Aux Essarts la rue des Bouchauds
est située
dans le lieu de l’ancien logis
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À cinq cent mètres au nord du
château des Essarts, se trouvait une petite seigneurie appelée les Bouchauds.
On ne connaît pas l’étendue de ses terres, mais on a repéré qu’elle possédait
des droits féodaux sur certaines terres situées sur la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, notamment aux villages de la Bergeonnière, la Maigrière, la
Mancellière, la Roche Mauvin et la Boutinière.
Dans un aveu de 1550, l’hôtel des
Bouchauds est décrit en ruine depuis longtemps et transformé en jardin. Il
avait appartenu, « jadis »,
est-il écrit, à « Jehan des Bouschaux, lors seigneur de la Gaiginière ». Cette
maison était située de l’autre côté d’un chemin la séparant de la maison noble
de la Ramée, appartenant au même seigneur que celui qui
possédait l’emplacement de l’hôtel des Bouchauds, à cette date le seigneur de
Languiller (Chauché) (1). Ces deux lieux nous confirment qu’un certain nombre
de vassaux du baron des Essarts habitaient à proximité du château. Comme la Ramée et le Coin, les
droits seigneuriaux de ce fief, après la ruine de ses seigneurs, sont tombé en
possession de Languiller. Pour le Coin cette ruine est en rapport avec les
désastres de la 2e moitié du 14e siècls, guerriers,
épidémiques et climatiques. Il en a probablement été de même
pour les Bouchauds et la Ramée.
Languiller achète la moitié des Bouchauds en 1437
L’achat de l’hôtel des Bouchauds par Jean de Sainte-Flaive en 1437 est
mentionné dans un mémoire vers 1680 disant que Languiller est seigneur
chemier des Bouchauds, conservé dans le chartrier de la Rabatelière (2). Mais l’auteur
du mémoire a dû mal copier des noms et des dates, quand on compare son texte
avec les notes d’Amblard de Guerry sur cet achat (3). C’est le 17 novembre 1437,
en effet, que Jean de Sainte-Flaive, seigneur de Languiller, fait un échange
avec Bertrand de Pouez écuyer seigneur de Gastinie
et du Pin (Ille-et-Vilaine), par lequel il reçoit l’hôtel des Bouchauds et des
droits et héritages en la seigneurie de Sainte-Flaive, du Luc et de Beaufou. Bertrand
de Pouez était alors capitaine au château des Essarts, et l’échange a eu lieu
en présence du fils aîné de Jean de Sainte-Flaive, Philibert de Sainte-Flaive, et
d’un notaire des Essarts, Guillaume Durand, et d’un notaire de la Merlatière, Bertrand.
Bertrand de Pouez avait acquis le 19 juin précédent de Catherine Chevallier, veuve de Pierre
Garnier, lequel l’avait acheté le 9 juillet 1436 d’Aubin d’Aubigné (4). On ne sait pas depuis quand Aubin
d’Aubigné possédait les Bouchauds. Mais vers 1418 Jean des Roullins signe les
comptes de cette seigneurie qui appartenait alors au comte de Penthièvre (5),
le mari d’Isabeau de Vivonne. Apparemment celui-ci la possédait entièrement, et
il en aurait vendu la moitié un peu plus tard. Mais on n’en est pas absolument
certain, et peut-être était-elle déjà partagée à cette date. En tout cas elle
l’était au moment de son acquisition par Languiller suivant le mémoire daté de
1680.
Ce partage, par moitié chacun des Bouchauds, porta sur les redevances
seigneuriales, abonnées et casuelles, entre les Essarts et Languiller. La
situation ne manquait pas d’ambiguïté, car pour sa moitié des droits,
Languiller en rendait hommage aux Essarts. Et le baron des Essarts en rendait
hommage à Thouars.
À la fin du 17e
siècle, le seigneur de Languiller, Philippe Chitton, fit querelle aux Essarts
pour revendiquer le statut de seigneur chemier des Bouchauds, que prétendait
aussi les Essarts (4). Le chemier représentait et garantissait les autres
possesseurs de fiefs dans la mouvance des Bouchauds, dont le seigneur des Essarts,
dans l’hommage à rendre au suzerain des Essarts. On appréciera le mode de
pensée du droit féodal ! L’enjeu de cette querelle était que le chemier
seul avait le droit de faire une retenue féodale en cas de vente dans la
seigneurie des Bouchauds.
Au milieu du 16e siècle, et peut-être avant,
il apparaît donc que la seigneurie des Bouchauds n’a plus de maisons ou logis
habitables près du château des Essarts. Son propriétaire a acensé le terrain où
se trouvaient les bâtiments (4). Mais il reste une métairie et les droits
féodaux, inaliénables, portés par les terres concédées autrefois à des
tenanciers devenus propriétaires. Ils suffisent à faire vivre, à eux seuls,
dans les papiers des notaires, la seigneurie des Bouchauds, encore pendant plus
de deux siècles jusqu’à la Révolution française. C’est ainsi que dans l’acte de
vente de Perrine Bruneau à Agnan Fortin du 11 novembre 1789, de la métairie de
la Boutinière de Saint-André-Goule-d’Oie, il est précisé qu’elle relève roturièrement
du fief des Bouchauds (6). Et dans toutes les
déclarations et aveux qu’on rencontre sur la seigneurie des Bouchauds, les
redevances perçues sont partagées par moitié entre la seigneurie de Languiller
et la baronnie des Essarts.
La seigneurie des Bouchauds réduite à ses redevances
Ces droits féodaux avaient pour
fondement légal le droit de propriété. Ils ont été supprimés sans indemnisation
lors de la Révolution française, après des hésitations. Au lieu de cette spoliation, on aurait pu les racheter suivant
diverses modalités. Mais c’eût été emprunter la voie de la réforme, peu
conforme, il est vrai, aux traits dominants des traditions françaises française. Attirée par la passion des idées, celles-ci se sont laissé tenter par la logique révolutionnaire. Et puis il y eut des révoltes
paysannes, basées notamment sur une incompréhension des mesures prises en août 1789, et en
partie responsables de la voie choisie de non indemnisation.
Ce qui est intéressant de noter
ici, c’est que la situation à la fin du 18e siècle existait déjà de
manière caricaturale dès le 16e siècle pour la seigneurie des
Bouchauds. Ces droits n’avaient aucune contrepartie en matière de justice, de
défense ou autre, la famille du seigneur fondateur ayant elle-même disparue ! Ils se sont
transmis ensuite comme on achète la clientèle captive d’un fonds de commerce. Ils
ont connu ainsi la longue vie des droits acquis dans la France de l’Ancien Régime.
rue de la Ramée aux Essarts, près de la rue des Bouchauds |
La seigneurie des Bouchauds
possédait aux Essarts la mouvance sur le fief de la Vrignonnière, le fief
Maitre Mille (7), et le fief de l’Ansonnière (8). Elle était suzeraine à
Saint-André-Goule-d’Oie des fiefs de la Roche Mauvin et de la Mancellière, et
possédait les droits de fiefs sur les tènements de la Boutinière, la Maigrière,
la Racinauzière, la Sigoninière (village situé près de la Jaumarière et
aujourd’hui disparu), et la Bequetière (tènement sans habitat situé près de la
Brossière). Avec le seigneur du Coin elle se partageait la mouvance sur le
village disparu de la Bucletière (près de la Maigrière).
Vente et retrait féodal du baron des Essarts
Le 30 août 1551, ce fief va être
vendu par le baron des Essarts (9) à un seigneur angevin, Léonard Bourgeois, écuyer demeurant à Fontaine-Guerin (10) en Anjou. Du moins la partie des émoluments
(revenus) du fief appartenant à la baronnie des Essarts.
La description du fief dans
l’acte de vente est la suivante : « terrages de blé (11), cens, rentes, tant en blé que poulailles étant des
appartenances des dits Bouchauds ». Mais la vente ne comprend pas la
maison en ruines, le jardin et les droits de rachats, de patronage et de
fermage, non plus que la borderie. Pour ce qui reste du peu de propriété directe, les domaines seront
gérés par les fermiers de la baronnie des Essarts. Un bail de 1721 indique « la
maison, jardin et pré des Bouchaud et ses appartenances » (12). Dans la saisie de la baronnie des
Essarts en 1757, on indique « la
borderie appelée des Bouchauds située en la paroisse des Essarts, bâtiments, cour,
jardin, terres et pâtis en dépendant ».
Le vendeur était alors Jean IV de Brosse. Il avait été fait duc
d’Étampes par François Ier, en récompense d’avoir épousé la maîtresse du roi,
Anne Pisseleu. Le roi attribua ensuite le duché d’Étampes, à la mort de Jean de
Brosse, à une autre de ses maîtresses : Diane de Poitiers. L’héritier de
Jean IV de Brosse, Bastien de Luxembourg-Martigues, recueillit les terres de
Penthièvre et des Essarts notamment, de son oncle, mais pas du duché d’Étampes.
Jean IV de Brosse |
La vente des Bouchauds se fit
pour un montant de neuf cent deux livres quatorze sols tournois, payé comptant.
L’acte rappelle bien sûr que le
fief est tenu de la baronnie des Essarts à foi et hommage, avec « douze deniers de devoir annuel à être payé à
chacun an et chacune fête de noël, et à rachat quand le cas il adviendra ».
Déjà avant 1551, le duc d’Étampes
avait vendu certains domaines dépendant du fief des Bouchauds. Il avait aussi vendu d’autres domaines dépendant des
Essarts.
Une vingtaine d’années après,
Marie de Beaucaire (1535-1613), veuve de Sébastien de Luxembourg (1530-1569), successeur du duc d'Étampes, rachète le fief des Bouchauds. À noter que c’est Sébastien
de Luxembourg qui devint duc de Penthièvre en septembre 1569.
S’agissant d’une transaction
entre le suzerain et le vassal, on peut se demander s’il ne s’agit pas de
l’exercice du retrait féodal. À moins que Léonard Bourgeois, envisageant de
revendre son acquisition, ait anticipé le droit qu’avait son suzerain d’exercer
un acte de retrait féodal. Celui-ci consistait à faire annuler la vente d’un
bien de son vassal et de le reprendre au prix convenu avec l’acheteur. Dans un
bail à ferme de la même année, il est indiqué que ce rachat des Bouchauds a bien
été fait par retrait féodal.
Lamballe, capitale du duché de Penthièvre |
Le contrat de rachat est daté du
1e juin 1572 (13), et signé par Guillaume de Bruc, secrétaire de
Marie de Beaucaire, pour l’acheteur. La transaction s’effectue pour le même
montant que vingt ans plus tôt : neuf cent deux livres quatorze sols
tournois.
La métairie des Bouchauds
Il existait une métairie des
Bouchauds déjà avant 1437 quand Languiller acheta la moitié de la seigneurie.
Elle comptait près d’une vingtaine d’hectares en prés et terres labourables, en
seulement une douzaine de champs et prés. On est probablement ainsi dans une
structure foncière proche de la création de la métairie, peut-être constituée de
l’essentiel du domaine direct de la seigneurie à son origine. Avec sa garenne
et ses landes, elle occupait une surface plus importante, mais on n’avait pas l’habitude
de compter dans les surfaces déclarées par les notaires dans leurs actes, ce
qui étaient en friche permanente. Il y avait aussi un moulin à
vent sur la métairie (14).
Ses 12 champs et prés touchaient
aux terres du Chaillou, le Plessis-Duranceau, la Coussaie. Leurs confrontations
citent aussi les chemins des Essarts aux Herbiers (ou Saint-André-Goule-d’Oie), des Essarts à Chavagnes-Montaigu,
de Sainte-Florence au Plessis-Duranceau, de la Piltière à la Coussaie, et la
rivière de la Petite Maine.
Jules de Belleville, seigneur de
Languiller, a vendu le 20 février 1554 à Antoine et Pierre Durand, la moitié
par indivis de la métairie des Bouchauds en la qualité de « chemier seigneur du fief des Bouchauds »
(15). Cette précision inhabituelle dans les actes de vente marque bien la situation particulière
des deux possesseurs des Bouchauds en indivision, que nous connaissons parfois sujette à dispute entre eux.
Les acquéreurs, habitant le
Plessis-Duranceau voisin, devront rendre
hommage à Languiller de leur bien acquis, avec le devoir de 8 boisseaux de
seigle et 2 chapons. Ils avaient payé comptant le prix de la vente fixé à 230
livres.
(1) Archives de Vendée, Travaux de G.
de Raignac : 8 J 101, aveu de Languiller et autres fiefs aux Essarts le 2
juillet 1605.
(3) Notes no 15 et 16 sur Languiller à Chauché, Archives d'Amblard de Guerry : CH 3.
(2) Archives de la Vendée,
chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 12-5, mémoire vers 1680 disant que
Languiller est seigneur chemier des Bouchauds.
(4) Idem (2).
(5) Archives de Vendée, G. de
Raignac, Quelques familles anciennes du
Bas-Poitou depuis longtemps éteintes, 2e série, (famille Masseau) :
8 J 41-2, page 149.
(6) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier, 3E 30/12, vente
de la Boutinière et la Chevaleraye le 11-11-1789 par Perrine Bruneau à A.
Fortin.
(7) Aveu des Essarts du 13-6-1639, Archives nationales, chartrier de
Thouars : 1 AP/1136.
(8) Copie du 25-7-1702 d’un aveu du 8-9-1551
de l’Ansonnière (Roberte Sierlteau) à Languiller (Jules de Belleville), à cause
de la seigneurie des Bouchauds et pour raison de l’Ansonnière aux Essarts,
Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A-11.
(9) Archives de Vendée, baronnie
des Essarts-Brosse et Luxembourg (1435-1642), 19 J 1, vente de la seigneurie des
Bouchauds par le baron des Essarts à Bourgeois le 30-8-1551.
(10) Sieur du Moulin Lavau, il
habitait au lieu de la Pelouse, paroisse de Fontaine-Guerin, dans le Maine-et-Loire, près de Beaufort-en-Vallée et de Baugé, à 15 kms à l’est d’Angers.
(11) Le mot signifie alors céréales,
le blé au sens d’aujourd’hui s’appelait le blé froment.
(12) bail du 10-10-1721 de la
baronnie des Essarts à Merland, page 2, Archives nationales, chartrier de
Thouars : 1 AP/1135.
(13) 19 J 1, rachat de la seigneurie des
Bouchauds du 1-6-1572.
(14) Ibidem (8).
(14) Ibidem (8).
(15) 150 J/A 12-7, vente du
20-2-1554 de la moitié de la métairie des Bouchauds par Jules de Belleville.
Emmanuel François, tous droits réservés