Sur la route D 37 de Chauché à
Saint-Fulgent, un calvaire érigé en l’honneur d’un combattant vendéen décédé lors de
la bataille de Savenay en décembre 1793, Pierre François Cougnon (1765-1793),
marque le départ de la route qui conduit à la Porcelière (voir sa biographie
dans notre article publié sur ce site en avril 2011 :
Pierre François Mandin, adjoint au maire de 1826 à 1830
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Calvaire de la
Porcelière
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On trouve
un autre calvaire à l’entrée du village de la Porcelière. D’une hauteur
ostentatoire, sa croix porte un christ dont le revêtement de couleur argentée
parait comme neuf. Elle s’élève sur un joli socle d’un mètre de haut,
comportant une colonne en chacun de ses angles. On fait bien les choses
ici : ce calvaire est entouré d’une haie de laurier coupée au cordeau,
avec à l’intérieur du petit enclos bien entretenu, notamment un yucca et un
tuya taillé en pointe. Une stèle porte la date de 1925, avec un nom :
Henri Herbreteau. Ce patronyme fait partie de l’histoire du village et de ceux
aux alentours depuis longtemps.
Encore de nos jours le village de
la Porcelière est important par le nombre de ses maisons. On en comptait au
moins une quinzaine en 1701, soit avec un toit d’une seule pente, soit à chapt
comme on disait autrefois (toit à deux pentes avec un faîte au milieu), soit en
appentis adossé à une autre maison. Le plus souvent elles n’avaient qu’un niveau,
parfois deux avec un étage pour le grenier, appelé le « plancher ». Certaines avaient un
toit couvert avec des tuiles, et d’autres avec une couverture en chaume.
On voit maintenant des maisons
neuves avec leurs jardins d’agréments, d’autres plus anciennes aux façades
blanches, dont les angles des murs et les pourtours des portes et des fenêtres
sont décorés de briques rouges. D’autres aussi ont conservé leurs murs anciens,
avec les pierres apparentes et leurs croix de fer rouillées. Quelques restes de
vieux murs et de vieux chênes, rappellent une implantation ancienne. On devine
le passé, mais c’est surtout le mouvement du temps qu’on retient en parcourant
les rues du village. Une charpente de grange en un très vieux bois noueux, peut-être
rescapée des incendies de la guerre de Vendée, côtoie une maison neuve. À côté
d’un gros arbre têtard, dont les branches ont pris une hauteur à désoler les
grands-pères du temps jadis, poussent des pins maritimes plantés récemment, et
un massif de bambous.
Ce mouvement du temps, nous
l’observons aussi dans les documents du chartrier (archives du château) de la
Rabatelière, conservés aux Archives départementales de la Vendée.
Ils nous permettent d’aborder plusieurs sujets que nous développerons ici.
Commençons par les droits féodaux
en vigueur avant la Révolution de 1789.
Le tènement de la Porcelière
Au début du 16e siècle
le village de la Porcelière faisait partie du tènement du même nom,
c'est-à-dire du terroir aussi appelé fief, concédé à sa création par un
seigneur, probablement celui du Coin, à des teneurs pour l’exploiter, moyennant
le paiement de devoirs féodaux. Normalement le mot tènement était réservé
à une terre roturière ou censive et le mot fief à une terre noble, mais l’usage,
au moins dès le 17e siècle dans la contrée, entretenait parfois une
certaine confusion entre les deux termes. Mais de cette création du tènement nous
n’en pouvons parler que par déduction, faute de documents.
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Près du village de la
Porcelière
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À l’origine il y avait trois
terroirs distincts qui furent réunis ensuite : le tènement de la
Porcelière, le fief Canteteau et le tènement des Barbries, les trois se
joignant. Au départ de leur
création par défrichement, ils étaient distincts. Le fief Canteteau était situé
entre le tènement du Landreau (Chauché) et la Porcelière. Il contenait au 14e
siècle 14 boisselées en jardins, 6 journaux en prés, et 3,5 septrées en terres
labourables, soit l’équivalent d’environ 11,5 hectares. La surface de jardin
signifie la probable présence de maisons. Le fief était tenu par Jean Canteteau
à foi et hommage plain et à 5 sols de service annuel, du seigneur de Languiller
à cause de la seigneurie du Coin Foucaud. Il est précisé que le fief était
« tombé en la main » du Coin Foucaud, l’expression voulant dire que
ce dernier l’avait acquis probablement par saisie féodale à la suite de
difficultés de Jean Canteteau que nous ne connaissons pas. Les désastres du début du 14e siècle, causés
par la guerre de Cent Ans, la famine et l’épidémie de peste sont probablement à
l’arrière-plan de ces difficultés. De ce fait les
teneurs de domaines dans le fief relevèrent ensuite directement de Languiller à
cause du Coin. C’étaient des habitants du village de la Porcelière, qui
payaient un cens de 10 sols et une rente de 3 septiers et 6 boisseaux de seigle.
Le fief avait droit de seigneurie, basse voirie (basse justice foncière) et
ventes et honneurs (droit de mutation des biens fonciers). Sous l’aveu de Jean
Canteteau étaient tenues deux rentes déjà au 14e siècle. La première
de 7 boisseaux seigle, à 1 denier de service à la nativité de Saint-Jean-Baptiste, tenue par les héritiers de Jean de Saint Martin. Il
appartenait à une famille qui possédait le droit de fief de la Bourolière à la
même époque. La deuxième d’un truel d’avoine et 8 deniers, à 1 denier de
service à la nativité de Saint-Jean-Baptiste, tenue par les héritiers d’un nommé
Racinous (1). Le mot de truel rencontré ici fait penser à la mesure en trulleau
de l’avoine utilisée par les seigneurs de la Boutarlière et dans la seigneurie des Bouchauds (Essarts)..
En 1550 le fief de Canteteau est
décrit dans un aveu du Coin avec les mêmes surfaces qu’un siècle plus tôt, et
sont mentionnés des maisons et masurits, rues, ruages et quaireux (2). Les
masurits étaient des maisons en ruine. Après quoi l’habitat du village a
disparu, peut-être intégré dans celui de la Porcelière proche. On
devine dans ce constat le probable désastre de l’appauvrissement et de la
dépopulation de la fin du Moyen Âge. Après 1550, la notion même de
fief disparut et les terres concernées, intégrées au tènement de la Porcelière,
devinrent censives.
Nous n’avons pas trouvé d’antériorité
au tènement des Barbries, mouvant du Coin Foucaud, situé
entre la Porcelière, le Plessis-le-Tiers et la Landouinière. Il contenait 10
boisselées de terre et en journaux 2 hommes de pré en 1606 (3). Il n’avait pas
d’habitat dans les textes connus.
Quant au terroir de la Porcelière, on voit au 14e
siècle un Pierre de la Grolle tenir du Coin Foucaud à foi et hommage plain, à
rachat et à 5 sols de service annuel, des biens au tènement de la
Porcelière : une rente de 7 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts,
et une dime sur les laines, lins et menues bêtes (4). Et le prieur de Saint-André
tenait de Pierre de la Grolle une rente de 7 boisseaux de seigle sur le
tènement de la Porcelière à 1 denier de service par an (5). Cela voudrait dire
qu’une partie au moins du terroir de la Porcelière était de nature noble comme
le fief Canteteau. Mais dans l’aveu en 1550 du Coin Foucaud, la Porcelière est devenue
une terre censive.
Dès le 17e siècle ne
subsistait que l’habitat de la Porcelière pour ces trois tènements, réunis en
un seul pour le paiement des droits féodaux. Quoique situé pour l’essentiel et
rattaché à la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, une partie du tènement
s’étendait sur la paroisse de la Chapelle de Chauché. En 1838, le cadastre
napoléonien découpe le tènement entre la section du Plessis-le-Tiers et celle
de la Jaumarière, ignorant les noms de Canteteau et Barbries.
Dans un aveu de 1610 on lit les
confrontations des trois tènements ensemble (6). Au nord son espace s’arrête
vers le Plessis-le-Tiers (dépendant de la seigneurie de la Mancellière), puis
au tènement de la Jaumarière (dépendant de la seigneurie du Coin Foucaud), vers
le sud-est au tènement de la Boninière (dépendant aussi du Coin), puis au
tènement du Landreau (dépendant du seigneur de la Macairière à Boulogne) et aux
tènements de la Fesselière et de la Landouinière (dépendants des seigneurs de
la Rabatelière et de la Vergne Ortie à Chauché). La description détaillée de
ces confrontations en 1767 révèle les nombreuses haies qui entouraient les
pièces de terres et les prés. Elles participaient depuis longtemps probablement
à la composition du paysage.
Droits seigneuriaux dus au seigneur suzerain
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Van Gogh : Champ de blé avec gerbes (1888)
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Le plus important des droits
était le droit de terrage consistant à donner une partie des récoltes, soit 1/6
à la Porcelière comme très souvent ailleurs dans la région. En 1550 le seigneur
en prélevait la moitié et l’autre moitié allait au
prieur de Saint-André qui la tenait en franche aumône des prédécesseurs du seigneur
du Coin (7). En 1619 la part du prieur avait disparu, comme dans beaucoup
d’autres tènements à Saint-André, supprimée par le seigneur de Languiller,
probablement Jules de Belleville, un chef protestant qui avait besoin d’argent.
Le terrage s’appliquait à cette date à « toutes sortes de blés, pois, fèves, mil, raves et lin » (8). En
1619 ce droit ne s’appliquait pas à toutes les terres
labourables, mais seulement « sur la
moitié des dits tènements de la Porcelière fief Canteteau et Barbries, qui
pourraient valoir 40 ou 50 boisseaux de tous blés ». Cette dernière
quantité est donnée ici à titre indicatif, puisque cela dépendait de la récolte
et donc des conditions climatiques de l’année.
C’est ce qui explique
l’importance de deux rentes s’ajoutant au droit de terrage. Une rente de 60
boisseaux de seigle et une autre de 40 boisseaux d’avoine, livrables à la fête
de Notre Dame d’août (assomption), à la mesure des Essarts, où un boisseau de
seigle valait 17 kg au 17e siècle. Mais déjà le fief
Canteteau n’avait pas de droit de terrage, remplacé par une grosse rente de 54
boisseaux de seigle. Et le tènement de la Porcelière ne payait qu’une faible
rente noble de 6 boisseaux de seigle et 40 ras d’avoine. Ce sont ces deux
rentes qui ont été regroupées ensuite. Dans un partage en 1779 de la
succession du seigneur de la Rabatelière on relève la rente noble due sur la
Porcelière de 72 boisseaux de seigle et 40 boisseaux avoine, ajoutée aux 7
livres 6 deniers de devoir (9).
Venaient ensuite d’autres droits
seigneuriaux dont le montant était bien faible au 17e siècle. Il y
avait la dîme sur « les agneaux,
veaux et cochons croissant et régissant sur les tènements de la Porcelière,
fief Canteteau et tènement des Barbries », à raison de 1/10e
de la valeur des naissances, prélèvement plus fort ici que dans d’autres
tènements de Saint-André, où le quantum de la dîme était de 1/12e.
Enfin était dû un cens en argent
de 7 livres par an à payer en plusieurs termes, tous désignés par des fêtes du
calendrier religieux : à Noël : 1 livre 6 sols, à la Saint-Jean-Baptiste : 16 sols six deniers, à Pâques : 2 livres, et à Notre-Dame
d’août : 2 livres 17 sols 6 deniers. À raison de 20 sols pour une livre,
le total faisait bien 7 livres. En 1694, un boisseau de seigle valait 30 sols
ou 1,5 livre (10). À la veille de la Révolution ce sera 8 livres par boisseau,
mais dans un moment de spéculation. En cas de défaut de paiement, comme on le voit aux
assises de Languiller en 1535, où deux teneurs, Jean Fauchard et Pierre
Bordron, étaient poursuivis pour tous les autres teneurs, les différentes dates
d’échéances servaient à calculer les arrérages dus. L’amende décidée cette
année-là à cause du défaut de paiement, fut fixée au maximum prévu dans le
coutumier du Poitou : 7 sols 6 deniers (11).
Pour l’anecdote, il est aussi
intéressant de relever l’existence d’un droit de rivage perçu à la Porcelière, de 7 sols 6 deniers, payables à noël (12). Nous
avons déjà rencontré ce droit ailleurs à Saint-André, et il était censé représenter à
sa création le droit de faucher les herbes sauvages (roseaux) croissant sur les
rives d’un ruisseau, ici la Petite Maine (dictionnaire Godefroi).
À la Porcelière, comme dans
d’autres tènements de la seigneurie du Coin Foucaud, les corvées seigneuriales
existantes au Moyen Âge avaient été transformées en cens, dès avant 1550. Leur
total avait été de trois journées par an, de cinq charrettes tirées par six
bœufs, pour des charrois à la demande. Leur valeur est incluse dans le montant
du cens indiqué plus haut. Dans la seigneurie de la Rabatelière proche, elles
avaient été conservées. Seules subsistaient pour la seigneurie du Coin Foucaud
les corvées des métayers à l’égard des propriétaires des métairies, dérivant
des baux. Mais elles étaient contractuelles et non plus seigneuriales.
Toutes ces redevances étaient
collectives, dues par l’ensemble des teneurs du tènement. Elles étaient
réparties entre les propriétaires au prorata des surfaces possédées. Des
arpentements avaient permis de calculer ces surfaces pour éviter les conflits
possibles.
Chaque déclarant reconnaissait au
seigneur un « droit de solidité sur
moi et autres propriétaires des dits tènements ». Cette « solidité » était l’obligation des débiteurs de payer un seul pour
tous, la somme qu’ils devaient en commun, même en cas de défaillance des autres
débiteurs. Autrement dit c’était une solidarité obligatoire, suivant le mot
moderne.
Dans l’énumération des redevances
il ne faut pas oublier les droits de lods et ventes, sorte de droits de
succession payé au seigneur lors des transmissions des biens. Son prélèvement
en Poitou représentait 1/6 de la valeur du bien roturier.
Toutes ces redevances étaient
régies en cas de conflits par le droit de basse justice du seigneur, qui allait
de pair avec la juridiction foncière ou censière concernant les cens, rentes et
autres droits fonciers du seigneur. Celui-ci jugeait donc des affaires
foncières le concernant, étant juge et partie en même temps. Cela venait du
droit romain, où le propriétaire était juge de son colon. À cette époque
l’exercice de cette justice seigneuriale se trouvait entre les mains de
fonctionnaires locaux qui achetaient leur charge au seigneur. On pouvait faire
appel de leurs décisions devant la haute justice de la baronnie des Essarts, ou
la justice royale à Fontenay-le-Comte.
Autres redevances dues à divers créanciers
On trouve d’autres redevances au
gré des déclarations éparpillées chez les créanciers, et dont les archives font
partie du chartrier de la Rabatelière. L’origine de ces droits ne nous est pas souvent
indiquée. On soupçonne que ce sont des dons, quand le créancier est membre du
clergé, ou des droits seigneuriaux vendus quand le créancier est un noble ou
bourgeois. Mais ce n’est pas certain. Sous forme de rentes la plupart du temps,
elles peuvent trouver leur origine dans une vente ou un bail à rente. Et ces
rentes ont pu être vendues plusieurs fois. Si son propriétaire est un noble,
cela ne veut pas dire que nous sommes en présence d’une redevance féodale pour
autant. A la Porcelière la nature de ces diverses rentes est indiquée, mais pas
toujours. Elles révèlent un certain éparpillement des droits féodaux, par vente
au détail dès avant notre période d’observation.
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Entrée du village de
la Porcelière
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Le seigneur de la Boutarlière
prélevait pour le compte de la baronnie des Essarts « des cens et rentes nobles, féodales et
primitives sur plusieurs tenanciers et exploiteurs des villages et tènements
situés ès paroisses des Essarts, Saint-André, Chauché, la Chapelle de Chauché,
Chavagnes, Boulogne, la Merlatière, et autres circonvoisines » (13). Dans un aveu de 1517 de la Boutarlière, il
y avait à la Porcelière le droit de
« métivage », payé à
l’occasion du battage du seigle et de l’avoine lors des moissons, se montant à
2 boisseaux. Un droit particulier appelé « hommage », était perçu à chaque fête de la nativité de Notre-Dame, de 26 sols pour les teneurs de la Porcelière, et rendable à la « cohue » (halles) des Essarts. Il
était partagé par moitié avec le seigneur des Bouchauds (14).
En 1606, le seigneur de la
Guiffardière (Essarts) possédait un terrage au 1/6 des récoltes sur les
Barbries seulement (15). Nous sommes là en présence d’un droit seigneurial qui a
été vendu.
En 1767 on découvre dans un
gaulaiement (calculs de répartition des redevances de chaque propriétaire en
fonction des surfaces possédées) une rente noble annuelle due à la baronnie des
Essarts à la fête de Notre-Dame d’août de 11 boisseaux de seigle, et 6 sols 6
deniers aussi de devoir noble à noël (16).
Le seigneur de Landelière percevait
2 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts, et 13 sols en argent, aussi de
rente noble aux fêtes de Notre-Dame d’août et noël (16). Il appartient à la
branche de Landelière de la famille Baudry d’Asson, demeurant au château de
Beaumanoir à Dompierre-sur-Yon.
Le prieur de Saint-André-Goule-d’Oie, à cause de son prieuré, perçoit une rente seconde foncière de 12
boisseaux de seigle mesure des Essarts à la fête de Notre-Dame d’août (16).
Enfin est due une rente seconde
foncière, sur les tènements de la Porcelière et Canteteau seulement, aux
héritiers Chedanneau et Marchais, de 20 boisseaux ¾ de seigle à la mesure des
Essarts à chaque fête de Notre-Dame d’août (16). Cette dernière rente donnera
lieu à un long conflit
décrit en septembre 2016 sur ce site : Plus de 60 ans de procès à la Porcelière de Saint-André-Goule-d’Oie.
Me Pierre
Robin, marchand, et Louise Gueriteau sa femme, demeurant à la Robinerie
(Chauché), percevait la rente foncière annuelle et perpétuelle de 2 boisseaux
de seigle, mesure des Essarts, sur le village et tènement de la Porcelière et
le tènement des Chopinières. L’historique connu de cette rente remonte à 1627,
mais il va plus loin, sans qu’on en connaisse la nature. La rente a fait l’objet d’une
reconnaissance par 10 propriétaires en 1754 (17).
Le seigneur de la Rabatelière
percevait en 1651 une rente de 36 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts
(18). En tant que propriétaire de la métairie de la Porcelière, qui était un
bien roturier, le seigneur de la Rabatelière devait normalement participer pour
sa quotte-part au paiement de cette rente due à lui-même. Les documents
conservés ne le font pas apparaître clairement néanmoins. Et quand il acheta en
1745 la seigneurie de Languiller avec la seigneurie annexée du Coin Foucaud, sa
métairie, plutôt son métayer, devait bien sa quote-part des rentes à son
suzerain, en même temps son bailleur.
Les teneurs ou propriétaires de
la Porcelière venaient présenter leurs déclarations ou reconnaissances de
redevances aux assises de la seigneurie (tribunal seigneurial). Celles-ci
étaient convoquées par son sénéchal (juge) et s’adressaient à tous ses
justiciables, pour rappeler les règlements en vigueur, enregistrer les
déclarations des devoirs seigneuriaux, communiquer les contrats d’acquisition,
d’échange ou d’arrentement, entraînant le paiement des droits de rachats ou
lods et ventes.
À l’assise de la Rabatelière du 17 mai 1632, ce
sont 6 propriétaires de la Porcelière qui sont venus en personne faire leur
déclaration dans la salle « basse »
(rez-de-chaussée) du château de la Rabatelière. Une vingtaine de villages
étaient convoqués ce jour-là et on imagine la petite foule où on attendait son
tour par petits groupes. Parfois certains particuliers déclaraient une rente personnelle
ou un achat, afin d’en payer les droits de mutations. C’est ainsi qu’à l’assise
du 4 juin 1637, Jean Bertrand et les Prudhomme déclarent une rente de 6
boisseaux de seigle sur la Porcelière, rendables au Coin à chaque terme de
mi-août, dont il leur faut payer les lods et ventes (droits de mutation) (19).
Après 1745, date de l’achat de la
seigneurie de Languiller par le châtelain de la Rabatelière, les droits
seigneuriaux de la Porcelière furent perçus par ce dernier. Non pas tous,
puisque que nous venons de voir des rentes nobles dues aux Essarts et au
seigneur de Landelière. Et encore notre source, le chartrier de la Rabatelière,
ne paraît pas livrer une information exhaustive. C’est ainsi que dans un acte
notarié du 9 août 1789, on voit apparaître le seigneur de la Jaumarière voisine
(de Vaugiraud), percevoir le droit de terrage sur une pièce de terre du
tènement de la Porcelière, appelée le « Pâtis du Citre ». Elle ne fait que 6 boisselées, et révèle
bien le morcellement des redevances seigneuriales.
Cet acte de 1789 concerne un
arrentement pour 14 livres par an concernant cette petite pièce de terre, et
aussi deux planches de vergers contenant 40 gaulées, et une petite masure avec
un petit jardin au-devant, le tout situé à la Porcelière. Les domaines autres que
la pièce de terre relèvent de la Rabatelière indique le notaire dans l’acte (20).
Pour racheter cette rente, l’acquéreur déboursera 317 livres 3 ans plus tard en
1792 (21).
Le tènement des Chopinières
Les officiers de la seigneurie de
la Rabatelière rattachaient à la Porcelière un tènement limitrophe non
habité : les Chopinières. Il était situé près du Puy-Sallé entre les tènements
de la Porcelière, de la Jaumarière, et les landes de la Baritaudière. Il était
mouvant du Coin Foucaud et ses teneurs, parmi lesquels le seigneur de la
Rabatelière en 1579, lui devaient leurs déclarations roturières (22). En 1637 ses terres étaient la propriété des Verdon et de Jean Fouchard.
Ceux-ci devaient chaque année à la Rabatelière une rente de 2 boisseaux de
seigle et un cens de « 16 sols
payables à la Saint-Jean et à noël par moitié ». En 1550 le terroir des
Chopinières contenait « trois
septrées, tant en chaintres que en terres labourables et gast (friches)
». Il était situé près du Puy-Sallé entre les tènements de la Porcelière, de la
Jaumarière, et les landes de la Baritaudière.
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Château de la
Rabatelière
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À l’assise de la Rabatelière du jeudi
4 du juin 1637, Jean Verdon, pour lui et deux autres propriétaires (Jacques
Roturier et André Martineau), apporte leur déclaration roturière et promet de
payer le lendemain les arrérages des trois dernières années passées. Il avoue
devoir acheter pour cela les 6 boisseaux de seigle d’arriérés, signe très
probable de mauvaises récoltes passées (23).
Il indique aussi avoir procédé à
un achat. Alors le sénéchal ordonne qu’il apporte son contrat au procureur
fiscal et qu’il se purge par serment avec le vendeur. Verdon indique aussi que
les héritiers Chaillou prennent une rente de 2 boisseaux sur les Chopinières.
Le sénéchal ordonne que le procureur appelle ces derniers à en faire
reconnaissance. On voit bien ainsi dans le registre des assises de la
Rabatelière l’aspect inquisitorial et fiscal de cette justice seigneuriale.
À l’assise du mardi 4 de janvier
1639, André Martineau, au nom des 11 autres propriétaires comparaissant tous en
personnes, « mis ès mains dudit
procureur une déclaration en papier », par ailleurs non signée (24).
Le sénéchal décida de donner un délai de huit jours aux déclarants pour fournir
une autre déclaration en bonne forme, c’est-à-dire en parchemin et signée.
Cette obligation du parchemin cessera apparemment quelques années plus tard. La
déclaration est enregistrée à l’assise suivante du 25 mai 1639.
Bagarres pour les droits seigneuriaux
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Anciennes pièces de
monnaie
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Même perdant de leur valeur au
fil du temps, car les valeurs forfaitaires en argent étaient fixes, alors que
la monnaie se dévaluait, les droits seigneuriaux ont fait l’objet d’âpres
bagarres pour leur possession. C’est qu’il n’y avait pas que l’argent en cause.
Comme dans bien d’autres tènements relevant de la mouvance
du Coin Foucaud, Jules de Belleville, alors seigneur de
Languiller et du Coin Foucaud, vendit ses droits seigneuriaux à la Porcelière en
1579 à Jean Giguet, bourgeois de Montaigu (25). Le vendeur avait réservé le droit
de fief de la seigneurie du Coin Foucaud pour lui, continuant à en rendre
l’hommage aux Essarts.
Nous avons déjà décrit cette situation
particulière au Coin, à la Boutinière, à la Machicolière, etc. L’acquéreur
rendait à Languiller une « déclaration
noble » pour les droits seigneuriaux acquis. Ce n’était pas un aveu
dans le sens que ces droits n’étaient pas tenus à foi et hommage. C’était comme une déclaration roturière de biens tenus
roturièrement, mais les biens étant de nature noble on parlait alors de
déclaration noble. En 1610, c’est Julien Giguet, fils de Jean, qui
rendit sa déclaration (26). Il déclare devoir un douzain au
seigneur de Languiller pour chaque année à la fête de la chandeleur. Un douzain valait douze
deniers ou un sol.
En 1617, les Assises de Languiller poursuivent Gilles
Giguet, fils du précédent (27). Il fit sa
déclaration au seigneur de Languiller en 1619, où il est dit qu’il demeurait à Montaigu (28). Elle présente un contenu intéressant
en énumérant les teneurs de la Porcelière. Défilent les noms de familles,
souvent habitant dans les environs : Boudaud (Boninière), Fulneau (Landreau), Gobet
(Jaumarière), Guerreau (Fesselière), Martineau (Guignollière) ; du Plessis-le-Tiers : Borgleteau, Maillet, Larduer, Cailleau, Fourqueteau,
Grolleau ; de la Bordinière : Ardouin, Herbreteau, Caillé. Habitants
la Porcelière on a : Martineau, Caillé, Fouchard, Robin, Audureau,
Guesdon. Parmi les propriétaires se trouve la veuve de Jacques Bruneau, celui-ci
appelé « monsieur de la Giroulière ».
Elle possède la métairie du village qui passera ensuite entre les mains du
seigneur de la Rabatelière. Par ailleurs un François Verdon est aussi
propriétaire (28).
Le gendre de Gilles Giguet, Jules
Bellanger, vendit le tiers de ses droits sur la Porcelière en 1644, à Jacques
Moreau, sieur du Coudray, probable fermier-régisseur de Linières, ou officier
de la seigneurie (29), et sénéchal (juge) de la Rabatelière. Cette acquisition
passa par héritage à son fils Pierre Moreau, aussi sieur du Coudray et sénéchal
de Bazoges. Ce dernier fit l’acquisition d’un autre tiers des droits
seigneuriaux à François Maillard en 1668,
sieur du Hallay
(Notre-Dame-du-Hallay), avocat au parlement de Bretagne, que ce dernier avait eu
par décret (adjudication judiciaire) de la prévôté de Nantes du 10 décembre 1649 sur Joseph Bellanger, héritier
de Gilles Giguet. Ce tiers s’appliquait aux rentes de 60 boisseaux de seigle et
40 ras d’avoine, au cens de 7 livres, au tiers du terrage et dîme de blés et
autres fruits, veaux, agneaux et porcs dus sur la Porcelière, avec le droit de
fief de la Porcelière, Canteteau et Barbries (30).
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Porcelière
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François Bellanger, fils de
Julien et probable petit-fils de Gilles, maître chirurgien demeurant au bourg
de Vallet en Bretagne, vendit le 10 septembre 1669 à Pierre Moreau sieur du
Coudray demeurant au bourg de Saint-André, des rentes de 6,66 boisseaux de seigle, 4,75
boisseaux d’avoine, plus la 9e partie de 7 livres en argent, plus la
9e partie des terrages et dîmes, sur le tènement de la Porcelière.
Ces droits étaient alors affermés à un nommé Fouchard. Ces 9e
parties faisaient partie, avec les parts de Claude et Anne Bellanger ses frères
et sœurs, du tiers des redevances du fief. Le sieur du Coudray était chemier (principal
possesseur) comme étant aux droits du sieur du Hallay (Jules Bellanger), dont
il a eu le 1/3 dudit fief, l’autre tiers appartenant à Me René Vaslet sieur de
la Renaudière (31).
Dans un compromis de vente du 28
octobre 1685, Pierre Moreau acquit une dernière partie des droits
seigneuriaux sur le fief de la Porcelière, de René Vaslet, un habitant de
Nantes agissant pour sa femme, Perrine Bellanger, héritière de Gilles Giguet.
L’acquisition s’était faite par arrentement à raison de 40 livres par an, que
Pierre Moreau pouvait amortir à volonté (c'est-à-dire racheter). Nous «
en passerons acte à Pâques prochain »
avaient écrit les deux hommes, sauf qu’ils sont morts peu de temps après, dont
Pierre Moreau le 3 mars 1687, et les choses restèrent en l’état (32). La veuve
Vaslet fit condamner par la cour des Essarts, Marie Hullin veuve Moreau, le 6
septembre 1689, à régler le paiement correspondant à cette transaction. Celui-ci
eut lieu en 1690 (33).
De plus, Marie Hullin avait
acheté le 28 août 1688 une rente de 35 livres par an, représentant le reste des
droits féodaux de la Porcelière, à la veuve de Claude Bellanger, autre
héritière de Giguet (34). Les Moreau, sieur du Coudray, possédaient ainsi tous
les droits seigneuriaux dus par les propriétaires de la Porcelière. Ils en
étaient devenus les seigneurs, même sans titre de noblesse. Depuis des
décennies ils avaient accumulé, placé, et s’étaient enrichis. Mais leur
prétention aux attributs de la noblesse supposait de ne rencontrer aucun
obstacle.
C’était sans compter sur le
toujours combatif Philippe Chitton, seigneur de Languiller depuis une vingtaine
d’années. En racontant l’histoire du Coin, de la Mancellière, de la Boutinière,
Chevaleraye et Javelière, nous avons exposé ses combats dans les arcanes du
droit féodal de l’époque. Il en va de même à la Porcelière. Nous savons qu’il n’était
pas homme à se laisser faire en effet. Écrire l’histoire de Saint-André-Goule-d’Oie c’est nécessairement découvrir sa combativité dans cette deuxième moitié
du 17e siècle pour faire respecter un ordre juridique féodal qui
sombrera près d’un siècle plus tard dans la Révolution française. C’était un
parvenu de la noblesse, au zèle inoxydable, qui fit des procès aux quatre
coins de la paroisse de Saint- André.
Pour mettre de l’ordre dans ses
fiefs et faire reconnaître ses nombreux droits, il avait obtenu des lettres de
terrier. Celles-ci n’ont pas été retrouvées, alors qu’on a celles du roi Louis
XV pour le commandeur de Launay à Sainte-Cécile. Elles étaient signées d’une
autorité judiciaire, édictant les obligations de tous les vassaux et teneurs
dans une seigneurie : faire les fois et hommages, aveux, déclarations,
exhibitions et éditions de contrats, paiements des droits dus et échus. Les
lettres étaient publiées et affichées « partout où besoin sera ». Choisis par le seigneur de
Languiller et normalement officialisés par une autorité judiciaire, les
notaires de Saint-Fulgent eurent pour rôle de vérifier les titres de propriétés en
application des lettres de terrier, c’est-à-dire d’obtenir des propriétaires la
reconnaissance qu’ils tenaient leurs domaines de la seigneurie de Languiller, à
qui ils devaient des devoirs bien précisés.
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Porcelière
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Ainsi voit-on chez les notaires Proust
et Arnaudeau, défiler 19 petits propriétaires de la Porcelière, entre le 6 août
1701 et le 23 mars 1702, pour établir leurs déclarations roturières. Cette
reconnaissance prenait habituellement la forme des aveux et dénombrement pour
les terres nobles, et des déclarations roturières pour les terres roturières ou
censives. Les nobles possédant des terres non nobles faisaient des déclarations
roturières, alors que les non nobles possédant des terres nobles faisaient des aveux.
Dans la réalité juridique, seule comptait le caractère noble ou censif du fief,
définissant les redevances à payer, quel que soit le statut social du
propriétaire. Un fief noble obligeait à la foi et hommage précédant l’aveu et
dénombrement, un fief censif se contentait d’une déclaration, quelle que soit sa
désignation. Dans le premier cas le nouveau propriétaire (par mariage, succession,
achat) payait un droit de rachat (un an de revenu, sauf précision différente),
et dans le deuxième cas un droit de lods et vente (plus important : 1/6 de
la valeur du bien selon la coutume du Poitou). On a indiqué plus haut que pour
des biens nobles tenus sans foi et hommage, les notaires de la région rédigeaient ce qu’ils appelaient une
déclaration noble.
Nous avons déjà vu au tènement du
Coin le propriétaire des droits seigneuriaux, Laheu, prétendre au titre et
attributs de seigneur des lieux. Philippe Chitton avait obtenu contre lui en 1686 sur
cette prétention, une sentence du tribunal de Fontenay-le-Comte. Le
seigneur en titre du Coin Foucaud était le seigneur de Languiller, qui pour
cela rendait hommage au baron des Essarts. Qu’importe que les composantes
matérielles de la seigneurie aient été vendues à d’autres, lui seul restait le
seigneur du Coin Foucaud. La même situation juridique a donné lieu à un combat
de près de deux siècles entre les seigneurs de Saint-Fulgent et de Languiller,
pour les tènements de la Boutinière, Chevaleraye et Javelière.
Philippe Chitton obtint un
jugement du tribunal de Fontenay-le-Comte du 30 décembre 1684 condamnant Pierre
Moreau à faire ses déclarations, exhiber ses contrats d’acquisition et payer
ses droits pour tous les domaines situés dans la seigneurie de Languiller. Ce
dernier ne dut pas répondre comme le demandait le seigneur de Languiller. Une
autre instance fut intentée contre sa veuve le 25 janvier 1693, Marie Hulllin,
pour les mêmes motifs, puis une autre encore y associant son fils, Claude Prosper Moreau, le 4 mai 1693 (35).
Ce même 4 mai 1693 Prosper Moreau
signait un mémoire en défense à l’intention du sénéchal de Fontenay. C’est dire
si des deux côtés on avait décidé de ne rien céder (36). Il avait 20 ans et
faisait ses études de droit à Poitiers, mais il devait sans doute s’appuyer sur
de solides conseillers, ne serait-ce que son curateur aux causes, son parent
Jean Hullin, dont le rôle était d’assister un mineur émancipé dans des actions
judiciaires (âgé de moins de 25 ans).
Prosper Moreau indique d’abord qu’une
partie des droits seigneuriaux achetés par son père à François Maillard,
l’avait été en exerçant un retrait féodal. Ce droit consistait pour un seigneur
suzerain à prendre la place de l’acquéreur lors de la vente par un vassal d’un
bien se trouvant dans sa mouvance. Il affirme que ce droit de retrait était venu
à son père du seigneur de Languiller, et qu’en conséquence le successeur de ce
dernier n’avait aucun droit de suzeraineté à réclamer.
Pour les autres acquisitions de
ses parents, correspondant au reste des droits seigneuriaux de la Porcelière,
Prosper Moreau répond favorablement à la demande de fournir une copie des
contrats d’acquisition et de payer les lods et ventes. Il offre aussi de faire
ses déclarations dans la forme qui plaira à Philippe Chitton.
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Le seigneur rendant la justice.
Miniature (XVe siècle)
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Mais le « sieur du Coudray ne voit pas par quelle
raison il (Chitton) prétend que ledit
sieur du Coudray n’ait pas sur les tenanciers dudit fief tout droit de justice
et juridiction foncière ». Pour lui les anciens seigneurs de
Languiller et du Coin Foucaud ont vendu la féodalité avec tous les droits qui
la matérialisaient. On le voit, l’enjeu du conflit portait ici sur un pouvoir
de justice. Or on sait que sur ce point le tribunal de Fontenay avait déjà
donné raison par ailleurs au seigneur de Languiller.
De son côté, Philippe Chitton voulait
plus que les attributs de justice, et il réussit par devenir propriétaire des
droits seigneuriaux en deux étapes.
La première consista à exercer lui
aussi son droit de retrait féodal. Le 14 janvier 1694, deux notaires des
Essarts, Proust et Merland, se présentèrent dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie « vers la personne et domicile
de maître Prosper Moreau, sieur du Coudray », à la demande de « dame Bénigne de la Bussière, femme non
commune en biens de messire Philippe Chitton, écuyer seigneur de Fontbrune,
conseiller du roi, prévôt général du Poitou de lui néanmoins autorisée,
demeurant à Languiller, paroisse de la Chapelle de Chauché où il fait élection
de domicile ». Rappelons ici que c’est la justice de la baronnie des
Essarts qui s’appliquaient directement à Saint-André-Goule-d’Oie, comme à Sainte-Cécile et sur la paroisse de la Chapelle de Chauché, d’où la compétence de
droit des notaires, dont le statut de l’époque en faisait des officiers de
justice. Il n’est pas sûr que ce choix ait été obligatoire, et peut-être était-ce
une simple précaution.
Les notaires indiquent dans leur
acte que la « dame veut et entend
retirer par retrait féodal, parce qu’ils sont dans la mouvance de la maison de
Languiller et dépendances », les deux tiers des droits seigneuriaux de
la Porcelière récemment acquis. Suivant la règle de la coutume, le montant des
acquisitions se trouve entre les mains du notaire Proust pour être payé
comptant dès la signature des contrats organisant le transfert de propriété.
Sur le champ Prosper Moreau donna son accord, car il savait ne pas pouvoir
faire autrement, mais en ajoutant « ne
vouloir point recevoir son remboursement, qu’au préalable il n’ait compté de
toutes les affaires qui sont entre eux, désirant les finir totalement et
n’avoir point de procès » (37).
Ce retrait féodal permettait à un
seigneur suzerain de racheter les biens vendus par ses vassaux pour éviter la
dispersion des fiefs, ou la venue d’un indésirable parmi ses vassaux. Il ne
lésait pas financièrement le vassal, qui était remboursé du prix payé par
l’acquéreur. Dans la coutume du Poitou, le droit ne courait qu’après
l’exhibition du contrat d’acquêt (communication obligatoire au seigneur), et se
prescrivait par trente ans (article 26). Il existait aussi en parallèle le
retrait lignager, qui était un droit au parent le plus proche d’un vendeur d’un
bien de le reprendre en remboursant l’acheteur. C’était là aussi le moyen
permettant aux biens de rester dans les familles, révélateur de ce droit féodal
de la propriété, collectif au profit de la famille et du suzerain. La
Révolution lui donnera un caractère plus exclusif au profit de l’individu,
l’érigeant au statut d’un des droits de l’homme.
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Languiller
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Le 4 avril 1694, Prosper Moreau
donna quittance au notaire Proust, sieur de la Barre, de la somme de 1 724
livres correspondant au rachat et frais pour les deux tiers des droits
seigneuriaux de la Porcelière (38). C’est cette situation qui est reproduite
dans les déclarations roturières de 1701/1702 que nous avons évoquées
ci-dessus, où les droits payés allaient au 2/3 au seigneur de Languiller et
pour un tiers au sieur Moreau du Coudray.
On la retrouve aussi dans une « déclaration noble » du 20 avril
1694 de Prosper Moreau au seigneur de Languiller pour le tiers restant des
droits féodaux (39). Dans les 12 deniers de devoir féodal dus par la seigneurie
du Coin au baron des Essarts pour la Porcelière, le sieur du Coudray en verse
4. En revanche le fief du Coin Foucaud
donne lieu à l’hommage au baron des Essarts par le seul seigneur de Languiller.
Puis le temps passa, Prosper
Moreau devint parisien et fit des dettes, Philippe Chitton s’effaça au profit
de son fils Charles Auguste Chitton. Le 12 août 1709, c’est le prieur-curé de Saint-André-Goule-d’Oie, Pierre Lemaçon, qui, munit d’une procuration spéciale de
Prosper Moreau, signa chez les notaires des Essarts, Landais et Boivineau, la
vente du dernier tiers des droits seigneuriaux de la Porcelière à Charles
Auguste Chitton (40). En même temps Prosper Moreau vendit une rente de 12
boisseaux de seigle qu’il possédait sur le tènement, apparemment non féodale.
En tout cas le nouveau propriétaire ne s’embarrassa pas du détail en
l’agrégeant à celle déjà existence, de nature féodale, de 60 boisseaux de
seigle. Son montant devint 72 boisseaux. Le prix convenu se montait à 900
livres, « payé comptant en espèce
d’écus valant 3 livres 10 sols pièce, louis d’or valant 13 livres pièces et
autres monnaies ayant cours du poids et prix des ordonnances royaux suivant le
dernier édit de sa majesté ».
Prosper Moreau mourut ruiné et
sans descendance. Le fils de Charles Auguste Chitton mourut jeune, lui aussi
sans descendance (voir notre article publié sur ce site en juin 2014 :
Les Moreau de Saint-André-Goule-d’Oie du 16e au 18e siècles. En 1745, c’est le plus gros propriétaire à la
Porcelière, le châtelain de la Rabatelière, qui acheta Languiller et ses droits
seigneuriaux sur ces propriétaires.
Dans un prochain article nous relirons les déclarations
roturières déjà citées, pour voir comment se répartissait la propriété foncière
à la Porcelière entre grande métairie et borderies. Puis dans un autre
article, nous verrons comment un procès autour d’une petite rente de 20
boisseaux de seigle a pu durer au moins 63 ans au cours du 18e
siècle à la Porcelière.
(1) Notes no 5, 10 et 13 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 3.
(2) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière :
150 J/G 61, aveux du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 aux Essarts –
deuxième copie d’un aveu de 1550.
(3) 150 J/A 12-3, aveu du
12-8-1606 d’Hélie de Saint-Hilaire à Languiller pour la Guiffardière et 11 autres
lieux à Saint-André.
Et note sur la Barberie à
Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.
(4) Note no 7 sur la Porcelière à
Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(5) Note no 8 sur la Porcelière à
Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(6) 150 J/G 7, déclaration noble
du 11-5-1610 de Julien Giguet à Languiller.
(7) Note no 3 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 3.
(8) 150 J/G 7, déclaration noble
du 15-6-1619 de Gilles Giguet à Languiller.
(9) Partage du 18-10-1779 de la
succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 31, Archives
de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(10) 150 J/G 5, retrait féodal du
14-1-1694 du seigneur de Languiller sur les droits de Moreau à la Porcelière et
Bergeonnière.
(12) 150 J/G 45, gaulaiement en
septembre 1767 de la Porcelière avec la liste des devoirs et rentes dus.
(13) Archives nationales,
chartrier de Thouars : 1 AP/1136, aveu des Essarts du 13-5-1677, page 16.
(14) 150 J/G 39, copie de l’aveu
du 26-1-1517 du seigneur de la Boutarlière aux Essarts.
(15) Idem (3).
(16) Idem (12).
(17) Reconnaissance du 10-1-1754
d’1 rente de 2 boisseaux seigle à Robin par les teneurs de la Porcelière, Archives de
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/114.
(18) 150 J/A 12-10, terrier de 1651
de la Rabatelière.
(19) 150 J/E 2, registre
d’assises de la Rabatelière de 1637 à 1651, jeudi 4 juin 1637 : page 54.
(20) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, arrentement du 9-8-1789 d’André Grolleau farinier demeurant à la Boutinière à André Bonin, bordier demeurant au Plessis le Tiers, de domaines à la Porcelière.
(21) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, amortissement du 26-6-1792 de la rente de 14 livres par André Bonnin aux héritiers Grolleau sur des domaines à la Porcelière.
(23) Idem (19).
(24) 150 J/E 2, registre
d’assises de la Rabatelière de 1637 à 1651, journée du mardi 4 janvier 1639 :
page 122.
(25) Archives de Vendée, chartrier
de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, mémoire de Claude Moreau
contre Chitton du 4-5-1693 sur des fiefs de St André au sénéchal de Fontenay.
(26) Idem (6).
(27) Assises de Languiller et fiefs annexes en
1617, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 36, page
11.
(28) Idem (8).
(29) 22 J 29, quittance à Jacques
Moreau pour achat à la Porcelière du 23-4-1644.
(30) Idem (24). Et notes no 12 et
15 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de
Guerry : S-A 3.
(31) Note no 11 sur la Porcelière
à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(32) 150 J/G 5, pièces annexées à
la vente du 13-7-1688 de Bellanger à la veuve Moreau pour la
Porcelière avec le compromis de vente en date du 28 octobre 1685.
(33) 150 J/G 5, vente du 13-7-1690
de Bellanger à la veuve Moreau du tiers de droits seigneuriaux sur la
Porcelière.
(34) 150 J/G 5, vente du
28-8-1688 de Bellanger à la veuve Moreau d’une rente foncière sur la Porcelière
de 35 livres.
(35) 22 J 29, exploit d’huissier
du 4 mai 1693 de Chitton contre Prosper Moreau.
(36) Idem (25).
(37) Idem (9).
(3) Idem (10).
(39) 150 J/G 6, déclaration noble
du 20-4-1694 de Prosper Moreau à Languiller.
(40) 150 J/G 5, vente du
12-8-1709 au seigneur de Languiller par Moreau de droits de fief de la
Porcelière et d’une rente.
Emmanuel François, tous droits réservés