Joseph Guyet, « seigneur républicain », et les « teneurs royalistes »
Villeneuve (Chauché)
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En face, trente-deux propriétaires sont cités pour une quinzaine de propriétés, en communauté ou en indivision pour la plupart. Ils habitent à Saint-André-Goule-d’Oie, Chauché (dont quatre au village de Villeneuve), et dans quatre autres communes des environs. On relève des noms connus, outre François Cougnon déjà cité pour la propriété de sa femme, née Jeanne Loizeau. Il y a Françoise Robin, veuve de Jacques Mandin, le régisseur de Linières tué par les bleus en février 1794, sa fille Henriette, autrefois servante chez M. de Lespinay, son gendre, Simon Pierre Herbreteau, qui est maire de Saint-André-Goule-d’Oie depuis 1800. Et bien sûr à cette époque, on remarque parmi eux la part inhabituelle de veuves, orphelins ou parents ayant eu leurs enfants assassinés.
Cette liste permet de noter la dispersion de la propriété sur le tènement de Villeneuve, dès avant la Révolution. Certes il y avait toujours une borderie appartenant au propriétaire du domaine de Linières, mais ses prédécesseurs avaient concédé dans les temps anciens une partie des terres de ce tènement, à une époque que nous ignorons. Nous ne savons pas comment ces concessions avaient parcellisé ces terres de Villeneuve. Mais en 1808, les héritages avaient créé ou accentué cette parcellisation de la propriété. Les terres de la Mauvelonnière proche, appartenaient aussi au propriétaire de Linières, elles formaient une métairie, d’une superficie plus importante. Quant à l’habitat du Bois du Vergnais (désignation de l’époque), aussi proche, le bois futaie attenant constituait une réserve du seigneur, que Joseph Guyet a continué à défricher après la Révolution.
Villeneuve (Chauché)
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La rente réclamée
La redevance perçue par l’ancien propriétaire était fixe, en argent ou en denrées, souvent à paiement annuel, et à longue durée ou perpétuelle, c'est-à-dire non rachetable, sauf exceptions à l’initiative du débiteur de la rente. En cas de changement dans la personne du preneur, on signait un acte de reconnaissance chez le notaire. Car le bien pouvait être vendu par le débiteur de la rente, fractionné et transféré par héritage. La rente était attachée au bien et non à la personne du débiteur. Mais faute de paiement de la rente, le créancier retrouvait la propriété entière du bien arrenté. Il existait des variantes du bail à rente foncière : à cens seigneurial, à emphytéose. Dans les tènements comme Villeneuve, la rente était payée solidairement et collectivement par les cotenanciers. Ils se répartissaient entre eux la charge de la rente au prorata des surfaces possédées par chacun.
Nous avons trouvé d’autres rentes identiques en plusieurs autres villages de Saint-André-Goule-d’Oie, remontant, pour la plus ancienne datée, au 14e siècle. Nous pensons que la formule constatée à Villeneuve est représentative de la naissance ou de l’extension des petites propriétés dans les villages de la région. Malheureusement, nous restons incertains sur les dates du phénomène.
À cet égard il ne faut pas confondre ce type de rente avec celle, aussi souvent pratiquée, de crédit déguisé. Le vendeur d'un bien acceptait d'être payé en partie sous forme de rente foncière que l'acheteur pouvait amortir (racheter) au-delà d'une certaine période à sa volonté. Le prêt d'argent avec intérêt étant mal vu par l'église catholique, la formule permettait d'arriver au même but par ce moyen détourné, d'autant que les banques étaient quasi inexistantes dans les campagnes.
Plantu : la rente foncière |
On trouve un document évoquant cette rente dans l’inventaire après-décès du propriétaire du fief du Coudrais en 1762, Louis Corbier (2). Il s’agit « d’une quittance du 5 décembre 1757 donnée aux teneurs de Villeneuve pour le sieur de Lespinay », par L. Corbier. Ce dernier possédait une borderie à Villeneuve. Le mot de rente n’est même pas écrit dans le document et nous ignorons toujours si c’était une rente noble ou une simple rente foncière. Cette borderie de Villeneuve avait été achetée, avec ce qui restait du fief du Coudray, en 1767 par René Loizeau, le père de Jeanne Loizeau. En 1788 elle appartenait en indivision entre celle-ci et son frère Louis Loizeau (3).
Cette rente de Villeneuve était due solidairement par l’ensemble des cotenanciers et comprenaient quatre éléments non contestés par eux :
54 miriagrammes (4) 4 kg de blé seigle répondant à 32 boisseaux ancienne mesure réduite des Essarts (5) ;
28 miriagrammes 8 kg de froment répondant à 16 boisseaux ancienne mesure réduite des Essarts ;
83 miriagrammes et 2 kg d’avoine répondant à 64 boisseaux d’avoine ancienne mesure réduite des Essarts ;
6,35 F.
Faute de connaître les surfaces concédées il est impossible d’apprécier directement le montant de charge auquel correspondent ces quantités. Mais nous avons une idée approximative des rendements de ces cultures à l’époque, soit 12 à 13 hl pour un hectare (6). En conséquence, les calculs donnent une surface nécessaire aux trois productions de seigle, blé et avoine de 1,5 ha environ. Ce n’est pas rien, même pour plusieurs cotenanciers.
La rente et la Révolution
L’acte de rachat en 1796 du domaine de Linières, devenu bien national, stipule que « les dits biens sont vendus avec leurs servitudes actives et passives, francs de toutes dettes, rentes foncières, constituées ou hypothéquées, de toutes charges et redevances quelconques » (7). Cela ne règle pas la question, puisque les servitudes avaient suivi le sort des biens. Encore fallait-il prouver leur existence.
À Linières, l’administration a commencé par instaurer un séquestre sur la propriété. « Dans le mois de juin 1792 le séquestre a été établi sur tous les biens meubles et immeubles appartenant à Charles Augustin de Lespinay officier de cavalerie émigré demeurant à Linière commune de Chauché, qu’il fut même fait un inventaire par les commissaires du district de Montaigu, qu’il fut nommé un gardien qui resta jusqu’à l’époque de la guerre de Vendée. » (8). Nul doute que les républicains de Saint-Fulgent, dont nous connaissons l’ardeur, surveillait ce qui se passait à Linières. Or Charles Augustin de Lespinay avait émigré peu après la naissance de sa deuxième fille le 3 octobre 1791. Nous avons cherché dans les archives du district de Montaigu et du département à Fontenay et nous n’avons rien trouvé. Nulle trace du séquestre et de l’inventaire, tout a très probablement été détruit dans les combats de la guerre civile.
D’ailleurs la nature du document, dont nous venons de citer l’extrait, est révélatrice. Il s’agit d’un témoignage déposé chez un notaire des Herbiers le 12 germinal an 11 (2-4-1803). Le dépositaire du témoignage était Étienne Martineau, beau-frère de Joseph Guyet, et les témoins étaient six conseillers municipaux de Saint-Fulgent au moment des faits et un officier de santé de la colonne du général Watrin qui avait résidé à Saint-Fulgent au début de 1796.
Rappelons que le séquestre d’un bien est une mesure conservatoire, avec nomination d’un gardien. Compte tenu de la demande d’arrérages des Guyet, est-ce à dire que les paysans du village de Villeneuve ont cessé de payer la rente foncière dès 1792, c'est-à-dire à partir du moment où le domaine a été mis sous séquestre ? Normalement les paiements devaient se faire entre les mains du gardien désigné par les autorités du district et conservés sous séquestre. On pourrait signaler ce fait comme significatif des troubles et des ruptures dans la population, entrainés par la confiscation du domaine. Mais dans d’autres affaires similaires, où les biens du créancier n’étaient pas sous séquestre, on sait que les rentes ont cessé d’être payées en 1793. C’est qu’elles étaient généralement dues après la moisson, à la fête de Notre-Dame en août, disaient les textes. Et en août 1793, on était en guerre. Cela seul suffirait à expliquer l’arrêt des paiements pendant plusieurs années quand on sait ce que furent les opérations d’exterminations conduites en 1794 et l’état de la région dans les années suivantes.
De plus, il est intéressant de noter que le 9 janvier 1792, le député vendéen Philippe Charles Aimé Goupilleau, ex procureur-syndic de Montaigu, avait demandé la mise sous séquestre des biens des émigrés, afin qu'ils servent aux frais de la guerre. Comme quoi la Vendée n’a pas été qu’une terre de victimes.
Or le témoignage que nous avons commencé de reproduire se poursuit ainsi, nous le citons intégralement : « Alors toute administration ayant disparu, la maison et les dépendances de Linière et tous les objets mobiliers qui les garnissaient devinrent la proie des armées des deux partis et notamment dans les premiers mois de 1796 par le général Watrin, alors à St Fulgent commandant de cantonnement, fit enlever par beaucoup de charrettes tous les objets restant du mobilier qui avait échappé à la dévastation et à l’incendie du château. Le convoi fut expédié à Fontenay. En foi de quoi nous avons signé le présent.
À Saint-Fulgent le 9 germinal an onze de la République française une et indivisible, je certifie le fait sincère et véritable.
Auvoir officier de santé en chef de la colonne du général Watrin
Menard, François Brochard, Jean Libaud, Lamy, Louis Tricoire, Louis Michaud »
Ces dernières personnes se déclarent : « anciens officiers municipaux et habitants du canton de Saint-Fulgent certifions qu’il est de notoriété publique et à notre parfaite connaissance … »
Quel besoin avait donc Joseph Guyet d’obtenir, avec l’aide de son beau-frère, cette attestation en 1803 et de la faire conserver chez un notaire ? Qu’il s’agisse du notaire des Herbiers est normal, cette petite ville était devenue la nouvelle résidence du docteur Martineau.
Mais d’abord, les faits attestés sont-ils vrais ? Le séquestre n’étonne pas, même si les archives administratives le concernant, à Montaigu et à Fontenay-le-Comte, qui pourraient en attester, ont été détruites. On sait qu’il a été pratiqué dans d’autres situations identiques. Le déménagement du mobilier au début de 1796 est possible, au moment où Charette dans la région avait du mal à échapper aux traques organisées contre lui, mais on aurait aimé une preuve plus solide que ce témoignage, sans doute intéressé.
On ne s’étonnera pas du parti pris de Martineau, mettant sur le même pied les deux armées combattantes pour piller systématiquement les châteaux comme celui de Linières. La propagande, avec sa part de mauvaise foi, est consubstantielle au déclenchement et au déroulement des opérations de maintien de l’ordre et d’exterminations en Vendée.
On se félicitera de la précision du témoignage, non sans esprit critique sur certains points : les biens meubles et immeubles, inventaire au district (les témoins n’étaient pourtant pas présents, de leur propre aveu !) L’expression de « biens meubles et immeubles » comprend des titres éventuels de rente foncière.
Or le 22 mars 1802, Charles de Lespinay a intenté un procès contre le divorce de son épouse, soit un mois après que ce dernier lui ait été signifié (9). Celle-ci avait alors 31 ans et vivait avec son amant âgé de 29 ans, tous deux déjà parents d’un petit garçon de cinq ans. Ils devaient attendre avec quelque inquiétude le jugement du tribunal de première instance de la Seine. Il eut lieu le 8 juillet 1803, déclarant irrecevable la demande d’annulation du divorce. Dans cette bagarre judiciaire, totale et rude, où l’existence même du nouveau couple était en jeu, se sont heurtés des sentiments et des rancœurs, des passions politiques et des intérêts. Bien des « coups » sont imaginables dans une telle atmosphère ! Où étaient passés les papiers de famille, les bijoux, et pourquoi pas les titres de rente foncière à Linières ? Dans cette bagarre judiciaire, un témoignage comme celui que nous venons de citer a été visiblement jugé nécessaire par Joseph Guyet.
Ayant eu accès à la publication dans les journaux des plaidoiries des avocats lors du procès du divorce près la cour d’appel de la Seine en 1803, nous savons que M. de Lespinay reprochait à son épouse de n’avoir pas utilisé l’argent dont elle disposait pour racheter Linières. Or celle-ci a dû justifier d’avoir été obligé d’emprunter pour payer ce rachat. Le conflit dépassait, on le voit, l’existence des titres de rente foncière (10). Elle voulait justifier l’intervention de Joseph Guyet, qui l’avait financièrement aidée, « par amour », proclama son avocat. Voir notre article publié en janvier 2010 : Le divorce de Lespinay/du Vigier en 1800.
Ce séquestre nous apporte par ailleurs une information intéressante sur la révolte des gouledoisiens de 1793. Leur leader Christophe Cougnon, fils des métayers de la Guérinière avait des responsabilités dans la vie de l’amenage de Linières (11). Autant dire que le séquestre du domaine, avec la nomination d’un gardien, ne pouvait que provoquer son hostilité. Même s’il n’est pas le plus important, ce fait a dû contribuer à augmenter sa prévention contre les nouvelles autorités. Il peut aussi expliquer, au moins en partie, la réaction des mêmes gouledoisiens contre les gendarmes venus chercher Jean de Vaugiraud dans le bourg de Saint-André en mars 1793, en les faisant déguerpir. Bien sûr d’autres raisons plus profondes ont poussé les jeunes dans la révolte, mais cette circonstance vaut d’être remarquée. Christophe s’était blessé involontairement dans la cour du château de Saint-Fulgent en 1793 et il était mort quelques années plus tard. Mais son frère François avait pris la relève dans son rôle de capitaine de paroisse. Il se trouvait maintenant à représenter, à cause d’un bien de sa femme, les cotenanciers du tènement de Villeneuve.
Mais revenons à la rente foncière. Son sort a varié dans la législation révolutionnaire. On sait qu’en s’appropriant les biens du clergé et des émigrés, l’État a su monnayer ces rentes, surtout avec les biens de l’Église. Ainsi, une rente de 4 boisseaux de seigle due sur le village de la Maigrière, et provenant du prieuré de Saint-André-Goule-d’Oie, avait été vendue par le district de Montaigu le 19 mai 1791 à Jean Boisson, bordier au Cormier de Chavagnes-en-Paillers, pour le prix de 200 livres (12).
La réclamation des Guyet à l’égard des petits propriétaires du tènement de Villeneuve peut se comprendre si elle était fondée en droit. Ce n'est pas un cas isolé, et on relève ainsi chez les notaires de Montaigu, par exemple, trois reconnaissances de rentes foncières au profit d’Henriette de Lespinay (ex belle-sœur de Mme Guyet) entre 1804 et 1807, faites à chaque fois par une douzaine de copropriétaires et concernant des tènements des environs (Boissière-de-Montaigu, Saint-Georges-de-Montaigu, Saint-Hilaire-de-Loulay). Mais dans le cas de Villeneuve, il semble audacieux de réclamer des arrérages pour la totalité de la période de 1792 à 1807, alors que les combats, les destructions de récoltes, les incendies de bâtiments, les vols de bestiaux, les meurtres, avaient réduit à la misère certaines des personnes concernées. De plus, la propriété avait quand même été un bien national pendant trois ans. À moins qu’en réclamant gros, on se préparait à concéder mieux.
Vers une transaction
Daumier : Avocats |
3° « qu’en supposant qu’elle ne fût pas dans la classe de celles abolies, il ne pourrait être répété contre eux que cinq années d’arrérages », en raison des règles de prescription.
Sur le deuxième point il répond « que relativement à la suppression qui pourrait être prétendue de la part des sus nommés comme ladite rente étant imprégnée de féodalité, ce serait à eux de l’établir par titres authentiques et suffisants ». Il aurait quand même été plus prudent de la part du demandeur de mieux étayer son argumentation, et le Chef à l’agence judiciaire du Trésor (14) qu’était Joseph Guyet fait preuve ici d’une légèreté qui peut surprendre, sans doute parce qu’il ne pouvait pas faire autrement. En effet, les différentes lois votées pendant la Révolution sur l’abolition du régime féodal avaient fini par sauvegarder les droits de nature exclusivement fonciers, comme étant présumés légitimes. C’était le cas des rentes foncières pures et simples. D’autres types de rentes foncières avaient une part de caractère féodal et avaient été supprimées. On le voit, le problème méritait une analyse très précise des caractéristiques de la rente foncière existant autrefois à Villeneuve, ce qui n’a pas été fait, à notre avis volontairement, et faute d’avoir retrouvé les titres. Le texte conservé dans les archives est une transaction et n’exigeait pas d’expliquer, à ce point, les divergences d’analyse juridique entre les parties à l’accord. Or Villeneuve se situait au cœur du fief de la Drollinière créé au Moyen Âge, et dans ce cas, la rente foncière était peut-être seigneuriale et pouvait être assortie de droits stipulés par le propriétaire (fixes ou casuels : banalité, lods et ventes), conservant sur le bien une supériorité féodale. Dans ce cas la rente avait été supprimée purement et simplement (sans même la possibilité de rachat) par la Révolution.
Sur le troisième point de la prescription au bout de cinq ans, Joseph Guyet réplique que cette rente ne pouvait être prescrite qu’après trente ans. C’est le tribunal qui aurait apprécié la règle applicable dans les réglementations de l’époque, définies par les coutumes des provinces, là aussi au regard de la nature de cette rente foncière particulière. Les rentes foncières simples étaient habituellement prescrites par trente ans au bénéfice des débiteurs.
Indiquons tout de suite que la transaction de 1808 met fin au conflit entre le châtelain républicain et les paysans royalistes. D’un côté on ne réclame plus d’arrérages et de l’autre on s’engage à reprendre le paiement de la rente à partir de 1810. En introduction du dispositif transactionnel il est écrit : « les parties ayant mûrement réfléchi sur l’incertitude de leurs moyens, du succès de leurs prétentions, voulant éviter des contestations, ont, par forme de transaction irrévocable et sans procès, fait et arrêté ce qui suit ».
Ces rentes, qui étaient devenues rachetables dans le nouveau code civil de 1804, ont pu s’éteindre de cette manière plus tard, probablement.
La transaction non respectée
Picasso : colombe de la paix |
En effet, dix ans plus tard, le 13 mars 1818, François Cougnon et sa femme ont reçu un huissier de la Roche-sur-Yon, chez eux au village du Coudray, leur signifiant une sommation à payer pour les arrérages de cette rente, dus par eux et tous les autres cotenanciers (15).
Deux jours auparavant, Joseph Guyet et sa femme avaient formé une requête visant à l’exécution du titre signé au nom de tous les cotenanciers le 25 mars 1808. Les rentes n’avaient jamais été payées depuis 1810 et les Guyet en réclamaient les arrérages de huit années. Les débiteurs devaient payer sous huitaine et au-delà, « ils y seront contraints par toutes les voies de droit. »
Que s’était-il passé pour que les propriétaires de Villeneuve refusent de s’exécuter ? Leur engagement était pourtant clair. Certes, la fille de Charles Augustin de Lespinay, Henriette Félicité de Lespinay, était morte à l’âge de vingt-un ans le 16 février 1811. La loi faisait de sa mère la légitime héritière des biens qu’étaient les rentes foncières. De plus, le testament de la jeune fille avait fait de sa mère et de Joseph Guyet, ses légataires universels. On a du mal à croire que cette disparition ait justifié le changement d’attitude des débiteurs.
Faute de document, il est difficile de faire des hypothèses sur un sujet qui a mobilisé alors parfois les tribunaux et des avocats, tant certaines situations concrètes paraissaient peu claires. On peut imaginer néanmoins que les cotenanciers de Villeneuve ont reçu après coup l’avis éclairé d’un juriste ami, contestant la validité de la transaction en date du 25 mars 1808. Même à cette époque, les conventions privées ne pouvaient s’opposer à l’application d’une disposition légale d’ordre public. D’ailleurs les archives conservent un jugement du tribunal de la Roche-sur-Yon du 29 avril 1812, où sept propriétaires de Saint-André-Goule-d’Oie, au tènement de la Machicolière, s’opposaient au sujet d’une rente foncière. Parmi eux se trouvaient Pierre Herbreteau, le maire de la commune, déjà impliqué à Villeneuve et Louis Loizeau le beau-frère de François Cougnon.
Nous savons que Joseph Guyet a, lui, effectué des recherches chez le notaire de Saint-Fulgent. Ainsi, maître Guesdon lui a-t-il fourni une copie, le 28 novembre 1825, de l’acte d’achat de la borderie de la Vallée (les Essarts) par Alexis de Lespinay (ex beau-père de Mme Guyet, née du Vigier), le 29 mai 1773 (16). L’achat a en partie été payé par l’arrérage dû par le vendeur à l’acheteur, d’une rente foncière créée par contrat d’arrentement le 21 avril 1699 ! Cette rente avait fait partie de l’héritage Cicoteau. Décidément les rentes foncières de l’Ancien Régime ont donné des soucis à Joseph Guyet.
la Bergeonnière |
(5) Un boisseau des Essarts contenait 23 litres à densité 1. Cette densité varie pour chaque nature de céréale, ici de 0,74 pour le seigle, 0,78 pour le blé et 0,56 pour l’avoine.
(6) Louis Merle, La métairie et l’évolution agraire de la Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Éditions Jean Touzot, Paris, SEVPEN, 1958.
(8) Archives de Vendée, notaire Allard des Herbiers : 3 E 019 (12 germinal an 11), vue 202/492
(9) Philippe-Antoine Merlin, « Recueil alphabétique des questions de droit qui se présentent le plus fréquemment dans les tribunaux (1819-1827), Tome 5, rubrique « Rebelles de l’Ouest », page 247 (gallica.fr).
(10) Journal des Débats et lois du pouvoir législatif et des actes du gouvernement du 26 décembre 1803 (4 nivôse an 12), page 2 et 3, et du 1e janvier 1804 (10 nivôse an 12), page 3.
(11) J. Biteau, Deux capitaines de paroisse : les frères Cougnon de Saint-André-Goule-d’Oie, Revue du Souvenir Vendéen no 239 juin 2007, page 21.
(12) Fichier historique du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d’Oie : 1 Num 47/404. Et Archives de Vendée, sommier des adjudications de domaines nationaux faites par le district de Montaigu : 1 Q 232.
(14) Service du contentieux du ministère des Finances.
(15) Sommation du 10-3-1818 à payer 8 ans d’arrérages de Guyet/Duvigier contre Cougnon, Archives de Vendée : étude de notaire de Saint-Fulgent, Frappier, papiers Guyet (3 E 30/138).
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