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Gandouinière |
Treize propriétaires de la Basse et Haute
Gandouinière reconnaissaient en 1766 dans une déclaration roturière « devoir
à chaque fête de Notre-Dame d’août à la seigneurie de Saint-Fulgent, à cause du
fief Drolin réuni à ladite seigneurie de Saint-Fulgent, la rente foncière
annuelle et perpétuelle de 16 boisseaux froment, mesure réduite des Essarts,
requérable audit lieu de la Gandouinière, suivant les gaulaiements et titres
anciens et nouveaux » (1). À l’origine il existait sur la paroisse de
Saint-Fulgent un petit fief situé près de la Valinière appelé le fief Drolin ou
Rollin. Il fut ensuite « infus » (absorbé) dans la seigneurie de
Saint-Fulgent. Et le seigneur de Saint-Fulgent tenait cette rente de la
Boutarlière roturièrement « et lui en ai payé les ventes (droit de mutation)
par l’acquêt de la terre de Saint-Fulgent que j’ai fait ». C’est ce
qu’écrivit en 1774 Agnan Fortin, l’acquéreur de la seigneurie de Saint-Fulgent
en 1769, dans son aveu à Tiffauges (2). Ces deux textes nous apprennent donc
que sous l’Ancien Régime on distinguait déjà les deux villages de la Basse et Haute Gandouinière. Et la rente due au
seigneur de Saint-Fulgent à cause du fief de la Boutarlière trouve probablement
son origine après le partage en 1342 où Maurice Droulin, « valet »
(écuyer) et seigneur de Saint-Fulgent et de la Drollinière (devenue Linières), donna
à Jean Droulin, son frère puîné, pour sa part dans les successions paternelle
et maternelle, le fief de la Boutarlière et 25 livres 9 sols de rente (3).
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Maison de la Haute Gandouinière
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Faute d’archives seigneuriales disponibles concernant la Gandouinière on n’a pu glaner que des informations éparses. Ainsi dans un partage de terres en 1774 on relève
que deux pièces de terre relèvent roturièrement de Linières faisant partie du
tènement de la Charillière, et un autre champ relève roturièrement de la
Boutarlière faisant partie des tènements de la Haute et Basse Gandouinière (4).
Mais les limites à cette époque entre la Basse et la Haute Gandouinière ne nous
sont pas précisées.
De plus, il existait une enclave
de la seigneurie de Languiller (Chauché) à la Gandouinière dans cette mouvance
de la Boutarlière. En effet, dans un aveu au baron des Essarts en 1550, le
seigneur de Languiller déclare, à cause de sa seigneurie annexe du Coin, une
pièce de terre et un pré joignant l’un l’autre près le village et tènement de
la Gandouinière. Ils touchaient aux terres du tènement de la Gandouinière, au
fief et métairie de la Frisonnière (Essarts, aujourd’hui disparus) et au fief
de Saint-André (le bourg). Contenant 20 boisselées, ils appartenaient à Jean et Pierre
Robin et André Brisseau, « mentionnaires » (habitants) de la
Gandouinière, qui payaient annuellement à Languiller 1,5 boisseau d’avoine à la
Saint-Michel et cinq sols six deniers de cens à noël (5). En 1789 la rente était devenue 0,5 boisseau de seigle à la mesure des Essarts et 1 sol 6 deniers en
argent, valant au total 16 sols (6). Une déclaration
roturière de 1655 pour le pré précise qu’il s’appelait le Pré Gazon et
contenait alors 2 journaux (7). On y lit aussi que ce pré était situé sur la
paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie. En 1779 le seigneur de la Rabatelière
(acquéreur de Languiller) percevait au titre de ce pré 6 sols par an (8).
Cette enclave de Languiller nous
confirme qu’une partie de la Gandouinière était située sur la paroisse de
Saint-André-Goule-d’Oie. Et le registre paroissial de cette paroisse nous
montre de son côté qu’une autre partie était située sur Chauché avant la
Révolution. Un acte d’inhumation de Jacques Robin du 29 février 1788 (vue 214
du registre numérisé sur le site des Archives de Vendée) précise que ce dernier
est décédé « au village de la Gandouinière de Chauché, village de cette
dite paroisse ». Les habitants de la Gandouinière (Haute et Basse) fréquentaient l’église de Saint-André à cause de sa
proximité. Ils s’y mariaient aussi après accord du curé de Chauché pour
certains d’entre eux. Dans un
acte de 1703 il est aussi mentionné qu’un habitant de la Gandouinière, Jacques
Launay, était situé à Chauché (9).
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Ruisseau de la
Fontaine de la Haute Gandouinière
Entre les deux
villages
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Avec la création des communes en 1790, une partie
du village de la Gandouinière appartint à la commune de Chauché, et l’autre
partie appartint à la commune de Saint-André-Goule-d’Oie (10). Les deux communes
ne firent que reprendre les limites des anciennes paroisses, ici
vraisemblablement comme ailleurs sur le territoire de Saint-André. Le ruisseau
d’eau dit « de la Fontaine de la Haute Gandouinière », prenait sa
source à quelques centaines de mètres au sud du village de la Haute Gandouinière, et faisait limite entre les deux communes : à l’est les
maisons de la Basse-Gandouinière situées à Saint-André, et à l’ouest celles de
la Haute-Gandouinière situées à Chauché. Les cadastres napoléoniens des deux
communes concernées en 1838 le montrent clairement. Et il en est toujours
ainsi. Ces deux parties du village qui sont citées dans les documents
seigneuriaux, devaient donc déjà exister ainsi avant la Révolution, avec très
probablement la même limite de séparation.
Les citoyens déclarèrent après la Révolution leurs
actes d’état-civil à Chauché ou Saint-André, mais les paroissiens des deux
villages (Haute et Basse) continuèrent de fréquenter l’église de Saint-André,
même ceux de la Haute Gandouinière de la paroisse de Chauché. Pour faire enfin
coller le droit à la réalité, l’évêque de Luçon rattacha par ordonnance du 2
février 1959 la Haute Gandouinière à la paroisse de Saint-André (11). Il en fit de
même des autres villages qui avaient été situés depuis le Moyen Âge directement
ou indirectement dans la mouvance féodale de Linières et dans l’ancienne
paroisse de la Chapelle de Chauché avant la création de celle de Chauché : Charillière, Boutarlière, Gandouinière, Julière, Sainte-Anne,
Guérinière, Guerinet, Mauvelonnière, Louisière, Linières, Villeneuve, et
Bois du Vrignais.
Une famille Robin a habité la Gandouinière au moins
de 1677 à 1862. En 1708, la succession de Jacques Robin est partagée entre
Sébastien Robin et sa sœur Marie, mariée à Pierre Auvinet (12). Dans le partage
on mentionne un moulin à tan, servant à moudre l’écorce des chênes pour obtenir
le tan (tanin). Celui-ci était absorbé par les peaux dans les tanneries pour
les rendre souples et imputrescibles. Malheureusement nous ne savons pas où
était situé ce moulin.
En 1809, les teneurs de la Haute Gandouinière et Basse Gandouininière
firent une nouvelle reconnaissance devant notaire d’une rente de 16 boisseaux
de froment, telle qu’elle avait été reconnue déjà en 1730. N’étant pas de
nature noble, elle n’avait pas été abolie par la Révolution. Les 16 boisseaux
valaient désormais 43 décalitres et 52 centilitres de froment. Elle était due
au fils d’Agnan Fortin, l’ancien seigneur de Saint-Fulgent, Guy Auguste
Madeleine Fortin, sous-préfet du 3e arrondissement d’Indre-et-Loire
(13).
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Maison de la
Basse Gandouinière
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Plus près de nous on a noté le don d’une petite
borderie de 7 hectares fait dans son testament par Marie You, une habitante de
la Gandouinière. Elle y est décédée le 31 octobre 1855 (vue 6 de l’état-civil de
Saint-André aux Archives départementales), et la propriété de la borderie passa
selon son vœu à la fabrique de la paroisse de Saint-André. Ses revenus devaient
être employés, moitié à être distribués chaque année aux pauvres de la commune
de Saint-André-Goule-d’Oie, et l’autre moitié au traitement d’une institutrice,
à condition qu’elle appartienne à une congrégation religieuse, à la charge
d’instruire annuellement et perpétuellement 12 petites filles pauvres de la
commune (14). La borderie fut louée
par la fabrique pour un prix annuel de 400 F à la fin du 19e siècle,
payé en deux termes (15).
En 1928 le conseil municipal de Saint-André demanda
au préfet de la Vendée l’autorisation de vendre de gré à gré le quaireux de la
Gandouinière appelé le quaireux de l’Halle ou de l’Aile (16). Les quaireux
étaient des espaces de cours et d’accès aux bâtiments dans les villages. Ils entraient
dans la description des immeubles bâtis et leurs étaient rattachés au temps de
la propriété féodale. La propriété individuelle issue de la Révolution et l’établissement
du cadastre délimitèrent les parcelles relevant des propriétés privées, le
reste, souvent d’usage collectif de passage, devint propriété des communes.
Dans les grandes métairies au contraire comme celles du domaine de Linières (Mauvelonnière,
Linières, Morelière, etc.), ces espaces entre les habitations, et même des
voies d’accès, restèrent dans la même propriété que les métairies. Au 20e
siècle on fit un nouveau partage de ces quaireux et voies d’accès, soit pour les
vendre ou donner à la commune, qui en assura l’entretien comme pour les chemins
ruraux à sa charge, soit pour les vendre aux particuliers riverains. Dans le
premier cas on a les métairies de l’ancien domaine de Linières. Dans le
deuxième cas on a la Gandouinière, entre autres. Ce quaireux devait
probablement être à l’usage exclusif de quelques propriétaires. Pour réaliser l’opération
ils devaient s’entendre entre eux. La commune n’avait en général rien à perdre
à céder ces bouts de terrain. Mais pour vendre il lui fallait se conformer aux
lois fixant le régime d’aliénation d’un bien public sous l’autorisation et le contrôle
du préfet.
(1) Reconnaissance du 6-1-1766 d’une rente à la Gandouinière
au seigneur de Saint-Fulgent,
Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Thoumazeau : 3 E 30/119.
(2)
Aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A.
L. Jousseaume de
la Bretesche), page 98, transcrit par Paul Boisson, Archives du diocèse de
Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13.
(3) Lieux-dits de Chauché, la Boutarlière, Archives
du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 29-2.
(4) Partage du 22-10-1774 de 7,5 boisselées à la
Gandouinière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau :
3 E 30/121.
(5) Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du
2-7-1605 par Languiller aux Essarts – deuxième copie recopiant un aveu de 1550,
page 30, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61.
(6) Livre des recettes et dépenses 1787-1789,
Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/I 55, page 23.
(7) Mention dans une déclaration roturière du 18-4-1655 à Languiller
pour le Pré Gazon à la Gandouinière, Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/A 12-5.
(8) Partage du 18-10-1779 de la
succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 53, Archives
de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(9) Inventaire et partage
du 1-4-1703 de la succession de Jeanne Jeullin, veuve Merland, Archives de
Vendée, famille Babin et Cicoteau : 25 J/4.
(10) Cadastre napoléonien de 1838. Et délibération du
12-2-1928 sur la vente d’un quaireux au village de la Gandouinière par le
conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée, délibérations
communales de Saint-André-Goule-d’Oie numérisées : vue 29.
(11) Ordonnance
de l’évêque du 2-2-1959 transférant des villages de Chauché à Saint-André-
Goule-d’Oie, Archives de la
paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton
no 38, transfert de villages.
(12) Lieux-dits de Saint-Fulgent, papiers de Mme
Métaireau, Archives du diocèse de Luçon, fonds Boisson : 7 Z 23.
(13) Titre nouveau de reconnaissance du 27-2-1809 d’une rente de 16
boisseaux à Guy Fortin par les propriétaires de la Gandouinière, Archives de
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Charrier : 3 E 28.
(14) Recettes et dépenses de la fabrique de
Saint-André (1846-1856), Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais
de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 29, chemise V.
(15) Ferme du 1-4-1879 de la propriété de la
fabrique à la Basse Gandouinière, ibidem : carton no 29, chemise
VIII.
(16) Dépenses et recettes
particulières (1909-1940), Mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de
Vendée : 1 Ǿ 1032.
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