Guérinière. Certains habitants avaient en conséquence provoqué une réunion de l’assemblée des habitants de la paroisse. Était présent un avocat du général de la paroisse. Il rappela que les enchères n’avaient pas été décidées par l’assemblée des paroissiens et que pour cela elles n’étaient pas valables. On voit bien ici à la fois le pouvoir de l’assemblée face au curé dans une affaire de gestion interne à l’église paroissiale, et sa capacité juridique allant à se faire représenter par un avocat. Le curé et l’avocat surent dialoguer au cours de l’assemblée, et le procès-verbal enregistra un accord entre eux. Une des enchères fut validée, l’autre pas, et le banc de la demoiselle de la Guérinière fut réintégré moyennant le paiement d’une location (24).

À Chauché la discorde entre le curé était bien profonde en 1777 avec une bonne partie des habitants. Le syndic de la paroisse réunit une assemblée des habitants à l’issue de la messe, dans les formes habituelles. Il l’informa de ce que le curé Forestier de Chauché avait secrètement écrit au lieutenant général du Poitou (magistrat), pour lui demander d’imposer d’office les habitants de la paroisse à la taille, et non pas selon les critères décidés par l’assemblée des habitants. Ils furent 58 personnes présentes à l’assemblée pour émettre une protestation à envoyer au même fonctionnaire. On ne connaît pas la suite, mais le procès-verbal de leur délibération est instructif (25) : « Les habitants ont intérêt de faire connaître au lieutenant général, le caractère du curé Forestier et l’esprit de domination qui l’anime dans une affaire de paroisse qui ne le regarde et ne l’intéresse en rien ». Ils accusent le curé de vouloir favoriser des membres de sa famille et des amis. Il va jusqu’à refuser le confessionnal à ceux qui s’opposent à lui sur ce sujet, réussissant même à convaincre certains de ses confrères voisins à en faire de même. 

Le curé Charles Louis Forestier (1723-1787) était le fils de René Forestier, sieur de la Rivière, et de Marie Augereau, et avait 7 autres frères et sœurs nés à Chauché (26). Il eut un neveu qui se maria avec une fille du fermier de Languiller, Pierre Cailleteau, ce dernier se rangeant du côté républicain plus tard. Or les Cailleteau, ainsi que les Roy et les Cauneau, sont au nombre des pétitionnaires. On a donc du mal à faire un lien entre cette division en 1777 et les futures lignes de fracture engendrées par la Révolution parmi les habitants de Chauché. Ajoutons qu'un de ses frères, Pierre Mathurin Forestier, fut commissaire dans l'armée royaliste du Centre, où se retrouvaient les Chauchéens.

En 1764, un mandataire de la congrégation de l’Oratoire vint de Nantes aux Essarts pour discuter du financement de messes avec la fabrique. La congrégation avait reçu de la baronne des Essarts en 1621, une rente de 500 £ par an, pour, entre autres, faire dire une messe basse par jour dans l’église des Essarts pour l’âme de Charles de Luxembourg (oncle de la donatrice) et de ses prédécesseurs. C’est donc l’Oratoire qui finançait les messes aux Essarts. Le mandataire, bibliothécaire à Nantes, fut reçu par le général de la paroisse et se plaignit de l’ambiance causée par des « paroissiens indécrottables ». On se mit d’accord sur une redevance de 200 £ par an pour les messes (27). Ces chefs de feux des Essarts n'ont donc pas été impressionnés par l'intellectuel venu de Nantes. 

Au-delà des frictions engendrées inévitablement dans toute relation humaine, ces trois petites histoires à Boulogne, Chauché et aux Essarts, nous interrogent à propos de l’influence des curés sur les paroissiens en ces temps anciens. Elle était importante bien sûr au plan spirituel, et même dans le domaine profane. Mais avec des limites à ne pas dépasser comme on le constate, à cause du pouvoir des assemblées paroissiales. On a aussi vu à Saint-Fulgent et à Saint-André que c’est la générale de la paroisse qui décidait en final des réparations à entreprendre dans le presbytère. C’est pourquoi, l’exagération de la « mainmise » des curés sur les paysans pour expliquer la révolte des Vendéens en 1793, aboutit à une présentation déformée de la réalité. Les pouvoirs et les influences étaient plus équilibrés qu’on ne le pense dans les paroisses de l’Ancien Régime à Saint-André-Goule-d’Oie et dans les environs. Il faut en déduire surtout la richesse de la vie sociale dans ces paroisses, qui, elle, n’a pas été pour rien dans la genèse de la révolte. Les révolutionnaires de 1793 ont préféré dénoncer la mainmise des curés pour se dédouaner d’avoir le peuple contre eux. Avec le recul, les historiens d’aujourd’hui auraient du mal à faire de même.

On espère que le curé de Saint-André est resté en dehors de la cabale de Chauché. Dans le procès-verbal des habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie de 1765, apparaît une indication nouvelle sur le vote de l’assemblée : les habitants présents consentent à l’unanimité, ce qui veut dire à contrario qu’ils décident à la majorité dans les autres décisions.

Quant à l’échantillon des personnes citées dans l’acte notarié, il comporte dix-sept noms, dont sept signeront. Nous les citons, car les notaires ont indiqué leur profession, intéressante pour les bâtisseurs d’arbres généalogiques : « lesquels dits habitants comparant par Jean Brisseau laboureur, Jean Bordron serrurier, André Fonteneau laboureur, François Moreau aussi laboureur, Mathurin Bretin journalier, François Thoumazeau laboureur, Jean Rondeau aussi laboureur, Gabriel Cartron aussi laboureur, Louis Michelleau tailleur d’habit, François Brisseau, Louis Sionneau aussi laboureurs, Charles Trotin cabaretier, Pierre Rousseau journalier, Mathurin Sellier et Jacques Sellier laboureurs, faisant et composant la plus saine et majeure partie des habitants du dit lieu ». Le métier de laboureur ici signifie agriculteur, ne laissant pas présager s’il s’agit d’un fermier ou d’un propriétaire. Il est le plus fréquent, mélangé sans préséance avec des métiers d’artisans, commerçants et journaliers (qui se louaient à la tâche). Cela veut dire que le critère du patrimoine n’a pas sélectionné les présents dans cette assemblée.

La gestion de l’impôt royal de la taille : imposé selon le domicile du propriétaire où la localisation du bien foncier ?


Le procès-verbal suivant porte la date du 20 décembre 1772 (28), soit sept ans plus tard. On a peine à imaginer qu’il n’y a pas eu de réunions entre temps, ne serait-ce que pour renouveler le mandat de syndic, qui était de deux ans, et pour désigner les nouveaux collecteurs de la taille chaque année. C’est le mystère des archives des notaires de l’époque à Saint-Fulgent. Les enregistrements des actes notariés se faisaient aux Herbiers, mais leurs archives ont disparu.

On peut aussi se demander s’il y avait bien un procès-verbal rédigé par des notaires à chaque réunion. Il n’était pas gratuit, et nous restons sur un doute à cet égard. D’autant que l’assemblée pouvait désigner un greffier suivant la réglementation en vigueur (29). Cette question de la fréquence des réunions nous parait importante pour apprécier la place prise par l'institution dans la vie des gens. 

Mgr Gauthier d'Ancyse
La convocation de l’assemblée par le syndic comporte une petite nouveauté. Conformément à la nouvelle directive de l’évêque de Luçon en 1768 (Gauthier d'Ancyse), la réunion a été annoncée par lui « dimanche dernier à l’issue de la messe », et non plus par le curé à la fin de son prône. On verra plus loin que la nouvelle directive épiscopale n’a pas toujours été strictement respectée.

Dès le début de l’acte les notaires citent le nom « des collecteurs nommés pour l’amas de la taille de ladite paroisse pour l’année prochaine 1773 » : Jacques Charpentier, Pierre Siret et Louis Seguin. On va donc reparler de la taille, ce qui pourrait accréditer une affirmation de certains historiens : les communautés d’habitants sont nées d’une nécessité fiscale. Et à Saint-André on ne parle que de cela dans les affaires civiles conservées dans les archives, et en particulier on observe le silence sur l’école, parce qu’elle n’existait très probablement pas.

Le syndic se nomme alors Louis Rochereau, âgé de 53 ans. Il s’agit vraisemblablement d’un propriétaire au village de la Boninière (1719-1779), fils de Louis Rochereau et de Marguerite Bordron, marié à Anne Marie Boudaud le 2 janvier 1743 (vue 1 dans les Archives numérisées du registre paroissial de Saint-André).

Un autre problème est soulevé, posé par deux bordiers, François Brisseau et André Rondeau son gendre, qui « auraient fait dire au prône de la messe de cette paroisse le 16 août dernier qu’on n’eut plus à les comprendre au rôle de la taille et autres subsides de cette dite paroisse pour raison d’une borderie à eux appartenant située en cette paroisse, pour laquelle ils sont imposés à la somme de 19 livres de taille principale ». Leur motif tient à leur changement de domicile, car désormais ils habitent Chauché et non plus Saint-André, et ils ne veulent pas payer dans les deux paroisses à la fois. Dans notre cas, qu’est-ce qui primait, la situation du bien ou celle du propriétaire ? L’intendant du Poitou avait prévu l’obligation d’informer l’administration avant le 5 septembre pour faire prendre en compte un changement d’adresse (30).

Il avait aussi chargé en 1701 les curés de recueillir les déclarations des fermiers et métayers sur la description des domaines qu’ils exploitaient : prés, bois, vignes, terre, etc., quantité de charrues et de bêtes de traits. Les curés devaient ensuite remettre ces déclarations aux collecteurs (30). Il fallait pallier à l’analphabétisation des fermiers et peut-être à l’honnêteté des déclarations en l’absence des propriétaires. On voit ainsi les curés devenir auxiliaires du fisc !

Sur la demande des collecteurs, il appartient donc à l’assemblée de prendre une décision sur ce point. « À l’instant tous lesdits habitants s’étant réunis et assemblés en corps politique, après avoir mûrement réfléchi entre eux, en délibérant sur la demande des dits collecteurs, ils ont dit d’une voix unanime qu’il leur serait d’un préjudice évident si les domaines qui sont situés en leur paroisse fussent joins à ceux d’une autre paroisse ». Le transfert du montant d’impôt de Saint-André à Chauché « ne serait pas juste », est-il expliqué. On comprend cette position, mais se faisant on oublie de prendre en compte l’intérêt des deux bordiers. On touche là à un des inconvénients du mode collectif de cette levée d’impôt au niveau des paroisses.

Et le texte continue : « Au moyen de quoi ils consentent tous que la borderie et domaines des dits sieurs Brisseau et Rondeau qui sont situés en cette dite paroisse soit taxée à la taille et autres subsides d’icelle comme à l’ordinaire, soit en leur nom ou de ceux qui peuvent les exploiter… ». L’assemblée donne mandat aux collecteurs de prélever la taille auprès des exploitants de la borderie et de faire poursuite judiciaire en cas de refus. Et comme les collecteurs sont normalement responsables de « l’amas » de la taille sur leurs propres deniers, elle décide d’avance que le montant litigieux sera alors réparti sur « le général de la paroisse », c'est-à-dire sur la collectivité, suite à la persistance probable du refus de paiement.

On trouve vingt-sept noms cités comme personnes présentes dans le procès-verbal et quinze le signeront. Le sujet a-t-il plus mobilisé que les autres ? On pourrait le penser, mais là encore il faut rester prudent, faute de connaître les usages des notaires sur ce point. Bien sûr, ils composent « la plus saine partie des habitants de la paroisse de Saint-André », mais aussi « et majeure partie ». Malheureusement les notaires ne notent pas les adresses et les professions de ces personnes dans ce procès-verbal.

 Un an plus tard, le 26 décembre 1773, une nouvelle assemblée des habitants (31) revient sur le même sujet, soulevé par François Brisseau et André Rondeau. André Rondeau est seul, son beau-père étant décédé depuis peu, mais il maintient sa position.

Apparemment il y a urgence à délibérer, car l’information préalable n’a été faite que la veille par le même syndic, Louis Rochereau, à l’issue de la messe (le jour de la fête de noël). Les trois collecteurs pour la nouvelle année 1774 sont aussi présents : Jacques Bigot, Jean Rochereau et Jean Métaireau. Et c’est parce qu’ils sont nouveaux que l’affaire revient devant l’assemblée.

Mauléon anciennement Châtillon-sur-Sèvre
En effet, l’affaire a suivi son cours depuis un an : les demandeurs ont « fait assigner lesdits habitants pour les voir déroler par devant messieurs de l’élection de Châtillon où l’instance est encore pendante et instruite ». Les collecteurs ne voulant pas être responsables sur leurs deniers de la somme litigieuse, demandent expressément à l’assemblée de confirmer sa décision, de l’assumer lors de la procédure judiciaire et d’affecter la somme litigieuse à percevoir en 1774 sur l’ensemble de la collectivité paroissiale. L’action judiciaire a visé « lesdits habitants », c’est-à-dire une personne morale dirait-on en droit moderne.

Le texte indique : « lesquels dits habitants s’étant à l’instant assemblés en corps politique et après avoir entre eux réfléchi et délibéré sur la demande des dits collecteurs ont tous dit d’une voix unanime qu’ils persistaient dans leur délibération du dit jour 20 décembre 1772 ». Et toujours l’unanimité, concept assis normalement sur un décompte des voix des présents.

Ils sont vingt-quatre habitants dont le nom est cité, et seize d’entre eux signent le procès-verbal. À noter que onze seulement sont les mêmes qu’à la réunion précédente, ce qui ne fait que confirmer nos observations précédentes.

Des historiens ont avancé que cet impôt de la taille poussait les assujettis à vivre pauvrement en apparence, à ne pas étaler leurs richesses, à cause de son mode de calcul basé sur l'estimation de celles-ci. Pour ce que nous pouvons observer à Saint-André, nous resterons prudents sur ce point, car les rôles fiscaux ont disparu dans les dégâts de la guerre de Vendée. Ils nous montreraient les montants payés et les assiettes fiscales. Était-ce les biens (comme la taxe foncière) ou les revenus (comme l’impôt sur le revenu) que l'on imposait ? Il semble bien que ce soient les biens immeubles, difficiles à cacher, et alors la remarque sur l’attitude des assujettis perd de sa force. Mais alors comment expliquer la querelle ayant existé à Chauché ? Le texte ne détaille pas le fond du sujet soulevé, mais confirme bien le côté au moins en partie subjectif des calculs de répartition de l’impôt dans la paroisse.

Onze ans après on trouve le procès-verbal des deux dernières réunions d’assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien Régime, la même année en 1784. Elles concernent des affaires religieuses. La première est animée par le fabriqueur Jean Bordron, en présence du syndic et du curé, pour pourvoir à son remplacement dans ses fonctions. La deuxième est animée par le curé lui-même, en présence du syndic et du nouveau fabriqueur, pour décider de travaux à entreprendre dans l’église et au presbytère.

Le syndic est alors Jean Fluzeau (la Brossière) et nous avons fait un compte rendu de ces deux textes en janvier 2013 dans: La fabrique de St André Goule d'Oie au 18e siècle.

Des paroisses aux communes avec la Révolution


Une réforme de 1787 entreprit de mieux formaliser par le vote la désignation des membres de ces assemblées, représentant des propriétaires. Des débats difficiles accompagnèrent son élaboration, anticipant le déroulement des premiers jours de la Révolution deux ans plus tard. Le premier projet faisait disparaître la notion d’ordres (noblesse, clergé et tiers-état), mais elle réapparut dans le projet final, en doublant le nombre des représentants du tiers-état. Dans les paroisses rurales comme Saint-André l’assemblée municipale aurait été composée du seigneur et du curé, membres de droit, et de 9 habitants élus pour 200 feux. L’élection se serait déroulée au sein de l’ancienne assemblée générale, restreinte aux habitants payants au moins 10 livres d’imposition foncière. Les éligible devaient payer au moins 30 livres, avoir 25 ans d’âge et résider dans la paroisse depuis au moins un an (32).

Cette réforme commença à entrer en vigueur, mais les soubresauts qui précédèrent la Révolution ont eu pour effet de suspendre son application jusqu’à fin 1788. L’Assemblée Constituante reprit la réforme et la loi du 14 décembre 1789 créa la commune en France, au sens où nous l’entendons de nos jours. Puis le 10 brumaire an 2 (31-10-1793) la Convention décréta que « toutes les dénominations de ville, bourg et village étaient supprimées et remplacées par une seule, celle de commune. ». Ainsi, la communauté des habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie devint une commune dans les mêmes limites géographiques fixées depuis l’origine au Moyen Âge, avec une modification en 1640 pour la création de la Rabatelière.

Quant à la taille, elle disparut dans les premiers mois de la Révolution Française et les fabriques peu de temps après, avec l’appropriation nationale des biens d’Église et la constitution civile du clergé.

Nous n’avons pas de trace écrite, mais il est très probable que la dernière assemblée paroissiale de Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien Régime, fut celle qui rédigea au début de mars 1789 son cahier de doléances, et désigna deux représentants à l’assemblée provinciale du Poitou. On sait que le roi convoqua les États Généraux des trois ordres le 8 août 1788 pour le printemps suivant. Le 27 février 1789 le procureur du roi en la sénéchaussée de Poitiers lança les réunions des assemblées des communautés d’habitants pour formuler leurs cahiers de doléances et élire leurs députés à l’assemblée provinciale de Poitiers (33). On n’a pas d’archives non plus pour la plupart des cahiers de doléances de la Vendée. La paroisse a aussi dû déléguer deux représentants pour se rendre à l’assemblée du tiers état du Poitou, que nous ne connaissons pas. À la Rabatelière on désigna Jean Marchand qui avait été aussi syndic (34). Il habitait alors la Bordinière. Il fut élu adjoint au maire de Saint-André en 1793, demeurant aux Plessis-le-Tiers. L’assemblée du tiers se réunit à Poitiers dans la chapelle du collège Sainte-Marthe le 17 mars pour la première fois. Elle élit ses députés aux États Généraux de Versailles.

Pour terminer il faut souligner l’ancrage et l’importance de cette institution de l’Ancien Régime, telle que nous venons de l’observer, dans la vie de certaines paroisses comme Saint-André-Goule-d’Oie et de ses habitants. La transformation apportée en ce domaine par la Révolution fut aussi profonde. À grands traits elle concerna les points suivants :

-    Remplacement de l’assemblée des habitants par un conseil de notables élus pour gérer les affaires de la commune, devenu conseil municipal. Désormais la définition des électeurs et les modalités de désignation des organes représentatifs apportaient une règle identique et précise dans tout le royaume, garantissant la naissance d’une véritable démocratie élective. Mais les notables élus étaient moins nombreux que les participants aux assemblées d’avant à Saint-André. Au-delà des règles formelles, nettement novatrices, la nouvelle institution a pu paraître moins « participative » comme on dirait de nos jours, dans la paroisse étudiée.

-    Mise sous tutelle des maires remplaçant les syndics, devenant fonctionnaires de l’État et obligés d’exécuter les directives reçues du district et du département. Par rapport à la surveillance des intendants, le peu d’autonomie antérieur des exécutifs locaux a alors connu un recul. Cette innovation a contribué au drame de l’assassinat à Saint-André-Goule-d’Oie du maire et de son adjoint par les révoltés de mars 1793. Ils ont reproché aux édiles d’avoir exécuté l’ordre reçu de l’administration départementale, en établissant la liste des conscrits pour le tirage au sort.

Nouvelle religion des révolutionnaires
-  Affranchissement de l’action municipale par rapport à la religion, accentuant le mouvement amorcé très lentement en ce sens depuis le concile de Trente. Mais désormais ce n’est plus l’Église qui veut s’affranchir du profane, c’est le nouvel État qui veut s’affranchir de l’Église alors toute puissante et omniprésente. Il y a plus : la laïcité à la française, loin de viser la neutralité à sa naissance, voulut éradiquer à cette époque la religion catholique au point de prétendre la remplacer. Ce fut le début d’une nouvelle « guerre de religion », avec plus tard l’école pour terrain de combat.

-   Transformation politique exigeant de nouvelles valeurs de vie communautaire tout à fait inconnues jusqu’ici dans les campagnes. Aux communautés particulières des paroisses on substitua la communauté des citoyens de la nation, à vocation universelle. Les valeurs qui fondaient le nouvel ordre politique n’ont pas consisté seulement à mettre en place une démocratie élective, mais en même temps à faire table rase du passé. À la société nouvelle et aux théories nouvelles, il fallait des élites nouvelles et un homme nouveau (35). Quand les premiers élus de Saint-André-Goule-d’Oie, désignés selon la nouvelle loi, ont émis le vœu qu’une partie des biens du prieuré fut exclue de la liste des biens nationaux, le procureur-syndic de Montaigu leur répondit qu’il s’agissait là d’une position « criminelle ». Rien de moins ! La loi, expression de la volonté générale, devait être exécutée avec fidélité, et face à elle, les initiatives permises dans les anciennes communautés paroissiales avaient perdu toute légitimité. Pour éviter l’incompréhension il fallait une appropriation de ces nouvelles idées, qui ne s’est pas faite dans le bocage vendéen.

Ce choc entre les anciennes et les nouvelles valeurs atteignit progressivement un point de non-retour, pour déboucher en mars 1793 sur le soulèvement spontané, populaire et armé des populations du bocage vendéen. À partir de là, même les meilleures innovations de la Révolution furent rejetées. La participation aux élections officielles semble être restée autour de 10 % des électeurs, principalement avec ceux qui adhéraient à la Révolution. De plus, le « Conseil supérieur » de l’armée catholique et royale en 1793, dans son « règlement général sur la formation des conseils provisoires dans les villes et bourgs du pays conquis », prévoyait de casser les conseils de paroisse existants pour les reconstituer autrement, invoquant entre autres « que dans plusieurs endroits, ces conseils se sont formés par des élections populaires incompatibles avec les vrais principes du gouvernement monarchique » (36). Cela n'aurait pas été nécessaire à Saint-André-Goule-d’Oie qui se trouvait dans le champ d’application du règlement du camp de l’Oie de l’armée du Centre, adopté le 4 avril 1793. Il prévoyait en son article 2 que les membres du conseil de paroisse « seront élus par acclamation et non par scrutin. »

En juillet 2012 nous avons publié un article consacré à une lettre en date du 24 décembre 1790, du procureur-syndic du district de Montaigu au curé de Saint-André-Goule-d’Oie. On y voit à l’œuvre une partie de ces transformations résultant du remplacement de l’assemblée paroissiale par une instance municipale. Décembre 1790 : le curé de St André Goule d’Oie sous surveillance.

On peut aussi remarquer enfin qui étaient les « leaders » de la population à Saint-André-Goule-d’Oie dans le choix des fabriqueurs et des syndics. C’étaient des hommes du même milieu que la masse des habitants, ni nobles ni bourgeois, instruits ou plus exactement sachant lire et écrire. Pour cela c’étaient de gros laboureurs, propriétaires au Coudray ou à la Boninière, ou fermiers de la grande métairie des Noues, ou bien des artisans importants, les seuls possédant un peu d’instruction. Cela peut paraître naturel, mais il faut le noter pour se garder d’une certaine vision partisane, préférant voir les paysans sous contrôle des nobles. En revanche, apparaît clairement le « leadership » du curé de la paroisse. Ce choix des leaders se continuera avec les capitaines de paroisse pendant la guerre de Vendée, et même avec les maires désignés ensuite, puis élus à partir de 1848.



(1) J. P. Guitton, La sociabilité villageoise dans la France d’Ancien Régime, Hachette littératures (1998), page 74.
(2) A. C. Brechoteau, Les assemblées d’habitants dans le diocèse de Luçon 1750-1792, (mémoire ICES), septembre 2003.
(3) J. Gallet, Seigneurs et paysans en France (1600-1793), Éditions Ouest-France, 1999, page 185.
(4) Guy Cabourdin et Georges Viard, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, 3e édition, Armand Colin, 1998, Archives de Vendée : BIB 1200 (J 8), communauté d’habitants.
(5) Assemblée paroissiale des Essarts du 19 avril 1632, Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, page 43 et 44.
(6) Archives de Vendée : vente de la maison ci-devant curiale de Saint-André-Goule-d’Oie avec sa borderie : 1 Q 267 no 1401 et 1 Q 240 no 261.
(7) Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille de Vaugiraud : 22 J 31, transaction entre de Vaugiraud et Monnereau sur des droits de lods et vente à la Boutarlière vers 1730. Voir aussi le registre paroissial de Chauché à la date du 11-1-1734, où fut enterrée Marie Masson (vue 31).  
(8) Archives de Vendée, registre paroissial de Saint-André-Goule-d’Oie, mariage de P. Monnereau et A. R. Jagueneau le 3-2-1756 (vue 134).
(9) Archives de Vendée, notaire de Vendrennes, Louis Coutand : 3 E 020, acte du 13-12-1781, vue 152.
(10) On achetait les emplois à l’époque. Les huissiers à cheval du Châtelet de Paris pouvaient   parcourir tout le royaume pour mettre à exécution les décisions passées sous le sceau du Châtelet.
(11) Dr Prouhet, Contribution à l’étude des assemblées générales de communautés d’habitants en France sous l’Ancien Régime, Bulletin et Mémoires de la société des antiquaires de l’Ouest, 2e série 1902, p. 75 et s.  
(12) François Lange, La nouvelle pratique civile, criminelle et bénéficiale, Paris (1687, 3e édition), Première partie, page 107.
(13) Idem (11), page 138 et s.
(14) Idem (12).
(15) J. C. Cassard, L’âge d’or capétien. 1180-1328, Gallimard, Folio histoire de France, 2021, p.571.   
(16) Idem (2).
(17) Glaire, Valsh, Alex et Orse, Encyclopédie catholique, répertoire universel et raisonné, (1840) T1.
(18) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/10, assemblée des habitants de Vendrennes du 23-11-1783 
(19) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 29-6-1763.
(20) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 8-1-1764.
(21) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/4, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 9-6-1765.
(22) Compétent.
(23) Idem (2).
(24) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/8, assemblée d’habitants du 11-2-1776 à Boulogne.
(25) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/8, assemblée des habitants de Chauché du 26-10-1777 sur la perception de la taille.
(26) www.famillesdevendee.fr : famille Forestier.
(27) L’oratoire et les Essarts, Archives de Luçon, Chroniques paroissiales, 3e série, mélanges 4 num 503 210, vue 1/11 et s.
(28) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/6, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 20-12-1772.
(29) Reynald Secher, La Vendée-Vengé, Perrin (2006), page 47.
(30) Idem (11), page 132 et s.
(31) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/7, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 26-12-1773.
(32) Idem (11), page 80.
(33) Plaintes, doléances et remontrances du tiers état de 4 paroisses du Bas-Poitou dressées pour les États Généraux de 1789, Archives de Vendée : BIB 2468.
(34) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 69, famille Guesdon.
(35) Alain Gérard, Vendée les archives de l’extermination, Édition du C. V. R. H. (2013), page 623 et s.
(36) Louis de la Boutetière, Le chevalier de Sapinaud et les chefs vendéens du Centre, Yves Salmon Éditeur (1982), page 49.


Emmanuel François, tous droits réservés
Septembre 2013, complété en décembre 2023

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jeudi 3 janvier 2013

La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle

Origine et définition de la fabrique


Dans les débuts de l’Église, le mot fabrique désignait la masse des biens affectés à la construction et à l’entretien d’une église. Puis le sens a évolué pour désigner une fonction créée pour décharger les curés d'une administration parfois critiquable et d'une responsabilité quelque fois lourde, et à laquelle on n'était pas fâché de substituer celle des laïcs (1). Au 9e siècle on commença à donner aux officiers de l’église, des laïcs, le nom de fabriqueur (ou marguillier, luminier). Ils étaient chargés de l’aide aux pauvres et aussi de participer à l’administration des revenus et dîmes destinés aux constructions et aux réparations d'églises.

Le Titien : Le concile de Trente
Puis le concile de Trente (1545-1563), a défini la fabrique comme l'ensemble des biens d'une église, et aussi l'organisme qui la représente et qui doit pourvoir à l'exercice du culte. Il décida que la fabrique demeurait un organisme chargé d'assurer l'administration des biens d'une église, en prêtant son concours, à cette fin, à celui qui en était le recteur ou curé. À sa suite, le statut des fabriques fut fixé par des lois civiles en France. La fabrique devint ainsi une personne morale autonome (1).

L'édit de Melun en 1580, précise que l'administration et l'inventaire des fabriques seraient fait par des fabriqueurs. L'édit de Louis XIII en 1610 oblige à utiliser tous les revenus des fabriques pour les fins auxquelles ils sont destinés et les fabriqueurs doivent en rendre compte à l'évêque. On a aussi l'ordonnance de 1629 sur l'entretien des églises, l'édit de 1680 réglant l'emploi des revenus des fabriques et la forme des inventaires de leurs biens, les lettres patentes de 1732 sur les réparations des églises et maisons presbytérales, etc. (1)

Une documentation ne remontant qu’au 18e siècle à Saint-André-Goule-d’Oie


À Saint-André-Goule-d'Oie, le premier document trouvé indiquant la présence d’un fabriqueur est le registre paroissial. Ce mot de fabriqueur n’était pas le seul employé dans le Bas-Poitou, puisqu’à Mesnard-la-Barotière on employait le mot de marguiller (2). À Saint-Fulgent on employait plus fréquemment le mot de fabrice.

Ainsi François Aulneau, 34 ans et demeurant à la Brossière, est noté fabriqueur sur le registre paroissial de St André le 2 octobre 1744, jour de son inhumation. Il a été remplacé par Pierre Piveteau, noté lui aussi comme fabriqueur le 27 avril 1748, jour du baptême de sa fille Marie. La même annotation est écrite sur le registre paroissial le 8 mars 1749, jour de l’inhumation de son épouse Jeanne Piveteau. Il habitait la ferme des Noues, appartenant au domaine de Linières, avec son père Mathurin et son frère Jean.

Apparemment la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie était administrée par un seul homme, alors que dans les villes surtout elle l’était par un conseil de plusieurs membres. Le notaire de Saint-Fulgent dressait un acte officiel de sa nomination. Dans ses papiers conservés aux Archives de la Roche-sur-Yon, on trouve le procès-verbal de l’élection à la fonction de fabriqueur de Louis Loizeau fils, le 12 septembre 1784, par l’assemblée des habitants de la paroisse réunie devant la porte de l'église à l'issue de la grand-messe (3).

On y apprend que Jean Bordron (1716-1790)  a provoqué cette élection, étant lui-même fabriqueur en charge de la paroisse depuis plus de 20 ans. Âgé de 68 ans à cette date, il était maréchal serrurier dans le bourg. Il était aussi fermier des métairies des Bouligneaux (Saint-Martin-des-Noyers) et du Bourg de Saint-André, et c’est son fils François qui le remplacera dans cette activité (4). Ils sous-affermaient ensuite les exploitations. Son fils et son petit-fils seront maires de la commune plus tard.

Comme justification à son retrait il aurait pu invoquer son âge, mais il choisit de rappeler que « le temps fixé par les ordonnances étant plus qu’expiré, il est juste et nécessaire que soit nommé et élu son remplaçant. » Il semble que la durée légale du mandat était de deux ans, mais elle n’a pas été respectée à Saint-André. C’est que, si en théorie l’élu n’avait pas le droit de refuser le poste auquel il était désigné, les responsabilités impliquées exigeaient de s’assurer de son accord préalable. Pour convaincre que sa décision de retrait était irrévocable, Jean Bordron précise « qu’il n’est plus en charge de l’administration des revenus de la fabrique, ayant rendu ses comptes il y a peu de jours. »

Le fabriqueur était responsable de l'entretien de l'église, de son aération et de sa décoration ; il avait la garde du mobilier qu'il devait conserver en bon état : linges, nappes d'autel, aubes, surplis, bonnet carré de monsieur le curé, croix, aspersoir, burettes, ornements sacerdotaux. Il administrait les fonds, percevait les revenus, acquittait toutes les charges du culte dont il devait respecter les usages (la distribution de pain bénit, la sonnerie des cloches, l’occupation des bancs, chapelles, l’autorisation des quêtes).

Alors non seulement l’élu devait accepter cette charge avec bonne volonté, mais il devait être un bon chrétien de bonne vie et mœurs, savoir lire, écrire, et capable de tenir des comptes. Selon l’acte notarié du 12 septembre 1784, le fabriqueur s’engageait à « tenir des états et mémoires exacts des recettes et dépenses qu’il fera pendant que durera sa charge et pour être responsable de l’église et de la fabrique, et enfin pour rendre chaque année ses comptes, toutes les fois et quand il en sera requis soit devant messieurs les officiers de justice, monseigneur l’évêque, ou son commissaire ». D’ailleurs Jean Bordron a, le jour de l’élection de son successeur, devant les habitants assemblés, « donné lecture du compte qu’il a rendu le 25 août dernier devant le sieur Gilbert, curé de la Rabatelière, commissaire en cette partie de monseigneur l’évêque de Luçon ».

La désignation du fabriqueur à Saint-André


À Saint-André, on a vu un artisan en vue occuper le poste, mais aussi un jeune métayer. Et la fonction était bien distincte de celle de syndic de la paroisse, l’ancêtre du maire. Nous ne savons pas avec précision comment les habitants de la paroisse désignaient l’élu. La pratique du suffrage électoral, dans le sens moderne de chaque voix égale à chacune des autres, ne semble pas avoir été en usage dans ce type d’assemblée, où des voix semblaient compter plus que d’autres pour dégager la décision à prendre. L’acte notarié écrit, suivant la formule d’usage : « ils ont tous d’une voix unanime, après avoir entre eux mûrement réfléchi et délibéré, nommé et élu pour fabriqueur de l’église et paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie … ». L’élection du fabriqueur s’est faite de la même manière que toutes les décisions des assemblées paroissiales à Saint-André-Goule-d'Oie, par ailleurs identique à celles pratiquées dans les environs. L’assemblée réunissait les chefs de famille car on y traitait des questions d’impôts paroissiaux souvent, le syndic ou le prieur paraissant mener les débats suivant l’ordre du jour. Le 12 septembre 1784, c’est apparemment le fabriqueur sortant qui mène le débat avec le syndic et le prieur. Ces derniers sont très probablement à l’origine du choix du successeur proposé à l’élection : Louis Loizeau fils, laboureur (5), et demeurant au village du Coudray Loriau (6), « comme convenable et capable pour exercer fidèlement ladite charge pendant le temps fixé par les ordonnances, édits et déclarations de sa majesté ». Il est le fils de Louis René Loizeau, bordier au Coudray, et marié à Marie Anne Godard (7). Il a deux oncles, Mathurin et Pierre Loizeau. Ce dernier étant à cette époque en communauté de métayers à la Mauvelonnière (domaine de Linières), avec son beau-frère Pierre Godard (8). C’est aussi le frère de Jeanne Loizeau, qui se mariera en 1790 avec François Cougnon, le futur capitaine de paroisse.


Les rôles de l’assemblée des habitants, du fabriqueur et du curé


La rétribution du fabriqueur nous est inconnue, mais l’acte notarié de l’élection indique que « pendant que durera ladite charge, Loizeau jouira des droits, honneurs, privilèges et exemptions qui y sont attachés ». 

Au cours de l’assemblée des habitants, Jean Bordron « a compté présentement en espèces d’argent et monnaie la somme de six cent quatre-vingt-dix-sept livres huit sols (9) formant le reliquat du compte de la fabrique » remis à Loizeau son successeur. « Loizeau promet d’en rendre compte à l’avenir lorsqu’il en sera requis, avec les recettes qu’il fera et les dépenses qu’il justifiera, le tout en se conformant à ce qui lui est permis par les ordonnances royales, Bordron ayant au surplus déclaré n’avoir aucun titre ni autre papier concernant l’église et fabrique de ce lieu ».

Nous savons qu’il tenait un registre où il reportait les entrées et sorties d’argent par dates. Par ailleurs la fabrique de Saint-André n’avait pas de biens (terres affermées, rentes, etc.), et les biens du prieuré (rente, métairie de Fondion, borderie du bourg) étaient distincts et n’entraient pas dans sa gouvernance (10). Ses ressources provenaient des oblations, c'est à dire du casuel (cérémonies au cas par cas), des quêtes ou offrandes, location de bancs, utilisation des cloches tentures et ornements.

Une particularité est à relever sur l’église de Saint-André à la fin du 18e siècle : elle était petite. Elle avait une surface totale de 230 m2, dont 185 m2 seulement pour les fidèles, une fois déduits le chœur, les petits autels et les fonds baptismaux. Sa dimension trop réduite a constitué le motif principal pour en construire une nouvelle un siècle plus tard (11). Les fidèles devaient s’y tenir debout et les bancs y étaient rares.

En 1737, le propriétaire du fief du Coudray, Louis Corbier, sieur de Beauvais, voulant avoir son banc dans l’église devant l’autel de Saint Pierre, dû payer une rente annuelle de 15 sols à la fabrique. Et pour l’obtenir, il fallut la décision de l’assemblée des habitants de la paroisse, le 24 mars 1737. On rencontre la même procédure à Boulogne en 1776, où un banc a été adjugé pour 9 livres par an (12). Celle-ci concernait aussi d’autres personnes, non désignées dans le document conservé, et l’emprise au sol était de six pieds de longs sur quatre de large (13). Normalement le patron fondateur de l’église avait droit à son banc sans le payer. Les premiers seigneurs de Linières avaient leurs armes gravées dans le chœur de l'église, signe d'une position privilégiée. Mais ils n'avaient pas le statut de patron fondateur, que lui a disputé au 17e siècle le seigneur de la Boutarlière (14). 

Le cimetière appartenait à l’église le plus souvent, mais à Saint-André nous n’avons pas d’informations le concernant à la fin du 18e siècle. Un édit d'avril 1695 édictait que les habitants des paroisses étaient tenus d'entretenir et de réparer la clôture du cimetière qui devait être béni et clos. Le respect de cette obligation devait entrer sans doute dans les attributions du fabriqueur.

Au moins à cause de cette participation financière, l'église était considérée comme appartenant à tous, les habitants s’y sentaient chez eux, et c’est naturellement sous son toit qu'avaient lieu les réunions de la communauté paroissiale. On en déduit que sa confiscation en 1791 par les révolutionnaires a dû révolté les habitants de Saint-André-Goule-d'Oie. À Saint-André, les réunions se tenaient sous le ballet, sorte de préau construit à l’entrée de l’église et adossé à elle, « suivant la convocation qui lui a été faite au son de la cloche à la manière accoutumée », indiquent les actes notariaux.

Le curé était le chef spirituel de la paroisse et les paroissiens lui devaient le logis (le presbytère) et les meubles, la dîme, le boisselage (impôts payés à l'Église), et le casuel (offrandes à l'occasion de certaines cérémonies, et donc versées au cas par cas, d'où son nom). Mais la principale charge des fabriques était l'entretien de l’église. Il n’entrait pas dans le rôle du fabriqueur de décider des grosses réparations. Ce type de décision était partagé avec le curé et les habitants. C’est ce que nous confirme l’acte d’assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d'Oie du 8 décembre 1784 (15). Un arrêt du parlement de Paris concernant le Poitou fixera en 1786 à 30 livres le montant des travaux d’entretien ordinaire que pouvait décider seul le fabriqueur. Au-delà il devait avoir l’assentiment de l’assemblée des habitants. L’arrêt n’a fait que préciser une règle déjà en vigueur (16).

L’assemblée des habitants en 1784


Nommé prieur curé de Saint-André-Goule-d'Oie depuis un an (17), Louis Marie Joseph Allain, avait probablement favorisé le changement de fabriqueur en septembre dernier. Maintenant il présentait aux habitants, en ce mois de décembre, deux projets : réparer l’église et bâtir un grenier au presbytère. Il avait préparé le terrain avant l’assemblée qui devait les entériner. Il leur en a « plusieurs fois fait part, leurs sentiments lui avaient paru conforme aux siens et ils désiraient autant que de vrais chrétiens le doivent, que leur église fut décorée de manière décente et telle que l’exige le culte de dieu et les ordonnances des prélats ».

Probablement que l’effondrement cette année-là d’une partie de la charpente de l’église de Sainte-Cécile, une paroisse voisine, lui avait donné à réfléchir. En tombant elle écrasa deux autels et la chaire (18). À Saint-André, il s’agissait concrètement de réparer la charpente et les boiseries des autels.

Déjà en 1764 on avait fait recarreler le sol de l’église. En 1780, on avait fait refondre la petite cloche, en place depuis 1721, par un fondeur de Nantes, pour obtenir une plus grosse cloche pesant le double. L’opération, qui avait coûté plus de 1060 livres, avait été décidée contre l’avis du prieur, par l’assemblée des paroissiens. Cette année-là, « Mme du Chaffault (belle-mère du seigneur de Linières) fit présent à l’église de l’ornement violet qui a une croix du roi de Sicile et une dentelle d’argent » (19).

Le curé a bien préparé son projet, et il propose à l’assemblée « d’abattre des arbres se trouvant sur les domaines dépendant de son prieuré, pour fournir aux réparations, ou d’en faire la vente pour les payer ». S’agissant d’user des biens du prieuré, les habitants n’avaient pas leur mot à dire, et le curé rappelle à cette occasion qu’il n’y a  « aucun revenu à leur fabrique ». Mais s’agissant de réparer l’église, les habitants devaient en décider. Le curé tient le discours suivant, reproduit dans l’acte notarié : « pour qu’à son avis, le lieu saint soit proprement tenu et convenablement décoré, et en même temps soulager autant qu’il est possible les habitants en cette dépense, il est prêt à accepter et approuver ce que fera celui d’entre eux que les habitants voudront nommer pour faire toutes les démarches nécessaires à l’exécution des réparations et obtenir la permission de faire abattre les arbres futaie qui sont sur les domaines du prieuré au nombre de 50 au plus, les habitants lui en laissant la charge et le soin, qu’il prendra très volontiers, pour d’autant plus leur faire partager son désir de participer aux réparations et décorations indispensables ». Et dans l’acte on lit que « après avoir entre eux (les habitants assemblés) mûrement réfléchi et délibéré sur la proposition ci-dessus, dont le sieur prieur leur avait auparavant déjà fait part, ont unanimement déclaré approuver son projet … et le prient de s’en occuper, en conséquence les habitants lui donnent tous pouvoirs nécessaire à cet égard, persuadés qu’il fera toujours pour le mieux comme il a fait jusqu’à présent, promettent d’approuver tout ce qu’il fera au sujet du projet indiqué ci-dessus, comme tout ce qu’il a fait, géré et administré jusqu’à présent avec leur consentement ».

À cet égard on note la présence dans l’assemblée de Simon Charles Guyet, l’actif gestionnaire de biens fonciers de toutes sortes affermés dans la région. Il est aussi maître de poste à Saint-Fulgent et père de Joseph, le futur 2e mari de la future châtelaine de Linières. C’est à titre d’expert qu’il est présent, en lien avec le curé apparemment. N’avait-il pas été nommé l’un des trois experts par décision de justice à Nantes pour faire les partages de la succession des domaines du seigneur de la Rabatelière en 1779 entre ses 6 héritiers ? (20). Les deux autres experts étaient notaires et arpenteurs, lui apportait son expérience de priseur pour estimer les biens. Le procès-verbal d’assemblée rappelle en particulier qu’il fallait obtenir la permission préalable du Conseil d’Etat du roi préparée par l’administration des Eaux-et-Forêts pour abattre des arbres futaies, c'est-à-dire ceux qui n’étaient pas ébranchés. Il s’agissait là d’une survivance du droit de gruerie reconnu au roi, et précisé dans la dernière ordonnance les Eaux et Forêts en 1669. C’est que pour les besoins en bois des chantiers navals, l’État s’assurait ainsi d’un approvisionnement suffisant. On a l’exemple en 1765 de l’autorisation royale au prieur de Sainte-Cécile de couper 13 chênes épars sur les haies et buissons de la métairie de la Caunais pour l’entretien de ses bâtiments dépendant du prieuré (21). Et Simon Guyet avait ses entrées partout dans la contrée, chez des seigneurs importants, dans les administrations et au chapitre de Luçon. On le soupçonne même d’avoir plusieurs fois obtenu des adjudications de coupes de bois où est nommé à chaque fois un Guyet, mais sans être certain que ce soit lui, à Saint-André, à Vendrennes, aux Essarts (22). 

Le deuxième projet présenté aux habitants par le prieur concernait son presbytère, et la décision relevait bien de l’assemblée réunie. Le prieur indique qu’il manque un grenier pour stocker ses blés. Avec une métairie, une borderie et des rentes payées en divers blé, ce stockage était nécessaire. D’autant qu’on y pratiquait aussi le droit de boisselage, représentant 54 % des revenus de la cure en 1770 (23). C’était une contribution en grains payée par les paroissiens, en plus de la dîme, à Saint-André. Là aussi le prieur avait une proposition intéressante à faire pour éviter de taxer les paroissiens : vendre des terres du jardin de son prieuré, car il y en avait beaucoup. Alors « ils consentent également que le sieur Allain prieur vende à telle personne et à tel prix qu’il jugera à propos, la surface de terrain de son jardin qu’il lui plaira, sans cependant le dévaloriser, pour employer le montant obtenu à la construction d’un grenier et autres réparations urgentes et nécessaires du prieuré qui seraient à leur charge autrement, bien entendu que si le prix de la vente des dites terres  ne suffit pas, le sieur prieur suppléera au surplus sans qu’il en coûte rien aux habitants ».

On retrouve cette implication des paroissiens pour faire des travaux dans le presbytère aussi à Saint-Fulgent en 1789. L’ancien curé Gilbert l’avait laissé dans un état détérioré faute d’entretien. Le nouveau curé Limouzin fit alors faire un état des lieux en présence des héritières de son prédécesseur et de représentants de la paroisse. Le procès-verbal de visite donne une idée intéressante et assez précise du mode de vie et du standing du curé de Saint-Fulgent à cette époque. Le devis des réparations se montaient à 758 livres. C’est l’assemblée des habitants de la paroisse de Saint-Fulgent qui décida que les héritières donneraient au curé Limouzin ce montant, à la charge à ce dernier de faire exécuter tous les travaux prévus dans un délai de 2 ans, pour lesquels il devait obtenir les quittances de chaque artisan (24). Cette décision mettait en application la règle voulant que les grosses réparations des presbytères fussent à la charge des paroissiens, alors que l’entretien locatif était à la charge du curé, ou de ses successeurs, ou de ses héritiers.

Il avait bien de la chance le prieur de Saint-André-Goule-d'Oie de pouvoir ainsi en 1784 disposer de quelques biens du prieuré pour entreprendre des améliorations. Le curé de Chauché n’avait pas cette chance, à moins qu’il n’ait pas su s’y prendre dans la même voie. Dans un acte d’assemblée des paroissiens de Chauché du 11 octobre 1789 (la dernière semble-t-il), on lit l’urgence de réaliser des travaux de réfection au presbytère pour un montant de 910 livres et la mauvaise volonté mise par certains habitants pour s’y résoudre (25). Et c’est le syndic Auvinet qui prit l’initiative en ce domaine.

À cette occasion on remarque que le châtelain de Linières faisait partie de ceux des paroissiens de Chauché se désintéressant de la question, alors qu’il était naturellement un des gros contributeurs avec ses métairies. À sa décharge, il faut rappeler qu’il n’était paroissien de Chauché que sur le papier et non dans la réalité.

À Mesnard-la-Barotière, la paroisse ne provenait pas d’un prieuré. Son desservant en 1786, le prêtre curé Michel Abraham Cornu, louait une maison avec un jardin dans le bourg de Mesnard, appartenant à la fabrique de la paroisse. C’était le presbytère ou un complément, nous ne savons pas. Le bailleur est représenté par le fabriqueur, le syndic et trois autres habitants du bourg. Le bail est convenu pour 7 années et un prix de 18 livres 5 sols par an, perçu par le fabriqueur. Avant sa conclusion, ses conditions avaient fait l’objet d’une « publication ordinaire pendant 3 dimanches consécutifs à l’issue de la messe paroissiale » (26).

À Saint-André-Goule-d'Oie le syndic, alors Jean Fluzeau habitant le village de la Brossière, et le fabriqueur en fonction, toujours Louis Loizeau habitant du village du Coudray, sont présents en 1784 et cités aux côtés du prieur dans l’initiative de la réunion de l’assemblée des paroissiens, même si c’est le prieur qui anime les débats. Cela était fonction de l’ordre du jour. Nous avons des assemblées où l’on parle de la collecte de la taille, c’est alors le syndic qui convoque et anime la réunion.

Autre particularité de cette réunion du 8 décembre 1784, la présence de « messire Augustin chevalier de Lespinay capitaine de cavalerie au régiment de Berry », le châtelain de Linières. Il n’a aucun rôle dans l’assemblée, et il est seulement cité en premier dans la liste des présents en signe de déférence. Il est vrai qu’il n’est pas seigneur des lieux, mais cela n’aurait rien changé, compte tenu de l’ordre du jour. Son activité de militaire l’éloignait souvent de son château et sa présence était liée à un congé probablement.

Outre les deux sacristains du moment, François Mandin et Pierre Michelleau (ce dernier élu par une assemblée en 1765), et les responsables déjà cités, on trouve dans l’acte notarié le nom de 28 autres personnes présentes. On ne notait pas tous les présents et une partie seulement de ceux cités signaient l’acte.

Pour terminer sur la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie, indiquons qu’après les violences de la Révolution française, Napoléon voulut faire œuvre de paix avec l'Église catholique. Dans cet esprit, il restaura la liberté d'exercice du culte et l'institution des fabriques d'église. Celles-ci vécurent alors jusqu'à la mise en application de la loi de 1905, dite de « séparation de l’Église et de l’État », qui remplaça les fabriques par des associations cultuelles, destinées à assurer l'exercice public du culte et à recueillir les biens des fabriques.

La fabrique de Saint-André comparé aux autres dans le Poitou.


Bourg de Saint-André-Goule-d'Oie autrefois
La découverte d’un inventaire des biens du prieuré et de la fabrique de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie nous permet de mieux situer celle-ci dans son environnement provincial (10). En effet, un juge des Essarts et le procureur fiscal compétent à Saint-André, celui de la baronnie Essarts, sont venus faire cet inventaire le 30 octobre 1787. Ce faisant ils exécutaient un arrêt du parlement de Paris, portant règlement, et prescrivant aux officiers de justice de réaliser l’inventaire des titres et papiers des prieurés et des fabriques des paroisses situées dans le ressort de la sénéchaussée de Poitiers.

Cet arrêt avait été motivé par l’absence de beaucoup de fabriques dans les paroisses rurales du diocèse de Poitiers en cette fin du 18e siècle. La gestion était assurée par les curés, ce qui était contraire aux règles canoniques, et pouvait prêter à des confusions entre les biens et revenus des cures et les revenus des offrandes par exemple. De plus, dans les paroisses pourvues de fabrique, il n’y avait souvent qu’un fabriqueur au lieu de deux. Et leurs comptes n’étaient pas toujours tenus avec rigueur et pas toujours contrôlés (27).

On le voit, la situation de Saint-André-Goule-d'Oie était bien meilleure que la moyenne en Poitou. Et à parcourir les minutes notariales, son cas n’est pas exceptionnel dans la contrée. Y avait-il une spécificité du bocage vendéen ? Il est vrai qu’elle n’avait qu’un fabriqueur, et que son mandat a pu durer bien plus longtemps que les deux ans voulus par la réglementation royale. Mais le fabriqueur rendait des comptes à un commissaire nommé spécialement à cet effet par l’évêché, en l’occurrence le curé d’une paroisse voisine comme nous l’avons vu.

Le prieur se plia donc à l’obligation de l’inventaire des titres et papiers de son prieuré, ce qui nous apporte des informations intéressantes, ayant été conservé. Deux fabriqueurs en exercice vinrent aussi rencontrer les officiers de justice. Ils s’appelaient Jean You et René Boudaud, tous deux bordiers. Ils avaient donc remplacé Louis Loizeau récemment, au terme de son mandat de deux ans. Voilà qui témoigne de la volonté sur place de se conformer à l’arrêt du parlement. Jean Bordron et Louis Loizeau, les anciens fabriqueurs, sont venus témoigner avec leurs successeurs, auprès des officiers de justice, que la fabrique de Saint-André n’avait pas de biens-fonds, et qu’on y tenait un registre des recettes et des dépenses, coté et paraphé par un greffier des Essarts. Il avait été contrôlé par le curé de la Rabatelière deux ans auparavant. Les anciens fabriqueurs étaient accompagnés dans cette rencontre très officielle du syndic de la paroisse, alors Jean Bordron (fils du précédent), qui deviendra maire en 1790, de Jean Fluzeau, l’ancien syndic, de Jean Rondeau et François Seiller.

Pour terminer nous reproduisons les principales mesures prévues par l’arrêt du parlement. On pourra ainsi confronter la réalité pratiquée dans la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie, avec les règles pensées par des magistrats parisiens, principalement sur la participation des habitants et le contrôle des fabriqueurs. Habitués par profession à la turpitude des hommes, comment des juges pourraient-il savoir qu’on les gouverne par la confiance ?

Ainsi, il sera convoqué dans chaque paroisse une assemblée générale composée du curé, des anciens fabriqueurs et autres principaux habitants payant au moins 12 livres de taille personnelle. L’assemblée fera le choix de deux habitants pour être, l’un fabriqueur comptable (comptabilisant les recettes et dépenses) pendant un an, et l’autre premier fabriqueur, remplaçant le marguillier comptable l’année suivante.

Chaque année il y aura deux assemblées générales des habitants : l’une pour l’élection d’un nouveau fabriqueur (pour un mandat de deux ans, dont la dernière année comme comptable), l’autre pour arrêter les comptes du fabriqueur comptable sortant, dans les trois mois suivant la fin de son mandat.
Chaque 1e dimanche de chaque mois se réunit une assemblée particulière composée du curé, des deux fabriqueurs, et des quatre derniers sortis de la charge de fabriqueur, ou à défaut de quatre habitants désignés en assemblée des habitants, où on décidera des adjudications des baux éventuels des biens, des réparations nécessaires, et des dépenses extraordinaires inférieures à 30 livres.

Pour les dépenses extraordinaires au-dessus de 30 livres, les emprunts, les procès, on décidera en assemblée générale convoquée par l’assemblée particulière. Un registre des délibérations sera tenu, coté et paraphé gratuitement par le juge local. Les participants aux réunions devront le signer et leur refus de le faire sera noté.

On fera faire par les officiers de justice des lieux l’inventaire des titres et papiers concernant tant les cures que les fabriques, qui seront déposés dans les coffres des fabriques fermées à 3 serrures, avec des clefs différentes : l’une pour le curé, l’autre pour le fabriqueur comptable et la troisième pour l’officier du ministère public du lieu, à défaut un habitant désigné par l’assemblée générale des habitants. L'argent sera déposé dans le coffre. Les papiers n’en sortiront et entreront qu’avec récépissé.

Enfin le juge et le procureur des Essarts ont « enjoint auxdits fabriqueurs nouvellement nommés de se conformer aux arrêts des 1e mai et 5 juillet 1786, de faire rendre compte à l’ancien fabriqueur ses comptes, et de tenir dans le coffre destiné pour mettre les titres ceux que possèdent la fabrique, qui doit être à trois serrures à clefs différentes pour être déposées entre les mains de ceux à qui elles doivent être remises relativement auxdits arrêts ci-dessus datés, dont nous avons derechef donné lecture audits fabriqueurs ».

Les fabriques ont été supprimées par la Révolution et rétablies par Napoléon. Celle de Saint-André-Goule-d’Oie a conservé la plus grande partie de ses archives pour le 19e siècle. Elles nous permettent d’en faire un récit pour cette époque, jusqu’à leur suppression à nouveau avec la loi de 1905. Voir notre article publié sur ce site en novembre 2018 : La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle.


(1) Abbé Yvon Marcoux, pages.infinit.net/eglisejc/mot-fabrique.htm L’Histoire des Fabriques paroissiales.
(2) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/5, assemblée des habitants de Mesnard du 2-2-1768.  
(3)  Frappier 3 E 30/10, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie du 12-9-1784.
(4)  Frappier 3 E 30/13, achat des métairies des Bouligneaux et du Bourg (Saint-André) le 10-6-1791 par C.A. de Lespinay aux La Laurencie.
(5) Le mot a ici un sens général qu’on peut traduire par agriculteur, ne précisant pas s’il s’agit d’un propriétaire ou d’un métayer.
(6) Souvent sous l’ancien régime, le village du Coudray est appelé dans les documents d’archives le Coudray Loriau, allusion peut-être au nom d’un propriétaire fondateur au temps du Moyen Âge.
(7) Archives de Vendée, registre paroissial de Saint-Fulgent, mariage de Louis Loizeau et Marie Anne Godard le 5 juillet 1758 (vue 66). Voir aussi notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, acte de communauté des Loizeau du Coudrais du 23-11-1788.
(8) Frappier 3 E 30/12, contrats de mariage des couples Godard et Chaigneau du 5-1-1788.
(9) Il fallait 20 sols pour faire une livre.

(10) Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d'Oie : 139 G 3 et 4, inventaire du 30-10-1787 des titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie.
(11) Archives de Vendée, Saint-André-Goule-d'Oie : 1 O art.632.
(12) Frappier : 3 E 30/8, assemblée d’habitants du 11-2-1776 à Boulogne.
(13) Frappier 3 E 30/3, inventaire après décès de Louis Corbier, sieur de Beauvais, du 8-2-1762.
(14) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière 150 J/C 17, positions contradictoires sur la dépendance de Saint-André-Goule-d’Oie à Linière et factum de M. du Plessis Clain contre M. La Brandasnière dans un mémoire de 1646.
(15) Frappier 3 E 30/10, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie du 8-12-1784.
(16) Arrêt portant règlement du 1e mai 1786 pour l’administration des biens et revenus des fabriques des paroisses situées dans l’étendue du diocèse de Poitiers.
(17) Voir sa biographie aux Archives de Vendée : dictionnaire des Vendéens.
(18) Archives de Vendée, registre paroissial de Sainte-Cécile en 1784, note en fin d’année du curé Dolbeq (vue 119).

(19) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 73-1 généralités sur Saint-André-Goule-d'Oie.
(20) Partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 57, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(21) Autorisation du 19-1-1765 de couper des arbres au prieuré de Sainte-Cécile, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte : B 1446.
(22) Martelage le 7-3-1783 d’arbres situés à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1461. Aussi ibidem : B 1465, martelage le 1-2-1790 d’arbres situés au Essarts.
(23) Marcel Faucheux, Un ancien droit ecclésiastique perçu en Bas-Poitou : le boisselage, Potier, 1953, page 137.
(24) Frappier : 3 E 30/12, assemblée des habitants de Saint-Fulgent du 11-10-1789 sur les réparations à faire au presbytère.
(25) Frappier 3 E 30/12, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Chauché du 11-10-1789.
(26) Frappier : 3 E 30/11, ferme du 30-5-1786 d’une maison par le syndic et fabriqueur au curé de Mesnard.
(27) Jacques Marcadé : Les fabriques rurales dans le diocèse de Poitiers (1750-1840).


Emmanuel François, tous droits réservés
Janvier 2013, complété en juin 2019

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