Un des intérêts des baux écrits
de Joseph Guyet avec ses métayers entre 1800 et 1830, réside dans leur
illustration des techniques utilisées en agriculture à Chauché et aux
alentours.
Déjà, l’étude très précise de
Louis Merle en 1958, "La métairie et
l’évolution agraire de la Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la
Révolution", donne des informations intéressantes. Mais l’aire géographique
de la Gâtine poitevine, dans son étude, ne comprend pas la région de Chauché,
se concentrant sur l’est vendéen et une partie des Deux-Sèvres. Certains
critères mis en avant, comme les dates de débuts des baux, conduisent à ne
pas confondre les deux régions, selon l’auteur.
La "Statistique ou description générale du département de la Vendée" de
Cavoleau (1800), secrétaire général de la préfecture de Vendée, nous donne
aussi des informations intéressantes sur les activités agricoles et les
techniques utilisées dans notre bocage au temps de Joseph Guyet. Plus
intéressant, car plus précis, est le même ouvrage annoté par A. D. de La
Fontenelle de Vaudoré de 1844. Ces deux derniers documents sont accessibles par
internet.
Toutes les informations puisées
dans ces ouvrages, nous permettent de décrire l’activité agricole dans les
métairies de Linières, car les clauses des baux viennent confirmer et illustrer
ces informations. Plus que l’aspect juridique, c’est le contenu sur l’activité
agricole révélé par ces baux qui est surtout intéressant. Et derrière
l’activité, il y a les hommes et leur mode de vie.
Tous les baux écrits de l’époque
n’entraient pas dans les détails de l’activité agricole. Ce n’était pas
nécessaire car cette activité était encadrée par l’usage, qui s’imposait comme
source prépondérante d’obligations en ce domaine. Nous disposons, à titre
d’exemple de cette force de l’usage, d’un bail signé entre le propriétaire, un
bourgeois de Luçon, et le fermier, un marchand du village de la Brossière, le
4 décembre 1743. Il s’agit d’affermer une borderie au village de la Ridolière de Saint-André-Goule-d’Oie (1). Rien n’est dit sur les obligations locatives ni les
conditions d’exploitation. C’est pourquoi les baux de Joseph Guyet nous
intéressent, car ils entrent dans bien des détails.
La charrue et les autres instruments de travail
Araire des Égyptiens |
Charrue du Moyen Âge |
-
Un cep, pièce en bois d’un mètre de long, se
terminant à l’avant par une pièce triangulaire en métal, le soc. Un versoir ou
oreille rejetait la terre que le soc avait soulevée. C’était une planche en
bois disposée à angle aigu sur le cep.
-
Une perche de deux à trois mètres de long, se
dirigeant vers l’avant, adaptée au cep et qui recevait l’effort de traction de
l’attelage.
-
Le mancheron qui s’adaptait à l’arrière de la
perche sur le cep et servait à manœuvrer l’instrument.
Le bois de c ette charrue était souvent le vergne ou aulne, léger et facile à travailler. Le soc
de charrue provenait d’un vergne têtard plus dur. Ce dernier était aussi utilisé par
les sabotiers, et pour fabriquer des pots à vin et des coussottes (sceau à eau)
(3). La charrue ne
labourait pas profond et nécessitait une paire, voire deux paires de bœufs.
On attachait une paire supplémentaire de
bœufs en la reliant à celle de derrière par un aplet (perche en bois). De plus,
le laboureur devait appuyer sur la charrue à la force de ses bras pour l’aider
à s’enfoncer dans la terre. On labourait en sillons séparés par des raïzes
(entre-deux des sillons ou raies) le peu de terre remuée par le labour. Dans
une première opération d’écrêtage, on divisait l’ancien sillon en trois
parties : l’écrête du milieu restait en place et les deux côtés étaient
rejetés dans les raïzes adjacentes par l’oreille de la charrue. Puis dans une
deuxième opération de récurage, on fendait l’écrête du milieu, rejeté à droite
et à gauche, en un ou deux passages, selon qu’il y avait une ou deux oreilles
sur la charrue. Ces labours se faisaient au beau temps pour éviter de
s’embourber dans les sols trop humides. Parfois on recommençait le labour du
champ dans le sens perpendiculaire au précédent. On le voit, on ne labourait
pas vraiment, on binait surtout, favorisant en même temps la croissance des "mauvaises herbes". La tradition s’amuse à rappeler
la manière de toucher (conduire) les bœufs par les bouviers en dariolant
(chantant) pour les entraîner. Les noms des bœufs étaient associés par deux,
puisqu’ils travaillaient ensemble, non sans humour parfois : « L’amoureux-Galant »,
« Carreau-Cassé », Chatouillez-Nichons ».
Parmi les outils en fer, les principaux étaient les faucilles (à lame ouverte) qui avaient de petites
dents pour scier, plutôt que couper, les céréales. Le volant était une serpe à long manche pour émonder les branches
d’arbustes. Le croissant à long manche avait une lame courbe en forme de
croissant pour débroussailler les buissons. La fourche à fagots avait 2 dents
et un long manche. Le râteau servait à ramasser le petit bois et les copeaux.
Le maillet avait une masse de fer ou en bois (orme), servant à fendre les cosses
(bûches) à l’aide de coins métalliques. Le passe-partout était une grande scie
métallique munie à chaque extrémité d’une poignée, pour scier les cosses,
souches et troncs. La cognée était une hache servant à abattre les arbres ou à
les tailler.
Dail |
Les engrais
Au Moyen Âge et maintenant
Les engrais ou pourrains,
comprenaient les litières des animaux et les plantes pourries. Les fougères,
ajoncs, genêts, bruyères, provenant des champs de landes, mais aussi les
pailles, buailles (chaume), étaient répandues dans les trous des cours et des
chemins pleins d’eau pour y pourrir. On abourrait (répandait) ainsi les ruages
(chemins privés) pour obtenir un engrais appelé la bourrée, que l’on entassait
en fumier avant de le répandre dans les champs. On utilisait un maximum de 25 m3
à l’hectare en Gâtine poitevine. Son utilisation était obligatoire dans la
métairie et les baux interdisaient de la vendre. À titre d’exemple une clause
du bail de la métairie de la Gagnolière (les Essarts), indique en 1826 que les
fermiers s’obligent « de consommer
sur les lieux tous les fourrages ainsi que les landes, ajoncs, et autres
produits pouvant servir aux engrais. » En 1822, le bail de la métairie
de la Fontaine (Saint-Fulgent) dit clairement : « ils convertiront en fumier pour l’engrais des dites terres, toutes les
productions à ce destiné sans pouvoir en vendre ni détourner aucune partie en
façon quelconque. » En 1824, le bail de la métairie du Bourg de Saint-André-Goule-d’Oie précise : « Il
est interdit aux fermiers de faire aucun déplacement ou enlèvement de terre
dans les jardins sous prétexte de l’employer pour fumier d’engrais sans la
permission express du propriétaire. » C’est qu’il existait une
pratique chez les mauvais métayers, bien à courte vue, consistant à répandre de
la terre de jardin dans les champs en guise d’engrais. Leur précarité dans des
baux de cinq ans peut aussi expliquer leur tentation pour cette pratique.
Par contre on ne relève aucune
trace dans les baux étudiés de l’écobuage pour obtenir de l’engrais. Il n’était
sans doute pas pratiqué dans la région mais l’a été ailleurs dans le bocage.
Cela consistait à enlever au printemps des carrés de surfaces gazonnées et à
les mettre en tas les uns sur les autres, la partie gazonnée en bas. Les tas
séchaient jusqu’à l’été, puis on les brûlait alors à l’étouffé. Les cendres étaient
enfin étendues sur la terre quelques jours avant les semailles. La méthode épuisait
très vite les sols et coûtait cher. Les brûlis ont pu exister, mais
sans qu’ils soient évoqués dans nos baux. Ils consistaient à produire des
cendres, utilisées comme engrais, en brûlant des plantes sauvages (ajoncs,
bruyères et fougères). Ils apportaient soude et potasse à la terre. Notamment le genêt était la plante principale des pâtis ou terre en
jachère. En le brûlant, la cendre enrichissait le sol en azote (3). L’usage des cendres du marais
était marginal à cause de son coût, considéré comme élevé.
Les terres du Bocage, acides et
grasses, nécessitaient, plus qu’en plaine, des moyens pour améliorer leur
fertilité. On a par exemple une indication d’une sorte de gisement de marne à
la métairie de la Roche au Roi (Saint-Fulgent), lors de sa visite du 10 mai 1824
(4). Les experts notent alors que dans le champ de la Landette, le long de la
grande route, qu’« il y a été tiré
de la terre de maçon ». Les engrais étaient réservés aux
céréales nobles et il en manquait pour les fourrages, et pour envisager de
créer des prairies artificielles.
Mine de charbon de Faymoreau (Vendée)
|
C’est le fils de Joseph Guyet qui
connaîtra ces progrès à la fin de sa vie, et surtout ses successeurs. Les baux de notre période ne s’appliquent qu’aux
techniques d’avant, que nous venons de décrire. Et de ces techniques, il s’en
suit un système ancestral d’assolement des terres, peu productif.
Les règles d’assolement
En général une métairie
comprenait une petite part en pairies naturelles, ouches, jardins et vergers,
et le reste en trois parties, la première ensemencée en grains et cultivée de
fourrages, la deuxième en jachère annuelle et la dernière en jachère
permanente, qu’on appelait pâtis ou landes.
Les terres étaient emblavées
(ensemencées) deux années (la première en blé, la deuxième en d’autres espèces
de céréales ou plantes fourragères), puis laissées en guéret (terre labourée
non ensemencée), c'est-à-dire en jachère (repos) la troisième année, le tout
pendant un cycle de six à huit ans. Après quoi le champ était abandonné à
lui-même pour devenir un pâtis, servant au pâturage, qu’on appelait aussi une
lande. Il entrait en jachère permanente, quoique ce dernier mot ne soit pas à
prendre au pied de la lettre. Mais si cette terre ne produisait pas d’elle-même
des genêts par exemple, on en plantait avec les dernières semailles qui
précédaient l’abandon en jachère permanente. Puis on cultivait ces landes en
laissant une largeur suffisante entre les sillons, où poussaient genêts,
ajoncs, bruyères, fougères, suivant la nature du sol. On laissait les plantes
croître pendant trois ou quatre années, avant de faire pacager le champ. On a
vu que les genêts servaient à fabriquer les bourrées (engrais de plantes
pourries), mais on pouvait aussi les vendre, ainsi que les ajoncs, pour
alimenter les fours à chaux et à tuile de la région. Ainsi les jachères
permanentes subsistaient de six à dix ans et ensuite on les défrichait pour les
convertir en terres labourables, mettant fin à un cycle complet d’assolement de
la terre.
Ces règles de jachère étaient gravées
dans le marbre. La coutume du Poitou qui s’appliquait sous l’Ancien Régime,
écrit dans son article 104 pour les terres labourables seulement :
« Quant aucun tient terre à terrage (6) au pays de bocage, il doit à tout le moins
avoir emblavé la tierce partie, l’autre tierce tenir en guérets (terre en
repos) et l’autre tierce partie laissée en pâturage (pâtis). Et au pays de
plaine, il doit emblaver la moitié et
l’autre moitié avoir en guérets » (7).
Ces règles, appliquées avec des
accommodements propres à chaque petite région, quoique souffrant des calamités
climatiques, étaient une exigence pour le propriétaire qui ne voulait pas voir
épuiser le sol. Le métayer entrant voulait une surface suffisante de terre à
ensemencer. Le collecteur d’impôts voulait des revenus constants d’une année
sur l’autre. La taille répartie entre les propriétaires était répercutée sur
les métayers, et l’appauvrissement de ces derniers constituait une charge pour
les autres. Elle était répartie en effet au sein des paroisses entre les
familles en fonction du revenu apparent.
Certains baux de Linières ont
tenu à rappeler au respect de ces règles. Ainsi le bail des métairies de la
Touche et de Bellevue (les Essarts) en 1823 dispose que les métayers « promettent de labourer, fumer, cultiver,
ensemencer par soles de saisons convenables ». En 1826, la clause
ajoute qu’ils s’obligent : « de
lever (premier labour) chaque année une quantité convenable de landes et de les
laisser en bon état de culture et de se conformer pour l’ensemencement et les
guérets à l’usage des lieux. » En 1822 le bail de la métairie de la
Fontaine (Saint-Fulgent) comporte cette clause : « Ils (fermiers) laboureront, cultiveront, sèmeront et ensemenceront les
terres par soles et guérets sans pouvoir les surcharger, ni
dessaisonner. Ils laisseront quantité de guérets anciens et nouveaux lors
de leur sortie, suivant les usages locaux. » Parfois le propriétaire
met les points sur les « i », montrant qu’il surveille l’application
des règles, comme à la métairie de la Mauvelonnière (Chauché) : les
fermiers « s’obligent également à
jeter à plat et à laisser en bonne nature de pré et en état de fauche le pré
dit le pré Long des Landes qu’ils ont ensemencé depuis plusieurs années. »
Et cinq ans plus tard il précise pour le même pré : « le pré dit le pré Long des Landes, devant
être en nature de pré au terme du présent bail, il ne pourra être labouré, les
preneurs devront le faucher et le laisser en bonne nature de pré à faucher. »
Terre en jachère |
Ce respect des règles
d’assolement conduisait le propriétaire à surveiller les défrichements des
jachères permanentes. Il avait adopté des durées de baux de cinq ans en
général, n’intégrant pas le cycle, parfois du double, de ces jachères souvent
appelées landes. Ceci l’amenait à inclure des clauses propres à ces
défrichements et propres à chaque bail dans la moitié des baux de l’échantillon
étudié. Elles concernaient tant les baux à colonage partiaire que les baux à
prix fixe. Il y en avait de deux sortes : celles qui désignaient les champs à
défricher et les travaux à y faire (40 %), et celles qui fixaient une surface à
défricher dans un temps imparti (60 %).
Ainsi pour la métairie des Noues
(Saint-André-Goule-d’Oie) en 1816, il est indiqué que les preneurs s’obligent
« de lever (premier labour) pendant
le présent bail les deux champs des Landes et le champ Bruleau ». En
1823 à la Mauvelonnière (Chauché), « les
preneurs s’obligent à lever, dégâter (enlever les plantes sauvages) et mettre
en bon état de labour le champ des landes de la moitié actuellement en landes
qui sera laissée en nature de terre labourable et en bon état à la fin du
présent bail ». En revanche pour la métairie du Bourg (Saint-André-Goule-d’Oie), la clause indique en 1824 et 1828 que les preneurs « s’obligent à les dégâter et mettre en bon
état de labour la quantité de cinq boisselées de landes. » De même,
pour la métairie de la Grande Roussière (Saint-Fulgent), le bail précise en 1822
que les preneurs « … défricheront annuellement 72 ares 90 centiares ou 6 boisselées, mesure
locale, de landes. Néanmoins cette quantité n’est pas rigoureusement exigée
chaque année, pourvu qu’il s’en trouve à l’expiration du présent bail 3 ha, 64
a, 50 c, 30 boisselées de défrichés, qu’ils renfermeront dans une clôture morte
dont le bois sera pris sur ladite métairie. »
Métairie des Noues (Saint-André)
|
À cette occasion nous voyons le
notaire indiquer les surfaces avec les deux mesures employées. Celles que tout
le monde utilisait, la boisselée, et celle qui avait seule valeur légale, et
que le notaire était bien obligé d’écrire, l’hectare avec ses subdivisions. Si
la mesure légale était la même pour tous, la boisselée variait en fonction des
anciennes juridictions seigneuriales de l’Ancien Régime. Le notaire précisait
parfois quelle mesure locale il appliquait. Faute de le faire ici, cela veut
dire qu’il s’agit de la mesure locale du lieu loué. Il faut savoir que la
boisselée de Saint-André était celle des Essarts (1216 m2) et d’une
partie de Chauché. L’autre partie de Chauché appliquait la mesure de la Jarrie, dite de la Rabatelière (1046 m2). Enfin à Saint-Fulgent, la boisselée valait 1215
m2, comme on le voit dans notre exemple. C’est à la fin du 19e
siècle qu’on décidera d’unifier la valeur d’une boisselée pour tout le canton
de Saint-Fulgent à 10 ares ou 1000 m2 (8). C’est dire que la boisselée
a survécut longtemps dans l’usage, malgré son défaut de valeur légale et ses
différences de valeur entre communes.
Le défrichement consistait à
araser le sol après avoir enlevé les érondes (ronces) et coupé tous les genets,
ajoncs etc. qui se trouvaient dans la lande. On enlevait les mottes d’herbes pour dégager la terre
arable sous-jacente. L’opération s’appelait pelage, et certains journaliers
s’en faisaient une spécialité, on les appelait des « peliers » (9). En novembre et décembre on
labourait avec un fort attelage de bœufs. Un deuxième labour et hersage
s’effectuaient au début du printemps suivant, qu’on recommençait à la fin du
printemps. En août on labourait une quatrième fois pour former les sillons et
on recommençait une cinquième fois pour les semailles en octobre. L’année
suivante on semait souvent sur un seul labour.
Enluminure |
Ces règles d’assolement, on
l’aura compris, résultait de l’état des techniques utilisées. Elles ont
déterminé elles-mêmes l’orientation de l’activité agricole vers la culture
principalement, ne faisant presque de l’élevage que son accessoire sur les sols pas assez humides et trop acides. En final,
on va constater que la richesse produite va dépendre de la taille de
l’exploitation. Compte tenu de la part d’environ un tiers à la moitié de sa
surface utile à la culture, produisant les trois quarts des revenus, une
borderie de 5 ha produisait peu de richesse et enfermait son propriétaire
exploitant dans une économie de subsistance, l’obligeant même le plus souvent à
une activité complémentaire. Par contre, une métairie de 40 ha, produisait de
la richesse pour le métayer, bien au-delà du fermage à payer. On comprend aussi pourquoi le
métayage de la petite borderie ne pouvait exister qu’en association avec
d’autres surfaces à cultiver. Sa dimension réduite ne pouvait offrir, à elle
seule, qu’un espace de propriété.
Mais ce constat pour la grande
métairie trouve sa limite dans le coût de la main d’œuvre. Il était réduit dans
les communautés familiales composées du père et de ses enfants, ou de plusieurs
frères et beaux-frères. Cette communauté ne pouvait exploiter une trop
grande surface sans faire appel à une main d’œuvre supplétive qu’il fallait
payer. Au-delà d’une certaine surface, la création marginale de richesse
diminuait sensiblement.
Quand, à partir des années
1840/1850, la révolution de la charrue en métal et du chaulage des terres va modifier les règles d’assolement, et
augmenter les possibilités d’élevage, on va voir les exploitations se démembrer
pour répartir les revenus sur un plus grand nombre d’entre elles. En devenant
plus petites elles se sont adaptées à la dimension intangible des communautés
de métayers. C’est que la structure de ces communautés familiales n’a pas
changé tout au long du 19e siècle, et la révolution technique, ne
concernant que l’outil de travail, a été mise à leur service dans un premier temps, ne faisant
que retarder, semble-t-il dans un deuxième temps, l’exode rural. Au départ, outil d’adaptation à
une nécessité technique, les communautés familiales étaient devenues une norme
sociale. Elles disparurent au 20e siècle avec l’évolution des mœurs.
Les défrichements de bois
Les bois futaie (à usage du bois
de charpente) et les taillis (à usage de bois de serpe ou chauffage) étaient souvent réservés par le propriétaire dans les baux des métairies pour garder le
produit des ventes. Les coupes devaient alors obéir à l’Ordonnance royale des
eaux et forêts, celle-ci ayant pour but de réserver à l’État la priorité du
bois de charpente nécessaire aux constructions des bateaux (10).
Aux Landes-Génusson, Joseph Guyet vend sa superficie de bois qui est sur la pièce de terre dite du Bois de la Cure, faisant normalement partie de la métairie de la Godelinière, à Gabriel Maillard forgeron demeurant au bourg de la commune, le 24 octobre 1827. Le prix de vente est de 200 F et le délai maximum pour faire les coupes et arrachages est fixé au mois de mai 1830. Après quoi, les portions de terrain seront déblayées et labourées de suite « de telle manière que la pièce de terre soit mise en bonne et pleine culture. »
C’est une autre opération de même
nature qui est convenue dans le bail de Villeneuve (Chauché) signé le 8 juillet
1829, Joseph Guyet afferme la métairie pour le prix de 720 F par an pendant
sept ans, durée inhabituellement longue chez lui. Les nouveaux fermiers,
originaires du bourg des Brouzils, sont trois couples : Bossu, Brodu et
Belamy. Ils s’engagent à garder le métayer actuel dans le même statut de
colonage partiaire et sont donc autorisés à sous-affermer, c’est le seul cas
rencontré de sous-affermage. De même, « Il
est observé qu’une partie des bâtiments de Villeneuve est occupée par la veuve
Fonteneau qui est fait à titre de bail verbal. Les preneurs sont chargés de
l’exécution de son bail ou de le résilier si bon leur semble à leurs risques et
périls. » L’objet principal du bail est de défricher le bois futaie de
la métairie « pour mettre en
emblaison (ensemencé) en 1836. Le bailleur fait faire les fossés et les
preneurs feront les haies. Le champ de Vergnasse sera dégâté (enlever les
plantes sauvages) puis ensemencé et ensuite mis en pré. Seront également mis à
plat et laissé en nature de pré deux ans au moins avant la fin du bail les deux
parties du pré dit Etang de la Morlière qui se labourent actuellement, alors
que le métayer était tenu de mettre à pré. Il est interdit de faire pacager sur
les nouveaux prés ainsi disposés dans les temps et saisons pluvieux et où les
bestiaux seraient dans le cas de faire des dégradations. » Ce
défrichement ne concerne pas néanmoins le bois taillis connu sous le nom de
Gîte des Vergnais et celui connu sous le nom de Petite Gîte de la Pague.
Dans le même esprit de
restructuration de l’espace dédié à l’agriculture, Joseph Guyet a entrepris de
faire creuser par les métayers un important fossé dans la métairie du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, en 1828. Il s’agissait de partager le champ du Martinet
en deux parties égales par un nouveau fossé de trois mètres de large, garni de
gazon mais aussi planté « tout du
long de plants d’aubépine et de jets d’arbres de bonne semence de trente mètres
de distance, greffés à bons fruits ensuite. »
Article à suivre …
(1) Bail du 4-12-1743 de P. Coutouly à F. Fluzeau, Archives départementales
de la Vendée, Don Boisson : 84 J 30.
(2)
Louis Merle, La métairie et l’évolution
agraire de la Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Éditions Jean Touzot, SEVPEN, Paris, 1958.(3) Anneau en nerfs de bœuf ou en
chêne tressé, Christian Hongrois, Bocage Vendéens Des haies et des hommes,
La Geste, 2024, pages 216, 266, 157 et 249.
(4) Visite du 10 mai 1824 de la métairie de la Roche au Roi, Archives
de la Vendée, étude de notaire de Saint-Fulgent, papiers Guyet : 3 E
30/138.
(5) Statistique ou description générale du département de la Vendée de Cavoleau, annotée par A. D. de La Fontenelle de Vaudoré, 1844.
(8) Archives de la Vendée, Usages locaux du canton de Saint-Fulgent (édition 1897).
(5) Statistique ou description générale du département de la Vendée de Cavoleau, annotée par A. D. de La Fontenelle de Vaudoré, 1844.
(6) En Poitou le terrage était un droit très répandu de gerbes de blé
et de légumes dus au propriétaire par le tenancier d'une terre cultivée. Accompagné d’un cens,
c’était une simple charge foncière. S’il était seul, sans le cens, c’était un
droit seigneurial emportant les autres (lods et ventes etc.).
(7) Cité par L. Merle dans l’ouvrage
indiqué ci-dessus (note 4).(8) Archives de la Vendée, Usages locaux du canton de Saint-Fulgent (édition 1897).
(9) Livre de recettes en argent
de la Rabatelière (1730-1768), Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/K 6, pages 42, 54, 103 et 118.
Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2012, complété en juillet 2024
POUR REVENIR AU SOMMAIRE
(10) Ferme du 12-7-1786 de la
métairie des Renardières, Archives de la Vienne, Dossier Mme Duvigier/Lepinay :
1 Q 228 no 234.
Octobre 2012,
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