Origine et définition de la fabrique
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L'édit de Melun en 1580, précise que l'administration et l'inventaire des fabriques seraient fait par des fabriqueurs. L'édit de Louis XIII en 1610 oblige à utiliser tous les revenus des fabriques pour les fins auxquelles ils sont destinés et les fabriqueurs doivent en rendre compte à l'évêque. On a aussi l'ordonnance de 1629 sur l'entretien des églises, l'édit de 1680 réglant l'emploi des revenus des fabriques et la forme des inventaires de leurs biens, les lettres patentes de 1732 sur les réparations des églises et maisons presbytérales, etc. (1)
Une documentation ne remontant qu’au 18e siècle à Saint-André-Goule-d’Oie
À Saint-André-Goule-d'Oie, le premier document trouvé indiquant la présence d’un fabriqueur est le registre paroissial. Ce mot de fabriqueur n’était pas le seul employé dans le Bas-Poitou, puisqu’à Mesnard-la-Barotière on employait le mot de marguiller (2). À Saint-Fulgent on employait plus fréquemment le mot de fabrice.
Ainsi François Aulneau, 34 ans et demeurant à la Brossière, est noté fabriqueur sur le registre paroissial de St André le 2 octobre 1744, jour de son inhumation. Il a été remplacé par Pierre Piveteau, noté lui aussi comme fabriqueur le 27 avril 1748, jour du baptême de sa fille Marie. La même annotation est écrite sur le registre paroissial le 8 mars 1749, jour de l’inhumation de son épouse Jeanne Piveteau. Il habitait la ferme des Noues, appartenant au domaine de Linières, avec son père Mathurin et son frère Jean.
Apparemment la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie était administrée par un seul homme, alors que dans les villes surtout elle l’était par un conseil de plusieurs membres. Le notaire de Saint-Fulgent dressait un acte officiel de sa nomination. Dans ses papiers conservés aux Archives de la Roche-sur-Yon, on trouve le procès-verbal de l’élection à la fonction de fabriqueur de Louis Loizeau fils, le 12 septembre 1784, par l’assemblée des habitants de la paroisse réunie devant la porte de l'église à l'issue de la grand-messe (3).
On y apprend que Jean Bordron (1716-1790) a provoqué cette élection, étant lui-même fabriqueur en charge de la paroisse depuis plus de 20 ans. Âgé de 68 ans à cette date, il était maréchal serrurier dans le bourg. Il était aussi fermier des métairies des Bouligneaux (Saint-Martin-des-Noyers) et du Bourg de Saint-André, et c’est son fils François qui le remplacera dans cette activité (4). Ils sous-affermaient ensuite les exploitations. Son fils et son petit-fils seront maires de la commune plus tard.
Comme justification à son retrait il aurait pu invoquer son âge, mais il choisit de rappeler que « le temps fixé par les ordonnances étant plus qu’expiré, il est juste et nécessaire que soit nommé et élu son remplaçant. » Il semble que la durée légale du mandat était de deux ans, mais elle n’a pas été respectée à Saint-André. C’est que, si en théorie l’élu n’avait pas le droit de refuser le poste auquel il était désigné, les responsabilités impliquées exigeaient de s’assurer de son accord préalable. Pour convaincre que sa décision de retrait était irrévocable, Jean Bordron précise « qu’il n’est plus en charge de l’administration des revenus de la fabrique, ayant rendu ses comptes il y a peu de jours. »
Le fabriqueur était responsable de l'entretien de l'église, de son aération et de sa décoration ; il avait la garde du mobilier qu'il devait conserver en bon état : linges, nappes d'autel, aubes, surplis, bonnet carré de monsieur le curé, croix, aspersoir, burettes, ornements sacerdotaux. Il administrait les fonds, percevait les revenus, acquittait toutes les charges du culte dont il devait respecter les usages (la distribution de pain bénit, la sonnerie des cloches, l’occupation des bancs, chapelles, l’autorisation des quêtes).
Comme justification à son retrait il aurait pu invoquer son âge, mais il choisit de rappeler que « le temps fixé par les ordonnances étant plus qu’expiré, il est juste et nécessaire que soit nommé et élu son remplaçant. » Il semble que la durée légale du mandat était de deux ans, mais elle n’a pas été respectée à Saint-André. C’est que, si en théorie l’élu n’avait pas le droit de refuser le poste auquel il était désigné, les responsabilités impliquées exigeaient de s’assurer de son accord préalable. Pour convaincre que sa décision de retrait était irrévocable, Jean Bordron précise « qu’il n’est plus en charge de l’administration des revenus de la fabrique, ayant rendu ses comptes il y a peu de jours. »
Le fabriqueur était responsable de l'entretien de l'église, de son aération et de sa décoration ; il avait la garde du mobilier qu'il devait conserver en bon état : linges, nappes d'autel, aubes, surplis, bonnet carré de monsieur le curé, croix, aspersoir, burettes, ornements sacerdotaux. Il administrait les fonds, percevait les revenus, acquittait toutes les charges du culte dont il devait respecter les usages (la distribution de pain bénit, la sonnerie des cloches, l’occupation des bancs, chapelles, l’autorisation des quêtes).
Alors non seulement l’élu devait accepter cette charge avec bonne volonté, mais il devait être un bon chrétien de bonne vie et mœurs, savoir lire, écrire, et capable de tenir des comptes. Selon l’acte notarié du 12 septembre 1784, le fabriqueur s’engageait à « tenir des états et mémoires exacts des recettes et dépenses qu’il fera pendant que durera sa charge et pour être responsable de l’église et de la fabrique, et enfin pour rendre chaque année ses comptes, toutes les fois et quand il en sera requis soit devant messieurs les officiers de justice, monseigneur l’évêque, ou son commissaire ». D’ailleurs Jean Bordron a, le jour de l’élection de son successeur, devant les habitants assemblés, « donné lecture du compte qu’il a rendu le 25 août dernier devant le sieur Gilbert, curé de la Rabatelière, commissaire en cette partie de monseigneur l’évêque de Luçon ».
La désignation du fabriqueur à Saint-André
À Saint-André, on a vu un artisan en vue occuper le poste, mais aussi un jeune métayer. Et la fonction était bien distincte de celle de syndic de la paroisse, l’ancêtre du maire. Nous ne savons pas avec précision comment les habitants de la paroisse désignaient l’élu. La pratique du suffrage électoral, dans le sens moderne de chaque voix égale à chacune des autres, ne semble pas avoir été en usage dans ce type d’assemblée, où des voix semblaient compter plus que d’autres pour dégager la décision à prendre. L’acte notarié écrit, suivant la formule d’usage : « ils ont tous d’une voix unanime, après avoir entre eux mûrement réfléchi et délibéré, nommé et élu pour fabriqueur de l’église et paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie … ». L’élection du fabriqueur s’est faite de la même manière que toutes les décisions des assemblées paroissiales à Saint-André-Goule-d'Oie, par ailleurs identique à celles pratiquées dans les environs. L’assemblée réunissait les chefs de famille car on y traitait des questions d’impôts paroissiaux souvent, le syndic ou le prieur paraissant mener les débats suivant l’ordre du jour. Le 12 septembre 1784, c’est apparemment le fabriqueur sortant qui mène le débat avec le syndic et le prieur. Ces derniers sont très probablement à l’origine du choix du successeur proposé à l’élection : Louis Loizeau fils, laboureur (5), et demeurant au village du Coudray Loriau (6), « comme convenable et capable pour exercer fidèlement ladite charge pendant le temps fixé par les ordonnances, édits et déclarations de sa majesté ». Il est le fils de Louis René Loizeau, bordier au Coudray, et marié à Marie Anne Godard (7). Il a deux oncles, Mathurin et Pierre Loizeau. Ce dernier étant à cette époque en communauté de métayers à la Mauvelonnière (domaine de Linières), avec son beau-frère Pierre Godard (8). C’est aussi le frère de Jeanne Loizeau, qui se mariera en 1790 avec François Cougnon, le futur capitaine de paroisse.
Les rôles de l’assemblée des habitants, du fabriqueur et du curé
La rétribution du fabriqueur nous est inconnue, mais l’acte notarié de l’élection indique que « pendant que durera ladite charge, Loizeau jouira des droits, honneurs, privilèges et exemptions qui y sont attachés ».
Au cours de l’assemblée des habitants, Jean Bordron « a compté présentement en espèces d’argent et monnaie la somme de six cent quatre-vingt-dix-sept livres huit sols (9) formant le reliquat du compte de la fabrique » remis à Loizeau son successeur. « Loizeau promet d’en rendre compte à l’avenir lorsqu’il en sera requis, avec les recettes qu’il fera et les dépenses qu’il justifiera, le tout en se conformant à ce qui lui est permis par les ordonnances royales, Bordron ayant au surplus déclaré n’avoir aucun titre ni autre papier concernant l’église et fabrique de ce lieu ».
Nous savons qu’il tenait un registre où il reportait les entrées et sorties d’argent par dates. Par ailleurs la fabrique de Saint-André n’avait pas de biens (terres affermées, rentes, etc.), et les biens du prieuré (rente, métairie de Fondion, borderie du bourg) étaient distincts et n’entraient pas dans sa gouvernance (10). Ses ressources provenaient des oblations, c'est à dire du casuel (cérémonies au cas par cas), des quêtes ou offrandes, location de bancs, utilisation des cloches tentures et ornements.
Une particularité est à relever sur l’église de Saint-André à la fin du 18e siècle : elle était petite. Elle avait une surface totale de 230 m2, dont 185 m2 seulement pour les fidèles, une fois déduits le chœur, les petits autels et les fonds baptismaux. Sa dimension trop réduite a constitué le motif principal pour en construire une nouvelle un siècle plus tard (11). Les fidèles devaient s’y tenir debout et les bancs y étaient rares.
En 1737, le propriétaire du fief du Coudray, Louis Corbier, sieur de Beauvais, voulant avoir son banc dans l’église devant l’autel de Saint Pierre, dû payer une rente annuelle de 15 sols à la fabrique. Et pour l’obtenir, il fallut la décision de l’assemblée des habitants de la paroisse, le 24 mars 1737. On rencontre la même procédure à Boulogne en 1776, où un banc a été adjugé pour 9 livres par an (12). Celle-ci concernait aussi d’autres personnes, non désignées dans le document conservé, et l’emprise au sol était de six pieds de longs sur quatre de large (13). Normalement le patron fondateur de l’église avait droit à son banc sans le payer. Les premiers seigneurs de Linières avaient leurs armes gravées dans le chœur de l'église, signe d'une position privilégiée. Mais ils n'avaient pas le statut de patron fondateur, que lui a disputé au 17e siècle le seigneur de la Boutarlière (14).
En 1737, le propriétaire du fief du Coudray, Louis Corbier, sieur de Beauvais, voulant avoir son banc dans l’église devant l’autel de Saint Pierre, dû payer une rente annuelle de 15 sols à la fabrique. Et pour l’obtenir, il fallut la décision de l’assemblée des habitants de la paroisse, le 24 mars 1737. On rencontre la même procédure à Boulogne en 1776, où un banc a été adjugé pour 9 livres par an (12). Celle-ci concernait aussi d’autres personnes, non désignées dans le document conservé, et l’emprise au sol était de six pieds de longs sur quatre de large (13). Normalement le patron fondateur de l’église avait droit à son banc sans le payer. Les premiers seigneurs de Linières avaient leurs armes gravées dans le chœur de l'église, signe d'une position privilégiée. Mais ils n'avaient pas le statut de patron fondateur, que lui a disputé au 17e siècle le seigneur de la Boutarlière (14).
Le cimetière appartenait à l’église le plus souvent, mais à Saint-André nous n’avons pas d’informations le concernant à la fin du 18e siècle. Un édit d'avril 1695 édictait que les habitants des paroisses étaient tenus d'entretenir et de réparer la clôture du cimetière qui devait être béni et clos. Le respect de cette obligation devait entrer sans doute dans les attributions du fabriqueur.
Au moins à cause de cette participation financière, l'église était considérée comme appartenant à tous, les habitants s’y sentaient chez eux, et c’est naturellement sous son toit qu'avaient lieu les réunions de la communauté paroissiale. On en déduit que sa confiscation en 1791 par les révolutionnaires a dû révolté les habitants de Saint-André-Goule-d'Oie. À Saint-André, les réunions se tenaient sous le ballet, sorte de préau construit à l’entrée de l’église et adossé à elle, « suivant la convocation qui lui a été faite au son de la cloche à la manière accoutumée », indiquent les actes notariaux.
Le curé était le chef spirituel de la paroisse et les paroissiens lui devaient le logis (le presbytère) et les meubles, la dîme, le boisselage (impôts payés à l'Église), et le casuel (offrandes à l'occasion de certaines cérémonies, et donc versées au cas par cas, d'où son nom). Mais la principale charge des fabriques était l'entretien de l’église. Il n’entrait pas dans le rôle du fabriqueur de décider des grosses réparations. Ce type de décision était partagé avec le curé et les habitants. C’est ce que nous confirme l’acte d’assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d'Oie du 8 décembre 1784 (15). Un arrêt du parlement de Paris concernant le Poitou fixera en 1786 à 30 livres le montant des travaux d’entretien ordinaire que pouvait décider seul le fabriqueur. Au-delà il devait avoir l’assentiment de l’assemblée des habitants. L’arrêt n’a fait que préciser une règle déjà en vigueur (16).
L’assemblée des habitants en 1784
Nommé prieur curé de Saint-André-Goule-d'Oie depuis un an (17), Louis Marie Joseph Allain, avait probablement favorisé le changement de fabriqueur en septembre dernier. Maintenant il présentait aux habitants, en ce mois de décembre, deux projets : réparer l’église et bâtir un grenier au presbytère. Il avait préparé le terrain avant l’assemblée qui devait les entériner. Il leur en a « plusieurs fois fait part, leurs sentiments lui avaient paru conforme aux siens et ils désiraient autant que de vrais chrétiens le doivent, que leur église fut décorée de manière décente et telle que l’exige le culte de dieu et les ordonnances des prélats ».
Probablement que l’effondrement cette année-là d’une partie de la charpente de l’église de Sainte-Cécile, une paroisse voisine, lui avait donné à réfléchir. En tombant elle écrasa deux autels et la chaire (18). À Saint-André, il s’agissait concrètement de réparer la charpente et les boiseries des autels.
Le curé a bien préparé son projet, et il propose à l’assemblée « d’abattre des arbres se trouvant sur les domaines dépendant de son prieuré, pour fournir aux réparations, ou d’en faire la vente pour les payer ». S’agissant d’user des biens du prieuré, les habitants n’avaient pas leur mot à dire, et le curé rappelle à cette occasion qu’il n’y a « aucun revenu à leur fabrique ». Mais s’agissant de réparer l’église, les habitants devaient en décider. Le curé tient le discours suivant, reproduit dans l’acte notarié : « pour qu’à son avis, le lieu saint soit proprement tenu et convenablement décoré, et en même temps soulager autant qu’il est possible les habitants en cette dépense, il est prêt à accepter et approuver ce que fera celui d’entre eux que les habitants voudront nommer pour faire toutes les démarches nécessaires à l’exécution des réparations et obtenir la permission de faire abattre les arbres futaie qui sont sur les domaines du prieuré au nombre de 50 au plus, les habitants lui en laissant la charge et le soin, qu’il prendra très volontiers, pour d’autant plus leur faire partager son désir de participer aux réparations et décorations indispensables ». Et dans l’acte on lit que « après avoir entre eux (les habitants assemblés) mûrement réfléchi et délibéré sur la proposition ci-dessus, dont le sieur prieur leur avait auparavant déjà fait part, ont unanimement déclaré approuver son projet … et le prient de s’en occuper, en conséquence les habitants lui donnent tous pouvoirs nécessaire à cet égard, persuadés qu’il fera toujours pour le mieux comme il a fait jusqu’à présent, promettent d’approuver tout ce qu’il fera au sujet du projet indiqué ci-dessus, comme tout ce qu’il a fait, géré et administré jusqu’à présent avec leur consentement ».
Déjà en 1764 on avait fait recarreler le sol de l’église. En 1780, on avait fait refondre la petite cloche, en place depuis 1721, par un fondeur de Nantes, pour obtenir une plus grosse cloche pesant le double. L’opération, qui avait coûté plus de 1060 livres, avait été décidée contre l’avis du prieur, par l’assemblée des paroissiens. Cette année-là, « Mme du Chaffault (belle-mère du seigneur de Linières) fit présent à l’église de l’ornement violet qui a une croix du roi de Sicile et une dentelle d’argent » (19).
Le curé a bien préparé son projet, et il propose à l’assemblée « d’abattre des arbres se trouvant sur les domaines dépendant de son prieuré, pour fournir aux réparations, ou d’en faire la vente pour les payer ». S’agissant d’user des biens du prieuré, les habitants n’avaient pas leur mot à dire, et le curé rappelle à cette occasion qu’il n’y a « aucun revenu à leur fabrique ». Mais s’agissant de réparer l’église, les habitants devaient en décider. Le curé tient le discours suivant, reproduit dans l’acte notarié : « pour qu’à son avis, le lieu saint soit proprement tenu et convenablement décoré, et en même temps soulager autant qu’il est possible les habitants en cette dépense, il est prêt à accepter et approuver ce que fera celui d’entre eux que les habitants voudront nommer pour faire toutes les démarches nécessaires à l’exécution des réparations et obtenir la permission de faire abattre les arbres futaie qui sont sur les domaines du prieuré au nombre de 50 au plus, les habitants lui en laissant la charge et le soin, qu’il prendra très volontiers, pour d’autant plus leur faire partager son désir de participer aux réparations et décorations indispensables ». Et dans l’acte on lit que « après avoir entre eux (les habitants assemblés) mûrement réfléchi et délibéré sur la proposition ci-dessus, dont le sieur prieur leur avait auparavant déjà fait part, ont unanimement déclaré approuver son projet … et le prient de s’en occuper, en conséquence les habitants lui donnent tous pouvoirs nécessaire à cet égard, persuadés qu’il fera toujours pour le mieux comme il a fait jusqu’à présent, promettent d’approuver tout ce qu’il fera au sujet du projet indiqué ci-dessus, comme tout ce qu’il a fait, géré et administré jusqu’à présent avec leur consentement ».
À cet égard on note la présence dans l’assemblée de Simon Charles Guyet, l’actif gestionnaire de biens fonciers de toutes sortes affermés dans la région. Il est aussi maître de poste à Saint-Fulgent et père de Joseph, le futur 2e mari de la future châtelaine de Linières. C’est à titre d’expert qu’il est présent, en lien avec le curé apparemment. N’avait-il pas été nommé l’un des trois experts par
décision de justice à Nantes pour faire les partages de la succession des
domaines du seigneur de la Rabatelière en 1779 entre ses 6 héritiers ?
(20). Les deux autres experts étaient notaires et arpenteurs, lui apportait son
expérience de priseur pour estimer les biens. Le procès-verbal d’assemblée rappelle en particulier qu’il fallait obtenir la permission préalable du Conseil d’Etat du roi préparée par l’administration des Eaux-et-Forêts pour abattre des arbres futaies, c'est-à-dire ceux qui n’étaient pas ébranchés. Il s’agissait là d’une survivance du droit de gruerie reconnu au roi, et précisé dans la dernière ordonnance les Eaux et
Forêts en 1669. C’est que pour les besoins en bois des chantiers navals, l’État s’assurait ainsi d’un approvisionnement suffisant. On a l’exemple en 1765 de l’autorisation royale au
prieur de Sainte-Cécile de couper 13 chênes épars sur les haies et buissons de
la métairie de la Caunais pour l’entretien de ses bâtiments dépendant du
prieuré (21). Et Simon Guyet avait ses entrées partout dans la contrée, chez des seigneurs importants, dans les administrations et au chapitre de Luçon. On le soupçonne même d’avoir
plusieurs fois obtenu des adjudications de coupes de bois où est nommé à chaque
fois un Guyet, mais sans être certain que ce soit lui, à Saint-André, à
Vendrennes, aux Essarts (22).
On retrouve cette implication des paroissiens pour faire des travaux dans le presbytère aussi à Saint-Fulgent en 1789. L’ancien curé Gilbert l’avait laissé dans un état détérioré faute d’entretien. Le nouveau curé Limouzin fit alors faire un état des lieux en présence des héritières de son prédécesseur et de représentants de la paroisse. Le procès-verbal de visite donne une idée intéressante et assez précise du mode de vie et du standing du curé de Saint-Fulgent à cette époque. Le devis des réparations se montaient à 758 livres. C’est l’assemblée des habitants de la paroisse de Saint-Fulgent qui décida que les héritières donneraient au curé Limouzin ce montant, à la charge à ce dernier de faire exécuter tous les travaux prévus dans un délai de 2 ans, pour lesquels il devait obtenir les quittances de chaque artisan (24). Cette décision mettait en application la règle voulant que les grosses réparations des presbytères fussent à la charge des paroissiens, alors que l’entretien locatif était à la charge du curé, ou de ses successeurs, ou de ses héritiers.
Il avait bien de la chance le prieur de Saint-André-Goule-d'Oie de pouvoir ainsi en 1784 disposer de quelques biens du prieuré pour entreprendre des améliorations. Le curé de Chauché n’avait pas cette chance, à moins qu’il n’ait pas su s’y prendre dans la même voie. Dans un acte d’assemblée des paroissiens de Chauché du 11 octobre 1789 (la dernière semble-t-il), on lit l’urgence de réaliser des travaux de réfection au presbytère pour un montant de 910 livres et la mauvaise volonté mise par certains habitants pour s’y résoudre (25). Et c’est le syndic Auvinet qui prit l’initiative en ce domaine.
À cette occasion on remarque que le châtelain de Linières faisait partie de ceux des paroissiens de Chauché se désintéressant de la question, alors qu’il était naturellement un des gros contributeurs avec ses métairies. À sa décharge, il faut rappeler qu’il n’était paroissien de Chauché que sur le papier et non dans la réalité.
À Mesnard-la-Barotière, la paroisse ne provenait pas d’un prieuré. Son desservant en 1786, le prêtre curé Michel Abraham Cornu, louait une maison avec un jardin dans le bourg de Mesnard, appartenant à la fabrique de la paroisse. C’était le presbytère ou un complément, nous ne savons pas. Le bailleur est représenté par le fabriqueur, le syndic et trois autres habitants du bourg. Le bail est convenu pour 7 années et un prix de 18 livres 5 sols par an, perçu par le fabriqueur. Avant sa conclusion, ses conditions avaient fait l’objet d’une « publication ordinaire pendant 3 dimanches consécutifs à l’issue de la messe paroissiale » (26).
À Saint-André-Goule-d'Oie le syndic, alors Jean Fluzeau habitant le village de la Brossière, et le fabriqueur en fonction, toujours Louis Loizeau habitant du village du Coudray, sont présents en 1784 et cités aux côtés du prieur dans l’initiative de la réunion de l’assemblée des paroissiens, même si c’est le prieur qui anime les débats. Cela était fonction de l’ordre du jour. Nous avons des assemblées où l’on parle de la collecte de la taille, c’est alors le syndic qui convoque et anime la réunion.
Autre particularité de cette réunion du 8 décembre 1784, la présence de « messire Augustin chevalier de Lespinay capitaine de cavalerie au régiment de Berry », le châtelain de Linières. Il n’a aucun rôle dans l’assemblée, et il est seulement cité en premier dans la liste des présents en signe de déférence. Il est vrai qu’il n’est pas seigneur des lieux, mais cela n’aurait rien changé, compte tenu de l’ordre du jour. Son activité de militaire l’éloignait souvent de son château et sa présence était liée à un congé probablement.
Outre les deux sacristains du moment, François Mandin et Pierre Michelleau (ce dernier élu par une assemblée en 1765), et les responsables déjà cités, on trouve dans l’acte notarié le nom de 28 autres personnes présentes. On ne notait pas tous les présents et une partie seulement de ceux cités signaient l’acte.
Pour terminer sur la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie, indiquons qu’après les violences de la Révolution française, Napoléon voulut faire œuvre de paix avec l'Église catholique. Dans cet esprit, il restaura la liberté d'exercice du culte et l'institution des fabriques d'église. Celles-ci vécurent alors jusqu'à la mise en application de la loi de 1905, dite de « séparation de l’Église et de l’État », qui remplaça les fabriques par des associations cultuelles, destinées à assurer l'exercice public du culte et à recueillir les biens des fabriques.
La fabrique de Saint-André comparé aux autres dans le Poitou.
Bourg de Saint-André-Goule-d'Oie autrefois |
La découverte d’un inventaire des biens du prieuré et de la fabrique de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie nous permet de mieux situer celle-ci dans son environnement provincial (10). En effet, un juge des Essarts et le procureur fiscal compétent à Saint-André, celui de la baronnie Essarts, sont venus faire cet inventaire le 30 octobre 1787. Ce faisant ils exécutaient un arrêt du parlement de Paris, portant règlement, et prescrivant aux officiers de justice de réaliser l’inventaire des titres et papiers des prieurés et des fabriques des paroisses situées dans le ressort de la sénéchaussée de Poitiers.
Cet arrêt avait été motivé par l’absence de beaucoup de fabriques dans les paroisses rurales du diocèse de Poitiers en cette fin du 18e siècle. La gestion était assurée par les curés, ce qui était contraire aux règles canoniques, et pouvait prêter à des confusions entre les biens et revenus des cures et les revenus des offrandes par exemple. De plus, dans les paroisses pourvues de fabrique, il n’y avait souvent qu’un fabriqueur au lieu de deux. Et leurs comptes n’étaient pas toujours tenus avec rigueur et pas toujours contrôlés (27).
On le voit, la situation de Saint-André-Goule-d'Oie était bien meilleure que la moyenne en Poitou. Et à parcourir les minutes notariales, son cas n’est pas exceptionnel dans la contrée. Y avait-il une spécificité du bocage vendéen ? Il est vrai qu’elle n’avait qu’un fabriqueur, et que son mandat a pu durer bien plus longtemps que les deux ans voulus par la réglementation royale. Mais le fabriqueur rendait des comptes à un commissaire nommé spécialement à cet effet par l’évêché, en l’occurrence le curé d’une paroisse voisine comme nous l’avons vu.
Le prieur se plia donc à l’obligation de l’inventaire des titres et papiers de son prieuré, ce qui nous apporte des informations intéressantes, ayant été conservé. Deux fabriqueurs en exercice vinrent aussi rencontrer les officiers de justice. Ils s’appelaient Jean You et René Boudaud, tous deux bordiers. Ils avaient donc remplacé Louis Loizeau récemment, au terme de son mandat de deux ans. Voilà qui témoigne de la volonté sur place de se conformer à l’arrêt du parlement. Jean Bordron et Louis Loizeau, les anciens fabriqueurs, sont venus témoigner avec leurs successeurs, auprès des officiers de justice, que la fabrique de Saint-André n’avait pas de biens-fonds, et qu’on y tenait un registre des recettes et des dépenses, coté et paraphé par un greffier des Essarts. Il avait été contrôlé par le curé de la Rabatelière deux ans auparavant. Les anciens fabriqueurs étaient accompagnés dans cette rencontre très officielle du syndic de la paroisse, alors Jean Bordron (fils du précédent), qui deviendra maire en 1790, de Jean Fluzeau, l’ancien syndic, de Jean Rondeau et François Seiller.
Pour terminer nous reproduisons les principales mesures prévues par l’arrêt du parlement. On pourra ainsi confronter la réalité pratiquée dans la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie, avec les règles pensées par des magistrats parisiens, principalement sur la participation des habitants et le contrôle des fabriqueurs. Habitués par profession à la turpitude des hommes, comment des juges pourraient-il savoir qu’on les gouverne par la confiance ?
Ainsi, il sera convoqué dans chaque paroisse une assemblée générale composée du curé, des anciens fabriqueurs et autres principaux habitants payant au moins 12 livres de taille personnelle. L’assemblée fera le choix de deux habitants pour être, l’un fabriqueur comptable (comptabilisant les recettes et dépenses) pendant un an, et l’autre premier fabriqueur, remplaçant le marguillier comptable l’année suivante.
Chaque année il y aura deux assemblées générales des habitants : l’une pour l’élection d’un nouveau fabriqueur (pour un mandat de deux ans, dont la dernière année comme comptable), l’autre pour arrêter les comptes du fabriqueur comptable sortant, dans les trois mois suivant la fin de son mandat.
Chaque 1e dimanche de chaque mois se réunit une assemblée particulière composée du curé, des deux fabriqueurs, et des quatre derniers sortis de la charge de fabriqueur, ou à défaut de quatre habitants désignés en assemblée des habitants, où on décidera des adjudications des baux éventuels des biens, des réparations nécessaires, et des dépenses extraordinaires inférieures à 30 livres.
Pour les dépenses extraordinaires au-dessus de 30 livres, les emprunts, les procès, on décidera en assemblée générale convoquée par l’assemblée particulière. Un registre des délibérations sera tenu, coté et paraphé gratuitement par le juge local. Les participants aux réunions devront le signer et leur refus de le faire sera noté.
On fera faire par les officiers de justice des lieux l’inventaire des titres et papiers concernant tant les cures que les fabriques, qui seront déposés dans les coffres des fabriques fermées à 3 serrures, avec des clefs différentes : l’une pour le curé, l’autre pour le fabriqueur comptable et la troisième pour l’officier du ministère public du lieu, à défaut un habitant désigné par l’assemblée générale des habitants. L'argent sera déposé dans le coffre. Les papiers n’en sortiront et entreront qu’avec récépissé.
Enfin le juge et le procureur des Essarts ont « enjoint auxdits fabriqueurs nouvellement nommés de se conformer aux arrêts des 1e mai et 5 juillet 1786, de faire rendre compte à l’ancien fabriqueur ses comptes, et de tenir dans le coffre destiné pour mettre les titres ceux que possèdent la fabrique, qui doit être à trois serrures à clefs différentes pour être déposées entre les mains de ceux à qui elles doivent être remises relativement auxdits arrêts ci-dessus datés, dont nous avons derechef donné lecture audits fabriqueurs ».
Les fabriques ont été supprimées par la Révolution et rétablies par Napoléon. Celle de Saint-André-Goule-d’Oie a conservé la plus grande partie de ses archives pour le 19e siècle. Elles nous permettent d’en faire un récit pour cette époque, jusqu’à leur suppression à nouveau avec la loi de 1905. Voir notre article publié sur ce site en novembre 2018 : La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle.
(2) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/5, assemblée des habitants de Mesnard du 2-2-1768.
(3) Frappier 3 E 30/10, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie du 12-9-1784.
(4) Frappier 3 E 30/13, achat des métairies des Bouligneaux et du Bourg (Saint-André) le 10-6-1791 par C.A. de Lespinay aux La Laurencie.
(5) Le mot a ici un sens général qu’on peut traduire par agriculteur, ne précisant pas s’il s’agit d’un propriétaire ou d’un métayer.
(6) Souvent sous l’ancien régime, le village du Coudray est appelé dans les documents d’archives le Coudray Loriau, allusion peut-être au nom d’un propriétaire fondateur au temps du Moyen Âge.
(7) Archives de Vendée, registre paroissial de Saint-Fulgent, mariage de Louis Loizeau et Marie Anne Godard le 5 juillet 1758 (vue 66). Voir aussi notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, acte de communauté des Loizeau du Coudrais du 23-11-1788.
(8) Frappier 3 E 30/12, contrats de mariage des couples Godard et Chaigneau du 5-1-1788.
(9) Il fallait 20 sols pour faire une livre.
(10) Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d'Oie : 139 G 3 et 4, inventaire du 30-10-1787 des titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie.
(12) Frappier : 3 E 30/8, assemblée d’habitants du 11-2-1776 à Boulogne.
(14) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière 150 J/C 17, positions contradictoires sur la dépendance de Saint-André-Goule-d’Oie à Linière et factum de M. du Plessis Clain contre M. La Brandasnière dans un mémoire de 1646.
(16) Arrêt portant règlement du 1e mai 1786 pour l’administration des biens et revenus des fabriques des paroisses situées dans l’étendue du diocèse de Poitiers.
(18) Archives de Vendée, registre paroissial de Sainte-Cécile en 1784, note en fin d’année du curé Dolbeq (vue 119).
(19) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 73-1 généralités sur Saint-André-Goule-d'Oie.
(20) Partage du 18-10-1779 de la
succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 57, Archives
de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(21) Autorisation du 19-1-1765 de couper des arbres au prieuré de Sainte-Cécile, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte : B 1446.
(21) Autorisation du 19-1-1765 de couper des arbres au prieuré de Sainte-Cécile, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte : B 1446.
(22) Martelage le 7-3-1783 d’arbres
situés à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et
Forêts de Fontenay : B 1461. Aussi ibidem : B 1465, martelage le 1-2-1790
d’arbres situés au Essarts.
(23) Marcel Faucheux, Un ancien droit ecclésiastique perçu en Bas-Poitou : le boisselage, Potier, 1953, page 137.
(24) Frappier : 3 E 30/12, assemblée des habitants de Saint-Fulgent du 11-10-1789 sur les réparations à faire au presbytère.
(26) Frappier : 3 E 30/11, ferme du 30-5-1786 d’une maison par le syndic et fabriqueur au curé de Mesnard.
(27) Jacques Marcadé : Les fabriques rurales dans le diocèse de Poitiers (1750-1840).
Emmanuel François, tous droits réservés
Janvier 2013, complété en juin 2019POUR REVENIR AU SOMMAIRE