samedi 3 avril 2010

les premiers seigneurs de Linières, les Drouelin

Le recoupement des diverses sources, ainsi que leur augmentation, nous permet de revenir sur les premiers seigneurs connus de Linières, anciennement Drollinière. Nous reprenons ici notre article d’avril 2010. Ces premiers seigneurs s’appelaient Drouelin, aussi écrit Droslin, Droulin, Droelin. On sait que l’orthographe s’est fixée bien après la période du Moyen âge dans les écrits de nos ancêtres.

Les membres de cette famille, on le sait, ont été seigneurs de Saint-Fulgent, Linières et la Boutarlière, ces deux derniers fiefs situés à Chauché, et probablement la Merlatière et la Jarry (Saligny). Ils possédaient aussi des domaines à la Barotière et la seigneurie de Badvielle ou Badiole à Beaurepaire. On se rappelle aussi que les Drouelin donnèrent leur nom au fief de la Drollinière, nom qui fut simplifié dans les années 1630 en Linière, par le propriétaire d’alors, un nommé Legras qui usurpait le titre de baron (Voir notre article de juin 2011 : Le faux baron de Linières).

Les premiers Drouelin


Le document le plus ancien connu de la famille Drouelin concerne Marie Drouelin. Il nous apprend que celle-ci fit don en 1238 à l’abbaye de Fontenay-le-Comte d’une rente de trois sous tournois sur la maison de Raoul de Gamaches à Lusignan. Il s’agit probablement de Raoul II de Lusignan, appartenant à une importante famille alliée au roi d’Angleterre, le comté d’Eu leur venant de Guillaume le conquérant (de Normandie), et aussi au roi de France par leur alliance avec les Capet de la branche dite de « Dreux ».

Aimery Drouelin est le premier seigneur connu de Saint-Fulgent. Il était seigneur de la Gatolière et de la Barotière. La Gatolière ou Gatelière à Saint-Fulgent porte encore les traces d’une maison de maître sur un espace un peu surélevé. Ce fut peut être vers 1280 le logis d’Aimery Droulin ou Drolin, seigneur de Saint-Fulgent (1).

Abbaye de la Grainetière
« De Monseigneur Aymeri Drolin, chevalier, 5 sols de rente ». C’est ce qu’on relève dans une reconnaissance des droits acquis de l’abbaye de la Grainetière (Ardelay) en mars 1291 par Renaud Barbou, bailli de Touraine, comme redevance due par le seigneur de Saint-Fulgent (2). Les textes où on lit qu’il serait décédé en 1282 paraissent en contradiction avec l’extrait que nous venons de lire. Mais peut-être y eu-t-il au moins deux Aimery Drouelin. On sait peu de choses sur lui, sinon qu’il serait né vers 1240, qu’il épousa une dame Agathe et qu’il eut au moins un fils appelé Maurice Drouelin. Cette histoire des Drouelin n’est pas facile à raconter. Les papiers de la famille ont disparu. Heureusement il y avait les moines de l’époque qui savaient lire et écrire, qui tenaient leurs comptes, et dont les archives ont été conservées. C’est le cas à l’abbaye de la Grainetière. Les nobles des environs les pourvoyaient de dons, souvent sous forme de rentes, et c’est comme cela que nous découvrons l’existence la plus ancienne des Drouelin, de manière bien parcellaire. L’abbaye de la Grainetière a été créée vers 1130 par l’abbaye de Fontdouce (commune de Saint-Bris-des-Bois en Charente-Maritime) avec l’appui du seigneur local, Gilbert de la Chaize, qui aurait offert pour sa construction un emplacement dans la forêt de Vendrennes.

Aimery Drouelin, seigneur de Saint-Fulgent, fit un don à la Grainetière en 1293 de deux setiers de seigle sur la Gatolière (3). Les archives de l’abbaye de la Grainetière font état d’un autre don le 4 février 1294. Cette famille de seigneurs de Saint-Fulgent a fondé la Drollinière de Chauché, ainsi que la Boutarlière, mais aussi vraisemblablement la Drolinière de Chavagnes-en-Paillers. Celle-ci relevait de la Guichardière (4). 

Après Aimery Drouelin, vint Maurice né vers 1270. En 1282 il est seigneur de la Drolinière (5). Maurice Drouelin eut plusieurs enfants, mais nous ne connaissons que son successeur le plus vraisemblable pour avoir été seigneur de Saint-Fulgent et de la Drolinière de Chauché, qui s’appelait aussi Maurice, né vers 1310 et décédé avant mai 1378 (6). En 1293, les textes évoquent aussi un Guillaume Drouelin, témoin à la Grainetière des dons d’Aimery Drouelin. Un autre Guillaume Drouelin, seigneur du Bois-Porchet (Beaurepaire), fit le 13 février 1374 un traité avec l’abbaye de la Grainetière relativement à une rente léguée à cette abbaye par feu Jean Drouelin son frère, pour y être inhumé. Ces deux seigneurs moururent sans postérité et leur nièce hérita de tous leurs biens (6). Nous ne connaissons pas le lien entre ces deux personnes et les autres membres de la famille Drouelin, seigneurs de la Drolinière, Saint-Fulgent et de la Boutarlière.

Aveu de Saint-Fulgent en 1343


Philippe VI
Maurice Drouelin, se qualifiant de valet (écuyer), fit un aveu au roi de France en 1343, seigneur en la châtellenie de Montaigu, de domaines à Saint-Fulgent, tenus de Montaigu à foi et hommage lige. Il devait son devoir de ligence à la demande de son suzerain. Le roi Philippe VI (roi de 1328 à 1350) est suzerain dans cet aveu, car il venait de confisquer tous les biens, dont Montaigu, de Jeanne de Belleville, bannie du royaume après l’exécution pour félonie en août 1343 de son mari, Olivier IV de Clisson. Celui-ci avait pris parti pour le clan des Montfort dans la succession du duché de Bretagne (mort du duc en 1341), à l’instigation du roi d’Angleterre, contre le clan des Blois-Châtillon soutenu par le roi de France, la guerre de Cent Ans ayant commencé en 1337. Dans ces circonstances on peut situer la date de l’aveu vers la fin de l’année 1343. La baronnie de Montaigu sera rendue au fils du supplicié, rallié au roi de France, après sa libération des Anglais grâce à Du Guesclin. Nous reprenons ici la transcription du texte de l’aveu par Amblard de Guerry (7), au lieu de son résumé par Maurice Maupillier.

Les domaines dénombrés dans l’aveu sont deux rentes et un droit de terrage : 22 sols et 8 deniers, 1 setier 3 boisseaux de froment et 4 chapons, et 4 setiers 64 boisseaux de seigle ou environ de terrage. Viennent ensuite les domaines tenus sous son hommage par plusieurs possesseurs :
-          D’abord son premier frère cadet, Jean Drouelin, qui tient sous son hommage en gariment (garantie) la métairie de la Véralie, affermée pour 8 setiers de blé environ. Aussi les landes de la Véralie dont il perçoit 10 sols en deniers et 1 setier et 3 boisseaux d’avoine. Aussi le Bois de la Véralie (12 boisselées), le Bois de la Tacrière (12 septerées environ de surface) et une garenne, lesquels ne sont pas assujettis au droit de rachat (à payer au suzerain en cas de mutation d’un bien noble).
-          Ensuite par hommage plain (simple) en gariment Morieneau de la Tacrière à 5 sols par an de service, dont le rachat est estimé à 60 sols ou environ à chaque mutation.
-        Par hommage plain Pierre Chevalereau pour ce qu’il tient à la Tacrière, à rachat et à cheval de service, dont le rachat est estimé 7 livres ou environ. La notion de cheval à service ici fait synonyme avec celle de rachat. 
-          Par hommage plain Perrez pour ce qu’il tient à la Courpière et à Levequere, à rachat et à cheval de service, dont le rachat est estimé 6 livres ou environ.
-       Par hommage plain Jean des Nouhes pour la moitié de la coutume (droit ou redevance) du terroir de Levequere qui peut valoir 2 setiers de blé ou environ (l’autre moitié appartient au déclarant Maurice Drouelin) qui vaut 1 setier de blé ou environ, et le quart des dîmes des bêtes qui valent 5 sols ou environ.
-        Par hommage plain messire Nicolas Chevalier, prêtre, à 6 deniers par an pour ce qu’il tient à la Valinère et à la Boucaucreysere de gaignées (terres labourables), gastes (terres non labourables) et prés journaux à 2 hommes ou environ, le tout occupant une surface de 15 septerées, dont le rachat est estimé 15 livres ou environ. Sur la Valinière il perçoit 100 sols et 4 chapons, et la coutume (redevance) sur la vigne des lieux. Sur la Boucaucreysere il perçoit 3 sols 2 deniers, une taille de 5 sols et la dîme des bêtes qui vaut 5 sols ou environ.
-        Par hommage plain Pierre Barreteau à 10 sols par an pour 3 mines (24 boisselées) de terre et un pré en journal à 1 homme,dont le rachat est estimé 30 sols ou environ à chaque mutation. 
-          Par hommage plain Jean Amoire pour 3 septerées de terre et un pré en journal à 2 hommes, situés à la Valinière, dont le rachat est estimé à 25 sols ou environ à chaque mutation.
-          Par hommage plain Jean Paupin pour 5 septerées de terre tant gaignée que gaste et un pré en journal à 1 homme, situées à la Courpière, dont le rachat est estimé à 25 sols ou environ à chaque mutation.
-       Enfin un nommé Leveque de Saint-Fulgent tient des domaines (blanc),dont le rachat est estimé 100 sols ou environ.
Tous ces domaines sont situés en la paroisse de Saint-Fulgent et valent à Maurice Drouelin le droit de haute basse et moyenne justice. Il en perçoit 40 sols par an, plus en setier de froment une valeur de 10 sols, en setier de seigle et d’avoine 8 sols chacun, dont le rachat est estimé à 12 livres ou environ à chaque mutation, sauf les bois et la garenne « qui ne courent pas en rachat ». Le texte se termine par : « Fait et donné sous mon sceau dont j’use en ma châtellenie de Saint-Fulgent le mardi empres (après) oculi (dimanche) mai l’an 1343 ».

Dans cet aveu on retient le nombre de terres concédées par hommage avec rachat, habituellement appelé fiefs : 10, et de petites dimensions. En ajoutant ceux relevant de Tiffauges, dont la quinzaine d’arrière-fiefs dépendant du Puy-Greffier (8), la paroisse de Saint-Fulgent comprenait ainsi de nombreux petits-fiefs, comme à Chavagnes, Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie. Ces fiefs étant des terres nobles, on ne peut pas en déduire néanmoins qu’en 1343 leurs possesseurs étaient tous des nobles, le texte de l’aveu restant muet sur ce point. À Saint-André, on a observé des petits fiefs possédés par des roturiers, voire devenir plus tard terres censives. C’est que les malheurs, climatiques, sanitaires et militaires de la fin du Moyen Âge ont décimé la nombreuse petite noblesse de la contrée. 

Le partage de la Drollinière et de la Boutarlière en 1342


La Boutarlière (photo X. Aimé 
dans son livre sur l’histoire des lieux)
Le seigneur de Saint-Fulgent et de la Drollinière avait partagé l’héritage de ses parents en juillet 1342, et la Boutarlière revint à un frère cadet, Jean (9).  Le tènement voisin de la Gandouinière, situé à l'est de la Boutarlière, fit partie de sa mouvance, alors que celui situé au sud, la Charillière, fit partie de la mouvance de la Drollinière jusqu’à la Révolution (10). À partir de ce partage la Boutarlière releva de Linière sous l’hommage que cette dernière en faisait au baron des Essarts. Linière relevait directement de la baronnie des Essarts.

Les seigneurs de la Boutarlière, cousins de ceux de Saint-Fulgent et de la Drollinière, leurs voisins, vont ainsi continuer à porter le nom des Drouelin avec Jean, seigneur du lieu en 1391 et valet. Un valet était à l'origine un serviteur d’armes au service d’un guerrier, assimilable à un écuyer. Cette année-là il concéda à plusieurs particuliers diverses pièces de terres. C’est un autre Jean Drouelin, probablement fils du premier, qui rendit en 1458 un aveu à Jean Moreau, habitant du Bourg-sous-la-Roche et seigneur de la Gernigaudière aux Brouzils (11).

En 1488 Jean Drouelin reçu un aveu de Bertrand de Saint-Hilaire, seigneur du Retail, pour les Drillères de Boulogne à cause de la Boutarlière. En 1518, c’est Gilles de Saint-Hilaire qui rend l’aveu à René Drouelin, seigneur de la Boutarlière. Il s’agit probablement d’un fils ou d’un frère de Jean Drouelin. René Drouelin, écuyer, épousa Jeanne Fouqueraud (12).

Le fils de Jean Drouelin, Maurice, eut une fille Catherine née vers 1460, qui se maria vers 1490 avec Guyon Bonnevin, lui apportant la Boutarlière en dot. Et Louise Bonnevin, sa fille née vers 1490, se maria en 1519 avec Antoine Gazeau, né vers 1495. C’est celui-ci qui reçut l’aveu de Jacques de Saint-Hilaire en 1531 (13).

Maurice Drouelin seigneur de la Drolinière et de Saint-Fulgent eut au moins deux filles Marie et Jeanne. Marie se maria en 1350 avec Guillaume Baritaud, seigneur de la Baritaudière (Chantonnay) et de Thénies (Saint-Germain-de-Prinçay). Elle lui apporta la Drollinière en dot. Jeanne, née vers 1340 se maria en 1365 avec Jean Cathus, lui apportant la seigneurie de Saint-Fulgent en dot, ainsi que la Jarrie et la Merlatière. Celui-ci était fils de Jean Cathus seigneur du Bois (près de Beauvoir-sur-mer), né vers 1310. Ils eurent au moins une fille, Catherine, née vers 1370, dame de Saint-Fulgent et aussi vraisembleblement de la Jarrie et de la Merlatière. Elle épousa en 1380 Sylvestre de Rezay. Les Rezay sont venus s’installer à la Merlatière à une date non repérée, et G. de Raignac pense qu’ils sont venus à la possession de la Merlatière et Jarrie par ce mariage. Sa petite-fille épousa, François de Bessay, descendant par son père de Louis VI le Gros (14).

Jeanne Drouelin et son mari Jean Cathus furent condamnés aux Grandes Assises de Poitiers, tenues du 1e mars au 31 mai 1378, par Miles 1e de Thouars (1327-1378) à lui rendre foi et hommage ainsi que les autres devoirs dus aux seigneurs de Tiffauges par Maurice Drouelin, chevalier, seigneur de Saint-Fulgent, père de ladite Jeanne (15). La seigneurie de Tiffauges, alors suzeraine de la seigneurie de Saint-Fulgent, appartenait à la vicomté de Thouars dès le XIe siècle (16). Le territoire de la paroisse de Saint-Fulgent se partageait donc entre deux suzerains : Tiffauges et Montaigu, et les textes indiquaient les seigneuries de Saint-Fulgent.

En 1365 Guillaume Baritaud de la Baritaudière, à cause de sa femme Marie Drouelin, et Jean Cathus son beau-frère, à cause de sa femme Jeanne, traitent avec la Grainetière à propos d’une rente d’un septier de seigle qui était due aux moines en vertu d’un don du seigneur de Saint-Fulgent (17).

Histoire de l’indivision du Bois de la Vrignaie et du Bois Thibaud (1342-1779)


La Jarrie en 2018
Catherine Cathus, dame de Saint-Fulgent et fille de Jeanne Drouelin et de Jean Cathus, épousa en 1380 Sylvestre de Rezay, seigneur de la Merlatière, la Jarrie (Saligny) et la Raslière (Merlatière). Cette dernière maison posséda longtemps la seigneurie de Saint-Fulgent. Et en 1598, dans un aveu à Thouars, elle cite dans sa mouvance deux bois ayant autrefois appartenu aux Drouelin, et qui sont indivis avec le seigneur de la Drollinière. Le premier est « une pièce de bois taillis garnis d’arbriers de gros bois et de futaie appelée les Vrignais, contenant 50 arpents de bois ou environ, tenant d’une part au bois de la Boutarlière, aux landes communes, d’autre aux terres du village de Villeneuve ». Le deuxième est « une autre pièce de bois taillis garnis d’arbriers de gros bois de futaie appelé le Bois Thibaud, contenant 6 arpents de bois ou environ » (18). En 1779, l’indivision féodale a cessé au Bois Thibaud, comme en témoigne une déclaration roturière du 15 avril de cette année-là de 9 teneurs faite au seigneur de Linières uniquement (19). L’autre partie du Bois Thibaud, appartenait alors au seigneur de la Rabatelière, successeur de la Merlatière. Dans le texte de 1779 on lit que ce bois touchait le chemin qui conduisait de la Morelière à Languiller, à celui qui conduisait du Landreau aux Essarts. L’espace avait pour voisins le bois dit de la Rabatelière, les tènements du Landreau et de la Porcelière, et le fief de Linières. Il nous semble que les éoliennes qui sont apparues récemment, occupent au moins en partie cet espace oublié de la mémoire des hommes. En 1765, une partie de l’espace est en landes et bruyères. C’était le cas lors de la vente le 27 octobre 1765 d’une pièce de terre en landes et bruyères située aux landes du Bois Thibaud (Chauché), contenant 4 boisselées. La boisselée de landes est vendue 3 livres, soit 4 à 5 fois moins que le prix d’une boisselée de terre labourable. Et l’acte met à la charge de l’acquéreur l’obligation « d’en faire les certes et obéissances au seigneur de Linières dont elle est roturièrement relevante et mouvante » (20).

Les liens féodaux dans la contrée au Moyen Âge


Cette histoire des Drouelin possède une portée intéressante. Que la même famille des seigneurs de Saint-Fulgent, se trouvant dans la mouvance du baron de Tiffauges et du seigneur de Montaigu, ait fondé un petit fief à la Drollinière, sur les terres du baron des Essarts, est un signe de bon voisinage apparemment. D’autant que ses membres viendront à la Boutarlière, toujours sur les terres des Essarts. Nous sommes probablement alors aux 12e et 13e siècles pour faire ce constat, époque également de la création des paroisses de Saint-André-Goule-d’Oie, Chavagnes-en-Paillers et Chauché. Saint-Fulgent et les Essarts existaient déjà, ainsi que la Chapelle de Chauché probablement. Ce fut une époque de prospérité et de paix relative, au sortir de la période précédente qui connut dans la région les invasions barbares et les luttes entre le comte du Poitou et le duc de Bretagne, auxquels s’est ajouté le comte d’Anjou.

Ces luttes ont dû contribuer à forger le paysage politique de la région, faisant de celle-ci un pays de frontière et d’affrontements probables. La féodalité locale parait s’être organisée dans cette confrontation. On trouve au nord les barons de Tiffauges et de Montaigu. En effet, la seigneurie de Saint-Fulgent, avec son château et sa prison, dépendait du baron de Tiffauges, et dans sa mouvance on trouve les fiefs du Puy-Greffier, de la Clavelière, de Rollin, et de nombreux domaines roturiers (la plus grande partie du bourg, des métairies, les moulins à vent de la Haute Clavelière et à eau de la Pesotière, plus tard la tuilerie de Boizard, etc.). Et le seigneur de Saint-Fulgent rendait un aveu à Montaigu pour le fief de la Thibaudière et ses dépendances, dont une petite partie du bourg (21). Et il y avait d’autres fiefs dont nous ne connaissons pas le lien féodal, comme la Roussière.

À Chavagnes il y avait une bonne douzaine de petits fiefs à ligence au service du baron de Montaigu, comme une ligne avancée de défense contre les envahisseurs du sud. Et on constate en 1343 que le baron de Montaigu avait sa mouvance sur la moitié du fief de Saint-André-Goule-d’Oie (bourg), l’autre moitié relevant de la Drollinière (22). En 1405 l’ensemble du fief est tenu du seigneur du Coin par le seigneur de la Drollinière (23). Les importants domaines du Coin à Saint-André, avec l’ensemble de la seigneurie, sont possédés depuis au moins 1372 par le seigneur de Languiller, et le château du Coin est en ruines en 1405. Nous sommes en pleine guerre de Cent ans, avec l’occupation temporaire de Saint-André par les Anglais et de Chavagnes par les Français, avec les ravages en même temps des famines et des désastres climatiques. Le 14e siècle, où on voit les domaines de la famille Drouelin se disperser, et apparaître et disparaître la seigneurie du Coin, a été un siècle de bouleversements dans l’organisation féodale locale. Et au sud, le baron des Essarts disposait de nombreux vassaux sur le territoire de la paroisse des Essarts, mais aussi sur celui qui deviendra les paroisses de Chauché et de Saint-André-Goule-d’Oie. C’était le cas du seigneur de Languiller à Chauché, qui était suzerain de la Chapelle. Aussi du seigneur du Coin, qui était suzerain du seigneur du Coudray et du fief de Saint-André (le bourg), concédé à Linières.

À la sortie de la guerre de Cent Ans, on pourrait dire que le ruisseau du Vendrenneau marquait la limite entre la sphère d’influence des Essarts au sud et celles de Tiffauges et de Montaigu au nord. D’ailleurs la paroisse de Saint-André a été soumise à la haute justice seigneuriale de la châtellenie des Essarts pendant tout l’Ancien Régime. Nous avons repéré une exception remontant au Moyen Âge, mais qu’on situe dans l’épaisseur du trait, si l’on peut dire. Le seigneur de la Valinière, de Saint-Fulgent, possédait des droits sur des parcelles du tènement de la Javelière, de Saint-André-Goule-d’Oie. Il en a cédé au moins une partie « au sieur Begaud, curé pour lors dudit Saint-Fulgent » en 1399 (24).

Dans ce constat, qui mériterait d’être approfondi bien sûr, l’implantation des Drouelin au Moyen Âge, à la fois dans les deux zones d’influences féodales, apparaît comme la fin d’un monde de liens seigneuriaux entrecroisés, signes d’affrontements probables. Il a laissé la place à une nouvelle répartition de ces liens, plus apaisée. Et si l’on devait écrire la préhistoire du canton de Saint-Fulgent, n’est-ce pas ainsi qu’elle pourrait commencer ?


(1) Maurice Maupilier, Des étoiles au lion d’or, Saint-Fulgent sur la route royale, Herault Éditions (198), p. 57.
(2) Abel Cougnaud, Édition des Chartes de l’abbaye de Notre Dame de la Grainetière (vers 1130-1305), p. 75, UER Histoire Poitiers mémoire de maîtrise juin (197), Archives de Vendée : BIB MEM 219.
(3) Revue du Bas-Poitou, L. Chappot de la Chanonie, Une poignée de documents sur l’abbaye de la Grainetière (1890-A3), page 272.
(4) Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée, Charles Gourraud, Histoire des villages de Chavagnes-en-Paillers (1876), page 169.
(5) www.Loipri.over-blog.com. Aussi G. de Raignac, De châteaux en logis, itinéraires de familles vendéennes, Bonnefonds, 1990, page 114.
(6) Maurice Maupilier, Des étoiles au lion d’or, Saint-Fulgent sur la route royale, Herault Éditions (1989), p. 71.
(7) Aveu en 1343 de Saint-Fulgent à Montaigu, copie d’Amblard de Guerry dans son classeur d’aveux, no 402, d’un aveu original rendu au roi pour Montaigu en 1344 /1343, Archives Nationales, cote P. 47. Et Maurice Maupilier, Des étoiles au lion d’or, Saint-Fulgent sur la route royale, Herault Éditions (1989), p. 71.
(8) Aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la Bretesche), transcrit par Paul Boisson, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13. 
(9) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière 150 J/C 17, mémoire en 1646 sur les conflits entre Linières et la Boutarlière.
(10) Partage du 22-10-1774 de 7,5 boisselées à la Gandouinière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(11) Archives de Vendée, G. de Raignac, cartulaire de la Jaunaie, 8 J 100, page 60.
(12) Archives de Vendée, G. de Raignac, archives de Fonteclose, 8 J 109, vue 49.
(13) Archives de Vendée, G. de Raignac, archives de Fonteclose, fief du Boisreau, page 198.
(14) Idem (5).
(15) Cartulaire de Pouzauges, no 7, 7 bis, 12, et 13.
(16) Mémoire de la Société des antiquaires de l’Ouest, Marcel Garaud, Les châtelains de Poitou et l’avènement du régime féodal aux XIe et XIIe siècles, (1964) tome VIII.
(17) Idem (6).
(18) Aveu du 1-6-1598 de la Jarrie, Raslière et Merlatière, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1181, page 73.
(19) Notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/126, déclaration roturière du 15-4-1779 de 9 teneurs du Bois Thibaud à Linières.
(20) Notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/118, vente du 27-10-1765 d’un champ de landes au Bois Thibaud.
(21) Idem (8).
(22) Aveu en 1343 de Jean de Thouars à Montaigu (roi de France) pour des domaines à Saint-André, no 389, Archives d'Amblard de Guerry : classeur d'aveux copiés aux Archives Nationales.
(23) Notes no 5 et 17 sur le bourg à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(24) Notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/5, reconnaissance de rente à la Javelière du 27-9-1770.

Emmanuel François, tous droits réservés
Avril 2010, complété en juillet 2023 

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