Pays d’agriculture et d’élevage, la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie n’a
pas fait parler d’elle dans les siècles de l’Ancien Régime. En dehors des
documents ecclésiastiques et seigneuriaux, le premier document de nature civile que nous avons
trouvé, où son nom apparaît en tant que paroisse, date du XVe siècle.
Il s’agit d’un compte
particulier des impôts mis à la charge
du Poitou par le roi Louis XI pour le déplacement de son artillerie de mai à
août 1479. Les 11 831 livres payables par le comté du Poitou étaient réparties
entre les quatre sièges des finances existants, à savoir Poitiers, Niort,
Fontenay et Thouars. Puis dans chacun d’entre
eux, les montants d’impôts étaient répartis entre les paroisses, elles-mêmes regroupées
par châtellenies. C’est ainsi que Saint-André-Goule-d’Oie se voit imposé d’à peine une
livre en 1479, mais ce seront 142 livres en 1480, 108 livres en 1488 et 10 livres
en 1490 (1). De quoi s’agit-il ?
Une livre de taille à payer en
1479 par les habitants de Saint-André-Goule-d’Oie
Louis XI |
Nous assistons dans ce document à la naissance du premier impôt direct
qui devint annuel, la taille royale. Il avait existé autrefois des tailles
seigneuriales, ayant disparue en presque totalité à la fin du Moyen Âge dans le
Poitou. À Saint-André-Goule-d’Oie on en a rencontré une
à la Milonnière en 1609, de 15 deniers, à cause de la seigneurie de Languiller. Le
nom de taille parait avoir désigné des redevances diverses, aussi appelées « aides ».
Il y avait ainsi l’aide aux quatre cas, ou la taille aux quatre cas, due au seigneur
par ses vassaux (lorsque lui-même ou son fils aîné était armé chevalier, pour la dot
de sa fille aînée, le paiement d’une rançon et le départ en pèlerinage ou en croisade). La taille était appelée ainsi parce qu’elle avait désigné autrefois un bâton de bois fendu en deux et sur lequel le collecteur d’impôt (qui ne savait pas toujours lire ni écrire, ainsi que les assujettis), pratiquait des entailles pour marquer les sommes reçues. L’un des fragments du bâton lui servait de rôle (titre de créance fiscale), l’autre était laissé au débiteur en guise de quittance.
Le 2 novembre 1439, les États généraux, avaient approuvé l'entretien d'une armée permanente pour pouvoir chasser définitivement les Anglais hors de France. Pour cela ils instituèrent ce nouvel impôt permanent qui sera prélevé dans chaque famille du royaume, à l'exception des nobles et des clercs. Il était présenté comme un rachat du service militaire. Les délégués accordent à Charles VII la permission de relever la « taille des lances » tous les ans, taille qui permet d'être exempté de l'engagement dans l'armée royale. Nous sommes à la fin de la guerre de Cent ans. Dans l’organisation sociale de l’Ancien régime, les principes voulaient que les clercs et les nobles, qui ne pouvaient se livrer à aucune activité lucrative, devaient être exemptés de cet impôt. Les premiers étaient voués à la prière, sans obligation militaire à racheter, et les seconds étaient voués à l'armée, sans faculté de rachat. Ainsi, les gentilshommes ne payaient pas la taille sur leurs biens nobles, obligés de participer aux convocations des bans. Mais il la payait sur leurs biens roturiers, ainsi que la dîme et la capitation, ancêtre de l’imposition personnelle et de la taxe mobilière.
Le 2 novembre 1439, les États généraux, avaient approuvé l'entretien d'une armée permanente pour pouvoir chasser définitivement les Anglais hors de France. Pour cela ils instituèrent ce nouvel impôt permanent qui sera prélevé dans chaque famille du royaume, à l'exception des nobles et des clercs. Il était présenté comme un rachat du service militaire. Les délégués accordent à Charles VII la permission de relever la « taille des lances » tous les ans, taille qui permet d'être exempté de l'engagement dans l'armée royale. Nous sommes à la fin de la guerre de Cent ans. Dans l’organisation sociale de l’Ancien régime, les principes voulaient que les clercs et les nobles, qui ne pouvaient se livrer à aucune activité lucrative, devaient être exemptés de cet impôt. Les premiers étaient voués à la prière, sans obligation militaire à racheter, et les seconds étaient voués à l'armée, sans faculté de rachat. Ainsi, les gentilshommes ne payaient pas la taille sur leurs biens nobles, obligés de participer aux convocations des bans. Mais il la payait sur leurs biens roturiers, ainsi que la dîme et la capitation, ancêtre de l’imposition personnelle et de la taxe mobilière.
L’intervention des États Généraux
Vers l’armée de métier ?
À partir de cette époque de la
fin de la guerre de Cent Ans, se met en place une armée permanente, dont les
soldats sont recrutés chez les volontaires et par racolage, à côté des milices
des villes recrutées par tirage au sort, et que la Révolution transformera en
garde nationale.
La transformation de la taille
royale, jusqu’ici épisodique, en taille perpétuelle, permit la création
d’une armée permanente au service du roi, ajustée à ses besoins militaires. Il
s’agit d’une réforme essentielle du mode de fonctionnement des armées à cette
époque. Elle fut associée au licenciement des compagnies inutiles qui
dévastaient et pillaient les campagnes quand elles n’étaient pas employées à la
guerre. Ces licenciements furent exécutés sous le contrôle rigoureux du connétable
de l’époque, Arthur III de Bretagne, à partir de 1440.
Dans le même temps on prit une autre mesure, en définissant la composition stricte d’une lance dirigée par un noble. Celui-ci devant rendre des comptes du respect de l’ordonnance et de la discipline de ses hommes. Il s’agissait ainsi d’éviter que chacun ne s’équipe pour d’autres activités que la guerre et cesse la pratique si répandue du pillage entre les batailles.
Un féodal requis en guerre, ou homme d’armes, ne pourrait avoir que quatre chevaux pour son usage particulier. Sa suite se composerait d’un coutelier, de deux archers, d’un page (jeune noble en service) et d’un varlet (jeune noble en apprentissage). Le noble devait répondre de la conduite de ces cinq personnes, et veiller surtout à ce qu’on ne vexât point les gens de la campagne. On assigna à chaque noble, pour lui et pour sa lance, une solde qui devait être payée mensuellement d’après une revue ou montre (3).
On sait que quelques féodaux mécontents firent de cette mesure un des prétextes à la Praguerie en 1440 (allusion à la guerre des Hussites de Prague), organisée autour de la Trémoïlle, en disgrâce après avoir été premier ministre. Ce fut une révolte de quelques féodaux contre l’autorité royale, comme il y en eu tant.
Les structures judiciaires, basées elles-mêmes sur les structures féodales,
sont les seules existant à cette époque dans le royaume de France. Au sortir du
Moyen Âge, il n’existait pas en effet de structures administratives, et les
châtellenies serviront de cadre seulement au groupes de paroisses
dans les circonscription financières des provinces. Les châtellenies
étaient des juridictions féodales, en même temps la plus petite
circonscription au Moyen-Âge. Dans d’autres provinces, la
châtellenie pouvait s’appeler autrement (bailliage, prévôté,
viguerie, vicomté). C’était le territoire soumis à la
juridiction du châtelain, ou plutôt de ses fonctionnaires
désormais. Au-delà de l’enchevêtrement
des juridictions féodales, la paroisse apparaît alors
la seule réalité sociale solide. C’est
à elle que sera confiée l’organisation de la collecte de la
taille, acquérant ainsi un caractère administratif.
Arthur III comte de Richemont |
Dans le même temps on prit une autre mesure, en définissant la composition stricte d’une lance dirigée par un noble. Celui-ci devant rendre des comptes du respect de l’ordonnance et de la discipline de ses hommes. Il s’agissait ainsi d’éviter que chacun ne s’équipe pour d’autres activités que la guerre et cesse la pratique si répandue du pillage entre les batailles.
Un féodal requis en guerre, ou homme d’armes, ne pourrait avoir que quatre chevaux pour son usage particulier. Sa suite se composerait d’un coutelier, de deux archers, d’un page (jeune noble en service) et d’un varlet (jeune noble en apprentissage). Le noble devait répondre de la conduite de ces cinq personnes, et veiller surtout à ce qu’on ne vexât point les gens de la campagne. On assigna à chaque noble, pour lui et pour sa lance, une solde qui devait être payée mensuellement d’après une revue ou montre (3).
On sait que quelques féodaux mécontents firent de cette mesure un des prétextes à la Praguerie en 1440 (allusion à la guerre des Hussites de Prague), organisée autour de la Trémoïlle, en disgrâce après avoir été premier ministre. Ce fut une révolte de quelques féodaux contre l’autorité royale, comme il y en eu tant.
Un impôt royal sans administration
Les paroisses des Essarts et de Saint-André-Goule-d’Oie dépendaient entièrement de la châtellenie des Essarts. Quoique la maison noble de la Coussaye aux Essarts, ait dépendu
de la châtellenie de Lande Blanche, qui était une annexe de la commanderie de
Coudrie, appartenant à l’ordre de Malte, comme la commanderie de Launay à Sainte-Cécile. D’autres paroisses dépendaient partiellement de la châtellenie des Essarts : Chauché (partie correspondant à
l’ancienne paroisse de la Chapelle de Chauché), Boulogne, la
Merlatière, Sainte-Cécile, Saligny, Saint-Martin-des-Noyers, Bourg-sous-la-Roche,
Chaillé-sous-les-Ormeaux, l’Airière. En dépendaient aussi les châtellenies
d’Aubigny (paroisse du même nom), de l’Aublonnière et de Morenne (paroisse de
Sainte-Cécile) (4).
La châtellenie des Essarts, entrant dans le ressort de la justice du
duché-pairie de Thouars, était rattachée aussi au siège des finances de
Thouars. À ce dernier étaient aussi rattachées les justices de Tiffauges, Mortagne
et Montaigu, celle-ci comprenant Bazoges, Chavagnes, les Brouzils, Vendrennes (depuis
1447), l’Herbergement-Ydreau et en partie la Rabatelière.
La justice de la châtellenie de Saint-Fulgent, qui relevait par appel du
marquisat de Montaigu, ne s’étendait que sur une partie de la paroisse. Il
semble que quelques maisons du bourg relevaient directement de la justice de
Montaigu. La plus grande partie de la paroisse relevait en appel de Tiffauges.
La haute justice de Chauché (partie autre que l’ancienne
paroisse de la Chapelle de Chauché), était celle de
Puytesson, relevant de la Jarrie (Saligny). Celle-ci faisait partie à
partir du 17e siècle de la
vicomté de la Rabatelière, Jarrie et Raslière. Nous avons plusieurs déclarations roturières à Languiller au 17e
siècle qui confirment que le bourg de Chauché était un territoire de ces
châtellenies à cause de Puytesson et de
la Jarrie (5).
Non loin se trouvait Saint-Martin-des-Noyers, qui dépendait en partie de la
châtellenie de la Grève, avec la paroisse du même nom, et celle de Sainte Catherine
de l’Airière, qui a disparu depuis. Cette châtellenie de la Grève n’avait pas
d’officiers de justice et les affaires étaient traitées par la justice des
Essarts. Elle dépendait néanmoins du siège des finances de Fontenay-le-comte,
comme celle de Mouchamps comprenant Saint-Vincent-Sterlanges.
Carte Cassini (18e siècle)
La "démocratie participative" pour remplacer les fonctionnaires
Dans le Poitou, pays d’élection
(6), ce fut l'intendant
qui répartira plus tard la taille entre les paroisses de la province. Puis dans les paroisses elle était répartie entre les contribuables en fonction de leurs revenus présumés. Elle était perçue par des collecteurs nommés par l'assemblée des chefs de familles aisés de la paroisse, appelés aussi
asséeurs. Pour assurer la rentrée de l'impôt, tous les habitants aisés d'un
village étaient solidaires vis-à-vis du Trésor. L'imposition
personnelle se basait sur le feu, c'est-à-dire l'âtre autour duquel sont rassemblés
le chef de famille, ses enfants, même mariés, et ses domestiques. Seul le nom
du chef de famille est indiqué dans les registres. Son montant est fixé
arbitrairement en fonction des capacités présumées de la population. En pratique c’était
un impôt sur les revenus, mais il se cotait sur les apparences de fortune. Les
paysans développèrent alors un réflexe de défense : paraître le plus pauvre
possible. On le voit, on est loin de la "démocratie participative", la formule consistant à pallier l'absence d'administration tout simplement.
Nous avons trouvé des
procès-verbaux d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie,
au XVIIIe siècle, dont l’ordre du jour était uniquement occupé à délibérer sur
des problèmes de collecte de la taille. Voir l’article publié en septembre 2013 : Les assemblées d'habitants à St André Goule d'Oie au 18e siècle.
Une autre conséquence de cet
impôt est d’avoir poussé au développement du bail à partage de fruits ou colonage
partiaire, au lieu du bail à fermage en valeur fixe dans l’agriculture (contrairement à l’Angleterre). C’est que, moins l’argent paraissait, et mieux cela valait (7). Cette idée avancée par certains historiens ne se
vérifie pas à Saint-André-Goule-d’Oie. Le bail à valeur fixe y a été largement majoritaire dans
la contrée au 18e siècle.
La population de Saint-André-Goule-d’Oie au milieu du 16e siècle
Le feu étant la plus petite unité de répartition de la taille, va devenir l’unité de base pour le décompte de la population sous l’Ancien Régime. Ce décompte s’est opéré par les dénombrements réalisés sous l’autorité des intendants, qui comptaient les feux. En revanche, les
comptes rendus
des visites diocésaines, comptaient
les communiants,
Pour Saint-André-Goule-d’Oie, nous
disposons d’un chiffre de 1 000 communiants en 1533. Ce chiffre ne comprend pas
les enfants, ni les protestants, ni certains privilégiés. S’agissant de cette
paroisse, seule la première catégorie d’exclus, les enfants âgés de moins de
quinze ans, (8) est à prendre en compte. Normalement, les paroissiens de
Chauché fréquentant l’église de Saint-André n’étaient pas compris dans ce chiffre,
sans que nous en soyons absolument sûrs dans les décomptes réalisés. Si c’est
bien le cas, cela veut dire que la
population de la paroisse était d’environ 1 200 habitants à cette date.
Le dénombrement de 1709, réalisé
par Charles Saugrain, donne un chiffre de 258 feux pour la paroisse de aint-André-Goule-d’Oie (9). Mais ce chiffre ne parait pas crédible. On voit Saint-Fulgent
avec 210 feux seulement, la Rabatelière avec 60 feux et Chauché avec 217 feux.
La paroisse des Essart, avec 407 feux, est qualifiée de ville, ce qui veut dire
qu’elle comportait au moins 2 000 habitants (10). Dans son avertissement
introductif, l’auteur écrit dans un nota : « On doit regarder le nombre de feux de chaque lieu comme plus curieux
que sûr, parce qu’il n’y a rien de plus sujet au changement ; mais comme
donnant cependant une idée approchante de sa consistance et de sa grosseur ».
La remarque s’applique bien à aint-André-Goule-d’Oie.
(1) L. de la
Boutetière, Rôles des Tailles en Poitou
au XVe siècle, Mémoire de la Société des Antiquaires de l’Ouest (1878),
page 499.
(2) L. B. Mer, Histoire des Institutions Publiques jusqu’à
la Révolution, 1967 (Faculté de droit de Nantes).
(3) Alexandre Mazas, Arthur III de Bretagne (4e édition, 1875), page 210 et 232.
(4) Beauchet-Filleau, Mémoire sur les justices royales, ecclésiastiques et seigneuriales du Poitou, (époque de 1787-1789), Mémoires de la société des antiquaires de l’Ouest (1884), page 417 et s.
(3) Alexandre Mazas, Arthur III de Bretagne (4e édition, 1875), page 210 et 232.
(4) Beauchet-Filleau, Mémoire sur les justices royales, ecclésiastiques et seigneuriales du Poitou, (époque de 1787-1789), Mémoires de la société des antiquaires de l’Ouest (1884), page 417 et s.
(5) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G
42, Languiller, Fiefs Toillet et Lantruère, aveu du 4-5-1611 de Jean Gaucher à Languiller
pour le fief de Lautruère Loriau.
(6) L'intendant,
représentant du gouvernement royal, répartissait les impôts avec l'aide des
"élus" au niveau local, d’où le mot de « pays d’élection ».
Dans les pays d'États (régime propre à certaines provinces),
comme la Bretagne, la fiscalité était réglée par une
négociation entre les trois ordres de la province, c'est-à-dire une assemblée
représentative de la noblesse, du clergé, et du tiers-état, et l’intendant. Les
États en assuraient la répartition entre les diocèses et les paroisses.
Il existait un autre régime
particulier, dit d’imposition, pour le Roussillon, l’Alsace, la Lorraine et la
Corse, les dernières provinces annexées au royaume de France, respectivement en
1659, 1681, 1766 et 1768.
(7) L. Rerolle, Du colonage
partiaire …, Chevallier-Marescq (1888), page 208.
(8) D’après M. Maupilier, Saint-Fulgent sur la route royale, Herault Éditions (1989) page 94.
(9) Charles Saugrain : Dénombrement du royaume par généralités,
élections, paroisses et feux (1709) – Google books – Généralité de Poitiers
et Élection de Mauléon, page 237.
(10) M. A. Corvisier, La société française au XVIIIe siècle,
1968, page 42 (Faculté des lettres de Nantes).
Emmanuel François, tous droits réservés
Mai 2012, complété en août 2014