mardi 11 mai 2010

Les témoins de l’enterrement du régisseur de Linière en 1794


Page 107 de mon livre, Les châtelains de Linières à Saint-André-Goule-d’Oiel’acte d’enterrement en date du 2 février 1794, dans le registre clandestin du prieur Allain, de Jacques Mandin, régisseur « de la terre de Linière », comporte le nom de quelques témoins. Nous avons pu les retrouver en relisant de près le registre paroissial de Saint-André-Goule-d’Oie. 

Sa femme s’appelait Françoise Robin, avec sans doute Marie comme autre prénom, celui noté lors de l’acte d’enterrement de son mari. Ils eurent une fille baptisée à Saint-Jean-Baptiste de Montaigu, Jeanne Françoise en 1766. Une autre fille, Henriette, est née au château du Pally à Chantonnay en 1768.  

Le recueil des informations sur les témoins de l’enterrement du régisseur nous permet de faire connaissance avec le personnel de la ferme de Linières en cette fin du XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution française. Les témoins cités sont Jean Herbreteau, Pierre Herbreteau, Jacques Godard et Jean Bonnière.

Jean Herbreteau (métayer et voisin)


En 1794, il est métayer à la ferme « de la porte ». L’expression désigne la ferme attenante au château de Linières. Il est le fils de Jean et le neveu de Mathurin Herbreteau, tous deux vivant et travaillant à Linières dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ces deux derniers étaient les enfants de André Herbreteau et de Anne Pavageau et ils se sont mariés avec deux filles Rondeau, dont les parents demeuraient aussi à Linières depuis longtemps. Nous savons maintenant qu’il y avait environ 90 ha de terres autour du logis de Linières, partagés pour l’exploitation agricole en deux métairies.

On note la sépulture de Jeanne Chacun le 13 octobre 1761, à l’âge de 75 ans environ, décédée « à la maison noble de Linière ». Elle était l’épouse de Jean Rondeau (1693-1753), lui-même fils de André Rondeau (1660-1720). Avec son mari elle avait eu au moins deux fils, André et François et deux filles, Renée et Marie.

André Rondeau avait un homonyme au village de la Brossière, peut-être celui qui a été désigné en 1796 par Mme de Lespinay pour évaluer le domaine de Linières en vue de son rachat (page 116 de mon livre), peut-être aussi le même qui a participé à une évaluation du presbytère de Saint-André en vue de sa vente en 1796 (1). C’est peut-être lui aussi qui avait été libéré de la prison de Fontenay, par jugement de la commission militaire le 12 décembre 1793, après avoir été accusé « d’avoir été avec les brigands ».

Sa fille Renée Rondeau s’est mariée le 5 juillet 1751 avec Mathurin Herbreteau. Ils vivront à Linières et donneront naissance à huit enfants entre 1752 et 1770. Dans les archives du notaire de Saint-Fulgent, on voit Mathurin Herbreteau acquérir la moitié en indivision d’une vigne à complant sur un espace, probablement celui appelé le « Maroc » plus tard, situé sur le territoire de Chauché. Bordant « le chemin qui conduit de Saint-André à Chauché ».On y trouvait aussi la vigne du seigneur de Linières et celle d’un nommé Mandin. Cette vigne vendue était divisée en cinq planches totalisant environ un hectare et demi, mais laissée à l’abandon. Or les vignes à complant étaient une concession du propriétaire du sol à un exploitant qui, lui, était propriétaire des pieds de vigne. Le propriétaire du sol percevait en contrepartie une partie des récoltes, dans notre cas 1/5. L’exploitant s’engageait à cultiver la vigne selon les façons fixées par la coutume, faute de quoi le propriétaire pouvait reprendre la vigne pour lui. Et on lit dans l’acte notarié que la vigne est en « inéluctable ruine, et que par cette raison il [vendeur] craignait que le seigneur s’en fut emparé ». Le seigneur est ici celui de Linières, propriétaire du sol. En conséquence, Mathurin Herbretau a acheté la vigne pour « une bouchée de pain » : 33 livres, comptant bien reprendre en main la culture laissée à l’abandon (2).

Il pratiquait aussi le commerce du bétail. Ainsi a-t-il vendu en 1781 deux paires de bœufs à un autre marchand laboureur comme lui, de Saint-Martin-Lars, pour 235 livres (3). Il a aussi donné en louage à moitié, appelé droit de cheptel de fer, 4 vaches aux fermiers Fonteneau (père et fils) de la Bourolière. Puis il les leur a vendues pour 120 livres en 1782 (4). Au-delà de ces exemples on a pu relever 9 baux de cheptel de bestiaux signés devant notaires par Mathurin Herbreteau, et plusieurs prêts d’argent à des particuliers. Les sommes sont modestes, mais situent l'intéressé dans la catégorie de ces métayers de grandes métairies qui pouvaient mettre de l’argent de côté et le placer chez des emprunteurs du voisinage. Son frère Jean Herbreteau a aussi fait des placements d’argent ou des baux de cheptel de bestiaux. Mais lui parait plus actif dans les actes notariés conservés. En ajoutant le commerce des bestiaux à l’exploitation d’une grande métairie, on se donnait les moyens financiers d’un véritable décollage social. L’étape d’après, à la génération suivante, consistait à donner une véritable instruction à ses enfants et à leur acheter un office.

L’ascension sociale de Mathurin Herbreteau et de ses enfants sombra malheureusement avec sa mort le 15 septembre 1793, « tué par les républicains pendant la guerre civile, à l’âge d’environ 65 ans », enterré au cimetière de Saint-André-Goule-d’Oie en présence de Mathurin et Jacques Herbreteau ses enfants » (5). Quittant Linières, il s’était installé vers 1787 comme métayer à la Morelière, dépendant du domaine de Linières.

Le frère de Mathurin, Jean Herbreteau, épousa à Saint-André le 2 juillet 1742 (vue 249) Marie Rondeau, probablement une sœur de l’épouse de son frère. Jean Herbreteau était comme son frère marchand laboureur, c’est-à-dire marchand de bestiaux, en plus de tenir la métairie « de la porte » de Linières. C’est le métier indiqué dans un acte d’arrentement en 1777 d’une portion de masure à la Ridolière et de 7 pièces de terre et pré aux alentours, à Marie Anne Verdon, veuve de Joseph Verdon, demeurant aux Essarts. Le montant de la rente foncière, annuelle et perpétuelle est de 20 £, plus à titre viager une rente annuelle se montant en nature à une bécasse et un lièvre. Ces biens sont louées à Trotin, cabaretier dans le bourg de Saint-André (6). Marie Rondeau mourra à l’âge de 28 ans environ, le 6 janvier 1752 (vue 95), après avoir donné naissance à au moins quatre enfants, dont un fils Jean Herbreteau né le 18-2-1745 à Linières.

Ce fils Jean Herbreteau, témoin à l’enterrement du régisseur en 1794, se mariera le 9 juin 1761 (vue 192) avec Marie Bordron, la fille d’un maréchal ferrant du bourg. Ce mariage témoigne qu’un fils de métayer d’une grande métairie appartenait au même milieu aisé que celui des gros artisans. Une tante Bordron avait d’ailleurs épousé un fils du fermier de Languiller à Chauché, une petite seigneurie avec 5 métairies. La jeune épouse viendra habiter Linières où elle aura 8 enfants nés entre 1762 et 1782. Parmi eux :
Jean, né le 2 mai 1762. Il deviendra prêtre et en 1791 on le note comme vicaire de Venansault, au moment du mariage de son frère Simon Pierre. Ses études au séminaire avaient été prises en charges par le châtelain de Linières.
Simon Pierre, né le 29 mars 1765, le gendre de Jacques Mandin. On le désigne souvent avec le seul prénom de Pierre.


Simon Pierre Herbreteau (gendre)


Pierre Herbreteau, fils de Jean et de Marie Bordron, exercera le même métier de maréchal taillandier que son grand-père maternel, Jean François Bordron (1716-1790), dans le bourg. Comme son oncle Jean Bordron, premier maire de Saint-André-Goule-d’Oie en 1791/1792, il sera élu conseiller municipal de la commune en 1800 et choisi par la préfecture pour être nommé maire la même année. Il participa à la guerre de Vendée jusqu’au bout, alors que son oncle s’était rangé du côté des républicains. Il continuera d’être nommé maire ensuite, en 1814, sous le régime de la restauration monarchique, jusqu’en 1825. Il mourra le 26 mai 1831, cinq mois avant sa femme. Voir notre article publié sur lui en août 2010 : Simon Pierre Herbreteau maire de 1800 à 1825.

Il épousera, le 23 août 1791, Henriette Mandin, la fille du domestique des châtelains, Jacques Mandin, régisseur au moment de son décès en 1794. Il est donc témoin de l’enterrement de son beau-père.

Sur son acte de mariage on reconnaît la signature des trois frères de Lespinay : Alexis, Charles et Armand, ainsi que celle de l’épouse de l’aîné, Pauline de Montault. Il est probable que l’accouchement de la vicomtesse de Linières, deux mois plus tard, explique l’absence de sa signature sur le registre paroissial. Henriette était née au château du Pally à Chantonnay chez les parents de Lespinay, Alexis Samuel et sa femme, Félicité Cicoteau.

À la naissance de sa fille, prénommée Henriette elle aussi, le 23 juin 1793, le parrain est le frère du châtelain de Linière, Armand de Lespinay et la marraine est sa fille aînée, Henriette, âgée alors de 3,5 ans. Le châtelain était alors émigré.

Pierre Herbreteau aura au moins trois fils, tous maréchal : Pierre, né en 1795 qui s’établira dans le bourg de Bazoges-en-Paillers, Alexis, né 1797 qui s’établira au bourg de Saint-André, et Louis, né en 1800, qui s’établira au bourg de Saint-André lui aussi.

À noter que sur les registres paroissiaux l’orthographe varie selon les curés. On trouve ainsi Bordron ou Borderon. De même on trouve Arbreteau, Herbretaud et Herbreteau.

Jacques Godard (métayer et voisin)


Jacques Godard est né à la Mauvelonière le 22-8-1762. Il est le fils de Pierre Godard et de Marie Loiseau, mariés le 10-2-1752.

On trouve plusieurs fois ce Jacques Godard à Villeneuve. En particulier à l’enterrement de sa fille Marie, âgée de 3,5 ans le 23-8-1793, où il est indiqué comme laboureur à Villeneuve. Sur le registre du curé il est noté tantôt laboureur, tantôt métayer.

On relève aussi dans le premier registre paroissial clandestin, comme présent à la sépulture de Françoise Brillouet le 1-5-1793, veuve de Nicolas Boudault, et habitant Villeneuve.

Jean Bonnière (charpentier)


Jean Bonnière est le fils de Jean Bonnière et d'Anne Sionneau, de la paroisse de Chauché. Charpentier de son état, il s’est marié le 19 juin 1782 avec Jeanne Micheleau, fille de René Micheleau, tailleur d’habit, et de Catherine Huvelin, de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie.


(1) Archives de Vendée, vente des biens nationaux, maison curiale de Saint-André-Goule-d’Oie le 11 thermidor an 4 : 1 Q 240 no 261.
(2) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/9, acquêt de vigne à complant à Linière de Mathurin Herbreteau à Cauneau le 5-9-1781.
(3) Archives de Vendée, notaire du canton des Herbiers, Jean Chaigneau : 3 E 020 065, reconnaissance de dette au profit de Mathurin Herbreteau du 30 août 1781, vue 446/628.
(4) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/10, vente de 4 vaches de M. Herbreteau à Fonteneau le 17-7-1782.
(5) Archives de Vendée, registre d’état-civil de Saint-André-Goule-d’Oie, 2e registre clandestin, enterrement de Mathurin Herbreteau le 15-9-1793 (vue 15/19).
(6) Archives de Vendée, minutier ancien des notaires des Essarts, étude (A), Louis-Marie Landais, 3 E 13 1-7, accessible par internet vue 7 et 8/66.

Emmanuel François, tous droits réservés
Mai 2010, modifié en mars 2024

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