Le nom de Saint-Fulgent exprime
l’origine religieuse de la commune, remontant probablement à l’évangélisation
des lieux dans les années 600 après J. C. (1). L’établissement d'un prieuré dans
ce lieu a fait oublier son
ancien nom, contrairement à ce qui s’est passé pour Goule d’Oie, nom conservé
auquel on a ajouté Saint-André. En remontant au plus loin possible au 13e
siècle on trouve une famille Drouelin seigneur de Saint-Fulgent, mais aussi de
Badiole et Bois Porchet à Beaurepaire. Ils donnèrent leur nom au logis de la
Drollinière (devenue Linières) à Chauché et possédèrent la Boutarlière sur cette même paroisse. Jeanne
Drouelin et son mari Jean Cathus furent condamnés aux Grandes Assises de
Poitiers, tenues du 1e mars au 31 mai 1378, par Miles 1er de Thouars
(1327-1378), à lui rendre foi et hommage ainsi que les autres devoirs dus au
seigneur de Tiffauges par Maurice Drouelin, chevalier, et seigneur de
Saint-Fulgent, père de Jeanne (2). La seigneurie de Tiffauges, suzeraine de la
seigneurie de Saint-Fulgent, appartenait à la vicomté de Thouars dès le 11e
siècle (3). Quatre siècles plus tard Agnan Fortin, seigneur de Saint-Fulgent,
continuait de rendre sa foi et hommage à la vicomté de Tiffauges. Son
aveu en 1774 nous donne des informations sur le
bourg de Saint-Fulgent à cette date (4). Voyons-les de plus près.
Le château
Th.
Drake :
bataille de 1793 à Saint-Fulgent
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Le domaine foncier de
l’enclos du château de Saint-Fulgent était en 1774 limité au sud par le grand
chemin de Nantes à la Rochelle, et au nord par le chemin qui partait du bourg
au lieu appelé Recolette pour aller à Vendrennes (actuelle rue de la Mare aux
Fées). À l’ouest il longeait les maisons de Marianne Pairaudeau et de François
Morlière qui furent autrefois à Jean Tricouère, séparées du domaine par une
venelle (actuelle rue des Trois Colette). À l’est le domaine était limité par
le champ du Cormier et un pré qui avait remplacé une partie de l’ancien parc du
château. Dans cet enclos il y avait du côté du bourg la maison du four banal
servant à la cuisson du pain, relevant du marquisat de Montaigu, et une tour
aménagée en prison, relevant de la vicomté de Tiffauges. Les juges seigneuriaux
du lieu pouvaient en effet faire mettre en prison « tant au civil
qu’au criminel », et à cet effet le seigneur avait
« droit de nomination et de création d’un geôlier et de planter fourches
patibulaires à trois piliers ». L’expression désignait trois colonnes en
pierres sur lesquelles reposait une traverse en bois horizontale qui servait à la
pendaison des condamnés à mort. Le nombre de trois piliers à Saint-Fulgent
désignait le siège d’une simple châtellenie, alors qu’il y en avait quatre aux
Essarts, siège d’une baronnie, avec la même capacité judiciaire de haute justice
seigneuriale.
Agnan
Fortin a fait démolir tous les bâtiments de l’ancien château après son achat de
la seigneurie de Saint-Fulgent en 1769. Six nouveaux corps de bâtiments se
joignant étaient construits en 1774 dans la cour et le jardin de l’ancien
château : granges, écuries, remises, toits, métairie et bas office (lieux
domestiques). Le nouveau château n’est pas encore construit à cette date, mais
le sera en partie dans l’ancien jardin et le parc. Les nouveaux jardins,
« affiages » (vergers), cour et basse-cour seront pris dans les
champs du Normandeau et de la Glacière, situés vers l’est. On déduit de ces
indications que le nouveau château a été bâti un peu plus à l’est de l’ancien,
s’éloignant des maisons du bourg. Ce nouveau château était construit le 25 mai
1777, jour où y fut reçu à dîner (déjeuner) le comte d’Artois de passage à Saint-Fulgent, dans
son voyage de Bretagne à La Rochelle, et allant coucher à Niort. Il était arrivé « escorté
de 7 carrosses montés par plusieurs grands seigneurs de la cour et entouré de
50 hommes de cavalerie suisse. J’ai assisté à ce dîner (déjeuner) et à la
réunion qui a suivi ». Cette note a été écrite par Jean François
Renolleau, syndic (maire) de Chauché (5), qui avait été invité à cette
rencontre avec le frère du roi Louis XVI, dont le comté du Poitou lui
avait été donné en apanage.
Le château sera victime d’un incendie pendant la
Révolution, après que sa cour au moins ait servi de camp aux révoltés
royalistes au printemps et à l’été 1793 (6). Il fut restauré ensuite après la
guerre, puis finalement démoli. L’actuel château a été construit par François Alexis Nisidas des Nouhes,
qui avait acheté le domaine en 1841.
Dernier château construit de Saint-Fulgent
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La métairie du château,
dont les bâtiments venaient d’être reconstruits en 1774 dans son enclôture,
s’appelait la métairie du Chêne. Elle avait un jardin de 4 boisselées (4 860
m2) le long du chemin menant au pont Boutin (vers la Boutinière de
Saint-André-Goule-d’Oie). Le propriétaire avait sa garenne dans le « champ
de la Garenne » faisant partie de la métairie, au long du chemin nouveau
de Nantes à la Rochelle, contenant 26 boisselées (3 ha). On y entretenait
habituellement des sortes de clapiers pour élever en plein air des lapins.
Le châtelain conservait toujours en
1774 un droit de passage par un jardin et une cour d’un particulier
pour aller directement de son château à l’église ou dans sa « ville de Saint-Fulgent,
étant à pied avec notre compagnie, et domestiques familiers étant avec nous, et
ce à heures dues, conformément à l’arrentement qui a été fait de ladite maison
cour et jardin par les anciens seigneurs à Dominique de Loche, sieur de la
Touche, laquelle maison était appelée la maison de la Tour ». Celle-ci
appartient en 1774 à Jean Leloup sieur du Parc.
L’aveu de 1774 indique que le
seigneur de Saint-Fulgent « avait le droit de forteresse, doüés (conduits d’eau ou
mares), fossés, et pont-levis autour de son château et ses appartenances ».
Ce type de droit n’avait plus en cette fin du 18e siècle qu’une
valeur symbolique, signe d’un prestige qui alimentera bientôt la révolte
antiseigneuriale de 1789 dans certaines régions françaises. L’énumération de la
consistance des nouveaux bâtiments en 1774 ne comprend pas de fossés ni de
pont-levis. Mais l’ancien château, ou celui d’origine, devait probablement en comporter.
D’ailleurs on a un emplacement (non spécifié) appartenant à Jacques Gautier et appelé
le « château Gaillard » près du bourg, dont le nom est révélateur à
cet égard. Il était habité au 19e siècle (7). Le château Gaillard désignait la présence d’un ouvrage fortifié
ancien, et le mot « gaillard » lui-même dérive du latin gaiola, geôle, prison (8).
On sait que la construction des châteaux aux 10e et 11e
siècles n’était possible en principe que sur autorisation du seigneur suzerain
de qui on le tenait. À l’origine ils formaient généralement une tour en bois sur
une butte dans un but de défense militaire. Tel fut peut-être le cas à
Saint-Fulgent, car nous n’avons pas de document pour en témoigner.
La tour que l’on voit sur les anciennes gravures de
Saint-Fulgent occupait l’emplacement de la boucherie Debien située en 1965 en
face du chemin de la Clavelière (9)
Le nouveau chemin de Nantes à la Rochelle
Les confrontations des
parcelles dans le bourg citent parfois le nouveau et l’ancien chemin de Nantes
à la Rochelle en 1774. Le nouveau fut construit au milieu du siècle. À Montaigu
les travaux se situent probablement dans la période 1752/1757, donc à
Saint-Fulgent dans une période proche sinon la même. L’ancien chemin médiéval a
pris alors un tracé rectiligne à l’entrée et à la sortie du bourg de Saint-Fulgent.
Comme trace de cette rectification de l’ancien chemin on a, à titre d’exemple, un emplacement
de « fumerit » (fumier) de 8 pieds (2,4 m) de longueur qui a été
enlevé par le nouveau Grand Chemin, et qui dépendait d’une maison appartenant à
la veuve de Toussaint Jannière. On empierra le nouveau
chemin et creusa des fossés de chaque côté, obligeant les propriétaires
riverains dans la campagne à planter des arbres de 30 pieds en 30 pieds (tous
les 9 à 10 mètres) à une toise du bord extérieur des fossés (environ 2 mètres). C’était une route de
première classe selon le rapport de l’ingénieur en chef du département de la
Vendée, section des ponts et chaussées, Maillet, daté du 1e mars
1793. Cela veut dire qu’elle avait 42 pieds de large entre les fossés, soit un
peu plus de 14 mètres (10).
Un édit de 1738, avait étendu aux États
d’élection comme le Poitou, la corvée royale. Elle
réquisitionnait les habitants
domiciliés dans les communautés rurales situées dans un périmètre
de quatre lieues (seize kilomètres) de part et d’autre du chantier
de la route, pour les employer à sa construction ou à son
entretien. Les habitants de Saint-André-Goule-d’Oie ont donc été
concernés dans cette période de quelques années avant la
Révolution. Les travaux étaient saisonniers et concernaient presque
tout le monde, dans la limite de 12 jours de travail par an (11). Le
syndic de la paroisse était responsable de la désignation des
corvéables.
Il faut dire qu’à la
mauvaise saison, les voyageurs hésitaient à prendre ce chemin. On a ainsi le
témoignage du chargé d’affaires au château de la Rabatelière, Alexandre
Bousseau, qui écrit de Chauché à son interlocuteur nantais le 1e
février 1726 : « Si
les chemins peuvent être praticables j’irai à Nantes pour m’expliquer avec vous
de toutes choses ... mais les chemins sont si mauvais et remplis d’eau que l’on
ne sait si l’on est à cheval ou à terre » (12).
Autour du bourg
À la croisée du grand
chemin et d’un chemin de traverse, à 2 ou 3 kilomètres du bourg, existait
semble-t-il une « Maison Rouge ». C’est ce qu’on lit dans un article
de la Revue du Bas-Poitou éditée en 1905 (pages 423 et 424). Le bourg de
Saint-Fulgent est cité dans une liste de quelques bourgs concernés dans la
Vendée. La situation du lieu n’est pas indiquée, peut-être en direction de
Montaigu, et c’est la seule mention trouvée jusqu’ici. Elle est vraisemblable
car située généralement à des endroits de passages et à l’écart des
habitations. Les Maisons Rouges étaient des hôpitaux créés pour faire face aux
épidémies, peintes en rouge pour être remarquées par ceux qui voulaient s’y
rendre ou au contraire pour les éviter.
Le
Plessis Richard en 2019
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Au nord et nord-est du
bourg se trouvaient les terres de deux métairies appartenant au seigneur de
Saint-Fulgent. Celle du Plessis Richard, dont les terres longeaient le chemin
vers Bazoges-en-Paillers, et qui avait près de ses bâtiments l’étang de la Noue
Gosselin contenant 3 boisselées environ (3 600 m2), qui consistait
en « vivier et réservoir » est-il précisé. La métairie de la
Chevantonière (devenue Chantonnière) avait elle aussi ses terres limitées au
sud-est par les maisons du bourg bâties au long du grand chemin de Nantes à la
Rochelle. Ses métayers auraient bien du mal à se reconnaître aujourd’hui parmi
les commerces, ateliers et usines des actuelles zones d’activités du Grand
Moulin et de la Rue du Stade.
En 1774 le seigneur de
Saint-Fulgent possédait en outre dans la paroisse du même nom les métairies de
la Haute et de la Basse Thibaudière, avec la seigneurie de la Thibaudière
relevant du marquisat de Montaigu. Il possédait aussi la tuilerie de Boizard
avec ses 240 boisselées de landes (30 ha) et son ancien étang converti en pré,
et une borderie à la Gatolière. En 1789 il achètera les deux métairies de la
Boutinière et de la Chevaleraye à Saint-André-Goule-d’Oie. Et en 1791 il acheta
comme biens nationaux les biens d’Église suivant à Saint-Fulgent :
métairie de l’Oiselière, métairie de la Coussaie, borderie de Doulay, borderie
de Lerandière et diverses parcelles foncières dépendant de la cure (13).
Il possédait à Saint-Fulgent les 124 arpents (76
ha) des bois taillis des Pierres Blanches, 123 arpents du bois taillis des
Tessonnières, et 1 arpent du bois taillis de la Herse autrefois en futaie. Enfin
il avait possédé aussi les deux moulins à vent, « l’un à moudre
seigle, l’autre froment », de la Haute Clavelière, arrentés (vendus à
crédit) à Jacques Fruchard et Julien Piveteau en 1770 à la charge d’une rente annuelle
de 30 boisseaux de seigle. S’ajoutait le moulin à eau de la Pesotière « auquel
il y a 2 roues, l’une à froment, l’autre à seigle », arrenté en 1770 à
Louis et René Guicheteau, à la charge d’une rente annuelle de 30 boisseaux de
seigle. Il y avait aussi le moulin à eau de la Chaunière, et le moulin à vent
de Sept Septiers près de la Simonière tenu par la veuve Quillon. Lui ou son
fermier prélevait un droit de mouture de 1/16e partie des blés
apportés à moudre au moulin. Et il avait un droit de vérolie consistant à
contraindre les habitants à utiliser le moulin seigneurial. En profitait-il
pour forcer sur le droit de mouture ? Comparé à d’autre quantum en Vendée,
jusqu’à 1/10e, il semble que non (14). La même quotité s’appliquait
jadis pour le four banal du bourg sur la pâte à cuire. La rentabilité des
moulins variait de l’un à l’autre. Le régisseur de la Rabatelière eut cette
réflexion en 1730 sur un moulin à Champ-Saint-Père : « les moulins ne conviennent qu’à ceux qui les
font tourner, et non à un propriétaire à qui ils coûtent plus qu’ils ne valent »
(15). En plus des moulins du seigneur, on trouvait d’autres moulins appartenant
à des seigneurs ou à des particuliers sur la paroisse de Saint-Fulgent avant et après la
Révolution : Templerie, la
Rochette, l’Oiselière, la Dalle, la Menardière, les Valinières, la
Fridonnière, la Traverserie et la Galotière (16).
En revanche le même régisseur de la Rabatelière avait
conseillé quelques années plus tôt au châtelain de la Rabatelière, seigneur du
bourg de Chavagnes-en-Paillers : « Pour Chavagnes je vous conseille
de faire construire un four à ban qui devrait produire au moins 75 livres de
revenus » (17). On ne connaît pas l’aire géographique des habitants concernés par cette contrainte
de faire cuire les pains au four banal, mais à voir les nombreux fours à cuire
dans les villages, elle semble avoir été limitée. Et il nous faudrait des
comptes pour comparer le prix de cette contrainte avec celui payé aux
boulangers des villages. On a noté aussi qu’à Boulogne le seigneur devait
fournir le bois nécessaire au chauffage du four, pris aux landes des Jouinaux (18). Il devait probablement
y avoir une charge de même nature à Saint-Fulgent, mais que nous n’avons pas
trouvée. Agnan Fortin arrenta le four banal du bourg de Saint-Fulgent. L’acte
fut passé devant Frappier et Boisson, notaires des lieux, le 15 janvier 1771 (19). À cette occasion il reconnut la liberté aux habitants du bourg de faire cuire
leur pain par leur propre moyen. Et l’existence d’un boulanger, René Deboeuf (page 75 de l’aveu), indique que cette reconnaissance n’était
déjà pas une nouveauté probablement.
Cet inventaire des biens fonciers possédés à la fin
de sa vie par Agnan Fortin à Saint-Fulgent passe sous silence l’état peu
reluisant de certains d’entre eux quand il acheta sa seigneurie en 1769. Il n’y
avait pas que le château qui avait besoin d’être reconstruit à neuf. En 1773 il
vendit par arrentement sa métairie de la Chaunière à 4 particuliers en
indivision, moyennant une rente annuelle
et perpétuelle de 50 boisseaux de seigle à la mesure du minage de Saint-Fulgent,
nette de toutes impositions royales. À cette occasion il confirma les droits
seigneuriaux dus sur le tènement de la Chaunière à la seigneurie de
Saint-Fulgent, à cause de la seigneurie de la Thibaudière. Puis il transforma
les menus suffrages perçus sur la métairie en nouvelles redevances seigneuriales
reconnues par déclaration roturière à la seigneurie de Saint-Fulgent (20). En
raison de la faible valeur de la rente pour une métairie estimée autour de 20
hectares de surface, il paraît ainsi s’être débarrassé de la métairie. Et il
restait un moulin à eau à la Chaunière, toujours en ruine en 1774. En revanche
les deux roues des moulins à eau de la Pesotière avaient été réparées quand il
les afferma en 1770, mais elles avaient dû bénéficier de travaux importants quelques
années plus tôt. Avant Agnan Fortin, la seigneurie de Saint-Fulgent appartenait
de fait aux créanciers du dernier seigneur mort en 1759 à l’âge de 37 ans, Pierre Henri
Benoît Darquistade, un magistrat au parlement de Paris. En 1754 le meunier et
fermier de la Pesotière, Mathurin Guicheteau, avait fait sommation au régisseur
de la seigneurie de réparer les deux moulins à eau sur la Grande Maine avec
leurs bâtiments. Un procès-verbal des réparations estimées nécessaires par deux
experts fut établi et communiqué « aux créanciers du seigneur de cette cour et au
commissaire des saisies réelles à Rennes » (21).
Les propriétaires déclarés dans le bourg relevant de la seigneurie de Saint-Fulgent
Bourg de Saint-Fulgent en 2019 |
On y compte 39 domaines déclarés en
1774, mais sans comprendre les biens dans le bourg relevant du fief de Puy
Greffier (Saint-Fulgent), et probablement aussi ceux relevant de la seigneurie
de la Thibaudière, mouvante du marquisat de Montaigu (22). Ces derniers nous
sont inconnus, et il ne nous est même pas possible d’en approcher l’importance.
Ces 39 propriétés dans la mouvance de Saint-Fulgent dépendant de Tiffauges appartenaient
à 30 propriétaires. Et 29 d’entre eux devaient payer un cens à la seigneurie de
Saint-Fulgent, le prieuré-cure de la paroisse étant seul tenu
« roturièrement à franche aumône (gratuitement) et à divin service ».
Néanmoins l’ancien prieuré, avec un jardin de 4 boisselées à semer lin, devenu
un simple masureau (ruine), devait payer un cens de 3 sols et 4 deniers, à la
charge en 1774 du sieur de La Grire des Assisses, en sa qualité de prieur de
Saint-Fulgent. On déduit de ces indications que le prieuré de Saint-Fulgent
avait été reconstruit sur un autre terrain concédé gratuitement par le seigneur
des lieux, à une date antérieure pas trop éloignée de 1774. À cette date le
curé de la paroisse s’appelait Pierre Pauleau, et le prieur de Saint-Fulgent
dont il est fait état, le sieur de la Grire des Assisses, apparaît alors comme le
prieur commendataire de l’ancien prieuré et peut-être du nouveau.
La connaissance des métiers
exercés dans le bourg n’est pas facile à approcher avec cet aveu seigneurial.
Il ne concerne que les propriétaires et non leurs locataires. Ainsi on a le cas
de l’auberge du Lion d’Or possédée par le sénéchal de Saint-Fulgent (juge),
Pierre Genet, à cause de son épouse, une demoiselle Gourraud, héritière
elle-même de sa mère Gabrielle Arnaudeau, laquelle avait épousé René Alexandre Gourraud sieur de la Coindrie. Ce
dernier avait été sénéchal avant son gendre Pierre Genet, succédant lui-même à
Pierre Gourraud. Pierre Genet était avocat en parlement et « exerçait la
juridiction des châtellenies de Saint-Fulgent en qualité de lieutenant, et
ayant la survivance de sénéchal dudit lieu ». De plus il est indiqué que
cette propriété provenait d’un ancien sénéchal de Saint-Fulgent au début du 18e
siècle, Louis Proust sieur de la Barre (23). C’est dire si le commerce et la magistrature
se fréquentaient sans complexe à l’époque, les offices (emplois) de magistrats
étant eux-mêmes mis en vente et se transmettant par héritage. L’aveu ne nous
donne pas le nom des tenanciers de l’auberge. Mais dans les archives
notariales on trouve la ferme du Lion d’Or du 30 août 1768 à Louis Savaton,
cuisinier, et Charlotte Roussière sa femme, par Pierre Genet, sénéchal de
Saint-Georges est-il écrit. Il était donc juge dans deux châtellenies voisines.
La ferme est conclue pour 7 ans (1770-1777), moyennant
400 livres par an (24), soit l’équivalent d’une belle métairie de 35/40
hectares. En revanche Charles Guyet, descendant d’une famille d’aubergistes,
est propriétaire de l’auberge concurrente du Chêne-Vert, tenue par sa mère, et
qu’il afferma en 1777 à un hôtelier.
Quast : Le chirurgien au village (musée de
Dôle)
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Le métier de certains
propriétaires est indiqué, mais rarement : cabaretier pour Jacques
Gautier, maréchal ferrant pour Jacques Rousseau, cordonnier pour François
Briand, tailleur d’habits pour Jean Lamy, chirurgien pour Jean Leloup sieur du
Parc. Le chirurgien était vu comme un artisan à l’époque, considéré nettement au-dessous du médecin et de
l’apothicaire. Il lui était imparti en effet un travail manuel : appliquer
les emplâtres et onguents, manier la lancette, arracher les dents, etc. Il
passait un examen devant une communauté de chirurgiens après son apprentissage.
Il faut distinguer le simple chirurgien du maître en chirurgie, qui était un
grade de l’université, qu’on pouvait acquérir dans une école de Thouars. Il y
avait aussi le chirurgien juré, qui faisait partie d’une corporation,
c’est-à-dire qui devait payer une taxe au roi pour exercer son métier. C’était
le cas de Jean Leloup. Il devait bien y avoir dans le bourg de Saint-Fulgent un
apothicaire, chargé de la préparation des médicaments. On accédait au métier en
faisant un stage chez un apothicaire, mais dans la hiérarchie sociale de
l’Ancien Régime, l’apothicaire était souvent considéré au-dessus du simple
chirurgien à cause de sa position de marchand.
On ne connaît pas de médecin à
Saint-Fulgent avant l’arrivée de Benjamin Martineau vers 1790. Tout juste en 1665, le riche prieur de
Saint-André, Pierre Moreau, était soigné par un nommé Charbonnel,
docteur en médecine, dont on ignore la demeure (25). Gradé de l’université, le médecin formulait des diagnostics et à délivrait des ordonnances.
Enfin l’officier de santé, lui, n’avait pas de grade universitaire, mais faisait un stage près
d’un médecin ou d’un autre officier de santé (26). De ce bref aperçu sur
les métiers de la médecine d’autrefois on retient le rôle central des
« chirurgiens » dans les campagnes. En témoigne Jean de Vaugiraud à
Mortagne, qui paie 12 livres en 1620 à un chirurgien « pour avoir traité ma femme d’un mal de tétin » (27).
L’abbé Boisson, chercheur d’une
grande curiosité, a laissé aux Archives du diocèse de Luçon un inventaire des
Auvergnats de Saint-Fulgent. Il a relevé 6 noms entre 1741 et 1788 sur le
registre paroissial pour 4 mariages et 5 enterrements, certains ayant été
inscrits pour les deux. À ces 6 noms s’ajoutent celui de quatre témoins aux
enterrements, originaires d’Auvergne. Ils étaient jeunes et avaient parfois un
métier (chaudronnier, charpentier). On sait que les Auvergnats passaient
ramoner les cheminées, et cet inventaire, même modeste par le nombre, montre
une implantation de migrants venus d’une région pauvre (28).
Les bâtiments déclarés et leurs redevances
On a 33 maisons seules, plus 20
maisons avec leurs jardins, auxquelles il faut ajouter les auberges du Lion
d’Or et du Chêne Vert, deux forges, deux fournils avec four à cuire le pain et
4 maisons à usage variés, 8 granges. À ces 71 bâtiments comprenant une pièce
parfois, plusieurs le plus souvent, il faut ajouter 5 masures ou masureaux (bâtiments
en ruine) et beaucoup de pièces de jardins seules. L’insuffisance des
indications de l’usage des bâtiments ne nous permet pas de calculer le nombre
d’habitants du bourg. On sait seulement qu’un gros village de Saint-André-Goule-d’Oie
à cette époque, comprenant une quinzaine de maisons habitées, pouvait
comprendre environ 80 habitants. On peut estimer en conséquence la population
du bourg de Saint-Fulgent autour 500 à 600 habitants environ. Ce n’était pas
une ville avec des remparts, mais un simple gros bourg rural, comme les bourgs
des Essarts, de Montaigu, de la Roche-sur-Yon ou de Chantonnay. Peu d’habitants
de la contrée étaient allés dans une vraie ville, à Nantes, Luçon ou
Fontenay-le-Comte par exemple. Néanmoins le mot ville est employé ici au sens
moderne, car dans les papiers de l’époque on l’attribuait aux gros bourgs de
Saint-Fulgent, les Essarts et Montaigu, mais évidemment pas aux petits bourgs
de Saint-André-Goule-d’Oie, Chauché, la Rabatelière ou Chavagnes.
Mairie de
Saint-Fulgent
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Parmi ces maisons on s’est
attardé sur celle de Charles Guyet, dont le fils deviendra propriétaire de
Linières en 1800. Charles Guyet habitait sur le côté sud-ouest de la Grande Rue,
coupant le bourg de Saint-Fulgent en deux parties dans l’axe nord-ouest/sud-est.
Sa maison se situait au milieu du bourg et au nord-ouest de son auberge du
Chêne-Vert, cette dernière étant à la croisée de la Grande Rue et du chemin conduisant
à la Basse Clavelière. L’actuelle mairie parait être construite à la place de
l’ancienne maison de Charles Guyet. À côté de sa maison se trouvait le pré du
Fondreau appartenant à Mathurin Thoumazeau, le procureur fiscal. Charles Guyet
avait acheté sa maison aux enfants de Louis Prosper Proust décédé en 1745, qui
avait été entre autres sénéchal (juge) des châtellenies de Saint-Fulgent,
Bazoges et les Essarts, et subdélégué de l’intendant du Poitou. De sa cour
d’entrée séparée de la rue par un mur, on pénétrait d’abord sous une galerie
donnant accès à la maison. Il y avait quatre pièces à l’étage et quatre pièces
à vivre au rez-de-chaussée, plus cuisine, boulangerie, décharge, grenier,
cellier, grange, écurie, toits, basse-cour, cave (portant au-dessus un grenier
et une chambre). Sur un côté de la maison la galerie longeait un jardin
qui s’étendait aussi à l’arrière. Le tout était enclos de murs et occupait une
surface de 8 boisselées, soit près d’un hectare environ. Plus à l’ouest il
possédait un verger (Hauts Verger)
auquel on accédait par un chemin de servitude qui longeait son mur nord. Son
mur du côté sud le séparait du jardin et de l’auberge du Lion d’Or. Il
possédait aussi la maison dite du « Petit
Chêne Vert », située proche du château et de l’autre côté (est) du
Grand Chemin en direction de la Rochelle. Elle comprenait une pièce à l’étage
et plusieurs au rez-de-chaussée, avec un jardin. Une pièce donnant sur la rue
servait de boutique. Dans toute cette description on ne relève pas de latrines,
contrairement à d’autres maisons comme celle de Thoumazeau, procureur fiscal.
On suppose que les nombreux jardins en comportaient parfois.
Tous ces bâtiments du bourg étaient tenus du
seigneur de Saint-Fulgent à la charge de lui payer un cens, chaque fête de
noël, faible à l’époque. On ne rencontre qu’un bien sujet à droit de terrage
(1/18e). 7 autres biens étaient sujets à une redevance en nature, de
1 à 5 chapons, sachant qu’un chapon était estimé dans cet aveu de 1774 à 10
sols l’un. Tous les autres biens étaient sujets au paiement d’un cens en argent
allant de 1 denier à moins d’une livre pour 91 % d’entre eux. Nous avons en
effet une grange payant 1 livre et 6 sols, la maison de Charles Guyet payant 3
livres 19 sols et 10 deniers, l’auberge du Lion d’Or payant 1 livre 16 sols et
2 deniers, la boutique du Chêne Vert payant 1 livre 16 sols pour un droit
d’ouverture et d’accès à un chemin, la maison du sieur Duparc payant 5 chapons
(2 livres 10 sols), la maison de Jacques Meusnier payant 1 livre, et la maison
de l’Ecu, du notaire Claude Frappier, payant 2 livres 11 sols 11 deniers. Les
redevances annuelles en argent inférieures à une livre totalisent 17 livres et
3 deniers, soit 5 sols en moyenne pour chaque bien déclaré. Si un particulier
voulait construire une maison il devait en demander le droit, moyennant
création d’un cens. Ainsi Nicolas Tricouère dû s’acquitter annuellement d’un
cens de 5 sols pour une boutique qu’il fit construire devant une maison en
1734, et appartenant en 1774 à François Morlière. C’était le lot des bourgs
d’individualiser les redevances seigneuriales dues sur chaque domaine, alors
que dans les villages les cens et sur-cens étaient collectifs la plupart du
temps, à la fois pour les bâtiments du village et les parcelles foncières
agricoles du tènement. Dans les bourgs de la Rabatelière, de la Chapelle de
Chauché et de Chavagnes, on fait le même constat de redevances individuelles
qu’à Saint-Fulgent (29). Quant au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie il avait un
régime particulier, assimilable à celui des bourgs francs créés vers le 12e
siècle, où les habitants ne payaient que deux modestes redevances sur l’élevage des cochons et un sens colectif.
Au paiement du cens, s’ajoutait celui du droit de
puisage dans deux fontaines (puits), dont l’une s’appelait la fontaine du Rimon.
Ce droit était attaché à des maisons ou jardins et n’était que de 6 deniers par
an. On ne relève que 3 domaines ayant un puits individuel, alors que le droit
de puisage est mentionné 38 fois dans l’aveu pour le bourg. On a trouvé un de
ces puits au bord de la route nationale dans les années 1960 devant l’extrémité droite de l’ancien café du Lion
d’Or (30). Il y avait aussi le droit d’emplacement de « fumerit »
(fumier), variant de 1 à 10 deniers par an, et acensé par le seigneur des
lieux à 6 domaines en 1774. Ces fumiers révèlent une activité agricole dans le
bourg.
Au terme de cet inventaire on peut dire que la
plupart des maisons avaient donc leurs jardins, et comme dans les villages
l’eau potable était un service collectif mis en place par le seigneur moyennant
une redevance. Ainsi Charles Guyet possédait plusieurs jardins ou
planches dans des jardins du bourg : 4 boisselées dans le « jardin de
la Menaudière anciennement appelée la Petite Thibaudière »,
6 boisselées en « affiage » (verger) dans le « Haut
Jardin », 1/3 de boisselée dans le « Jardin des Vallées », 6
gaulées de terre dans le « jardin des Cloistre », et 1 boisselée dans
le « Jardin des Vignes ». On avait besoin pour cela d’espace, et
l’urbanisme d’alors n’imaginait pas l’alignement des maisons les unes contre
les autres. Pourtant les maisons elles-mêmes n’étaient pas grandes. Leurs
dimensions ne sont jamais indiquées dans les documents notariaux et
seigneuriaux consultés dans la région. Mais on a repéré une maison composée
d’une seule pièce dans la région de Fontenay-le-Comte en 1618 : 6 mètres
de long et 5 mètres de large. On y logeait un métayer d’une borderie avec sa
famille (31). Ces gros bourgs comme à Saint-Fulgent étaient ruraux et ses
habitants demeuraient des campagnards, même ceux qui exerçaient des fonctions
de citadins (notaires, juges, etc.), se déplaçant à cheval et habitués au vent
et au soleil. Le gros bourg de Saint-Fulgent était un lieu d’échanges avec ses marchés,
ses foires et ses artisans, ouvert aux longues distances avec ses deux auberges
au long d’un Grand chemin reliant de grandes villes. En même temps c’était un petit
centre administratif avec ses notaires, ses juges, etc. On comprend alors qu’il
fut choisi en 1790 comme chef-lieu du canton qu’on a alors créé.
L’auberge du Chêne Vert
En 1774, Charles Guyet ne payait
qu’un cens de 8 sols pour son auberge du Chêne Vert. Elle était composée
« d’une salle,
de deux autres chambres basses, de deux autres petites chambres, de 5 chambres
hautes, cave, cellier, écurie, grange et toits, cour au-devant sans être
renfermée ». Elle était située à l’angle de la route nationale et de la
route qui conduit à la Clavelière. Vers 1777, Charles Guyet se retira de
son hôtel du Chêne-Vert à Saint-Fulgent, ne conservant que la propriété des
murs. Il loua le fonds de commerce à Alexis Hayraud (32). Par héritage
les bâtiments de l’hôtel sont passés au 19e siècle aux Martineau puis aux de
Grandcourt, devenant une maison d’habitation.
L’auberge dû servir de relais de poste, quoique
cela n’apparaisse pas dans l’aveu du seigneur de Saint-Fulgent. La poste de Nantes à la Rochelle passait en 1726
les lundi, mercredi et samedi (33). Suivant les comptes du notaire Bouron de
Chavagnes, les tarifs d’auberge à Saint-Fulgent en 1748 étaient pour ¼ de
vin : 2 sols 6 deniers, et pour 1 dîner (repas de midi) avec repue
(mangée) du cheval : 14 sols.
L’auberge connut l’accouchement d’une voyageuse, le
1e novembre 1759, Marie Thérèse Risoly demeurant à Nantes. On y
constata aussi des décès, de Renée Jeanne Marquet le 22 avril 1749, originaire
de Bretagne, de Pierre Noguet le
13 mars 1785, marchand originaire d’Anjou, de Louis Allain le 29 avril 1763,
domestique.
En 1962, l’ancienne auberge est devenue la maison de Mme Louis de Grandcourt (34)
Autres redevances seigneuriales
Halles autrefois à la place de ces maisons
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Sur les marchés de la cohue (halles) dans le bourg tous
les mardis, le seigneur faisait percevoir un droit de halle (étal) et minage
(poids et mesures) sur les marchands. Ce droit de fixer les mesures et de les
étalonner s’appliquait au blé, vin, sel, huile et draps. On appliquait les
mêmes mesures qu’aux Herbiers et aux Essart, mais l’important était qu’elles
soient propres à la seigneurie pour percevoir des taxes. Les halles touchaient
au grand chemin de Nantes à la Rochelle et à la rue Saint Jean qui existait
déjà avec ce nom. Son emplacement est maintenant occupé par des maisons.
De plus les jours de marché le seigneur percevait
des droits sur les marchandises entrant, vendues ou non : 2 deniers par sol
pour le beurre, 2 poignées de lin par "botteau" (botte) de lin, un œuf par panier « quelque
peu ou beaucoup qu’il y en ait », et sur le blé et sel par chaque boisseau
3 deniers. Pour les 7 jours de foire dans l’année les droits sur les
marchandises mises en vente étaient du double de ceux des jours ordinaires de
marchés. Le droit d’étal des marchands sous les halles ou sur la place
attenante était de 2 sols les jours de foire. Ces jours-là étaient prévus des
droits de 4 deniers par pièces sur les chevaux, les bêtes aumailles (bovins) et
porcines. Les 7 jours de foire de Saint-Fulgent avant la Révolution
étaient : le mardi de Pâques, le mardi de la Pentecôte, la petite Saint-Jean
(6 mai), la Saint-Claude (6 juin), la grande Saint-Jean (24 juin), la Saint-Côme
(27 septembre) et la Saint-Fulgent (8 octobre). Aux foires de Saint-Fulgent
s’ajoutaient dans la contrée les autres foires fréquentées par les habitants de
Saint-André-Goule d’Oie et de Saint-Fulgent, de Vendrennes, Bazoges, l’Oie, des
Herbiers et des Essarts. Ces lieux d’échanges témoignent d’une activité
économique, rendant possible un enrichissement.
Il existait un droit original sur ceux des
habitants du bourg qui nourrissaient des chevaux. Ils devaient aller chercher
les rentes en céréales dues au seigneur, qui étaient quérables, c’est-à-dire
que c’était à ce dernier de les faire prendre sur les lieux de production.
Néanmoins le seigneur devait payer la nourriture des personnes préposées à ce
transport. Pour tous les bourgeois du bourg concernés et probablement aussi les
autres, la redevance devait être sans doute transformée en prix d’argent.
La Noue Grosselin au premier plan (2019)
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Autre originalité venant du Moyen Âge, le droit de quintaine.
À Saint-Fulgent il obligeait les jeunes mariés « qui veulent
résider en madite châtellenie » à courir la lance sur un grand et fort
cheval le lendemain de la pentecôte à la Noue Gosselin (près des bâtiments du
Plessis Richard). Dans l’aveu de 1774 ce droit a été transformé en une taxe de
5 sols à payer à la pentecôte par les nouveaux mariés de l’année.
Un autre droit est difficile d’explication et
concerne les repas des noces dans la châtellenie de Saint-Fulgent. Les mariés
devaient donner aux célibataires présents deux pots de vin, un plat de viande,
deux pains blancs et une demi-livre de chandelle. Et ceux-ci devaient chanter
une chanson aux mariés « devant la maison où est le bouquet ». Faute par
les mariés de donner ce qui était prévu, les célibataires avaient droit
« d’exécuter sur la table » les nourritures et chandelle prescrites,
sauf à ce que l’exécution en soit faite par un sergent (huissier) de la
châtellenie. Une fête concernait encore les mariés et les « enfants à
marier » le lendemain de la pentecôte. Chaque couple marié dans l’année
précédente devait donner aux célibataires en âge d’être mariés 4 pots de vin, « un
mouton baillier » et 2 gousses d’aulx. Et ces derniers pouvaient en retour
« donner à dîner aux mariés, si bon leur semble ».
Que ces usages fassent partie des droits
seigneuriaux montre qu’il ne faut pas réduire ceux-ci aux seules taxes ou
impôts prélevés au profit des seigneurs. Ils témoignent d’une imbrication du
pouvoir seigneurial dans la vie sociale festive des habitants de la seigneurie
au Moyen Âge. On avait néanmoins à Saint-Fulgent une redevance d’un sol au seigneur des lieux due par les jeunes mariés et les veuves demeurant dans le bourg à chaque fête de Toussaint,
qui s’appelait « adieux de baillis » ou « ageans de
baillis ». Chaque aveu reprenait les droits du seigneur tels qu’ils
étaient formulés dans l’aveu précédent, comme le droit de fortification par
exemple, sans forcément de lien avec la réalité, le temps passant. Il serait
intéressant de savoir ce qu’il en était réellement de ces usages en 1774 à
Saint-Fulgent. Ailleurs dans le bocage on appelait ces droits de nature
festive, droit de bachelette. Chaque seigneurie avait ses variantes propres, se
déroulant souvent au printemps. Mais les « fêtes baladoires »
auxquelles elles pouvaient donner lieu comme à la Noue Gosselin, ont pu
dégénérer en désordres. Elles furent supprimées par arrêt des Grands Jours
(session extraordinaire du parlement tenue exceptionnellement à Poitiers) le 14
décembre 1665. Celle de Châtillon-sur-Sèvre fit l’objet d’une interdiction
spécifique par le parlement de Paris en 1779 (35). Ces interdictions attestent de leur
existence, probablement aussi à Saint-Fulgent, mais nous manquons de récits pour
les situer dans le temps et rendre compte de leur réalité.
Le privilège de la chasse
L’aveu étudié ne cite pas le
privilège de chasse dont bénéficiait le seigneur de Saint-Fulgent, peut-être
parce qu’à cette époque il était très encadré par la législation royale après
l’avoir été par la coutume, et que cela suffisait. L’administration des Eaux et
Forêts avait son siège à Fontenay-le-Comte pour le Bas-Poitou, et avait un
pouvoir judiciaire exclusif dans les domaines de la chasse, de la pêche, de
l’activité sur les cours d’eau, et de l’abattage des arbres. Personne ne
pouvait chasser sur les domaines faisant partie des fiefs seigneuriaux (métairies,
bois, forêts, étangs), sans une permission expresse des seigneurs. Les non-possédants
des fiefs y étaient interdits de chasse suivant l’ordonnance d’août 1669,
article 28 du titre 3 (36). De plus les champs semés de céréales et les vignes,
de tous domaines, étaient interdits aux chasseurs de toute condition à
certaines périodes dans l’année. Il était interdit aussi aux seigneurs d’empêcher les
particuliers d’arracher les mauvaises herbes, de faucher leurs foins et de
moissonner à leur volonté, ni les obliger à mettre des épines dans leurs « héritages »
(domaines). Les seigneurs pouvaient nommer des gardes chasse pour faire
respecter leurs droits, à condition que ceux-ci soient enregistrés à
l’administration des Eaux et Forêts (37). Agnan Fortin a ainsi nommé dans cet
emploi le 6 mars 1770 Charles Ravaud habitant Saint-Fulgent. Une enquête sur
l’intéressé a été conduite par le maître particulier des Eaux et Forêts de
Fontenay-le-Comte. Deux témoins, affirmant n’avoir pas de liens avec lui, ont « déposé
bien connaître Charles Ravaud, pour être de la religion catholique, apostolique
et romaine, l’avoir vu s’approcher des sacrements et assister aux services
divins, et capable de faire la fonction de sergent garde ». Il a été reçu
le 20 mars suivant en son office de « garde de la terre et seigneuries de
Saint-Fulgent, bois et buissons en dépendant » (38).
Bourg de
Saint-Fulgent en 1900
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En 1782 le nouveau garde
s’appelait Pierre Baudry et demeurait au château de Saint-Fulgent. Le dimanche
25 août de cette année-là vers 6 heures du soir, il était en train de
« faire le dû » (devoir) de sa charge, « orné » de sa
bandoulière suivant le règlement, quand il entendit des coups de fusils sur la
route des Herbiers à un quart de lieu du bourg (1 km). S’y étant rendu il vit un
homme entrer dans une pièce de terre en genêts dépendant de la seigneurie de
Saint-Fulgent. Il reconnut le fils Soulard, laboureur demeurant à la Petite
Valinière (Saint-Fulgent). Dans son procès-verbal le garde écrit : « Je
lui ai dit qu’il ne servait à rien de défendre de chasser, car l’année dernière
j’avais trouvé son domestique aussi à chasser, et qu’il chassait journellement
contre l’esprit des ordonnances et au mépris des défenses. Et d’autant qu’il
n’est de qualité requise pour chasser ». Pierre Baudry a confisqué le
fusil et est allé le lendemain déposer son procès-verbal à la maîtrise des Eaux
et Forêts de Fontenay, seule habilitée à poursuivre pénalement le contrevenant
(39).
On sait que dans les décrets de
la nuit du 4 août 1789 et jours suivants, ce privilège exclusif de chasse dans
les fiefs nobles fut aboli, car voulant « détruire entièrement le régime féodal ». Mais le décret du 30 avril 1790 interdit
ensuite de chasser sur le terrain d’autrui sans l’accord du propriétaire. Il
semble bien qu’ainsi l’espoir de chasser librement connu une désillusion dans
la contrée parmi les braconniers. En témoigne une lettre du fondé de pouvoir de la
Rabatelière, le notaire Frappier, du 21 février 1791 à son châtelain habitant
ordinairement à Nantes, où il l’informe de la situation dans la contrée sur
ce sujet : « Je crois que M. de
Lespinay (propriétaire de Linières) n’a encore rien fait au sujet de la chasse,
qu’il avait comme vous défendue par affiche ». Dans une autre lettre du 21
mars suivant Frappier continue au même : « J’ai parlé à M. Verdon
concernant la chasse. Il me dit que M. de Lespinay n’avait rien fait. Un jour
M. le chevalier de Chabot passant ici, nous eûmes un moment de conversation
ensemble, et il en fut question. Il dit qu’il fallait autant qu’il était
possible fermer les yeux dans ce moment sur bien des choses. Nous ferons,
monsieur, tout ce que vous voudrez là-dessus, mais je désirerais bien que quel
qu’autre que vous commençasse les actions. Si cependant c’est votre dessein, il
faudra bien le faire » (40). On hésitait apparemment à poursuivre les
paysans qui s’étaient mis à chasser illégalement en profitant des premières initiatives
de la Révolution en ce domaine. Quand on sait ce qui s’est passé ici deux ans
plus tard, et au regard du peu d’informations disponibles sur le vécu des événements dans cette période dans la contrée, le détail mérite d’être
remarqué. Les anciens seigneurs devenus simples propriétaires hésitaient à
sévir contre les chasseurs, qui voulaient profiter du vent de liberté né dans
la nuit du 4 août.
Conclusion
Cet aveu en 1774 du seigneur de
Saint-Fulgent à son suzerain de Tiffauges constitue à lui seul un cours
d’histoire et de géographie, certes incomplet, nous emmenant en voyage dans le
temps à seulement 2,5 siècles de distance. Tellement proche et tellement
éloigné en même temps ! Il faut dire que 15 ans plus tard la Révolution
française fut un accélérateur du temps dans le domaine politique. Et 75 ans
plus tard les nouvelles techniques permises par la métallurgie révolutionnèrent
l’agriculture dans la contrée, base de son activité économique. Désormais le
temps s’écoulerait au rythme du progrès proclamé, tendant à nous faire oublier
l’immuabilité tout aussi proclamée du temps d’avant. Quant à notre époque, qui
a inventé l’accélération du temps, ne nous rend-t-elle pas l’année 1774 encore
plus précieuse à visiter à Saint-Fulgent ?
(1) Abbé Auber, Saint Martin de Vertou, Société des Antiquaires de l’Ouest (1868),
page 48 et s.
(2) Cartulaire de Pouzauges, no 7, 7 bis, 12, et 13.
(3) Mémoire de la Société des antiquaires de l’Ouest, Marcel Garaud, Les châtelains de Poitou et l’avènement du régime féodal aux XIe et
XIIe siècles, (1964) tome VIII.
(4) Aveu du 23-6-1774 de
Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (Armand Louis Jousseaume de
la Bretesche), transcrit par Paul Boisson, Archives du diocèse de Luçon, fonds
de l’abbé Boisson : 7 Z 13. Toutes les informations de cet article proviennent de cette
source, sauf par exception celles mentionnées par d’autres.
(5) Saint-Fulgent divers, Archives du diocèse de Luçon,
fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 23.
(6) J.
Biteau, Deux capitaines de
paroisse : les frères Cougnon de Saint-André-Goule-d’Oie, dans la
Revue du Souvenir Vendéen, no 239 juin, 2007, page 24.
(7) Vente Jaud demeurant à Château Gaillard du 5 novembre 1872, Arch.
dép. Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Chauvin, répertoire 3 E 30 1, no 283, vue 114/174.
(8) Les deux bourgs de la Rabatelière, Archives du
diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 57-2.
(9) Témoignage de M. Cunaud pharmacien à l’abbé
Boisson. Un autre donjon ainsi dénommé de nos jours existe près de la maison du
percepteur sur le chemin qui va à l’école des filles, notes Boisson, Archives
historiques du diocèse de Luçon, fonds Boisson, 7 Z 23.
(10) J. Brégeon et G.
Guicheteau, Nouvelle Histoire des guerres de Vendée, Perrin, 2017, page
26.
(11)
Instruction en 1746 de Daniel-Charles Trudaine, intendant des
Finances en charge du département des Ponts et Chaussées.
(12) Lettre du 1-2-1726 de Bousseau à M. Montaudouin
sur des affaires en cours, Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/F 7.
(13) Les seigneurs de Saint-Fulgent, inventaire de
la succession Fortin, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé
Boisson : 7 Z 18-2.
(14) E. Durel, Les moulins de Vendée, Geste Éditions,
2016, page 10.
(15) Lettre du 29-4-1730 de Bousseau à M.
Montaudouin sur le moulin de Montorgueil, Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/F 7.
(16) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z
17-2.
(17) Lettre du 20-8-1727 de Bousseau à M. Montaudouin
sur les affaires en cours, Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/F 7.
(18) Partage du 18-10-1779 de la
succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 26, Archives
de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(19) Arrentement du 15-1-1771 du
four banal de Saint-Fulgent, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E
30/6.
(20) Arrentement du 22-12-1773 d’une métairie à la
Chaunière par Fortin, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Thoumazeau : 3 E 30/121.
(21) Estimation des travaux du 17-6-1754 sur les
moulins de la Pesotière (Saint-Fulgent), Archives de Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/114.
(22) Idem (5)
(23) Les officiers seigneuriaux
et municipaux de Saint-Fulgent (1700-1830), Archives du diocèse de Luçon, fonds
de l’abbé Boisson : 7 Z 16.
(24) Ferme du 30-8-1768 de l’auberge du Lion d’Or à
Saint-Fulgent, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau :
3 E 30/120.
(25)
Inventaire après-décès
en 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau,
Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau :
22 J 29, page 7.
(26) Les médecins,
chirurgiens, apothicaires, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé
Boisson : 7 Z 22-2.
(27) Journal de Jean de Vaugiraud, Archives d'Amblard de Guerry, classeur Prix et mesures. Et Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, livre de raison de Jean de Vaugiraud de 1618 à 1625 : 22 J 10.
(28) Idem (5).
(27) Journal de Jean de Vaugiraud, Archives d'Amblard de Guerry, classeur Prix et mesures. Et Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, livre de raison de Jean de Vaugiraud de 1618 à 1625 : 22 J 10.
(28) Idem (5).
(29) Partage du 18-10-1779 de la
succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, pages 15 et 18,
Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(30) Idem (5).
(31) Archives d’Amblard de Guerry, classeur Prix et
mesures. Et Archives de Vendée, bibliothèque historique, Journal
de messire Paul de Vendée seigneur de Vendée et de Bois-Chapeleau :
BIB 6471.
(32) Partage du 4-8-1783 de la
succession d’Alexis Herault aubergiste entre les consorts Herault voituriers et
Bénigne Planchet sa veuve, Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent,
Frappier : 3 E 30/8.
(33) Dugast-Matifeux
dans « Échos du Bocage Vendéen » no 6, page 19, cité par Paul Boisson dans Archives du
diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 23.
(34) Information de Me Phelippon, notaire, confirmée
par M. Marmin secrétaire de mairie le 4 octobre 1962, notes de l’abbé Boisson, Archives
historiques du diocèse de Luçon, fonds Boisson, 7 Z 23.
(35) J. Dehergne, Le Bas-Poitou à la veille de la Révolution,
CNRS, 1963, page 153 et s., Archives de Vendée : BIB 1224. Et Augustin Herault, Les « gas » du bocage vendéen de 1760 à 1960, Hérault, Maulévrier, (1977), pages 45 à 47.
(36) Ordonnance du 11-9-1751 sur le droit de chasse dans les terres non nobles,
Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1250.
(37) Règlement du 15-5-1779 du comte
d’Artois sur la chasse dans ses forêts du Poitou, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B
1368. Et ordonnance du 21-7-1747 sur la chasse (réitération) du maitre
particulier de Fontenay, ibidem : B 1382.
(38) Dossier de réception du 20-3-1770 de garde des terres de
Saint-Fulgent, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay :
B 1434.
(39) Procès-verbal du 25-8-1785 de chasse interdite à Saint-Fulgent,
Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1440.
(40) Les Montaudouin, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé
Boisson : 7 Z 64.
Emmanuel François, tous droits réservés