vendredi 1 janvier 2016

Les seigneurs de Saint-Fulgent au 18e siècle

Du 13e au 17e siècle, les seigneurs de Saint-Fulgent ont été des nobles du Bas-Poitou se succédant par héritages et mariages dans une généalogie connue. Les paroissiens de Saint-Fulgent, n’ont que très peu vu les seigneurs du lieu, qui n’habitaient pas sur place. Heureusement pour eux, car après le temps des vauriens et des assassins, vint le temps des pirates et des marchands d’esclaves. Après 1720, la seigneurie a été en effet la propriété d’importants négociants nantais, qui n’y ont pas habité eux non plus. À ce titre ils avaient des droits seigneuriaux à la Boutinière, Chevaleraye et Javelière (Saint-André-Goule-d’Oie). Ils en étaient seigneurs au moins en partie, sinon à part entière, se battant pour cela contre le seigneur de Languiller. Leur histoire personnelle nous éloigne de Saint-Fulgent, et il faut se rendre à Nantes pour la découvrir.

Dans cette première moitié du 18e siècle on assiste dans la contrée à une concentration des seigneuries entre les mains de riches seigneurs. On va le voir à Saint-Fulgent, et ce fut le cas aussi à la Rabatelière où un autre négociant nantais, René Montaudouin, va venir acheter la Chapelle Begouin, la Rabatelière, Languiller, la forêt de Gralas, la Roche de Chauché et la Grassière (Chavagnes). Les plus gros rachètent les petits, comme le duc de Mortemart qui acquit Montaigu et la Rocheservière, le rendant maître de 14 paroisses. Le duc de Villeroy achète Mortagne et Chambretaud (1).

Joachim Descazeaux (1667-1732)


Paul Nassivet : Vue de Nantes

Il acheta la seigneurie de Saint-Fulgent en 1720 pour 122 700 livres, douze ans avant de mourir, débarquant sur les lieux en vieux pirate à bas de soie pour y placer une petite partie de ses profits. Il avait fait des placements bien plus rentables au cours de sa vie, mais la seigneurie de Saint-Fulgent possédait une valeur d’un autre ordre et éminente à cause de sa nature noble et de ses origines, remontant au temps des croisades et des chevaliers du Moyen Âge. La vie de Joachim Descazeaux, brillante et aventureuse, ne doit rien à Saint-Fulgent. Elle est celle d’un armateur nantais qui vaut qu’on la raconte, même si elle nous éloigne de la Vendée. Nous empruntons pour cela à J. Meyer, qui a étudié la trajectoire de Joachim Descazeaux, seigneur du Hallay et de Saint-Fulgent.

Ses origines et sa famille


Il était fils d’un basque de Bayonne, Pierre Descazeaux, venu s’installer à Nantes. Pierre Descazeaux demeurait au quartier de la Fosse à Nantes, paroisse de Saint-Nicolas. Il y épousa Marie François en 1659, alors âgée de 23 ans. Elle était la fille de Mathurin François, sieur de Beausoleil et de la Gourtière, et de Françoise Fruneau, à la tête d’une importante fortune (2). L’apport de Marie François aida son mari à se propulser dans le négoce. Ils héritèrent en 1661 du manoir de la Foliette à la Haie-Fouassière (Loire-Atlantique), qui passa par héritage à leur fils ainé, Pierre Julien, frère de Joachim.

Les François sont une famille aux nombreuses ramifications qu’on retrouvera aussi en Vendée, comme nous le verrons plus loin. Les François de Nantes exploitaient du minerai de fer et une forge à Riaillé près de Chateaubriant (Loire-Atlantique). Les propriétaires en avaient été les Penthièvre, par ailleurs barons des Essarts. La famille Monthulé, aussi importante famille du négoce nantais dès le 17e siècle, y eut des intérêts (3). Entre eux se nouèrent des alliances, familiales et probablement financières. Un Thomas François, sieur de Maleville, épousa au début du 17e siècle Catherine de Monthulé. Et on ne sera pas étonné plus tard de constater qu’un Jean-Baptiste de Monthulé, conseiller au parlement de Paris, soit exécuteur testamentaire de Joachim Descazeaux.

Pierre Descazeaux et Marie François eurent au moins quatre enfants connus, dont l’un mourut en bas âge en 1679.

En 1693, lors du partage de la succession de Pierre Descazeaux, sa veuve, Marie François, fit appel à la décision du conseil de famille comme arbitre. Les intérêts sont bien entendu financiers. Quand Pierre décède, leurs enfants sont mariés et majeurs. Les droits de succession ont déjà été réglés par les contrats de mariage. En fait, au décès de leur père, les trois enfants – dont une fille, Françoise – réclament la valeur des biens promis lors de leur mariage, et qu’ils n’ont jamais reçus : leurs parents en ont disposé. De plus, les époux se sont faits une donation mutuelle. Marie François accepte un partage mais garde la jouissance d’un bien immeuble afin que « le présent acte puisse opérer une paix et tranquillité stable entre elle et ses enfants ». Elle reconnaît les actions positives de ses deux fils (Pierre Julien et Joachim) grâce à leur négoce, c’est-à-dire le remboursement d’une grande partie des dettes. En 1689 ces dettes de leur père s’élevaient à 121.000 livres. Joachim, le second fils, avait repris le négoce de son père dès 1689 et déjà remboursé 77 965 livres. Les enfants héritent encore de 23 840 livres de dettes ! Pourtant, Marie François leur demande de ne pas prétendre aux sommes payées pour dettes du défunt, « jusqu’après son décès... pour les voir bien unis... À quoi ledit sieur du Hallay [Joachim] a dit qu’il se remarque une prédilection de ladite demoiselle sa mère en faveur de son frère aîné et de sa sœur ». Il accepte néanmoins le partage « pour mieux s’acquérir son amitié et celles de son frère et de sa sœur ». Les rivalités entre frères et sœurs sont mises en évidence : la préférence d’une mère pour certains de ses enfants est ici dénoncée. Marie François est partagée entre son rôle de mère et celui de responsable du capital de la famille, comme l’écrivent les chercheurs Nicole Dufournaud et Bernard Michon (4). Elle mourut en 1704 (2). 
Port de Nantes en 1776
Pierre Julien, dit Descazeaux de la Foliette, frère aîné de Joachim se lança lui aussi dans le négoce maritime. En 1706 il fit son premier départ de bateaux de Nantes, en même temps que René Darquistade, tous deux armés par Joachim. Les Descazaux ont participé à l’essor du commerce nantais à partir des années 1670-1680.

Ses activités d’armateur à Nantes


Joachim Descazeaux, le futur châtelain de Saint-Fulgent, pratique d’abord le commerce avec les îles, les mers du Sud et l’armement morutier. Les mers du Sud désignaient dans le vocabulaire de l'Ancien Régime, en particulier celui des pirates corsaires et armateurs, les côtes pacifiques de l'empire espagnol. S'y trouvaient les riches villes minières du Pérou et du Potosi (Colombie). L'expression de « Mers du Sud » signifiait bien souvent « Océan Pacifique », un espace réservé habituellement à l'empire espagnol.

Le ministre Pontchartrin
Au moment de la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697), Joachim Descazeaux est le principal négociant nantais. Dès 1691, il organise outre-Atlantique des expéditions à Placentia avec le secrétaire d'état à la Marine Louis II Phélyppeaux de Pontchartrin (1643-1727), pour le ravitaillement de Terre-Neuve en ce temps de guerre. Les pêcheurs basques pêchaient dans le secteur des grands bancs de Terre-Neuve dès le début du 17e siècle, utilisant la rade de Plaisance ou Placentia comme centre saisonnier des opérations. Le site comporte une grande plage rocheuse permettant le séchage des poissons. En 1655, les Français, installés sur plus de la moitié des côtes de l'île de Terre-Neuve et la majeure partie du Canada atlantique, font de Plaisance un port important. Des forts, dont le fort Louis qui contrôlait l'entrée du port, sont construits et des garnisons de soldats y sont maintenues. Les Anglais occupaient la côte est entre Bonavista et Fermeuse. Apporter de l’aide aux colonies françaises de Terre-Neuve pendant la guerre contre les Anglais, c’était rendre service au roi et Descazaux s’est formé ainsi d’utiles relations. Il fut par exemple ami du fils de Colbert. Les ennemis de Louis XIV sur les mers étaient nombreux pendant la Ligue d’Augsbourg : Anglais, Hollandais, Espagnols, principalement. S’attaquer à leurs navires marchands relevait du patriotisme et pouvait rapporter gros. Armer un bateau nécessitait beaucoup d’argent, mais le profit pouvait être important. Et Joachim Descazeaux s’enrichit notablement à cette époque.

En 1703, un de ses navires revint d'une expédition de corsaires malouins dans les mers du Sud avec un butin de piastres d'argent évalué à près de 3 millions de livres. Il avait l’obligation de livrer les métaux précieux à l’hôtel des monnaies appartenant au roi pour un prix inférieur au marché, mais les armateurs et marins s’adonnaient à la fraude.  

Descazeaux était un négociant en vue. Le mot de « négociant » distinguait du vulgaire marchand et apportait du prestige social. Parfois assimilé par les lettres de noblesse aux militaires, auréolé de la gloire des combats de course, mais aussi secrètement jalousé, le négociant formait l’aristocratie de la ville de Nantes. Ce milieu très fermé fut dominé par un groupe d’armateurs richissimes, dont faisaient partie Descazeaux, son neveu par alliance Darquistade et la famille Montaudouin (dont un membre était devenu seigneur de la Rabatelière 1725, lui aussi). Ils construisirent de magnifiques résidences près de la bourse de Nantes et sur le quai de la Fosse.

 Maison de Tourelles 
au Quai de la Fosse
Les Descazeaux habitaient à l’entrée de la Fosse dans l’immeuble dit des tourelles, où avait été signé l’édit de Nantes.  Dans ses souvenirs, F. Lefeuvre décrit « ces importants personnages appuyés sur leurs hautes cannes à pommeau d’or », se rendant à la Bourse, « ne se mêlant jamais, que lorsque les affaires l’exigent, au commun des mortels ». Habillés en « grande toilette de ville, coiffés, poudrés, en habit de soie de couleur sombre ou tendre suivant la saison, en longue veste et culotte également de soie, bas blancs et souliers à larges boucles d’or ou d’argent », ils portent l’épée au côté, comme n’importe quel noble. En 1629 le roi avait autorisé des nobles à pratiquer le grand commerce sur mer, sans déroger. Puis on anobli des négociants sous réserve qu’ils continuent à commercer.

Député au Conseil du Commerce


Dans le Conseil du Commerce créé en 1701 auprès du roi, Joachim Descazeaux en est le premier député de Nantes. On trouve à la bibliothèque municipale de Viré un Mémoire du sieur Descazeaux du Hallay, député de Nantes à la chambre du Conseil de Commerce, établie pour le Roy à Paris par rapport à l'état présent du commerce en général (1701). Il souligne que les compétences maritimes acquises lors de la guerre ouvrent des horizons commerciaux beaucoup plus vastes, sur le modèle de ce qu'ont réussi les Hollandais et les Anglais. Contre un certain « colbertisme », il défend le principe du libéralisme dans le commerce, et recommande la suppression des privilèges des compagnies maritimes.
Il fut anobli par la charge de secrétaire du roi en 1702, quand il quitta le Conseil du Commerce.

Son épouse et ses relations à Luçon et à Saint-Fulgent


La première épouse de Joachim Descazeaux, Françoise Sarsfield, est la fille de Paul Sarsfield, lui aussi armateur, de la communauté des Irlandais de Nantes. Le demi-frère de Françoise, Patrick Sarsfield, né vers 1660 à Lucan (Irlande), est un militaire irlandais du parti jacobite, qui a combattu au service de Jacques II, roi d’Angleterre et d’Irlande, puis de Louis XIV entre 1671 et 1693. Cette guerre politico-religieuse provoqua un lot de réfugiés « irois » ou « jacobites » (irlandais et partisans de Jacques II) en France, fuyant les persécutions des protestants ayant renversé Jacques II. La paroisse de Saint-Nicolas de Nantes en compta beaucoup, notamment des prêtres et des religieuses catholiques, mais aussi des marins et de riches négociants. L’arrivée des Irlandais a contribué à la même époque au renforcement du négoce local.

Devenu veuf en Irlande et naturalisé en 1678, Paul Sarsfield s’est remarié en 1672 avec Guyonne François, fille d’Antoine François, sieur de la Briaudère, échevin de la ville de Nantes, et Françoise Saligot. Elle était probablement parente de Marie François, la mère de Joachim Descazeaux.

Elle était aussi proche parente d’une autre Marie François de la Sanglaire qui épousa Pierre Coutouly, écuyer, maire de Luçon et receveur des décimes du diocèse Bas-Poitevin. Il possédait une borderie à la Ridolière de Saint-André-Goule-d’Oie. Elle lui était venue de sa première femme originaire de Saint-Fulgent, Marguerite Proust, décédée le 16 novembre 1712 à Luçon (vue 205 sur le registre paroissial numérisé et accessible sur le site internet des Archives de la Vendée). Au baptême du premier enfant de Pierre Coutouly et de Marie François, Joachim, le 24 juillet 1716 à Luçon (vue 81), le parrain est Joachim Descazeaux. Ne pouvant être présent ce jour-là, c’est le sénéchal de Saint-Fulgent et avocat, Louis Prosper Proust (1685-1745), qui tint l’enfant en son nom sur les fonts baptismaux.

Pour le baptême du deuxième enfant, Pierre Louis, le 23 août 1717 (vue 105), le parrain est le même Louis Prosper Proust. La marraine est Françoise Sarsfield, épouse de Joachim Descazeaux. En l’absence de cette dernière, l’enfant est tenu sur les fonts baptismaux par Françoise Daïherre, la deuxième épouse de Louis Prosper Proust. Ce dernier, rappelons-le, était le frère de Marguerite Proust, la première épouse de Pierre Coutouly. Et Perrine Daïherre, avait pour mère une Perrine François, probable parente des autres François. Ainsi sont nées les liens entre le sénéchal et notaire de Saint-Fulgent avec le futur châtelain des lieux. Ils ont été assez proches pour que Françoise Sarsfield soit la marraine de Françoise Proust, la fille de Louis Prosper Proust et de Perrine Daïherre, le 2 juillet 1718 à Saint-Fulgent (vue 68).

Ses acquisitions de domaines seigneuriaux


C’est en effet en 1720 que Joachim Descazeaux acheta la seigneurie de Saint-Fulgent pour 122 700 livres. Elle avait été saisie à son propriétaire, Louis Gabriel Charles Gazaux, qui avait été condamné à mort par contumace, coupable de l’assassinat de Charles-Daniel de Montsorbier demeurant à la Brallière (Boulogne).

Joachim Descazeaux eut un fils unique, Pierre Descazeaux, né en 1693 qui devint conseiller au parlement de Paris. Devenu veuf, Joachim Descazeaux se remaria en 1721 avec Marie-Henriette de Briquemault, marquise de Férole (5). Elle appartenait à la branche des marquis de Rothelin de la famille des Orléans, faisant partie de la maison royale. Ce mariage signait évidemment sa brillante ascension sociale.

Joachim Descazeaux acheta le château du Hallay au Pallet (Loire-Atlantique). En 1718 il avait acheté la châtellenie du Gué au Voyer et celle de la Sénéschallière à Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique) à Mme de Mortemart. Il en fit hommage au roi en 1723. En 1714, Les « moulins du château » à Clisson appartiennent à Descazeaux du Hallay. Leur affectation est uniquement farinière et un moulin à vent dit de « Toutejoye » leur est adjoint.

Joachim Descazeaux, écuyer seigneur du Hallay, du Gué au Voyer, la Sénéchaussière, Saint-Fulgent et autres lieux, se retira à partir de 1717 à Paris. Sa maison était située quai des Théatins (paroisse de Saint-Sulpice), devenu quai Malaquais. Mais il mourut en son château du Hallay en novembre 1732. Le château actuel a été construit après lui.

Dans son testament (10 septembre 1731) il légua à l'abbé de Rothelin, oncle de sa femme, une grande tenture complète de tapisserie représentant l'Histoire de Jacob, et à Monsieur de Monthulé, conseiller au parlement, une tenture complète représentant l'Histoire de Scipion et AnnibalSa veuve eut notamment deux grands bassins d’argent doré, envoyés du Mexique par Dom Gilles Celo de la Ria (5).

Un inventaire après décès de ses biens meubles fut dressé dans sa maison parisienne, le 30 janvier 1733. Ses trois exécuteurs testamentaires furent : Jean-Baptiste de Monthulé, conseiller au parlement, chef du conseil de la princesse de Conti, de René Darquistade, seigneur de La Maillardière, au nom de Françoise Descazeaux son épouse, et de Pierre-Charles Glot, avocat au parlement.

La veuve de Joachim Descazeaux, Marie Henriette de Briquemault se retira à l’abbaye du Ronceray (Angers) après la mort de son mari. Après sa mort, ses biens propres furent partagés entre Charles Armand de Rohan, prince de Rochefort et Marie Henriette d’Orléans de Rothelin (6). Joachim Descazeaux avait destiné son fils unique vers un office au parlement de Paris, son ascension sociale devant se poursuivre en abandonnant le négoce suivant les mentalités de l’époque. Joachim ne s’entendait pas avec son frère Pierre Julien Descazeaux et recueilli ses filles Françoise et Angélique quand ce dernier se remaria en 1669 avec Claire Gombault. N’ayant pas de neveu, et pour garder sa maison de commerce dans son clan, il maria en 1714 l’une de ses nièces avec un parent éloigné, René Darquistade. Et dans son testament en 1731 il fit d’eux ses légataires universels (7).  


René Darquistade (1680-1754)


Ses origines et sa famille


Notre source principale sur la destinée des Darquistade aux 17e et 18e siècles à Nantes est un mémoire d’université de Cécile Hérault présenté en 2003 (7). Entre parenthèses nous indiquerons les pages d’où nous tirons nos informations. Le grand-père de René Darquistade, Pierre Darquistade, était marié avec Madeleine Decazeaux, une sœur de Pierre Descazeaux, ce dernier père de Joachim et Pierre Julien Descazeaux. Le père de René Darquistade, Armand René Darquistade, était venu lui aussi de Bayonne s’installer à Nantes, se mariant le 21 avril 1676 avec Marie Audet, dont le père, Pierre Audet était marchand et à la fin de sa vie receveur général des décimes de Bretagne et conseiller secrétaire du roi (page 16). Armand René Darquistade et Marie Audet eurent une fille, Françoise, et un autre fils Joachim. Ce dernier, né en 1688, épousa Françoise Souchay. 

René Darquistade marin (1698-1713)


René Darquistade est né le 26 juillet 1680 et mourut le 14 janvier 1754 à Nantes. Il perdit son père à l’âge de 17 ans, alors que celui-ci avait fait faillite en 1681 dans son activité de négoce maritime. Il remboursa les dettes de son père et commença une carrière de marin (pages 30 à 32), ayant déjà mené 3 expéditions avec son père, René Darquistade. Il inaugura sa carrière de capitaine en 1701 à 21 ans dès sa 4e expédition. C’est un peu tôt, n’étant pas fils de négociants, mais il était protégé par son armateur et parent, Joachim Descazeaux.

Sa carrière au long cours s’étale au total sur 15 années, en représentant 10 à naviguer. Il fait du cabotage vers Cadix et surtout des expéditions au Mexique et en « mers du sud ». Là il pratique la contrebande à l’insu des Espagnols. Cette carrière lui permettra de se former à sa future activité de négociant (tractations secrètes, maîtrise de l’espagnol, pots de vin). Elle lui permettra aussi de s’enrichir, non pas tant avec son salaire de capitaine, qu’avec le droit au « port-permis », ou droit pour les officiers d’embarquer pour leur compte une certaine quantité de marchandises qu’ils négocient (pacotilles). Avec la complicité de son armateur, toujours Joachim Descazeaux, il se livre à des trafics « juteux », notamment sur les piastres volées aux Espagnols. Ils se soustraient en partie au paiement de l’indult (droit de 6 % sur les marchandises et métaux ramenés des mers du sud en 1709 et 1710), ainsi qu’à l’obligation de porter les métaux précieux aux hôtels des Monnaies (pages 48 à 52). Ainsi grâce à Joachim Descazeaux et à un heureux hasard, René Darquistade était devenu un homme riche en 1713 quand il arrêta la navigation.

En 1714 il épousa Françoise Descazeaux, nièce de Joachim Descazeaux dans le manoir de la Foliette (Haie-Fouassière), et fille de Pierre Julien Descazeaux, frère aîné de Joachim.

Pierre Julien Descazeaux (décédé en 1726) s’était marié deux fois, d’abord avec Marie Olive Chenu. De son premier mariage il eut trois filles : Marie, religieuse ursuline, Angélique, qui épousa André Boussineau, et Françoise (1687-1769), qui épousa René Darquistade. Puis il épousa en 2e noces le 31 décembre 1699 Claire Gombaud, dans la chapelle privée du manoir de la Foliette (2), fille de Siméon Gombaud, écuyer, et de Gilette Pradier.

De nombreux sites internet racontent un aspect anecdotique de la vie de marin de René Darquistade : il introduisit une espèce de magnolia en France. Un de ses bateaux, le Saint-Michel, (mais est-ce bien lui ?) ramena un spécimen des bords du Mississipi en 1711. Féru de botanique, il le fit planter dans les serres de sa propriété de la Maillardière aux Sorinières (sud de Nantes). Puis l’arbre fut mis en pleine terre et grandit pendant une vingtaine d’années, fleurissant abondamment. En 1764 il fut identifié par le botaniste François Bonamy, « Magnolia grandiflora maillardiensis ». Et il est à l'origine des magnolias qui ont fait la réputation du jardin des plantes de Nantes, considéré comme le premier Magnolia grandiflora introduit en Europe.

Magnolia
Cette histoire de Magnolia fit se rapprocher René Darquistade avec un marin célèbre et voisin : Barrin de la Galissonière. Militaire, qui fut gouverneur de Louisiane puis du Canada, il se passionna tôt pour les plantes exotiques, qu’il tenta d’acclimater dans sa propriété de la Galissonnière (Le Pallet en Loire-Atlantique). Avec le tulipier, le liquidambar et le sassafras, il introduisit vers 1740 un nouveau clone de magnolia qui passera à la postérité sous le nom de « Magnolia grandiflora galissonniensis ».

Sa femme, Marie de Lauzon, était propriétaire, par héritage de ses parents, de la seigneurie et métairie de la Richerie (Beaurepaire) et des métairies de la Bonétrie et Petite Boucherie (Saint-Fulgent). Elle vendit le tout en 1764 à Claude Charles Conrart pour la somme de 27 000 livres (8). La Petite Boucherie était tenue de la seigneurie du Puy-Greffier (Saint-Fulgent), à la charge de payer chaque année à celle-ci 4 sols, et une redevance bien particulière. On amenait en effet au suzerain un bouc blanc, auquel on avait attaché à ses cornes une bourse neuve garnie de 10 sols et une gousse d’ail. Le suzerain devait choisir le bouc ou la bourse ! (9).

René Darquistade négociant et armateur (1713-1742)


Joachim Descazeaux, son oncle par alliance, associe désormais René Darquistade à ses affaires. Parallèlement ce dernier fait des armements de navire pour son propre compte de 1714 à 1742. Mais il n’arme que 20 navires. Darquistade n’égale en rien les Montaudouin, Grou et Drouin (page 59). Voyons de près les orientations de ses armements, en commençant par les moins importants. La pêche à la morue ne représente que 5 % de ses armements dans la période de 1714 à 1742. Elle était surtout pratiquée par les ports du Croisic, Pornic et surtout les Sables à partir du 18e siècle. L’interlope ou contrebande ne représente aussi que 5 % comme ci-dessus (armement au Mexique et voyage dans les mers du sud). Le relèvement des navires coulés est une exclusivité de Darquistade, notamment dans la baie de Vigo, port espagnol où s’était déroulée une bataille en 1702 (page 89). Il a représenté 25 %. L’activité de cabotage de sa compagnie a représenté 10 %. Il a pratiqué deux autres activités, la droiture (40 %) et la traite (15 %) (page 66). 

Il a armé 8 navires pour les Antilles en trafic de droiture (pas de transbordement entre le port de chargement et celui de déchargement), emportant à l’aller des marchandises de peu de valeur nécessaires aux colons (nourriture, produits manufacturés, matériaux de construction). Au retour les navires ramenaient des produits tropicaux : sucre, indigo, cacao, coton, cuir, tabac (pages 81 et 82).

Il a pratiqué enfin le commerce « triangulaire », ainsi appelé parce que les bateaux quittaient les ports français avec des marchandises (fusils et pacotilles diverses) vendues sur les côtes africaines. Sur place les capitaines achetaient des humains captifs aux chefs locaux, qu’on allait revendre à des colons comme esclaves en Amérique du sud et dans les Caraïbes. Avec le produit de leur vente, ils achetaient sur place des sucres et autres marchandises exotiques, vendues au retour en Europe. On multipliait ainsi la mise par cinq en moyenne en quelques mois, sauf incidents.

Bien sûr dans les grandes civilisations de l’époque, y compris l’européenne, les mentalités avaient un regard bien primitif sur les populations d’Afrique. Il était renforcé par l’évidente supériorité technique des Européens. On sait que la science éclaire l’objet de ses études, mais que sa lumière ne se réfléchit pas sur elle-même. À propos de ce commerce, ceux qui savaient et ceux qui participaient au trafic en Europe, peu nombreux, en éprouvaient néanmoins de l’embarras. Il est significatif que les trafiquants désignaient les esclaves, leur « marchandise » entre l’Afrique et les Antilles, par l’expression : « bois d’ébène ». Elle trahissait une gêne personnelle, transformée en cynisme dans la relation avec autrui. On pense à d’autres situations de même nature dans l’Histoire pour désigner l'innommable : la « solution finale » chez les nazis, et le « quartier général » chez les généraux des colonnes infernales en Vendée en 1794. Y-avait-il dans l’église de Saint-Fulgent un « tronc des captifs » comme on en trouva un dans l’église de Chauché en 1780 ? C’est probable, et les dons des fidèles servaient à racheter les esclaves capturés sur les côtes de la Méditerranée par les Arabes. Cela veut au moins dire que l’esclavage était mal vu et connu des populations du Bocage. On n’est pas sûr néanmoins qu’elles étaient au courant de toutes les activités maritimes du seigneur de Saint-Fulgent. Quant à ce dernier, on peut même se demander s’il y fit des dons. L’Église catholique, après s’être posé la question, conclu dans sa doctrine que tous les hommes étaient des fils de Dieu sans distinction. Buffon, dans son Histoire Naturelle (1749-1789), professait l’égalité des races. Plus tard Tocqueville observa qu’au XVIIIe siècle on « croyait à la diversité des races, mais à l’unité de l’espèce humaine » (10). Néanmoins Bossuet se fit l'avocat du Code noir qui légalisa la traite des Noirs. Sans confondre les idées dominantes des intellectuels et celles en vigueur dans divers milieux sociaux, ce siècle parait en somme plus évolué sur la question raciale et de l’esclavage que ceux qui l’ont suivi, et le commerce triangulaire y était moins accepté qu’on le pense parfois.. Tout se passe comme si nos ancêtres ont toléré la pratique de l’esclavage dans l’intérêt de l’industrie sucrière, puis ont inventé des théories racistes pour se justifier.

Les circuits du commerce triangulaire
René Darquistade ne fut pas le seul à s’enrichir dans cette traite des Africains : les Montaudouin et les Descazeaux aussi, parmi d’autres. Les historiens placent les Montaudouin parmi les plus importants armateurs nantais dans la première moitié du 18e siècle, au vu du nombre de leurs campagnes commerciales sur les mers. René II Montaudouin, qui avait acheté la seigneurie de la Rabatelière en 1725, doit l’essentiel de son immense fortune à la traite négrière. Ses descendants, anoblis, sortirent de ce milieu et firent carrière dans les armes, tandis que les descendants de ses frères, Jacques et Thomas Montaudouin, restèrent dans l’armement maritime nantais. Cet abandon du négoce au profit des armes est révélateur des mœurs de l’époque. Car ce n’est pas l’objet du négoce qui est ici en cause malheureusement, mais l’activité de négoce elle-même, considérée comme moins noble que les armes ou la rente des terres. C’est dire si l’époque n’était pas portée à valoriser dans le royaume de France l’entreprise industrielle et commerciale, qui allait bientôt enrichir les sociétés européennes.  
   
Entre 1723 et 1740 les colonies françaises reçurent 233 520 noirs embarqués par les bateaux nantais, chiffre presque doublé si on prend la période de 1715 à 1789. Nantes représenta plus d’un tiers de la traite française, et fut le premier port « négrier » d’Europe (11).

Ces marchands d’esclaves firent aussi venir des hommes et des femmes à la peau noire en France. Un édit de 1716 avait accordé le droit d’amener des « esclaves nègres » en métropole pour servir comme domestiques ou apprendre un métier, à la condition de les déclarer et de les renvoyer au bout d’un an, terme porté à trois ans en 1738. L’autorité royale était réticente sur ce point. Elle craignait de favoriser le métissage en métropole, crainte accrue par la règle appliquée par certains parlements comme celui de Paris, de considérer la terre de France comme « privilège d’affranchissement ». Mais les négociants résistaient aux ordonnances royales, et Nantes fut le point d’entrer le plus important de la Bretagne dans cette importation (12). Mme Descazeaux avait un « nègre » connu : Isidore.

Dans ce trafic de traite d’êtres humains René Darquistade n’arma que 3 expéditions de 1719 à 1721, alors que de 1702 à 1719, près de 150 navires ont quitté Nantes pour la traite. Il prit sa part dans la mise en place des circuits, poussé par la hausse de la culture sucrière aux Antilles (page 83). Au total 555 noirs ont été traités par les navires Darquistade de 1719 à 1722 (page 88). Il délaissa par la suite le trafic négrier, la droiture était plus sûre et tout aussi rentable.

Enfin n’oublions pas que son frère, Joachim Darquistade, fut un navigateur et explorateur français. Capitaine du Saint-François, il contribua à faire connaître la Terre de Feu. Le 12 avril 1715 il découvrit et cartographia une baie à proximité du cap Horn, très propre à servir de port de refuge, lit-on dans un texte publié sur internet.

On retrouve René Darquistade aussi dans le Bas-Poitou. Ainsi est-il parrain d’Henriette Coutouly, fille de Pierre Coutouly et de Marie François à Luçon le 25 septembre 1723 (vue 56). Louis Prosper Proust tient l’enfant à sa place ce jour-là sur les fonts baptismaux. Il est aussi parrain d’Henriette Proust, fille de Louis Prosper Proust, le 29 mars 1724 à Saint-Fulgent (vue 17). Au baptême d’un autre fils, Pierre-Henri-Benoît Proust le 22 octobre 1734 (vue 95), le parrain est Pierre-Henri-Benoît Darquistade, le fils de René. Le curé précise dans l’acte de baptême que le parrain est « seigneur de ces lieux ». D’ailleurs il porta cette qualité toute sa vie, y compris dans son contrat de mariage.

Pour conclure sur son activité de négociant on notera qu’elle fut importante, mais moyenne, ne justifiant pas à elle seule l’importance du personnage dans le milieu négociant nantais. Mais à côté de l’activité de négoce de sa compagnie il pratiqua l’intéressement avec d’autres armateurs, les invitant à placer des fonds dans l’investissement nécessaire aux expéditions de navires. Les bénéfices étaient ensuite partagés au prorata des sommes investies. Cela permettait de diviser les risques en diversifiant les placements. Il semble surtout avoir investi chez d’autres armateurs que d’avoir accepté des investissements dans sa propre compagnie (page 73 et s.). Et il mit fin à son activité de négoce en 1742 à cause de l’entrée en guerre de la France dans la guerre de succession d’Autriche (1740-1748) (page 79), emportant de grands risques pour la marine marchande du royaume de France.

Le maire de Nantes anobli


René Darquistade avait acquis le château de la Maillardière (Sorinières au sud de Nantes) en 1722 (13) possédée auparavant par Marie Gabard, femme de Charles de Monti. Le bâtiment fut brûlé pendant la Révolution. Le château actuel est une bâtisse du 19e siècle. En 1728 il acquiert un 2e domaine, la Foliette (Haye-Fouassière en Loire-Atlantique), de son beau-père, Pierre Julien Descazaux pour 45 000 livres. En 1741 il obtient les terres de la Resangle et des Aubraies (Chevrolière près du lac de Grand lieu), cédé par son beau-frère, Pierre François Descazeaux. Surtout il hérite en 1732 de son oncle Joachim Descazeaux : terres de Saint-Fulgent, Haye-Gaisselin en Anjou, de Gué au Voyer à Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique) et Meslean (Basse-Bretagne), des maisons à Nantes et Paris pour 244 000 livres (pages 112 et 113). Son capital foncier est de 970 000 livres en 1740. En 1739 avec 421 livres de capitation (impôt), il fait partie des 3 négociants les plus capités à Nantes, exæquo avec la veuve Montaudouin et devant Luc O’Schiel, capité à 340 livres. En 1745, avec 470 livres de capitation il s’approche de l’infime fraction des 160 à 200 familles du royaume, payant plus de 500 livres (page 118). René Darquistade possédait aussi la seigneurie de la Poitevinière à Saint-Georges-de-Montaigu, comme en témoigne une déclaration roturière passée devant le notaire des lieux, maître Étienne Bouron, le 29 avril 1748 par 11 propriétaires des environs (14).

René Darquistade occupe une maison donnant sur la Fosse à Nantes. Les étages sont voués à l’habitation et le rez-de-chaussé aux bureaux, magasins et comptoirs de vente. La partie des étages donnant sur le quai est louée, et Darquistade habite la partie à l’arrière de la cour donnant sur la rue de la Héronnière (page 114). C’est la vitrine de prospérité du port de Nantes avant le début des constructions sur l’île Feydeau. La demeure est vendue en 1735 pour 27 000 livres à Nicolas Mercier (page 115). Devenu maire, il loge à l’hôtel de ville et dans une maison à la Fosse non repérée. De 1741 à 1745, maire pour la 2e fois, il réintègre l’hôtel de ville. Seulement en 1746 il habite la paroisse Saint-Laurent, quartier aristocratique près de la cathédrale. Il choisit la maison des « Minimes » situé juste devant l’édifice religieux, à l’angle de la place Saint Pierre et de la rue Saint Laurent, qu’il loue à l’abbé Bourgeois, chanoine de la cathédrale (page 115). Il avait été anobli en 1743 et il lui importait alors de délaisser le milieu des négociants de la Fosse.

       Jetons de la seconde mairie de Nantes 
                   de M. Darquistade
René Darquistade fut échevin de Nantes en 1718, puis maire de la ville de 1735 à 1737, puis de 1740 à 1747. Il fut aussi colonel de la milice bourgeoise.

Il acheta une charge de secrétaire du roi, maison et couronne de France de ses finances en 1737. En 1741 il acquiert une deuxième charge : lieutenant de la vénerie du roi, charge purement honorifique, « qui lui sert à renforcer sa légitimité et tenter de faire oublier une situation de parvenu » (page 140).

Son anoblissement en 1743 le fut par mérite, ce qui reste exceptionnel dans le milieu négociant nantais (page 142), motivé officiellement et principalement par ses expéditions de capitaine de navires. Dans la guerre de succession d’Espagne il a contribué à faire rentrer en France des sommes considérables. Et puis il y ses responsabilités : au consulat, en tant que commissaire pour l’abonnement à la capitation, et surtout ses deux mandats municipaux. Officieusement, ses relations tissées jusqu’à la cour grâce à sa fortune, ont dû compter. Écuyer, seigneur de la Maillardière, il portait « d’argent au chevron de gueules, accompagné de trois trèfles de sinople deux et un ».

Il restait encore un échelon social à monter : se faire accepter dans les rangs de la haute aristocratie. Ce sera à son fils de le faire. Le 26 juillet 1743, ce dernier est reçu « conseiller du roi en sa cour de parlement et commissaire aux requêtes du palais ». Il siège parmi les 12 conseillers de la 1e chambre des requêtes, avec une dispense d’âge, étant âgé de 21 ans (au lieu de 25 ans minimum) (page 148). Deux jours après, le 28 juillet 1743, Pierre Henri Benoît, dit monsieur de Saint-Fulgent, se marie avec Louise Adélaïde Lorimer. Le père, Antoine Charles Lorimer, est maître de la chambre aux deniers de sa majesté entre autres. Sont notamment témoins au contrat de mariage le prince Charles de Bourbon, comte de Charolais, Louise Élisabeth de Bourbon, veuve de Louis Armand de Bourbon, prince de Conty et du Langon, Charles de Lorraine, grand écuyer de France (15).

Une faillite déshonorante


Des créanciers, les Bellabre, réclament le paiement de 94 538 livres dues par René Darquistade à leur père. Ils veulent saisir des biens et engagent un procès. Darquistade n’obtient pas de l’assemblée des créanciers le délai de 3 ans, possible, pour régler sa dette, car il avait 1 000 000 livres d’actifs et seulement 585 000 livres de passifs déclarés. Il est mis en faillite le 25 octobre 1748 au siège du consulat de Nantes. La cause essentielle de ses difficultés réside dans la gestion de son patrimoine : 79,3 % en domaines fonciers, hôtels et maisons. Il a voulu en vendre certains pour se refaire, mais la conjoncture économique ne s’y prêtait pas. Il aurait dû placer plus d’argent en rentes constituées, d’un rapport intéressant et régulier, faisant trop confiance à la terre et à la pierre, et ne diversifiant pas assez ses placements (page 158). 

Le 18 décembre 1752, le curé de Saint-Fulgent, Jacques Gilbert, écrit dans son registre paroissial, qu’il a bénit la petite cloche de l’église paroissiale, nommée Jacques, « à défaut de Henri Darquistade de Saint-Fulgent (il s’agit de Pierre Henri Benoît, fils de René), conseiller au parlement (de Paris), et de dame Henriette de Briquemault, marquise de Férole, autrefois dame de cette paroisse, dont les noms sont gravés sur ladite cloche, et qui ont refusé de la nommer, vu, disent-ils, les circonstances où ils se trouvent » (16). René Darquistade n’est décédé que deux ans plus tard, et on comprend qu’ils font allusion au déshonneur qui les frappait à cause de la faillite de 1748.

René Darquistade dut abandonner la Maillardière à ses créanciers. Il se retira avec sa femme dans le petit domaine de la Foliette. Malade, il survit 5 ans à sa faillite. Il décéda le 14 janvier 1754 à 73,5 ans à la Foliette. Après le décès de son épouse Françoise Descazeaux en 1769, la Foliette fut vendue à Joseph Lelong et Saint-Fulgent à Agnan Fortin.

Pierre Henri Benoît Darquistade (1722-1759)


Sans possibilité d’évolution à cause de la faillite de son père, Pierre Henri Benoît Darquistade demeura 16 ans dans sa fonction de conseiller à la chambre des requêtes, jusqu’à sa mort prématurée en mai 1759 à l’âge de 37 ans seulement. Sa femme eut la garde de leur fille unique : Élisabeth. Elle sera mariée à Louis Élisabeth de Pardieu, colonel aux grenadiers de France (pages 160 et 161).

Le seigneur de Saint-Fulgent fut inhumé à Bièvres (Essonne). Dans un article décrivant en 1885 l’église de Bièvres, dans l’ancien canton de Palaiseau (arrondissement de Versailles), l’auteur écrit la remarque suivante à propos de l’ancien chœur et sanctuaire : « Une grille en bois sépare ces parties de la nef. Sur ses barreaux sont fixées quatre petites plaques de cuivre rouge, provenant de débris de cercueils extraits des caveaux ayant existé dans cette partie de l'église ; elles portent les inscriptions, dont l’une est la suivante » :
« Ici Repose le corps de messire Pierre Henry Benoist Darquistade de Saint-Fulgent conseiller du roi en sa cour de parlement et commissaire aux requêtes du palais décédé en sa maison rue du Faubourg-Saint-Honoré paroisse de la Madeleine de la Ville-L’Évêque le 20 mai 1759 âgé de trente-sept ans passé et transporté en la paroisse de Bièvres le Châtel le 21 du dit mai Resquiescat in pace » (17).  

                 Château des Roches à Bièvres
Ainsi nous est donnée sa dernière adresse parisienne dans le faubourg-Saint-Honoré, faisant alors partie de la paroisse de la Ville-l'Évêque dans le futur 8e arrondissement de Paris. Elle a disparu comme son ancienne église paroissiale de la Madeleine, démolie en 1764. On apprend que son cercueil a aussi disparu pour des raisons ignorées, et seule une plaque a été récupérée pour perpétuer sa mémoire. On suppose que son inhumation à Bièvres le rapprochait d’une résidence de campagne, que peut-être il y possédait. Le cimetière de l’église de La-Ville-l’Évêque ne datait que de 1690 et il fut remplacé par un marché à l’époque du décès du seigneur de Saint-Fulgent (18). Ce contexte contribue sans doute à expliquer l’inhumation à Bièvres. 

Les Guyet-Desfontaines et Amaury-Duval, amis très proches des Bertin, propriétaires du Journal des Débats, ont fréquenté assidûment ceux-ci dans leur résidence de Bièvres au milieu du 19e siècle. Propriétaires alors de Linières situé à proximité de Saint-Fulgent où ils y possédaient des métairies, il est presque certain qu’ils ont connu l’existence de cette plaque. Ils en savaient certainement plus que nous sur ses mystères. Mais ils n’en ont fait aucune allusion dans les courriers que nous avons pu lire. Cette plaque est-elle toujours en place 130 ans après ?

La publication de notre article en janvier 2016 a suscité les recherches d’un internaute voisin des lieux dans la région parisienne, Vendéen originaire des Essarts. Nous ajoutons ici les informations qu’il nous a données (19).

Les plaques de cuivre ne sont plus visibles dans l’église de Bièvres probablement parce que la grille qui séparait le chœur de la nef a été enlevée depuis longtemps. Pierre Henri Benoît Darquistade avait épousé le 28 juillet 1743 dans la paroisse Saint-Sulpice à Paris Louise Adélaïde Lorimier (1728-1829) fille d'Antoine Charles Lorimier, secrétaire du roi de la grande chancellerie de France, intendant et contrôleur général des livrées du roi. Ce beau-père de Darquistade possédait à Bièvres le château du Petit Bièvres encore appelé « pavillon Marie Antoinette ». Ce pavillon existe toujours, au n° 5 rue du Petit Bièvres, près de la mairie et de l’église. C’est très vraisemblablement en raison de cette résidence de Bièvres appartenant à sa belle-famille que Darquistade y a été enterré. 

              Château du Petit Bièvres
Le beau-frère de Darquistade s’appelait Claude Christophe Lorimier de Chamilly, né en 1732. Il était premier valet de chambre de Louis XVI et brava les plus grands dangers le 10 août 1792 pour pénétrer aux Tuileries auprès de la personne du Roi. Serviteur loyal, il fut emprisonné à la Force mais échappa aux massacres de Septembre. Arrêté une seconde fois le 9 février 1794, il fut enfermé dans la prison du Luxembourg, et périt sur l'échafaud le 23 juin à l'âge de soixante-deux ans.

L’acte d’inhumation de Pierre Henri Benoît Darquistade est consultable en ligne aux Archives Départementales de l’Essonne dans le registre paroissial de Bièvres, années 1748-1760, vue 161 : « Lundi vingt et unième de mai 1759 a été apporté dans cette église par la permission de monseigneur l'archevêque de Paris le corps de messire Pierre Henry Benoît Darquistade de Saint-Fulgent conseiller du Roi en sa cour du Parlement et commissaire aux requêtes du Palais, époux de Louise Adélaïde de Lorimier décédé de hier en la paroisse de Sainte-Marie-Magdelaine de la Ville-l'Évêque à Paris âgé de trente-sept ans ou environ, au transport duquel ont assisté messire Claude Christophe Lorimier de Chamilly intendant et contrôleur général des écuries et livrées du Roy et messire Philippe Hilaire de Beaufort écuyer avocat au Parlement, témoins qui ont signé ».

Pendant que la seigneurie de Saint-Fulgent était aux mains d’un commissaire des saisies réelles à Rennes, les créanciers négligeaient les dépenses d’entretien. Le régisseur et receveur des recettes sur place, Mathurin Thoumazeau, fit face à la situation, pris entre les exigences des créanciers et les obligations du propriétaire. C’est ainsi qu’il reçut le 10 juin 1754 une sommation par sergent royal (huissier) de faire faire les réparations convenables aux deux moulins à eau et aux bâtiments de la Pesotière, installés sur le ruisseau de la Grande Maine dans la paroisse de Saint-Fulgent, par Mathurin Guicheteau, meunier et fermier des moulins. On a le procès-verbal de la visite des lieux et le devis initial des réparations, qui se monte à 700 livres (20).

Ce sont les créanciers des parents de Pierre Henri Benoît Darquistade qui vendirent la seigneurie de Saint-Fulgent dix années après ce décès, en 1769, à Agnan Fortin, un autre Nantais pour la somme de 157 000 livres (21). Rappelons qu’elle avait été achetée en 1722 pour un montant de 122 700 livres, et qu’elle fut estimée lors de la faillite de 1748 130 000 livres (page 187).

De son vivant Pierre Henri Benoît Darquistade tenait le petit fief Ruffin à Saint-Fulgent de la seigneurie du Puy-Greffier. Il y eut rectification ensuite, le fief Ruffin rendant hommage à la seigneurie de la Thibaudière, appartenant à la seigneurie de Saint-Fulgent et mouvante du marquisat de Montaigu.  Il était situé proche du village de Manerier (9).

Agnan Fortin (1727-1798)


Ses origines et sa vie d’officier


Il était fils de Louis Fortin, né vers 1686 en Indre-et-Loire, et de Marie Anne Jaroffroy. Ils s’étaient mariés le 12 septembre 1719 à la Croix-des-Bouquets, dans l’île de Saint-Domingue. Ils exploitèrent la sucrerie du Petit Bois, sise au quartier du Cul-de-Sac, paroisse Notre-Dame-du-Rosaire de la Croix-des-Bouquets. Ils rentrèrent à Nantes dès 1745 et acquirent en 1746 la propriété de Bellanton (à Thouaré, sur la rive droite de la Loire à 6 km en amont de Nantes) et en prirent le nom. Nous devons ces informations et celles qui suivent au comte de Grimoüard, qui a publié un article dans la revue « Généalogie et Histoire de la Caraïbe », no 240 en octobre 2010 : « Les Fortin de Saint-Fulgent et de Bellaton ». 

              Croix-des-Bouquets en 1881
Agnan Fortin est né le 14 septembre 1727 à la Croix-des-Bouquets à Saint-Domingue (actuellement Haïti), où il passa son enfance et sa jeunesse. Ses parents y exploitaient la sucrerie du Cul-de-Sac, comprenant de nombreux esclaves. Dès 1752, il sert dans les mousquetaires gris (maison du Roi). Son acte de mariage en 1768 le dit « capitaine de cavalerie, chevalier de Saint Louis » et domicilié paroisse Saint-Nicolas à Nantes.

Le 19 juillet 1768 en effet, il épouse dans la chapelle des capucins à Nantes Suzanne Élisabeth Marie Lieutaud de Troisville, fille de Jean Baptiste Lieutaud de Troisville, ancien négociant, et de Suzanne Élisabeth Guitton, qui possédaient une sucrerie à Saint-Domingue.

L’implantation à Saint-Fulgent


L’année d’après Agnan Fortin achète la seigneurie de Saint-Fulgent et une charge de secrétaire du roi.
Grâce aux revenus des plantations de Saint-Domingue, il fait d’importants travaux dans le château de Saint-Fulgent et prodigue des dons à l’église de la paroisse. Il a fait démolir l’ancien château. Les nouvelles constructions comprennent en 1774 six corps de bâtiments se joignant (granges, écuries, remises, toits, métairie et bas office), bâtis dans le jardin et la cour de l’ancien château. Son futur « hôtel ou nouveau château » est à reconstruire à cette date en prenant une partie de l’ancien jardin et une autre partie dans l’ancien parc. Le reste du parc sera transformé pour y créer les nouveaux jardins, vergers, cour et basse-cour. Le tout occupe une surface de 36 boisselées (4,3 ha) (22).  

Il conserve toujours un droit de passage par un jardin et une cour d’un particulier pour aller directement de son château à l’église ou dans sa « ville de Saint-Fulgent, étant à pied avec notre compagnie, et domestiques familiers étant avec nous, et ce à heures dues, conformément à l’arrentement qui a été fait de ladite maison cour et jardin par les anciens seigneurs à Dominique de Loche sieur de la Touche, laquelle maison était appelée la maison de la Tour ». Celle-ci appartient en 1774 à Jean Leloup sieur du Parc, chirurgien (22).

Il arrenta le four banal du bourg de Saint-Fulgent. L’acte fut passé devant Frappier et Boisson, notaires des lieux, le 15 janvier 1771 (23). Il avait donné pouvoir d’agir en son nom à son procureur fiscal sur place, Mathurin Thoumazeau. Les acquéreurs du four, avec sa maison de trois pièces de rez de chaussée et un jardin, sont pour moitié chacun Marianne Pairaudeau, veuve de François Tricoire, et François Morlière, marchand, tous deux demeurant dans le bourg de Saint-Fulgent. Le four et ses annexes, occupant « 3 boisselées à semer lin », est situé dans les préclôtures du château, touchant la route de Nantes à la Rochelle et la tour prison. D’ailleurs les acquéreurs s’engagèrent à laisser le passage pour accéder à cette prison.

Le nouveau seigneur de Saint-Fulgent se réserve pour le principe le droit de banalité et la faculté de contraindre les habitants de Saint-Fulgent, qui y sont sujets, à l’usage du four. Les preneurs ne pourront donc pas faire usage de ce droit, et il est prévu qu’ils laissent ceux qui le souhaitent, faire construire des fours dans leurs maisons, pour un usage familial. Conformément au droit féodal de la propriété, il est convenu que le four sera tenu roturièrement sous l’hommage du seigneur de Saint-Fulgent au marquisat de Montaigu, en même temps que la partie de Saint-Fulgent en dépendant. On sait que la plus grande partie dépendait de la seigneurie de Tiffauges. Mais le cens et devoir noble annuel de 5 sols et 2 chapons dû par le seigneur de Saint-Fulgent, sera pris en charge par les preneurs du four. Cette présentation juridique de l’acte d’arrentement montre bien la volonté du seigneur de Saint-Fulgent de ne plus appliquer ce droit de banalité, et pour cela, il le garda pour lui. 

Louis Toffoli : Le four à pain
Il faut savoir que ce droit de banalité seigneuriale, né avec le millénaire, a eu du mal a perduré dans la contrée à cause de la dispersion des habitants dans la campagne. C’était une obligation réservée aux habitants des agglomérations comme un bourg. Dans les villages et les grosses métairies il existait souvent une boulangerie et un four à cuire le pain, dénués de tout droit de banalité. Celui-ci fut aboli le 17 juillet 1793.

La rente foncière, annuelle et perpétuelle fut fixée à 24 boisseaux de seigle, quitte des impôts royaux nés et à naître. Elle devait être versée à la fête du 15 août, et les 24 boisseaux étaient à la mesure du minage de Saint-Fulgent, égale à celle des Herbiers. Il semble que cette dernière information était valable pour toute l’histoire de cette seigneurie (24). Très proche de la valeur du minage des Essarts, ces 24 boisseaux correspondaient à 3,5 quintaux environ.

Au moment de cet acte en 1771, comme dans l’acte suivant en 1773, Agnan Fortin habite à la Fosse à Nantes. À partir de 1775, il a déménagé dans un hôtel de l'Île Feydeau à Nantes. Quand en 1790 il signe un pouvoir pour Jean Baudry, son garde-chasse et régisseur à Saint-Fulgent, il indique résider dans la paroisse Saint-Clément à Nantes (25).

Le 22 décembre 1773, Agnan Fortin vendit par arrentement une métairie d’une vingtaine d’hectares à la Chaunière (Saint-Fulgent) à quatre voisins ensemble. Le montant de la rente annuelle et perpétuelle payée par ces derniers est de « 50 boisseaux de seigle loyal et marchand, mesure du minage de Saint-Fulgent, net de toutes impositions royales ». Cela devait représenter une somme de près de 70 livres par an, bien faible pour une telle surface. On soupçonne une situation dégradée, et il est assez probable que les terres furent ensuite réparties entre les acquéreurs : 3 bordiers et un meunier. Agnan Fortin a gardé à titre de devoir noble et féodal, les menus suffrages apportés par l’ancien fermier : 18 livres de beurre, 12 poulets, 6 chapons et 5 sols en argent. Ces droits s’ajoutèrent à ceux dus sur le village et tènement de la Chaunière aux seigneurs de Saint-Fulgent et de la Thibaudière, notamment le terrage sur une partie des domaines arrentés (26).

Les chances et malchances de la Révolution


En 1791, habitant toujours dans la paroisse Saint-Clément (27), Agnan Fortin acquiert l’essentiel des biens nationaux de Saint-Fulgent confisqués à l’Église, renchérissant sur Simon Charles Guyet (Voir notre article publié sur ce site en avril 2013 : Simon Charles Guyet à Saint-Fulgent (1733-1793)). Son  château de Saint-Fulgent fut incendié par les révolutionnaires en 1793, et sa fortune connut des vents contraires à cause de la révolte des esclaves en août 1791 à Saint-Domingue, et de l'interruption des relations maritimes avec l'île à cause des Anglais.

De ses huit enfants, quatre lui survivront. Son fils aîné émigra dans le camp royaliste, et le père dut négocier pour conserver la terre de Saint-Fulgent dans l’héritage laissé à ses enfants après sa mort à Paris en 1798. Pour plus de détails sur ses achats de biens nationaux dans la contrée, voir l’article publié sur ce site en mai 2017 :  La vente des biens des émigrés à Saint-André-Goule-d’Oie.

Son fils aîné, Guy Auguste Fortin, hérita de Saint-Fulgent. Il eut une carrière peu reluisante de sous-préfet sous Napoléon, laissant le château de Saint-Fulgent à l’abandon, sommairement retapé après la guerre de Vendée.

En 1804 ses biens à Saint-André sont les métairies de la Boutinière et de la Chevaleraye, achetées par son père en 1789 à Perrine Bruneau, veuve d’Abraham de Tinguy. Il possédait aussi une rente de 16 boisseaux de froment à la Gandouinière. À Saint-Fulgent il possède les métairies de la Coussaie, de Lérandière, de la Courpière, de la Haute Thibaudière, de la Basse Thibaudière, deux métairies à l’Oisellière, le Plessis Richard, le Doullay et la borderie et tuilerie de Boizard.

Déjà nous sommes dans une autre époque, celle du 19e siècle, et il est temps de revenir en arrière pour voir comment ces nouveaux seigneurs de Saint-Fulgent se sont comportés dans la querelle que leurs prédécesseurs ont entretenue, à propos de leurs droits seigneuriaux sur la Boutinière, la Chevaleraye et Javelière.

À suivre.


(1) J. Dehergne, Le Bas-Poitou à la veille de la Révolution, CNRS, 1963, page 156, Archives de Vendée : BIB 1224.
(3) Jean François Belhoste, Les Forges du pays de Chateaubriant, 1984, page 62.
(4) Nicole Dufournaud et Bernard Michon, Les femmes et le commerce maritime à Nantes (1660-1740), un rôle largement méconnu, Open édition publié en 2006.
(5) Transaction du 12-11-1733 entre René Darquistade et l’abbé de Rothelin sur les droits de Henriette de Briquemault, veuve de Joachim Descazaux, Archives départementales de Loire-Atlantique, famille Darquistade : 2 E/735.
(6) Aimé de Soland, Bulletin historique et monumental de l'Anjou, Angers, 1855, volume 3, page 104.
(7) Cécile Herault, Heurs et malheurs d’une famille de négociantes nantaise d’origine basque, les Darquistade aux 17e et 18e siècles, Archives départementales de Loire-Atlantique, mémoire de maîtrise, université de Nantes, UFR Histoire, 2003, pages 54 à 56.
(8) Ventes du 20-8-1764 de la Richerie, Bonnetrie et Petite Boucherie (Saint-Fulgent), Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/3.
(9) 150 J/G 40, extraits et notes sur la vente à Crespeau de 1559 et sur l’aveu de Saint-Fulgent en 1604 à Languiller. Voir aussi : Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13, aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la Bretesche), transcrit par Paul Boisson, pages 22, 18.
(10) Lettre d’Alexis de Tocqueville à Arthur Gobineau du 15 mai 1852. Citée par A. Arendt dans Les origines du totalitarisme, Quarto Gallimard, 2020, page 440.  
(11) Armel de Wismes, Nantes et le temps des négriers, Édition France-Empire, 1e édition en 1983.
(12) Dominique Le Page, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, Dictionnaire des gens de couleur dans la France moderne, mis en ligne le 30 juin 2016.
(13) M. Ernest de Cornulier, Essai sur le dictionnaire des terres et des seigneuries comprises dans l’ancien comté nantais.
(14) Archives de Vendée, notaires de Saint-Georges-de-Montaigu, étude A Bouron, déclaration roturière de 11 teneurs à René Darquistade à cause de la Poitevinière (vues 82 à 106).
(15) Contrat de mariage de M. de Saint-Fulgent du 28 juillet 1743, Archives départementales de Loire-Atlantique, famille Darquistade : 2 E/735.
(16)http://recherche archives.vendee.fr/data/files/ad85.ligeo/pdf/FRAD085_4NUM220/4Num220_1899_3/4Num220_1899_3_0306.pdf
(17) « notice sur la commune de Bièvres » par M. F. Martin, Revue de la commission des antiquités et des arts du département de Seine-et-Oise, 1885, page 99.
(18) Philippe Ariès, L’homme devant la mort, Seuil, 1977, page 314.
(19) Mail de J. P. Guibert à l’auteur de l’article du 22-02-2016.
(20) Estimation du 17-6-1754 des travaux sur les moulins de la Pesotière (St Fulgent), Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/114.
(21) Vente du 11-10-1769 de la terre de Saint-Fulgent par la direction des créanciers Darquistade à M. Fortin, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 108, Fortin et Rezeau.
(22) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13, aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la Bretesche), transcrit par Paul Boisson, pages 4 et 63..
(23) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/6, arrentement du 15-1-1771 du four banal de Saint-Fulgent.
(24) Minute du notaire Frappier du 15 avril 1771, acte d’accensement de l’emplacement de l’ancien châtel, Archives d'Amblard de Guerry : classeur prix et mesures.
(25) Frappier : 3 E 30/13, pourvoir du 6-2-1790 donné par Agnan Fortin à son garde-chasse.
(26) Arrentement du 22-12-1773 d’une métairie à la Chaunière par Fortin, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(27) Frappier : 3 E 30/12, vente du 11-11-1789 des métairies de la Boutinière et la Chevaleraye par P. Bruneau à A. Fortin.


Emmanuel François, tous droits réservés
Janvier 2015, complété en octobre 2020

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mardi 1 décembre 2015

Les seigneurs de Saint-Fulgent contre les seigneurs de Languiller (1650-1719)

Les nouveaux seigneurs de Languiller au milieu du 17e siècle

Maximilien Eschallard vendit la baronnie de Belleville en 1647 pour 63 500 livres à Julien Aymon, seigneur des Forges-Petitières (Venanseau) et châtelain de Beaulieu (Beaulieu-sous-la-Roche) (1). Puis il vendit Languiller en 1650 à Pierre Le Geay, seigneur de la Getière (Saint-Georges-de-Montaigu). Ce dernier s’était marié la même année avec Elizabeth Davy. Il était aussi grand prévôt général du Poitou, office s’occupant de police à cette époque.

Pour chasser les pillards et les gens de guerre, des offices de prévôts provinciaux sont créés au début du 16e siècle par le roi. Ils font concurrence aux sénéchaux en place, rendant la justice à l'encontre des criminels pourchassés. Henri II les supprima pour cette raison, laissant subsister des prévôts généraux, attachés aux maréchaux et aux gouverneurs des provinces. Mais ses réformes furent appliquées différemment selon les provinces (2). Le Poitou eut son prévôt général, assisté d'archers, ses hommes de mains (3).

la Getière
Le château de Pierre Le Geay, situé au sud du bourg de Saint-Georges-de-Montaigu, est devenu à notre époque un restaurant, donc ouvert au public. On peut y découvrir avec intérêt les restes de la demeure seigneuriale des Le Geay. Un texte accroché aux murs du restaurant raconte l’histoire du grand-père, Pierre Le Geay, qui se rendit célèbre avec la capture du brigand Guillery en 1608. C’est pour cet exploit qu’Henri IV l’aurait anobli par lettre patente en juin 1609, signée à Fontainebleau (4). Il s’était marié avec Gabrielle Charretier. Son fils fut André Le Geay, seigneur de la Getière, la Cantardière (Moutiers-les-Mauxfaits) et l’Etablière (5).

Son petit-fils Pierre Le Geay reçut une déclaration roturière en 1653 de 12 propriétaires au tènement de la Boutinière. Elle énumère les domaines tenus et les droits perçus par le seigneur de Languiller, que nous connaissons, sans rappeler le droit de terrage dû au seigneur de Saint-Fulgent et à celui des Essarts. Et une main à ajouter au dos du document de sept pages, probablement Pierre Le Geay ou son fermier : « blâmable n’ayant pas déclaré (que) les terres étant sujettes à terrage. Savoir qui a amorti la terragerie ». Cette remarque en forme de question révèle l’ignorance de son auteur. Le terrage n’avait pas été amorti mais vendu, et la déclaration n’était donc pas blâmable.

De toute façon, Pierre Le Geay revendit Languiller en 1666 à René Langlois, seigneur de la Verrie, qui avait épousé Catherine Le Gras, fille du seigneur de Linières. Mais la vente fut annulée en 1670. C’est alors que les héritiers de Pierre Le Geay vendirent à nouveau Languiller, et ses fiefs annexes à Philippe Chitton en deux étapes en 1671 et 1674 (Voir notre article publié en juin 2015 : La saisie féodale de la Mancellière à St André Goule d’Oie). Le nouveau propriétaire est connu pour être un « accrocheur », et grâce à lui la querelle entre les seigneurs de Languiller et de Saint-Fulgent pouvait resurgir, au sujet des tènements de Saint-André-Goule-d’Oie.

Les nouveaux seigneurs de Saint -Fulgent au 17e siècle


Mais qu’était devenu le seigneur de Saint-Fulgent, Jacques Bertrand, que nous avons laissé en 1618 ? Il s’était marié le 14 septembre 1613 avec Jeanne Durcot. Elle était la fille du très engagé dans les rangs protestant du seigneur de la Grève (Saint-Martin-des-Noyers), Pierre Durcot. Jacques Bertrand et Jeanne Durcot étaient de fervents protestants. Ainsi Jeanne Durcot légua-t-elle à l’église réformée de Saint-Fulgent 50 livres de rente perpétuelle et une somme de 300 livres au ministre du lieu (nom donné chez les protestants à la personne chargée de conduire le culte). On sait qu’un temple existait, qui fut démoli plus tard. Comme du reste, le château de Jacques Bertrand à Saint-Fulgentqui fut remplacé par un nouveau château avant la Révolution à l’initiative d’Agnan Fortin .

Bourg de Saint-Denis-la-Chevasse
Jacques Bertrand est mort à Saint-Denis-la-Chevasse le 8 septembre 1626 dans la religion protestante. En tant que seigneur du lieu il avait droit d’être enterré dans l’église paroissiale, mais un édit royal avait interdit l’inhumation des protestants dans une église catholique. Ils devaient l’être dans un cimetière protestant, ou à défaut dans un cimetière catholique. Le curé du lieu refusa l’inhumation dans son église, et devant l’insistance de la veuve, fit appel à l’évêque. Celui-ci se déplaça à Saint-Denis-la-Chevasse où il reçut des menaces d’une troupe de soldats conduits par des gentilshommes protestants. L’inhumation eut lieu quand même le 15 octobre 1626, avec un renfort de protestants en armes commandés par Durcot de la Roussière, baron de la Grève, beau-frère du défunt. Le curé et les habitants catholiques portèrent plainte, et le parlement de Paris décida de l’exhumation du corps, une église ne pouvant être « polluée par la sépulture de ceux de la religion prétendument réformée », en contravention avec un édit du roi. Le corps fut porté au cimetière voisin catholique, parce qu’il n’y avait pas de cimetière protestant. Il ne faudrait pas voir dans l’insistance du baron de la Grève à défendre l’inhumation dans l’église de Jacques Bertrand qu’un attachement à un privilège de noble. L’époque, catholiques et protestants confondus, attachait beaucoup d’importance à être enterré auprès de ses ancêtres (6). La violence de l’épisode ne se comprend pas entièrement sans cela.  

Leur fils René Bertrand se maria en 1640 avec Suzanne Boussiron, et décéda peu après, laissant un fils unique René IIe du nom. Or la succession de Jacques Moreau, un bourgeois demeurant dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, devait de l’argent au seigneur de Saint-Fulgent. Pierre Moreau, frère du précédent et prieur-curé de Saint-André, fut nommé tuteur et curateur aux personnes et aux biens des enfants de Jacques Moreau. Et à ce titre il passa un acte avec le tuteur et curateur du fils de défunt René Bertrand seigneur de Saint-Fulgent le 12 septembre 1650 : Abraham Tinguy, chevalier seigneur de Nesmy (7). Plus tard ce dernier fut remplacé par un parent de l’orphelin pour rendre l’aveu de Saint-Fulgent, Paul Bertrand, seigneur de la Merandière. René Bertrand et Abraham de Tinguy étaient cousins. La mère d’Abraham de Tinguy (Anne Bertrand) était sœur du père (Jacques Bertrand) de René Ier Bertrand.

Abraham Tinguy est mort en 1681. Il avait épousé en 1646 Suzanne Bodin et se remaria avec Marie Bejarry. Son frère Florimond, seigneur de Vanzay épousa Élisabeth Boucquet, laquelle se remaria avec Antoine de Ranques, seigneur de la Clavelière. Le fils de Florimond Tinguy, Abraham Théophile, acheta la Sauvagère en 1680. Et deux des fils d’Abraham Théophile furent l’auteur, l’un de la branche du Pouët (Charles Auguste), l’autre des branches de la Sauvagère et de la Giroulière (Jean Abraham, mari de Perrine Bruneau). Ce dernier, qui a longtemps vécu au Coudray et à la Chevaleraye, était donc le petit-neveu d’Abraham Tinguy cité ici.

Suzanne Boussiron vécut à Bray en 1647 (Saint-Macaire-du-Bois dans le Maine-et-Loire). On sait peu de choses sur elle et son mari, en partie à cause de leur religion. Ils sont presque absents du registre paroissial catholique de Saint-Fulgent ou d’ailleurs au 17e siècle. On sait que les protestants avaient leurs propres registres, mais qui n’eurent pas force légale et peu sont parvenus à la postérité. Et quand les persécutions contre les protestants reprirent au 17e siècle, ils durent faire des actes notariés à la place. On en voit ainsi quelques-uns à Vendrennes, pour enregistrer les décès, préalable à l’ouverture des successions.

L’activité des protestants à Saint-Fulgent fut dénoncée par le chanoine Ruchaud et député du clergé du diocèse de Luçon à l’assemblée générale du clergé de France dans son cahier des remontrances en date du 2 octobre 1660. On y lit notamment : « Au bourg de Saint-Fulgent il y un temple bâti depuis peu où le prêche se fait et se continue nonobstant les défenses du présidial de Poitiers, où tous les ministres sont reçus et il n’y a point de particulier, et les religionnaires ont des écoles publiques sans permission du roi et au préjudice des oppositions des gens du roi de Poitiers. » (8).

Suzanne Boussiron, dame de Saint-Fulgent, fut marraine au baptême de la fille de Jacques Thoumazeau, procureur fiscal de ce lieu, le 24 avril 1665. Elle était la fille de Jacques Boussiron et de Marie Bouhier, son père appartenant à une famille de protestants du Poitou. Il était lui-même le fils de René Boussiron, seigneur de Grand-Ry (Mouchamps), de Bray et de Pellouaille, et avait été élevé à la cour de Ferrare où on vit Calvin et Marot, et où son père avait été échanson (chez Renée de France, fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, épouse depuis 1528 d'Hercule d'Este, dont la dame d’honneur fut un temps Mme de Soubise néde Saubonne dame du Fresne). René Boussiron prit part, dans les rangs huguenots, aux guerres de religion, suivant notamment Philippe Eschallard dans sa campagne de 1580 (9), et dont la veuve acheta plus tard la seigneurie de Languiller. Revenue au Parc à Mouchamps vers 1536/1537, Mme de Soubise fit de Mouchamps un foyer de propagande protestante. Son fils, Jean l’Archevêque, et sa petite-fille, Catherine de Parthenay, continuèrent de soutenir la Réforme.

En 1654 les Assises de Languiller poursuivaient la dame de Saint-Fulgent pour faire sa déclaration des biens qu’elles possédaient dans la mouvance de la cour. Défendue par le sénéchal de Saint-Fulgent, Me Gilles Couppé sieur de la Rigournière, elle obtint un délai pour se présenter aux assises prochaines (10). 

Une autre façon d’être connu est de faire parler de soi, ce qui est d’autant plus facile que l’on est élevé dans l’échelle sociale. C’est comme cela qu’on trouve quelques informations sur les Bertrand de Saint-Fulgent, particulièrement René Bertrand 2e du nom.

Colbert de Croissy
Colbert de Croissy, frère du célèbre ministre, fut envoyé dans le Poitou comme intendant et commissaire du roi chargé d’inspecter les finances et la justice de la province, aussi d’inspecter l’organisation du clergé et de vérifier les titres de noblesse, puisque ceux-ci donnaient droit à l’exonération d’un impôt comme la taille. Dans son état sur les gentilshommes de la sénéchaussée de Fontenay, il écrivit un article spécial intitulé : « René Bertrand, seigneur de Saint-Fulgent et son descendant Gazeau » (11). S’agissant d’un protestant qu’il fallait pourchasser, certains historiens ont émis à juste titre des interrogations, voire des doutes, sur la véracité de ses informations, mais avec prudence, compte tenu de l’autorité du personnage et de ses moyens d’investigations.

Comme l’historien Dugast-Matifeux en 1858, nous citerons le même passage du rapport au roi écrit en 1664 : « Le sieur Bertrand de Saint-Fulgent, âgé de vingt-cinq ans ou environ, professe la religion prétendue réformée en apparence, mais, en effet, il ne connaît ni Dieu ni religion. Quand il est hors du vin, il paraît aucunement raisonnable ; mais il est presque toujours ivre et dans le vin. Il est capable de toutes sortes de violences, de cruautés et de vexations. Il en a tant commis et commet encore tous les jours dans sa terre de Saint-Fulgent et aux environs, que, à bon droit peut-on l'appeler le tyran et le fléau de ce pays-là. Il est toujours accompagné de bohémiens, à qui il donne retraite chez lui pour partager leur butin. Il a encore avec lui plusieurs sergents-faussaires, qui font tous les jours mille méchancetés et friponneries aux pauvres paysans, supposant de fausses dettes, de faux exploits et de fausses sentences, en vertu desquelles ils enlèvent de la maison de celui qu'ils veulent dépouiller tout ce qui leur plaît, sans que celui qui souffre puisse ou ose se plaindre. Enfin, c'est un homme contre lequel la province s'écrie si généralement et si unanimement, que nous nous sentons obligés, après avoir tiré un mémoire que nous avons de ses principaux crimes, de dire qu'il est de la bonté et de la justice que le roi doit à ses peuples, de les délivrer de ce fléau. La susdite terre de Saint-Fulgent est environ à trois lieues de Mauléon. Il ne jouit présentement que d'environ trois mille livres de rente, sa mère jouissant du surplus des biens de la maison. Il est parent du sieur marquis du Bordage. » Si l’auteur dit vrai, on plaint les habitants de la Boutinière, la Chevaleraye et la Javelière ! Quoiqu’il n’habitât pas ordinairement à Saint-Fulgent, heureusement.

Revenons aux faits le concernant paraissant incontestables. Orphelin de père, sa mère était aussi une calviniste convaincue, et son curateur pour le représenter légalement fut son oncle Paul Bertrand seigneur de la Merandière. C’est lui qui rendit la foi et hommage lige de la seigneurie de Saint-Fulgent à son suzerain de Montaigu pour le compte de son pupille.

Bataille de Mogersdorf (banlieue de Vienne) 
en 1664
René Bertrand fut envoyé en 1664 dans une expédition militaire en Hongrie pour combattre les turcs menaçant Vienne. Il rentra en janvier 1665 en France dans une armée victorieuse. Il y avait été envoyé après une condamnation pour des faits que nous ne connaissons pas, ayant été capturé par Colbert de Croissy dans son château de l’Airaudière au Poiroux. « C'était une belle occasion de se débarrasser d'un vaurien, au profit de la chrétienté menacée par les Musulmans », écrit l’intendant de Louis XIV. 

Il fut maintenu noble, avec les autres membres de sa famille, par sentence de l'intendant Barentin, le 24 septembre 1667. Le texte imprimé lui attribue le titre de baron, dont lui-même ne se réclame pas dans les papiers notariaux de Saint-Fulgent. En 1667, il épousa Marie Loiseau, dame du Grand-Coin dans le comté nantais, à Blain. Après son décès il se remaria avant 1680 avec Jeanne Renée Savary. Au total il eut 8 enfants. Dans une supplique de 1681 ou 1684, il raconte qu’il s’était converti au catholicisme deux ans auparavant avec quatre de ses enfants : Marie, Benjamin, Charles et René. Or, ayant quitté sa terre de Chastenay pour se rendre en Anjou au mois d’avril précédent, y laissant ses enfants pour s’occuper des récoltes, des parents ou des non convertis ont profité de son absence pour emmener en Angleterre (refuge important des protestants) ses quatre enfants nommés. Il a été mis au courant par une lettre reçue de sa fille Marie au mois de novembre suivant. La cour de Poitiers lui accorda un monitoire (injonction de témoigner avec peine ecclésiastique) en décembre 1681 (12). Ses autres enfants restés en France étaient : Madeleine Victoire, Julie, Jeanne-Renée, dame du Chastenay et Marie-Bénigne, dame de Grand-Ry.

Comme on vient de le voir il se converti au catholicisme quelques années avant de mourir, et avant la révocation en 1685 de l’édit de tolérance envers les protestants, dit édit de Nantes. Il mourut « sur la paroisse de Mouchamps, le 17 mars 1688, à peine âgé de cinquante ans, et cela aux bras d'un révérend père jésuite, nommé Desnoué, qui travaillait aux missions bottées du Bas-Poitou ». Cette expression de « missions bottées » est révélatrice des méthodes employées à cette époque pour « déradicaliser » les croyances protestantes, associant missionnaires et militaires.

Le dernier ministre de Saint-Fulgent s’appelait Moïse Betoule. Il y résidait encore en 1685 et ne se réfugia en Hollande qu’après la révocation de l’édit de Nantes cette année-là. Le registre des baptêmes des protestants qu’il tenait est conservé au greffe du tribunal de Napoléon-Vendée, a écrit un historien en 1859 (12). Le temple de Saint-Fulgent fut démoli, et même le cimetière protestant désaffecté.

Pendant ce temps à la Boutinière, ses propriétaires firent leurs déclarations roturières en 1664 à Pierre Le Geay à cause de la seigneurie des Bouchauds. Elles ne pouvaient pas porter à conflit avec le seigneur de Saint-Fulgent, ne comprenant pas le terrage qui lui étaient dû. On remarque un détail : la moitié du droit de rivage est désormais payée non plus au sieur de la Patissière mais à un de ses héritiers, le sieur de Landoullière. La déclaration de François Arnaudeau, habitant le bourg de Saint-Fulgent, concerne probablement sa métairie, mais le texte est presque illisible à cause de l’encre qui a trop pâli. Parmi les autres propriétaires on a Pierre Moreau, sieur du Coudray qui habitait dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, Nicolas Cougnon, habitant la Chevaleraye, et Pierre Brillouet (aîné), habitant la Bergeonnière. Les autres propriétaires habitent sur place au village de la Boutinière : Antoine Moreau, Pierre Brisseau, Jean You et André Roger.


René Bertrand s’affirme seigneur des fiefs de la Boutinière, Chevaleraye et Javelière


En 1671, René Bertrand, le seigneur de Saint-Fulgent, « vaurien » dénoncé par Colbert de Croissy, reprend avec éclat la querelle de la seigneurie de la Boutinière, Chevaleraye et Javelière. Et pour affirmer son droit, il fait organiser rien moins que des assises (tribunal), signe manifeste de son pouvoir seigneurial sur les terres en question. Il faut dire qu’à cette même date il n’y a plus de seigneur à Languiller. Ses possesseurs sont la fille de Pierre Le Geay, son petit-fils, apothicaire à Saumur, et deux petites filles dont l’une est mariée à un notaire de Poitiers. Ils cherchent un acquéreur, et peut-être sont-ils déjà en pourparlers avec Philippe Chitton, qui signera son premier achat avec une partie d’entre eux le 25 août 1671. Il le complétera par un deuxième achat avec le reste des héritiers en 1674.

Les assises se tinrent à la Chevaleraye, dans la maison d’un particulier, en trois sessions du 11 mars, 15 avril et 16 mai 1671 (13).

Maison de justice de la Rabatelière
À l’origine les assises étaient des assemblées tenues annuellement certains jours pour rendre publiquement la justice. Le droit d’assise des seigneurs et châtelains a été ensuite déterminé par les usages et la pratique des lieux, se tenant à des dates prédéterminées. On avertissait les propriétaires en faisant apposer dans les lieux publics des affiches, à Saint-André sous le ballet devant l’entrée de l’église paroissiale, mais aussi en les faisant annoncer au prône de la messe paroissiale par le curé, comme on le voit en 1713 aux Essarts (14).

En Poitou le droit d’assise était lié au droit de fief d’un seigneur, même bas-justicier, comme le moyen de faire prévaloir ses droits seigneuriaux. Ainsi on le rencontre dans les seigneuries de la Chapelle Begouin, Languiller, Saint-Fulgent et la Rabatelière. Il donnait le droit au seigneur de convoquer les teneurs de ses fiefs pour lui porter leurs déclarations roturières devant son tribunal. Aux Essarts, le fermier de la baronnie devait faire tenir des assises générales quatre fois par an, et dans son contrat il était prévu qu’il jouirait des revenus qui en proviendraient (15). En cas d’absence d’un déclarant, on lui donnait défaut en accordant au procureur fiscal le droit de l’assigner à comparaître à la prochaine tenue d’assise. La procédure était renouvelée en cas de récidive d’absence. La sanction finale pouvait être la saisie, non pas à cause de l’absence mais sur la non déclaration ou non-paiement des redevances. Ce droit ne se perdait pas si l’on n’en usait pas. La tenue avait lieu au manoir, mais pouvait se tenir chez un particulier comme ce fut le cas à la Chevaleraye.

L’assise concernait aussi les biens nobles. Ainsi, en 1607, le seigneur de Saint-Fulgent vint présenter à l’assise de Languiller son offre de foi et hommage. C’est qu’il rendait hommage à la seigneurie du Coin Foucaud dans le principe seulement, de qui il tenait ses droits. Sauf que celle-ci n’existait que « sur le papier » si l’on peut dire, n’ayant plus ni hôtel ou hébergement noble, ni officiers, ni registre d’assise. Ce sont les officiers de la seigneurie de Languiller qui recevaient les aveux et déclarations au château de Languiller pour la seigneurie du Coin Foucaud, celle-ci étant qualifiée pour cette raison de « fief annexe » de Languiller. Dans la réalité on rendait hommage à Languiller, « à cause de votre seigneurie du Coin Foucaud », suivant la formule habituelle. Et cette situation dura même après que Languiller fut achetée par le seigneur de la Rabatelière en 1745. Un temps, l’office de sénéchal de Languiller et celui de la Rabatelière fut occupé par le même homme. Mais s’agissant par exemple d’assigner des teneurs de la Bergeonnière en 1752 aux assises de Languiller, à cause de biens tenus du Coin Foucaud, il les convoqua dans le château de Languiller. Il ne pouvait pas les convoquer à l’assise de la Rabatelière en principe au regard des règles du droit féodal en vigueur. Dans ces deux châteaux les assises se tenaient dans une « salle basse », c’est-à-dire au rez de chaussée, l’adjectif n’ayant pas le même sens qu’aujourd’hui, par opposition à « chambre haute » désignant une salle à l’étage.

Ce qu’on appelle une tenue d’assise était donc une cour de justice seigneuriale. À la Chevaleraye, le juge était Simon Varenne sieur de Tardière, « sénéchal et seul juge civil et criminel de la châtellenie de Saint-Fulgent, fief de la Chevaleraye, Javelière et autres fiefs en dépendant ». Le procureur du seigneur était Jacques Thoumazeau, « procureur fiscal de la châtellenie de Saint-Fulgent et de cette cour ». Par convention judiciaire, ce dernier avait le statut de demandeur dans l’instance contre les propriétaires justiciables, qualifiés eux de défendeurs. Le sénéchal tranchait le différent. Le greffier était Louis Thomazeau. Le sergent (huissier) était Étienne Brisseau.

Ces assises nous paraissent relever du coup de force quand on lit la proclamation du procureur fiscal de Saint-Fulgent, théoriquement à l’initiative de cette assise, en fait au nom et sous les ordres du seigneur du lieu. Il indique que l’assise était « proclamée et signifiée, de tout temps tenue par le seigneur de Saint-Fulgent comme ayant le titre du seigneur de Languiller nous donnant le droit sur les tènements de la Chevaleraye, Javelière et Boutinière et y autres fiefs ». C’était mensonger. Selon lui, ayant fait ses « certes et obéissances » (reconnaissances et droits) au seigneur des Essarts, le seigneur de Saint-Fulgent peut tenir cette assise comme ses prédécesseurs l’avaient fait avant lui.

Sauf que « l’aplomb dépend du milieu où il se pose », suivant le mot de Flaubert dans son roman Madame Bovary. Et à la troisième journée de tenue des assises, à l’instigation de l’un des propriétaires à la Javelière, François Benoist, par ailleurs huissier demeurant à la Brossière, la baronne des Essarts fit notifier son opposition à la tenue de ces assises, par acte notarié daté du 16 mai 1671. Suzeraine des Bouchauds et du Coin Foucaud, en tant que seigneur haut-justicier, la baronne des Essarts était en plus le véritable possesseur de l’autorité de la haute justice seigneuriale dans le territoire de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie soumis à sa juridiction. La cour de Saint-Fulgent manœuvra, car l’opposition faite par Masson, procureur fiscal des Essarts, avait eu lieu après la clôture de l’assise. Elle décida de passer outre à l’opposition.

la Chevaleraye
27 personnes défilèrent au total, ayant des biens à la Boutinière, Chevaleraye, Javelière, Roche, Suries et Bruères. 25 sont venues à la première journée du 11 mars, où une seule présenta une déclaration. Pour 21 d’entre elles la cour décida d’un délai pour la présenter à l’assise du mois prochain. Pour 4 d’entre elles, elle décida la saisie des biens. Mais elle ne pouvait pas la décider de son chef, le procureur fiscal devait pour cela entamer une autre procédure dans le cadre des règles de la coutume. Pour l’assise du 15 avril elle reçut 8 déclarations et renouvela 11 demandes de nouveaux délais, dont pour deux nouvelles personnes qui ne s’étaient pas présentées la fois précédente.

Certaines déclarations ont été présentées par un procureur (aujourd’hui on dirait avocat) nommé Blanchard, par ailleurs notaire de Saint-Fulgent. D’ailleurs les déclarations étaient rédigées par lui et son confrère Thoumazeau. Le compte rendu de ces assises n’indique pas les frais perçus par les officiers de la cour. Mais nous disposons d’un exemple rare d’une assise de Languiller en 1702, où on lit à la fin d’une déclaration que les frais de notaire pour établir la déclaration étaient de 37 sols 8 deniers, plus « 30 sols aux officiers de Languiller pour la présentation de ladite déclaration. » (16). Les montants étaient tarifés, et s’appliquaient donc aussi pour les assises de Saint-Fulgent.

À l’assise du 16 mai 1671, la cour reçut 7 autres déclarations. Au total, on dénombre 9 défauts de présentation de déclarations, soit un tiers, dont une opposition clairement exprimée de l’huissier François Benoist, visiblement prêt à affronter judiciairement les officiers du seigneur de Saint-Fulgent. Cette apparente mauvaise volonté doit peut-être aux circonstances. Mais il ne faudrait pas les exagérer. Comme l’on voit dans le registre des assises de la Rabatelière (années 1637 à 1651), certains venaient à ces assises en traînant les pieds. Les lods et ventes posaient problèmes régulièrement, et après la signature des contrats d’acquisition, d’échange ou d’arrentement, on oubliait parfois de les signaler au procureur fiscal de la seigneurie, pour éviter de lui payer les droits de mutation. Alors certaines sentences d’assise transpirent l’enquête inquisitoriale pour traquer les défauts « d’exhibition » (communication) des contrats. Le sénéchal demandait parfois de se « purger par serment » suivant les mœurs judiciaires de l’époque (17).

Les archives conservées nous donnent 10 déclarations fournies à ces assises pour la Javelière et 3 pour la Boutinière. Que remarque-t-on ?

Pour la Boutinière il s’agissait de déclarer le droit de terrage perçu à moitié par le seigneur de Saint-Fulgent, l’autre moitié allant au baron des Essarts. Mais ce qui est tout aussi important c’est que la déclaration est rendue à René Bertrand, chevalier seigneur de Saint-Fulgent, Chastenay, Bray, Grand-Ris, à cause de son fief de la Chevaleraye et qu’elle reconnaît son « droit de juridiction sur les dits domaines ». Le voilà donc seigneur de la Chevaleraye, mais aussi suivant les différentes déclarations pour la Javelière : « de la Chevaleraye Javelière et autres fiefs », ou « de la Chevaleraye Javelière Roche et Boutinière », ou « Chevaleraye, Javelière et aux terres et tènements en dépendants ». Le texte de ces déclarations n’est pas systématiquement le même, même si l’esprit reste. Ainsi trouve-t-on presque toujours cette formule supplémentaire : « avez basse juridiction pour tenir assise sur nous ou sur ceux qui tiendront nos dits domaines ». Une fois on a une précision supplémentaire et tout aussi contraire à la vérité : « et sur lesquels vous avez droit de prendre les lods et ventes ». En Poitou, le droit de fief et le droit de justice seigneuriale étaient intimement liés, on en a ici une parfaite illustration.

La riposte du nouveau seigneur de Languiller, Philippe Chitton


Miège : caricature
Au début des années 1680, avec l’arrivée de Philippe Chitton au logis de Languiller, la situation ne pouvait pas en rester là, et les relations durent certainement s’envenimer ; mais nous n’avons pas de document pour en témoigner. Il prit ses intérêts en mains avec détermination, comme nous le savons. Au Peux et au Coin, il fit battre en retraite, avec le tribunal de Fontenay, Laheu, qui avait les mêmes prétentions de seigneurie que le seigneur de Saint-Fulgent. À la Mancellière il assigna au tribunal de Poitiers le seigneur de la Rabatelière pour obliger à lui rendre la foi et hommage. A la Porcelière, la Bergeonnière, la Milonnière il assigna Pierre Moreau sieur du Coudray, pour communication de contrats d’acquisition, et plus tard il déclenchera un retrait féodal sur certains biens nobles acquis par ce dernier. On le verra aussi œuvrer de la même manière au Pin et à la Brossière. D’ailleurs dans sa propre famille, on avait toujours un procès en cours et la saisie judiciaire facile.

Il était le fils de Jacques Chitton et de Renée Metivier, mariés en 1631 et qui eurent cinq enfants. Jacques Chitton avait été échevin de la ville de Niort, emploi qui permettait d’accéder à la noblesse. Il fut maire de Niort aussi en 1642. Philippe Chiton, l’aîné de la fratrie, est né vers 1632 dans une famille de protestants, qui abjura ensuite. Il était écuyer et seigneur de Fontbrune. Il acheta la charge de grand prévôt général des généralités de Poitiers et de la Rochelle, que son prédécesseur de Languiller, Pierre Le Geay, avait possédée. De même en 1694 il était titulaire de l'emploi de capitaine au régiment de Bellegarde-Cavalerie. Il avait versé en deux fois au trésor royal, en 1667 et 1692, la somme de 3 500 livres pour jouir des privilèges de la noblesse. Le statut lui fut confirmé, ainsi qu’à son fils, le 5 août 1700 par Meaupou.

Logis de Languiller
À son titre de seigneur de Fontbrune, il ajouta celui de seigneur de Languiller, où il vint habiter, et se maria le 28 novembre 1665 avec une voisine de la petite seigneurie de la Vrignonnière (Essarts), Bénigne de la Bussière. Il fit construire en 1697 le logis de Languiller, ancêtre de celui que nous connaissons. Les couvertures étaient en ardoises, sauf un pavillon en tuiles plates. L’architecte n’était certainement pas un chauchéen, car le mur du côté de la rivière comportait seulement une clôture en lattes à son sommet pour protéger la charpente. Elle laissa passer la pluie et fut la cause d’une dégradation rapide du corps de bâtiment du château et de deux pavillons attenants. En 1763 on dut consolider les murs, réparer leurs « lisardures », changer la charpente qui menaçait de tomber, en refaire une plus légère, et remplacer les ardoises par des tuiles creuses (18)On peut voir quelques photos des lieux sur internet, exposées par les propriétaires anglais des chambres d’hôtes, de son potager et de sa piscine chauffée.

On se souvient qu’il fit déplacer la sépulture d’un seigneur de la Chapelle Begouin pour faire de la place à la dépouille de son épouse en 1698, qu’un procès s’en suivit, que son fils gagna en partie (voir notre article publié sur ce site en janvier 2014 : Les droits seigneuriaux sur les roturiers de la Chapelle Begouin à Chauché). Il fit pression aussi sur l’évêché de Luçon pour exercer à nouveau le droit, tombé en désuétude, des seigneurs de Languiller, de nommer le titulaire de la chapelle de Fondion à Saint-André (voir notre article publié sur ce site en novembre 2014 : La chapelle de Fondion à St André Goule d'Oie).

En 1698, il bénéficia d’un traitement de faveur dans un procès l’opposant au fermier de la baronnie des Essarts, Jean Masson, à cause de son emploi de grand prévôt général des généralités de Poitiers et de la Rochelle. La déclaration du roi du 6 mai 1692 confirmait en effet à perpétuité les officiers des maréchaussées du royaume dans leurs exemptions, privilèges et prérogatives. Parmi ces dernières il y avait le choix par Philippe Chitton d’être jugé au présidial de la Rochelle, le plus proche de son domicile, où il avait rang immédiatement après le doyen des conseillers (19).

Dans cet emploi de grand prévôt, sorte d’officier de gendarmerie ou commissaire de police, Philippe Chitton avait sous ses ordres ce qu’on appelait des archers, comme on le voit dans le registre des décès de Chauché à la date du 26 avril 1694 (vue 320), où on enterre François Chaillou, archer du grand prévôt. Et puis on a une lettre du 12 décembre 1686 de Labergeril à Philippe Chitton, adressée à « Languiller près Saint-Fulgent en Bas-Poitou », pour dénoncer deux déserteurs. Labergeril lui demande de les faire rechercher en même temps qu’il saisit le tribunal. L’un s’appelle Claude Guerin, dit Saint-Georges, âgé de 27 ans, qui a fui à Pouzauges. L’autre s’appelle André Bouacheau et se cache après son enrôlement de 5 ans dans l’armée le 7 janvier 1686 à l’Herbergement-Entier (près de la Rocheservière) (20).

Philippe Chitton obtint du tribunal de Fontenay-le-Comte des lettres de terrier, c'est-à-dire une décision judiciaire pour vérifier ses droits seigneuriaux, et lui donnant le droit de nommer à cet effet les notaires de Saint-Fulgent, Arnaudeau et Proust. Ces derniers étaient ce qu’on appelait alors des « commissaires à terrier ». On appelait terrier un recueil portant l'indication exacte des redevances dues par les tenanciers d'une seigneurie ; il était établi sous la forme d'un acte judiciaire. Moyennant quoi, les textes des déclarations roturières durent adopter la formulation prescrite par le tribunal et la coutume du Poitou. C’est ainsi que les déclarants indiquèrent leur profession et leur domicile, ainsi que l’origine de leurs propriétés, habitudes inconnues jusqu’ici avant lui à Languiller. Avec ces lettres de terrier il dû, pour le moins, agacer les habitants de Saint-André-Goule-d’Oie, y compris certains de mes ancêtres. Tous les propriétaires de la paroisse relevaient de lui à différents titres. Plus de trois siècles après, il nous faut constater avec objectivité que ses initiatives nous donnent une matière précieuse pour la recherche historique.

Une autre précision apportée dans les déclarations est sans conséquence, puisqu’elle ne fait que confirmer la pratique, c’est le rappel du droit de solidité : « faute de quoi avez droit de solidité », lit-on régulièrement. Ainsi appelait-on l’obligation où sont plusieurs débiteurs de payer un seul pour tous, la somme qu’ils doivent en commun. Or tous ces droits seigneuriaux que nous énumérons étaient tenus par la collectivité des propriétaires d’un tènement, ceux-ci obligés solidairement entre eux au paiement à l’égard du seigneur. Derrière ce droit on suppute une réalité parfois difficile, à cause de la parcellisation poussée des surfaces foncières. Par exemple, un propriétaire d’une parcelle de 600 m2 dans un tènement de 35 hectares, avait une contribution de 1,7 % dans le total des redevances du tènement. À la Chevaleraye, celles-ci se montaient à 100 livres par an, valeur de 1762, dont les deux tiers pour le seigneur de Saint-Fulgent. La part de notre petit propriétaire était donc de 1,7 livres ou 34 sols. Le gros propriétaire qu’était Abraham de Tinguy, devait environ 60 livres. Et c’est lui qui portait les 100 livres aux fermiers de la seigneurie de Languiller, de Saint-Fulgent, et autres créanciers, se retournant ensuite vers tous les autres propriétaires pour leur réclamer leurs quotes-parts. Des arpentements avaient été réalisés partout à Saint-André, semble-t-il, au 17e siècle, éliminant les possibles difficultés dans le calcul de la répartition. Dans les tènements à la propriété dispersée, ce qui était moins le cas à la Chevaleraye et à la Boutinière à cause de leurs métairies, la collecte des quotes-parts individuelles n’a pas dû être toujours facile.

Et la reconnaissance des droits du seigneur ne se limitait plus à la description des rentes, cens, dîmes, terrages et menus suffrages. Désormais le texte précisait à chaque fois que le seigneur de Languiller avait droit de prendre les lods et ventes, honneurs, amendes et offenses, exerçant la juridiction basse. Deux fois le rédacteur va trop loin en qualifiant le seigneur de Languiller de « chemier » dans son lien vassalique avec le seigneur baron des Essarts. On s’apercevra plus tard que l’erreur est volontaire et que le seigneur de Languiller voulait obtenir la reconnaissance de la qualification de chemier du fief des Bouchauds, contre l’usage qui la réservait au baron des Essarts. Décidément, les seigneurs ne manquaient pas d’objets de conflits à Saint-André, pour qui était susceptible, manipulateur et ambitieux.  

la Boutinière
En 1684 et 1685, hors les propriétaires des deux moulins, on trouve les propriétaires de la Boutinière, habitant sur place, dont la déclaration a été conservée jusqu’à nos jours : Antoine Mandin marchand, Pierre Chatry tisserand, François Herbreteau laboureur. Ceux qui n’habitent pas sur place sont : André Roger laboureur à la Milonnière, Pierre Fortier laboureur à Linières, et Prosper Moreau, étudiant à Poitiers ayant sa demeure familiale dans le bourg de Saint-André. Ce dernier se fait appeler : « noble Prosper Moreau seigneur du Coudray Loriau ». On connaît son envie d’ascension sociale, mais sa tentative, lui aussi, pour se faire reconnaître un statut de seigneur sur certains droits acquis par son père, tourna court en face de Philippe Chitton (voir notre article publié sur ce site en juin 2014 : Les Moreau de St André Goule d'Oie aux 17e et 18e siècles.

On trouve une déclaration de Nicolas Mandin, laboureur demeurant au bourg de Saint-André, pour ses biens sur le tènement des Bruères, où il doit une rente de 16 ras d’avoine avec les autres teneurs. 
 
Les déclarations concernant le tènement des Suries sont révélatrices de l’opération de vérification des droits du seigneur de Languiller. La rente de 20 boisseaux de seigle levée sur ces terres avait été vendue à un particulier, au 16e siècle probablement. En 1685 elle appartenait à Pierre Moreau, et le seigneur de Languiller ne prélevait plus rien. Mais il gardait la mouvance sur le fief, ce qui entraînait le paiement des lods et ventes en cas de vente ou succession des biens. Alors on a 8 déclarations roturières où sont décrits les domaines possédés par chacun, et le rappel de la vente de la rente : « … sur lequel vous était dû par moi et autres parts prenants [possesseurs] audit tènement, le nombre de 20 boisseaux de seigle mesure des Essarts, aliénés par vos prédécesseurs et seigneurs de Languiller, néanmoins à vous appartient les ventes, honneurs, amendes et offenses ainsi que seigneur moyen et bas-justicier … ». La dernière partie de la phrase justifie la déclaration, faite en exécution des lettres de terrier, est-il aussi rappelé dans le texte.

Les archives manquent dans la fin du 17e siècle pour apprécier l’énergie que dû mettre Philippe Chitton à défendre sa position, en face de l’ambitieux seigneur de Saint-Fulgent. Il a passé la main à son fils unique vers 1700, Charles Auguste Chitton, dans les actes officiels concernant la seigneurie de Languiller. Dans une lettre du 13 mai 1702 écrite de Paris il évoque sa santé : « Je tâche à rétablir un peu mes forces pour m’en retourner incessamment afin de reprendre ma santé ne jugeant pas la pouvoir rétablir ici » (21). De plus l’écriture trahit un léger tremblement. Et il est mort après 1712.

Les seigneurs de Saint-Fulgent affaiblis


Néanmoins, du côté du seigneur de Saint-Fulgent la situation avait évolué après la mort en 1688 de René Bertrand.

Il laissait des enfants mineurs, dont l’aînée qui deviendra dame de Saint-Fulgent, Madeleine Victoire. On ne sait pas ce qu’est devenue Julie, dame de la Roche. Jeanne Renée épousa Jean François Mauclerc, habitant Saint-Denis-la-Chevasse, et mourut sans postérité. Enfin Marie Bénigne, dame du Grand Ry et des Bouchaux, épousa en 1700 à Saint-Martin-Lars, Christophe Prevost, seigneur de la Boutetière, d’où est issue une nombreuse postérité (9).

Madeleine Victoire Bertrand reçut à la mort de son père, pour tuteur, Louis Pierre Gazeau de la Brandasnière, époux lui-même d'une Aspasie Bertrand, une cousine éloignée, dont le père avait été tuteur de René Bertrand, comme nous l'avons vu. Un fils de Louis Gazeau se maria vers 1693 avec sa pupille Madeleine Victoire Bertrand, fille aînée et principale héritière de son père.

Il s’appelait Pierre Louis Gazeau, appartenant à la branche de Ligneron et de la Couperie des Gazeau de la Brandasnière, qui s’était formée plus d’un siècle auparavant, se séparant de celle des seigneurs de la Boutarlière (Chauché), et de celle du Plessis et des Grandes Maisons.

Pierre Louis Gazeau, seigneur de Ligneron, se maria avec Magdeleine Victoire Bertrand à Saint-Jean-Baptiste de Montaigu le 22 février 1694 (vue 80 sur le registre paroissial accessible sur le site internet des Archives de la Vendée). Leurs deux premiers enfants furent baptisés à Saint-Jean-Baptiste de Montaigu, puis les quatre suivants dans la paroisse voisine de la Boissière-de-Montaigu. Enfin le dernier naquit en 1711 à Saint-Fulgent. Ces informations nous sont données par le logiciel de recherche « Noms de Vendée », à disposition du public sur le site internet des Archives de la Vendée. Elles indiquent les domiciles probables des parents, d’abord à la Boissière-de-Montaigu, puis à Saint-Fulgent.

La foi et hommage à Languiller de la dame de Saint-Fulgent en 1711


Cette année-là Madeleine Victoire Bertrand fit une offre de foi et hommage au seigneur de Languiller pour les terres de la Boutinière, tout à fait insolite, sauf pour nous qui suivons leur querelle depuis un siècle maintenant.

Elle était mariée sous le régime de la séparation de biens, et son contrat de mariage prévoyait la gestion de ses biens propres de son propre chef. C’était donc à elle de faire la foi et hommage, et la coutume du Poitou dispensait dans ce cas une femme de participer personnellement à la cérémonie enregistrée par un notaire. On voulait la dispenser de jurer fidélité à un homme qui n’était pas son mari, de le servir, et de lui donner le baiser de paix en usage. Un acte notarié sans cérémonie devait suffire, qui d’ailleurs était devenu de pratique courante et autorisée pour tous les hommages plains, ou simples. Mais Charles Auguste Chitton, qui avait succédé à son père Philippe Chitton, avait opéré des saisies sur la part des terrages à la Boutinière revenant au seigneur de Saint-Fulgent. Le texte ne donne pas la raison de cette saisie, mais on connaît le conflit que les générations de seigneurs se transmettaient avec constance sur la propriété de la mouvance à la Boutinière. Le conflit avait donc repris. Dans ce contexte, comment jurer fidélité à son seigneur tout en s’opposant à lui devant les tribunaux ?

Le compte rendu que fit le notaire Boisson de Vendrennes de cette journée du 13 avril 1711 nous donne la réponse (22). On dû se concerter avec les juristes locaux pour analyser la situation, et adopter une tactique appropriée. On adopta d’ailleurs la voie de la rigueur juridique. Quoi de plus tentant, quand on ne s’entend pas sur le droit, que de s’en faire une ligne de conduite avec ostentation ? Un aréopage de quatre personnes accompagna la dame de Saint-Fulgent dans l’après-midi de ce jour difficile pour elle. Outre son notaire, elle avait deux témoins. Le premier était maître Pierre Arnaudeau sieur de la Brunelière, ancien notaire et greffier de Saint-Fulgent, âgé alors de 72 ans. Le second était maître Augustin Thoumazeau sieur de Grandchamps, un notable habitant aussi le bourg de Saint-Fulgent, fils de Julien Thoumazeau et d’Hélène Benoist, et beau-frère du procureur fiscal du lieu, alors Adrien Rochelet. De plus, elle s’était fait assister par messire Gabriel Suzannet seigneur de la Chardière (Chavagnes), et « gentilhomme choisi par elle ».

Arrivée à la maison seigneuriale de Languiller, distante d’environ 7 kms de son château de Saint-Fulgent, Madeleine Bertrand a « offert par elle-même et en sa personne, et au cas de refus dudit seigneur de Languiller par moi notaire royal soussigné assisté de … témoins », de « faire la foi et hommage plain, baiser et serment de fidélité » au seigneur de Languiller à cause de sa seigneurie du Coin Foucaud pour raison de certains droits de fiefs, terrages et autres, au village et tènement de la Boutinière. Elle fait comme un homme, et elle continue comme cela se doit en une telle occasion, en offrant de payer les droits de rachats s’ils ne l’ont été, « si tant été qu’ils lui apparaissent véritables pour les dits fiefs ». Elle promet « de fournir son aveu et dénombrement des choses dudit hommage dans le temps de la coutume, offrant le baiser et serment de fidélité à son seigneur tel qu’elle le doit en pareil cas ». On ne pourra rien lui reprocher, elle fait tout ce qu’il faut faire en pareille évènement, mais assisté d’un authentique gentilhomme de Chavagnes-en-Paillers, heureusement garant de ses honnêtes intentions. Elle continue ensuite en demandant la main levée des saisies de ses droits, et la cessation des poursuites comme condition de son offre. Et elle demande que par la présente offre, elle « doit être regardée comme fidèle et véritable vassale aux offres ci-dessus expliquées ». On le voit, il s’agissait ainsi d’exécuter une formalité obligatoire sans rien céder sur le fond.

Logis de Languiller
Cet acte notarié est suivi d’un compte-rendu du notaire. Il indique que l’épouse du seigneur de Languiller s’est présentée, dame Louise Françoise de Châteauneuf, en l’absence de son mari. Elle a répondu : « que vu son absence, elle n’a rien à répondre au présent hommage, n’ayant de lui aucun ordre à cet égard ». Le compte rendu poursuit en indiquant que la dame de Saint-Fulgent « a persisté en son offre et hommage ci-dessus par elle fait ». Pour terminer, tout le monde signa et le notaire précisa qu’il délaissait « un autant (copie) des présentes aux mains de ladite dame de Châteauneuf ». Nous sommes près de penser que l’absence de Charles Auguste Chitton était volontaire. Il ne pouvait pas empêcher l’acte de se faire devant témoins, et ne pouvait pas non plus obliger son adversaire à commettre une faute, alors il a laissé la procédure se dérouler, quitte à guetter ensuite qu’aucune erreur n’avait été commise. On aimerait connaître la suite immédiate, mais la documentation manque.

Elle manque aussi sur les déclarations roturières. Nous n’en avons que deux pour la métairie de la Boutinière et une pour la métairie de la Chevaleraye faite au seigneur de Languiller. Pour la première, leur contenu est connu et sans changement : le seigneur de Languiller prend des rentes en blés (céréales) et en argent. Les seigneurs de Saint-Fulgent et des Essarts se partagent les terrages. La seule nouveauté par rapport à cent ans auparavant c’est la référence gardée par les notaires aux lettres de terrier pour faire la déclaration, comme on oublie de ranger un dossier, car elles ne semblaient plus utiles à cette date.

Les Bertrand vendent la seigneurie de Saint-Fulgent en 1720 


Le fils aîné de Madeleine Bertrand, Louis Gabriel Gazeau de la Brandasnière, atteignit sa majorité de 25 ans le 17 novembre 1719. Nous n’avons pas de document notarial où il apparaît, et nous ignorons jusqu’à quand sa mère resta dame de Saint-Fulgent, gérant la seigneurie. Toujours est-il que trois semaines avant son anniversaire pour sa majorité civile, le seigneur de Saint-Fulgent commis un acte pouvant conduire à une fin prématurée. Il assassina en effet le seigneur de la Brallière (Boulogne) au château de la Rabatelière, Charles Daniel de Montsorbier, de quatre coups d’épée. Il fut condamné à mort par contumace l’année d’après, mais obtint des lettres de rémission en 1723, et la peine ne fut pas exécutée. Les détails des enquêtes, le jugement et sa signification à Saint-Fulgent et à la Rabatelière sont intéressants et ont fait l’objet de fréquentes publications depuis près de trois siècles, accessibles sur internet.

Faut-il lier la vente de la seigneurie de Saint-Fulgent en 1720 à ce drame ? Beaucoup d’auteurs l’ont fait. Il fallait en particulier dédommager la veuve du seigneur de la Braillère, le jugement de condamnation lui ayant alloué 12 000 livres de dommages et intérêts. Et qui sait combien a coûté la lettre de grâce royale en pots de vin ?

La seigneurie de Saint-Fulgent St Fulgent fut acquise par un négociant nantais, Joachim Descazeaux. Sa vie et celle de ses successeurs méritent une publication spéciale que nous ferons dans un article distinct. Avec eux la querelle avec le seigneur de Languiller continua de plus belle.

À suivre.


(1) Revue des provinces de l'Ouest (Nantes) A. Guéraud (Nantes) 1854, n° 1, 6e année, page 206.
(2) Gaston Zeller, Les Institutions de la France au 16e siècle, PUF, 1948, page 198.
(3) Charles de Chergé, Guide du voyageur à Poitiers et aux environs, l’Etang, 1872.
(4) Archives de Vendée, société d’émulation de la Vendée (1876), C. Gourraud, Notes historiques sur Chavagnes : BIP PC 16/10, la Chardière : page 140 vue 52. Cet auteur attribue l’anoblissement à André Le Geay, fils de Pierre. Nous retenons la thèse de G. de Raignac l’attribuant à Pierre.
(5) Archives de Vendée, Fonds Bousseau et famille de Grandcourt : 42J/19, Charretier et Le Geay.
(6) Philippe Ariès, L’homme devant la mort, Seuil, 1977, page 312.
(7) Inventaire après-décès en 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 139.
(8) F. Hildesheimer, Une église bien temporelle, dans « Sept siècles d’histoire en Vendée, les diocèses de Luçon et de Maillezais », Recherches vendéennes no 23, 2017-2018, page 165.
(9) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 18-2, notes sur les Bertrand de Saint-Fulgent et de la Grassière.
(11) « René Bertrand, seigneur de Saint-Fulgent et son descendant Gazeau », pages 595 à 603, État du Poitou sous Louis XIV : rapport au roi et mémoire sur le clergé, la noblesse, la justice et les finances, état des gentilshommes de la sénéchaussée de Fontenay, par Charles Colbert de Croissy, Jacques-Honoré Barentin, Gilles Maupeou d'Ableiges, annoté et publié par Charles Dugast-Matifeux, Fontenay-le-Comte, 1865.     
(12) Auguste Lièvre, Histoire des protestants et des églises réformées du Poitou, 1859, tome 3, page 316. Cité par Dugast-Matifeux dans Les Annales de la Société Académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 1861, tome 32, page 217. 
(13) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 40, assises de 1671 de la seigneurie de Saint-Fulgent à la Chevaleraye.
(14) Registre des assises des Essarts en date du 15-5-1713, Archives de la Vendée, transcription par G. de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-2, page 23 ter.
(15) Archives de Vendée, baronnie des Essarts-Brosse et Luxembourg (1435-1642), 19 J 1, ferme de la baronnie des Essarts à Masseau et Menanteau le 17-12-1571.
(16) 150 J/G 115, déclaration roturière du 21-3-1702 de François Basty pour Catherine Roussière à Languiller pour domaines à la Bergeonnière.
(17) 150 J/E 2, registre d’assises de la Rabatelière de 1637 à 1651.
(18) Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, visite du 18-8-1763 et inventaire des réparations à faire au château de Languiller.
(19) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 11, sentence du 23-5-1698 du présidial de La Rochelle, condamnant Masson à payer à Chitton la moitié des terrages du fief de la Chemillière (Essarts), pages 43 et 45.
(20) 150 J/A 11, lettre du 12-12-1686 de Labergeril à Philippe Chitton, prévôt général du Poitou, pour dénoncer deux déserteurs.  
(21) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 11, affaire du chemerage de la seigneurie des Bouchauds, lettre de Ph. Chitton du 13-5-1702 à Me Normand.
(22) 150 J/G 40, offre de foi et hommage du 13-4-1711 de Saint-Fulgent à Languiller à cause du Coin Foucaud (sic : Bouchauds) pour la Boutinière, non acceptée.

Emmanuel François, tous droits réservés
Décembre 2015, complété en janvier 2023

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