jeudi 1 septembre 2016

Plus de 60 ans de procès à la Porcelière de Saint-André-Goule-d’Oie de 1704 à 1767


On sait que le mot rente sous l’ancien régime désignait deux réalités différentes : redevance seigneuriale ou vente à crédit. Dans ce deuxième sens, l’acte d’arrentement qui créait la rente foncière (c’est-à-dire gagée sur un bien foncier), annuelle (échéance du paiement) et perpétuelle (durée) est déroutant pour les esprits habitués aux concepts modernes du droit. Il se présentait comme un bail perpétuel d’un bien, soumis à conditions. Le bien ne pouvait pas être vendu par le preneur qu’à la charge de la rente. Et pour supporter celle-ci, ce dernier s’engageait à entretenir le bien. En même temps, il s’agissait d’une vente, avec transfert de propriété, dont le prix payé était le versement de la rente. Le preneur-acquéreur pouvait disposer du bien comme de son propre domaine, à la charge de la rente.

On sait que ces arrentements répondaient aux interdits de l’Église sur l’usure en matière d’argent. Ils remplaçaient les prêts d’argent. Le caractère perpétuel garantissait apparemment, qu’on ne faisait pas commerce d’argent. Puis, encadré par des ordonnances royales, on admit d’amortir les rentes dans certaines conditions. C’était le mot employé pour désigner le rachat, comme une forme de pudeur « casuistique » vu de nos jours. Ces rentes possédaient le caractère d’un bien qu’on pouvait transmettre. Pour en connaître le régime il fallait normalement posséder le contrat de création de la rente, dit contrat d’arrentement ou bail.

On a l’exemple en 1701 de Pierre Bleteau, marchand au Landreau (Chauché), qui possédait 2,1 ha de champs à la Porcelière hérités de son père Jacques. Il avait conservé les champs et avait vendu la moitié d’une maison et de son jardin du Verger du Puits (60 m2) à Jacques Maindron. L’autre moitié, appartenant à René Boudaud (Boninière), avait aussi été vendue à Jacques Maindron. Celui-ci, ne pouvant pas payer comptant, avait souscrit auprès de chacun des deux vendeurs un contrat d’arrentement. Il payait ainsi à Pierre Bleteau 15 sols de rente perpétuelle par an à la Saint-Michel (1). Nous sommes là en présence de particuliers, et il n’y a pas besoin de lire le contrat d’arrentement pour connaître la nature de la rente.

C’est déjà un peu plus difficile dans le cas de la rente due en 1767 au sieur Chedaneau (2). C’était une rente seconde foncière annuelle et perpétuelle de 20 boisseaux ¾ de seigle à la mesure des Essarts, rendables à la Notre-Dame d’août dans un lieu compris dans l’étendue de la baronnie des Essarts. Une rente seconde, ou arrière, était créée sur une rente initiale. Celle-ci était vendue en tout ou partie, moyennant le paiement d’une seconde rente plus forte. Cette rente de 20 boisseaux ¾ de seigle, à elle seule, a produit de nombreux documents, à cause de plusieurs procès entre les créanciers et les débiteurs. L’affaire dura plus de 60 ans !

C’est parce que son origine était floue qu’il y eut des procès, certains débiteurs en contestant la légitimité. Du côté des créanciers, on produisit un bail de 1514 créant cette rente. Mais la liste des débiteurs n’était pas claire : était-ce une partie ou tous les teneurs de la Porcelière qui étaient débiteurs de la rente ? Telle était la question centrale. La justice finit par imposer son paiement par tous, mais pas sur tout le tènement. Mais en ce 18e siècle, est-ce suffisant pour prendre sa décision pour argent comptant ? L’organisation judiciaire de l’époque et les mœurs des magistrats ont été suffisamment critiquées pour se poser la question. Quant à apprécier les décisions judiciaires, nous ne disposons pas de tous les éléments nécessaires dans la documentation conservée, tant dans les papiers Moreau du chartrier de la Roche Guillaume, que dans les dossiers de la Porcelière du chartrier de la Rabatelière. Mais ce qui reste raconte une histoire judiciaire intéressante pour ce qu’elle révèle de la justice du 18e siècle.

Une visite d’huissier au château de Saint-Fulgent


Le 4 août 1766, un huissier se présenta au château de Saint-Fulgent et demanda à voir maître Mathurin Thoumazeau, sieur de la Babinière (3). Celui-ci était procureur fiscal de la vicomté de la Rabatelière et de la châtellenie de Saint-Fulgent, et chargé notamment des intérêts du seigneur de la Rabatelière, M. Montaudouin. Il a été aussi procureur fiscal de Mouchamps et de Mesnard-la-Barotière (4). Il habitait habituellement sa maison dans le bourg de Saint-Fulgent, mais pour l’occasion il reçut l’huissier au château. Celui-ci était peu fréquenté par les héritiers de Pierre Henri Benoît Darquistade, le dernier propriétaire mort en 1759. Sur place Thoumazeau assurait aussi les intérêts de ses propriétaires, plus précisément de leurs créanciers. La châtellenie de Saint-Fulgent fut d’ailleurs achetée peu de temps après, en 1769, par Agnan Fortin. Celui-ci, comme M. Montaudoin, appartenait à une famille de négociants nantais.

En 1766, le seigneur Nicolas Montaudouin, fils de l’acquéreur de la Rabatelière, était décédé depuis quatre ans, laissant une veuve et des enfants mineurs. Mais dans cette famille les affaires étaient en ordre même dans l’indivision, et Mathurin Thoumazeau servait ses intérêts avec compétence. La seigneurie de la Rabatelière sut prendre les décisions nécessaires dans la gestion de sa métairie de la Porcelière, et de la rente de 20 boisseaux ¾ de seigle.

Sergent royal (huissier) vers 1650
Il ne faut pas s’étonner que pour assigner le seigneur de la Rabatelière, l’huissier se soit adressé à Saint-Fulgent à son procureur fiscal, au lieu d’aller le faire chez lui en personne à Nantes. Le métier d’huissier avait longtemps été dangereux, victime des violences subies de la part des assignés, notamment quand c’étaient des seigneurs. Souvent, des ordonnances royales avaient dû prendre des dispositions protectrices. Ainsi Henri III décida en 1580, par l’édit de Melun, que toutes personnes qui avaient seigneuries ou maisons fortes seraient tenues d’élire domicile en la ville royale la plus voisine, et que les exploits signifiés au domicile élu auraient le même effet que s’ils eussent été faits à la partie elle-même ou à son domicile réel. L’édit ajoutait que si la partie n’élisait pas domicile, les significations pourraient se faire à un de ses officiers, baillis, prévôts, serviteurs, domestiques, etc. (5) En 1678, l’huissier demeurant à la Brossière, François Benoist, immatriculé au tribunal présidial de Poitiers, était huissier-archer, c’est à dire chargé en même temps d’une fonction de police(6).

Il se trouve que Mathurin Thoumazeau était en plus régisseur du château de la Rabatelière, c’est-à-dire percevant chaque année à la Saint-Georges des gages, de 360 livres à partir de 1762, augmentés à 400 livres à partir de 1775. Il occupera cette fonction jusqu’à sa mort. Son dernier acte sur le livre de comptes du château qu’il tenait, est daté de 2 février 1782. D’ailleurs il avait son bureau au château de la Rabatelière : « une chambre basse ayant vue sur le jardin, joignant le pavillon du côté de la basse-cour où est la grange et les toits à bestiaux »  (7). Cette fonction de régisseur s'ajoutait aux emplois de procureur fiscal et à sa charge de notaire de Saint-Fulgent.

En 1766, l’huissier avait copié un important dossier à remettre et à signifier au seigneur de la Rabatelière. Il venait de la Boutarlière (Chauché), où il demeurait, étant fermier de cette petite seigneurie, et s’appelait Pierre Garnaud. Il était bien connu à Saint-André-Goule-d’Oie, ayant épousé une fille Monnereau, sœur du syndic de la paroisse en 1763/1764, et fille de l’ancien fermier de la Boutarlière. Il avait acheté un emploi de notaire, ainsi que l’office d’huissier au Châtelet de Paris. À Mathurin Thoumazeau il se présenta comme huissier « des traites foraines de Clisson en Bretagne ». Les traites foraines étaient le nom donné à l’époque aux taxes perçues sur les marchandises circulant dans le royaume. Le droit était levé sur les marchandises en provenance d’une zone où les « aides » (impôts indirects) avaient cours, à destination de celle où les aides n’avaient pas cours, ou bien à destination de l’étranger (8).

On a beau chercher, on ne voit pas ce que les traites foraines viennent faire dans la rente de la Porcelière. En revanche, s’agissant d’une affaire traitée au parlement de Paris, on ne s’étonne pas qu’un huissier du Châtelet, dont la compétence s’étendait sur tout le royaume, soit chargé de cet acte d’assignation. Mais peut-être Clisson et les traites foraines avaient à voir avec son mandant ? Notre homme cumulait les offices achetés.

Pierre Garnaud agissait à la requête de Jacquette Boutiller, veuve de Vaugiraud demeurant à Mortagne, pour le compte de ses enfants, et propriétaire d’une borderie à la Porcelière. Son mari avait été condamné à payer la rente de 20 boisseaux ¾ de seigle, pour lui et pour les autres teneurs de la Porcelière. Elle demandait au seigneur de la Rabatelière, teneur à la Porcelière au titre de la métairie qu’il y possédait, de payer sa quote-part de la rente comme les autres teneurs. Avec cette assignation à payer, étaient copiés une sentence de 1721 du présidial (tribunal) de Poitiers condamnant quelques teneurs de la Porcelière à payer solidairement la rente, plus un arrêt du parlement de Paris (cour de justice supérieure) de 1743 confirmant la sentence précédente en condamnant de Vaugiraud. Étaient copiées aussi cinq autres pièces de procédure. En prenant connaissance de cette demande, Mathurin Thoumazeau, écrivit aussitôt un mémoire pour accompagner l’envoi du dossier à maître Gachet, procureur à Poitiers, afin de lui demander conseil (9).

Il note qu’à l’heure actuelle, le seigneur de la Rabatelière ayant acheté la seigneurie de Languiller et son annexe la seigneurie du Coin Foucaud, les droits seigneuriaux de la Porcelière lui reviennent, et sa métairie de la Porcelière, qui était roturière, est réunie de droit au fief de Languiller. Mais faute de déclaration dans le contrat d’acquêt de Languiller sur la réunion de cette métairie, celle-ci a toujours payé sa cote part des rentes et cens avec les autres teneurs au seigneur de Languiller. Sur ces redevances, il se paye donc à lui-même, indique celui qui tient ou supervise les comptes. Étant teneur comme les autres, il est aussi sollicité pour payer les autres rentes dues aux créanciers autres que Languiller.

Des courriers furent échangés entre Thoumazeau et Gachet pour fixer la conduite à tenir. L’enjeu n’était pas important, s’agissant de prendre en charge 20 boisseaux ¾ répartis entre les propriétaires de la Porcelière, mais il y avait les arrérages et les frais annexes. Ils étaient importants au total, car l’affaire avait démarré il y a très longtemps.

L’affaire en 1710 au présidial de Poitiers


Ancien palais de Poitiers 
où se trouvait le présidial
Commençons par présenter cette affaire en se situant en 1710, c’est-à-dire 56 années plus tôt. Les enfants de Jacques Chedanneau reprirent alors une instance judiciaire qui avait été intentée quelques années auparavant contre certains teneurs de la Porcelière. Étaient poursuivis : André Herbreteau, Perrine Caillé veuve de Pierre Robin, Marie David veuve de Pierre Gréau, Louis You et Perrine Gréau sa femme, François Herbreteau et André Fouchard.

Chez les poursuivants, l’initiateur des poursuites, Jacques Chedanneau mourut en 1715 à l’âge de 72 ans. Il était chirurgien (le métier pratiquait principalement la saignée, l’arrachage de dents, la réduction de fractures, l’amputation), demeurant dans le bourg des Brouzils. Il s’était marié à Chavagnes le 21 avril 1681 (vue 68 dans le registre numérisé du site internet des Archives de la Vendée) avec Anne Marchais, fille de Jean Marchais et Marie Hulin. Ce devait être un homme considéré dans sa paroisse, et son bienfaiteur, puisqu’il fut inhumé dans l’église des Brouzils. Ses six enfants y furent baptisés. Parmi eux, deux d’entre eux continueront jusqu’au bout l’action en justice pour recouvrer la rente de la Porcelière : Anne, baptisée le 14 janvier 1690 (vue 53), et Marie Judith, baptisée le 25 mars 1696 (vue 42). Le parrain de cette dernière est son frère aîné, Jacques Louis Chedanneau. Il deviendra prêtre et sera chapelain au château des Essarts en 1710. Il poursuivit le procès après le décès de son père.

Le présidial de Poitiers prit une sentence le 21 août 1721 condamnant les teneurs de la Porcelière cités plus haut, à payer aux héritiers Chedanneau, six années d’arrérages de la rente foncière annuelle et perpétuelle de 20 boisseaux ¾ de blé seigle, mesure des Essarts, et échue à la fête de Notre-Dame d’août 1710. De plus ils étaient condamnés à payer les intérêts correspondants aux montants des arrérages, à continuer le paiement de la rente à l’avenir, et à fournir un titre nouveau de cette rente conforme au jugement. Titre nouveau, cela voulait faire une reconnaissance dans un acte notarié de bien devoir la rente.

Le présidial de Poitiers jugeait tour à tour comme sénéchaussée (tribunal de première instance) et comme cour d’appel des tribunaux inférieurs du ressort. Le texte de la sentence de 1721 ne montre pas, apparemment, qu’on était en instance d’appel.

Dans la rédaction d’un jugement moderne, l’essentiel du texte écrit par les juges est consacré à le motiver dans des « attendus » ou « considérants » d’explications, portant sur les faits prouvés, leur analyse et le droit qui s’applique. C’est la démonstration d’un refus d’arbitraire. Dans la sentence des juges de Poitiers, prononcée sous l’autorité du grand sénéchal du Poitou, en 1721 Alexis Beufvier, il n’y a pas d’attendus. La formule suivante en tenait lieu : « et tout vu considéré le saint nom de dieu » ! Dieu au service des magistrats et garant de leur probité ! La formule était bien usée, mais l’époque la supportait encore. Et elle est bien frustrante pour qui veut comprendre quelques siècles après. En revanche la partie la plus longue du texte rappelait dans un historique, les très nombreux actes de procédure précédant la sentence et fournissant les honoraires des magistrats et des auxiliaires de justice.   

Appel au Parlement de Paris en 1721


Louis You fit appel de la sentence rendue en la sénéchaussée et siège présidial de Poitiers le 21 août 1721. S’en suivit une longue procédure comprenant de nombreuses requêtes. Pierre de Vaugiraud, seigneur de Logerie (Bazoges-en-Paillers), propriétaire par héritage d’une borderie à la Porcelière, fut poursuivi en cette affaire. Il l’a louait en 1692, avec les autres biens possédés à Saint-André-Goule-d’Oie (dont des métairies à la Maigrière et à la Jaumarière), à Jacques Benoist, sieur de la Caillaudière, demeurant à la Valinière de Saint-Fulgent, lequel l’a sous-affermait sur place. Benoist était aussi fermier   de la seigneurie de Saint-Fulgent. De même c’est le fermier qui payait les charges seigneuriales et rentes dues sur les domaines, M. de Vaugiraud recevant chaque année à noël le prix net de la ferme. Mais appelé dans l’instance d’appel par les héritiers Chedanneau devant le parlement de Paris, il dut se défendre lui-même. 

Salle du parlement de Paris
Le Poitou n’avait pas de parlement comme en Bretagne par exemple, qui rejugeait les procès de première instance ou deuxième instance (selon les cas), et pouvait aussi exercer un rôle d’interprétation des coutumes en vigueur, comme notre actuelle cour de cassation et notre actuel conseil d’État. C’est le parlement de Paris qui tenait ce rôle pour le Poitou.

Quant à savoir pourquoi et comment de Vaugiraud fut pris comme chef de file des tenanciers, nous ne savons pas répondre. Habituellement on prenait le plus important des propriétaires pour ce rôle. Et c’était le seigneur de la Rabatelière avec sa métairie de 32 hectares.

Les requêtes au parlement de Paris durèrent 17 ans, relayées par une nouvelle génération de plaideurs. Du côté des poursuivants en appel, Pierre de Vaugiraud se retrouva seul contre-attaqué par les Chedanneau, à titre solidaire pour tous les autres teneurs concernés de la Porcelière. À lui ensuite, s’il était condamné à payer pour les autres, de se retourner contre eux, répartissant le paiement de la rente et de ses arrérages « au marc la livre (au prorata) suivant le nombre de boisselées des terres que chacun des dits teneurs se trouveront posséder dans les dits tènements de la Porcelière et Canteteau ».

Il mourut en 1731, relayé ensuite par son fils aîné Pierre René Gabriel de Vaugiraud (1702-1743), qui hérita de la borderie de la Porcelière. Il faut relever ici que ce fils avait épousé une des filles de Charles Auguste Chitton, seigneur de Languiller, en 1732, en l’église de la Chapelle Begouin. Ils étaient mariés sous le régime de la séparation des biens, et le fief de la Porcelière ne faisaient pas partie de la dot de la mariée. La part des droits seigneuriaux de la borderie allèrent donc à son frère ou à sa sœur. En 1732 la borderie rapportait 52 livres net, et 50 livres en 1742. La somme est petite, en lien avec une surface qui devait être modeste, probablement de l’ordre de 7 hectares. À cette dernière date, son fermier s’appelait Millasseau (10).

Du côté des Chedanneau on vit les deux gendres en avant dans les procédures, prenant la place dans ce rôle de Jacques Louis Chedanneau, le chapelain des Essarts. Ils étaient « licenciés ès lois » tous les deux, diplômes mis en avant comme celui des docteurs en médecine, valant titre de civilité à l’époque.

Pierre François Marchais épousa aux Brouzils, le 18 février 1721 (vue 111), Anne Chedanneau, avec dispense de consanguinité de 2e degré (ils étaient cousins germains). Il vécut dans sa paroisse d’origine à Chavagnes, où naquirent ses enfants. Le dernier d’entre eux, Madeleine Rose Angélique Marchais, fut baptisée le 22 juin 1732 (vue 235) et nous la retrouverons à la fin de la procédure.

L’autre gendre fut Pierre Marchegay, sieur d’Essiré (Chauché). Il épousa aux Brouzils le 17 octobre 1724 (vue 154) Marie Judith Chedanneau. Il était le fils de Daniel Marchegay qui n’avait abjuré le protestantisme qu’en 1702 à Chauché, et appartenait à la branche des Marchegay de la Marchegaisière (11), vivant dans le bourg des Brouzils (12). Il mourut sans descendance et sa veuve apporta à sa sœur sa part dans la rente.

Par un arrêt du 28 mai 1738, le parlement de Paris condamna Louis You à exécuter la sentence du Présidial de Poitiers de 1721. Néanmoins la procédure se poursuivit encore cinq années de plus. Elle se termina par l’arrêt du même parlement du 5 juillet 1743, qui condamna le seigneur de Vaugiraud aux mêmes obligations que Louis You, en exécution de la sentence du présidial de Poitiers.

L’arrêt était rendu sous l’autorité du roi, dont dépendait le parlement de Paris. Cette dépendance était relative, puisque le même parlement était garant du respect des lois fondamentales du royaume, y compris à l’égard du roi. Il est intéressant de relever qu’en cette même année 1743, le parlement de Paris reçut parmi ses membres un nouveau commissaire à ses requêtes, en la personne de Pierre Henri Benoît Darquistade, âgé de 21 ans et fils du seigneur de Saint-Fulgent, René Darquistade.

Et suivant la tradition, les justiciables du clergé et de la noblesse bénéficiaient d’égards peu « démocratiques » dans le langage employé. Ainsi le texte de l’arrêt est émaillé de « notre aimé et seul Louis Jacques Chedanneau prêtre chapelain du château des Essarts » et de « notre aimé et seul Louis de Vaugiraud, chevalier seigneur de Logerie », auquel Louis You n’eut pas droit, n’étant ni ecclésiastique ni noble. Mais comme à Poitiers, la 2e chambre des enquêtes du parlement de Paris a écrit des pages sur l’historique des procédures et reste muette sur les motivations de sa décision. Néanmoins au passage on relève des faits intéressants.

La Porcelière
De Vaugiraud dénonça les agissements de Pierre Marchais. Il l’accusa de s’être rendu à la Porcelière chez Jacquette Navarre, veuve Blandin, pour suborner des témoins. On le vit, dit-il, s’enfermer chez elle plusieurs heures, et ensuite la femme alla trouver plusieurs témoins dans le village pour témoigner en faveur de Marchais, qui saurait rendre service pour cela (13).

Le parlement décida que les domaines servant de base à l’établissement de la rente ne comprendraient pas le tènement des Barbries, au vu d’un bail de 1514 fourni par les héritiers Chedanneau. Il ordonna qu’un arpentement soit réalisé aux frais des teneurs pour calculer la répartition des quotes-parts de chaque débiteur possédant des domaines dans les tènements de la Porcelière et de Canteteau. La cour dut examiner une requête de Marchais et consorts pour faire accompagner l’arpenteur qui serait nommé par les « archers de la maréchaussée ». Ainsi appelait-on alors les gendarmes, malgré qu’ils aient abandonné l’arc et ses flèches depuis longtemps, usant d’un mousquet comme arme. On ne sait pas s’il fallut en venir là, mais la demande, comme l’accusation de subornation de témoins, révèlent l’âpreté de ce conflit (13).

En 1746 les Vaugiraud supportent les condamnations


Suzanne Fegdal : 
Entrée du port des Sables-d’Olonne
(Musée de l’abbaye Sainte-Croix, Sables-d’Olonne)
Pierre René Gabriel de Vaugiraud mourut le 17 août 1743 sans descendance, quelques semaines après l’arrêt du parlement de Paris du 5 juillet précédent. Pierre Marchais assigna alors son frère, le nouveau chef de famille et son principal héritier, François René Joseph de Vaugiraud, « monsieur de Rosnay » pour les familiers, qui demeurait aux Sables-d’Olonne. En exécution de l’arrêt, celui-ci paya à la veuve Marchais en 1746 une somme de 1 260 livres correspondant aux arrérages de la rente, dus depuis 1704 jusque y compris l’échéance de mi-août 1746. À cela s’ajouta une somme de 2 498 livres pour les intérêts et les frais de justice. Dans sa quittance, la veuve Marchais subrogea (donna sa place) le seigneur de Vaugiraud en tous ses droits, privilèges et hypothèques, pour permettre à ce dernier de se faire rembourser des quotes-parts des autres teneurs de la Porcelière.

À une date non repérée, la succession de Pierre René Gabriel de Vaugiraud fut organisée par son frère François René Joseph. La borderie de la Porcelière échut à Jean Gabriel de Vaugiraud, le dernier des enfants de Pierre de Vaugiraud et de Marie Desnos. Il s’était marié à Mortagne-sur-Sèvre avec Marie Jacquette Boutiller. Il était alors capitaine au régiment Vermandois infanterie. Elle était la fille d’un ancien avocat et sénéchal de la ville et baronnie de Mortagne, où le couple s’installa. Plus tard, c’est un de ses lointains cousins qui acheta la seigneurie de la Boutarlière.

En 1752 Jean Gabriel de Vaugiraud paya 6 années d’arrérages de la rente au sieur Barreau, due à la femme de ce dernier, Madeleine Rose Angélique Marchais, fille d’Anne Chedanneau et Pierre François Marchais.

Que fit de Vaugiraud pour se retourner contre les autres teneurs de la Porcelière et ne pas supporter seul cette charge ? On a de la peine à imaginer qu’il ne fit rien, mais la documentation accessible manque sur ce point. Toujours est-il qu’il renouvela un autre paiement pour six autres années d’arrérages en 1758. Comme pour le versement précédent, il obtint quittance du créancier pour se voir subroger des droits à l’égard des autres teneurs. Et il y eu un autre versement payé par la mère de Jacquette Boutiller, Louise Girard.

Jean Gabriel de Vaugiraud mourut en effet le 9 janvier 1766 à l’âge de 46 ans. Il laissait trois fils, dont l’aîné avait 17 ans. Le plus jeune, Jean Aimé Jacques de Vaugiraud, avait 13 ans. Celui-ci entra dans la marine royale et viendra habiter plus tard dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, s’engageant dans les combats de la guerre de Vendée. Le général de l’armée du Centre, de Royrand, le prit dans son état-major. Il était, lui, propriétaire aux villages voisins du Coin et du Peux.

1767 : règlement de l’affaire


Après la mort de Jean Gabriel de Vaugiraud, sa veuve, Jacquette Boutiller, reprit l’affaire en mains et entreprit de se faire rembourser par les autres teneurs. C’est elle qui assigna le 4 août 1766 le seigneur de la Rabatelière comme propriétaire d’une métairie à la Porcelière, en la personne de son procureur fiscal, Mathurin Thoumazeau. Elle fit la même chose avec tous les autres teneurs de la Porcelière par des assignations particulières, et prit contre chacun d’eux les mêmes conclusions.

Devant l’autorité de la chose jugée par le parlement de Paris, le procureur de M. Montaudouin à Poitiers ne contesta pas le bien-fondé de la requête de Jacquette Boutiller. Un recours auprès du Conseil du roi eut été théoriquement envisageable, mais ne fut pas tenté. Une transaction fut signée chez Frappier et Jagueneau, notaires à Saint-Fulgent, entre les de Vaugiraud et les autres teneurs le 18 mai 1767 (14).

Du côté des de Vaugiraud, étaient présents Marie Madeleine de Vaugiraud, épouse de Charles de Tinguy chevalier seigneur de Vanzais, demeurant à la « Claverie » (la Basse Clavelière à Saint-Fulgent), comme propriétaire de la moitié des sommes payées par son frère aîné, monsieur de Rosnais, en 1746, avant le partage de la succession de Pierre René Gabriel de Vaugiraud. L’autre part revenait aux héritiers de Jean Gabriel de Vaugiraud, s’ajoutant aux montants payés par ce dernier. Ceux-ci étaient représentés par Louise Girard, mère de Jacquette Boutiller.

La Porcelière
Du côté des autres teneurs, on trouve une vingtaine de propriétaires à côté du seigneur de la Rabatelière. Certains habitent dans les villages des environs, dont 4 au Plessis-le-Tiers. Les habitants de la Porcelière sont :
-        Pierre Fonteneau laboureur,
-        Jacques Gallot bordier,
-        Étienne Mandin maçon,
-        Perrine Fonteneau veuve de Jacques Mandin,
-        Jean Metaireau bordier faisant tant pour lui que pour ses frères et sœurs,
-        Jean Bretin bordier,
-        Mathurin Guedon bordier, faisant et contractant pour Pierre Guedon son père,
-        Jean Métaireau aussi bordier.

Que prévoit la transaction ? Les teneurs remboursent à Marie Madeleine de Vanzais et aux enfants de Jean Gabriel de Vaugiraud un montant de 1995 livres un sol, correspondant aux arrérages de la rente payés pour les années 1704 à 1766. Chacun contribuera au paiement de cette somme au prorata de sa surface possédée. À cet effet seront effectuées les délimitations des propriétés par un expert, aux frais des intéressés teneurs et suivant le même prorata. Les frais d’assignation et de procédures de Jacquette Bouteiller seront supportés par les teneurs par portions égales, pour un montant de 91 livres 10 sols.

En fonction de cette transaction, l’instance intentée contre les teneurs par Jacquette Boutiller sera éteinte. Marie Madeleine de Vanzais et Louise Girard, celle-ci au nom de ses petits-enfants, font remise des intérêts des arrérages payés par de Vaugiraud l’aîné en 1746 et de ceux postérieurs, sous réserve du respect de la présente transaction. On remarquera le geste des Vaugiraud sur les intérêts, et la volonté d’en finir dans cette longue affaire. Il est vrai aussi que les juristes de M. Montaudouin trouvaient les intérêts insuffisamment acquittés dans les documents fournis.

En septembre 1767, Gabriel Proust, « arpentier juré » demeurant au bourg de Saint-Georges-de-Montaigu, en conséquence du pouvoir formulé dans la transaction ci-dessus, réalisa son arpentement (bornage). Malheureusement le texte conservé ne nous donne pas le détail des surfaces possédées par chaque propriétaire (2).

Ce mot de juré accompagnant l’indication du métier d’arpenteur, était propre à certains métiers réglementés. Les organisations dans les villes et les provinces des métiers jurés, ou jurandes, détenaient le monopole d’une profession dans une aire géographique. On y entrait et travaillait à certaines conditions (procédures, taxes, règlements), concernant tant les maîtres que les ouvriers. On commençait à les appeler des corporations. Elles étaient protectrices de leurs membres, et défendues par le roi pour des raisons fiscales surtout. Le sens péjoratif du mot « corporatisme » vient de là, faisant référence aux privilèges des professions réglementées et fermées. Chaque jurande était doublée d’une confrérie. Dans la campagne de Saint-André-Goule-d’Oie et alentours, les nombreux métiers d’artisans n’étaient pas réglementés, échappant au régime des jurandes et corporations. La liberté du travail y était de pratique normale (15).

Les syndicats professionnels modernes ne sont pas les héritiers des corporations d’Anciens Régime, qui réglementaient en même temps les droits des patrons et des ouvriers. En interdisant les corporations en 1791, les révolutionnaires interdirent du même coup les syndicats ouvriers en France. Quant à la liberté d’exercice des métiers dans les campagnes, elle excluait par principe la notion d’organisation syndicale, que ce soit pour les patrons ou pour les ouvriers. Ce que vint confirmer la législation révolutionnaire de 1791 (loi Le Chapelier).

Près de vingt années après l’arpentement de 1767, conformément à la règle, les débiteurs firent une reconnaissance de cette rente de 20 boisseaux ¾ de seigle chez les notaires de Saint-Fulgent, Frappier et Chasteigner (16). Le texte fait explicitement référence à l’arrêt du parlement de Paris du 5 juillet 1743 comme fondement de l’obligation. Son propriétaire est alors Jean Alexandre Marchais, président au siège présidial des tailles foraines à Montaigu. Il est daté du 24 mai 1789, soit 19 jours après l’ouverture des États Généraux. La Révolution venait de commencer, emportant suppression des privilèges trois mois plus tard. Cette rente en question de 20 boisseaux ¾ de seigle n’était apparemment pas de nature féodale, suivant le bail d’arrentement de 1514. Elle n’était pas concernée par cette suppression, à condition de le prouver. Et on voit qu’elle fut contestée par les teneurs de la Porcelière en 1797 auprès de la justice de paix du canton de Saint-Fulgent contre la citoyenne Soulard, veuve Marchais (17).

La Porcelière
À cette date on ne trouve plus un de Vaugiraud parmi les teneurs cités. C’est Madeleine de Vaugiraud qui devint propriétaire de la borderie de la Porcelière par arrangement dans la famille. Son mari, Charles de Tinguy, chevalier seigneur de Vanzais, l’a vendit à Joseph Herbreteau, bordier déjà installé à la Porcelière, moyennant un contrat d’arrentement en 1774. En conséquence Joseph Herbreteau versait chaque année à la Saint-Georges 40 livres de rente foncière, annuelle et perpétuelle. Celle-ci fut amortie (rachetée) le 16 janvier 1783 par le même Joseph Herbreteau, moyennant le versement comptant de 800 livres, soit 20 années d’annuités (18). À vrai dire dans ce cas, l’amortissement était de droit à la demande du débiteur, et les 20 années retenues pour le calcul du capital à amortir résultait d’une disposition légale.

Les propriétaires de la Porcelière en 1789

Les autres propriétaires cités en 1789 et habitant la Porcelière sont :
-        Françoise Minaud veuve d’André Météreau,
-        Jean Fonteneau bordier,
-        Catherine Robin veuve de Jean Météreau,
-        Marie Roy veuve de Joseph Herbreteau,
-        André Herbreteau laboureur,
-        Perrine Fonteneau veuve de Louis Gautron,
-        Jacques Millasseau bordier,
-        Mathurin Gourdon journalier,
-        Marie Météreau veuve de Jacques Guillebaud.
Ils sont plus nombreux les propriétaires qui ne demeurent pas au village.

Deux noms attirent l’attention dans la liste des propriétaires. Celui de Jean Marchand, bordier, dont l’épouse possédait des biens sur la Porcelière. Elle s’appelait Marie Guesdon. Marchand était l’adjoint au maire, qui fut massacré en mars 1793 par les jeunes de Saint-André en colère, à cause du tirage au sort des conscrits prévus par les autorités révolutionnaires (voir l’article de juin 2010 publié sur ce site : Le maire, Guesdon (1793), assassiné par les conscrits). 
À côté de Jean Marchand est cité « Jacques Guesdon, bordier demeurant au Plessis-le-Tiers ». Il est un des rares à signer cet acte notarié avec Jean Marchand son beau-frère. C’est le maire de Saint-André lui aussi massacré en mars 1793 pour le même motif. 

Mare de la Porcelière
Dans le cadastre napoléonien de 1838, le nombre des propriétaires au village de la Porcelière est important, à cause des nombreuses parcelles de jardin réparties dans les héritages. La boulangerie est restée la propriété de la veuve Françoise Robin, qui habite la Gandouinière. La mare ou fosse est notée comme appartenant aux habitants du village. Elle avait son origine dans une autorisation du seigneur, moyennant redevance. Dans la coutume du Poitou, le droit de creuser des étangs appartenait en effet au seigneur bas-justicier.

Si on s’en tient aux seuls bâtiments, la liste des propriétaires reste importante, même en ne retenant que les seuls résidents dans le village.
La métairie de la Porcelière appartient désormais à Herbreteau père et fils et Jacques Cellier en communauté. D’autres Herbreteau (Jean et Pierre) possèdent aussi des maisons. Et la liste se poursuit :
-        Pierre Gautron,
-        Joseph Boisson,
-        Jean Micheneau,
-        Pierre Bertin,
-        Jacques Millasseau,
-        Mathurin, Jean et Pierre Fonteneau,
-        Héritiers de Louis Durand,
-        Héritiers de Mathurin Guesdon,
-        Jean Métaireau,
-        François Merle
-        Jean, Louis et Pierre Pavageau.

(1) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 6, déclaration roturière du 26-8-1701 de Pierre Bleteau.
(2) 150 J/G 45, gaulaiement en septembre 1767 de la Porcelière avec liste des devoirs et rentes dus.
(3) 150 J/G 45, assignation du 4 août 1766 de Jacquette Boutiller à M. Montaudouin.
(4) Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/8, arrentement du 4-1-1775 d’une pièce de terre à la Maindronnière de Paul Charles Depons et sa femme Lucie Sonnet d’Auzon (Puygreffier) aux frères Girardin.
(5) La France Pittoresque, métier ancien d’huissier, 13 janvier 2010.
(7) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 58-8, administration du château de la Rabatelière.
(8) G. Zeller, Les Institutions de la France au 16e siècle, PUF, 1948, page 265.
(9) 150 J/G 45, mémoire du 23-1-1767 non signé pour Gaschet procureur de M. Montaudouin.
(10) Archives de Vendée, chartrier de la Roche-Guillaume, famille de Vaugiraud : 22 J 31, comptes des métairies du seigneur de Logerie vers 1742.
(11) Famillesvendennes.fr : famille Marchegay
(12) Archives de la Vendée, notaires de Montaigu, Duvau (étude A), arrentement du 2-11-1737, vue 313 accessible par internet
(13) 150 J /G 45, assignation du 4 août 1766 de Jacquette Boutiller à M. Montaudouin, page 4 et 5.
(14) 150 J/G 5, transaction du 18-5-1767 entre les Vaugiraud et les teneurs sur la rente de 20,75 boisseaux de seigle.
(15) G. Zeller, Les Institutions de la France au 16e siècle, PUF, 1948, page 219 et s.
(16) Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, reconnaissance d’une rente foncière sur le tènement de la Porcelière du 24-5-1789.
(17) Note no 19 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(18) 3 E 30/10, amortissement du 16-1-1783 d’une rente sur une borderie à la Porcelière par de Vaugiraud à Herbreteau.

Emmanuel François, tous droits réservés 
Septembre 2016, complété en mai 2023


mardi 9 août 2016

Les borderies et la métairie de la Porcelière aux 17e et 18e siècles

Les terres concédées au Moyen Âge par les seigneurs à des tenanciers leur rapportaient de moins en moins au fil du temps. La partie fixe en argent des droits seigneuriaux, était devenue une valeur symbolique à cause de la dévaluation des monnaies en circulation et des hausses de prix. En revanche les terres du domaine direct, qui entouraient les logis ou châteaux seigneuriaux, ont vu leurs profits bénéficier du retour à la prospérité agricole après la fin du Moyen Âge. Elles étaient exploitées par des ouvriers agricoles sous les ordres d’un régisseur. Mais de ce mode de faire valoir, nous n’avons pas trouvé trace à Saint-André-Goule-d’Oie, probablement à cause d’une documentation disponible trop récente. Celle-ci fait état d’exploitation par métayage dans les domaines seigneuriaux au plus tôt vers la fin du 16e siècle à la Roche Mauvin, par exemple.

Il s’en suit qu’on trouvait parfois dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie une juxtaposition de métairies et de petites propriétés sur le même tènement aux 17 et 18e siècles. C’est ce que nous montre l’abondance de la documentation concernant la Porcelière. Au 17e siècle on a repéré plusieurs borderies de quelques hectares, et le seigneur de la Rabatelière y possédait une métairie de 32 hectares. Nous reparlerons de celle-ci plus loin, mais commençons par les petites propriétées.

Quelques borderies de la Porcelière et un moulin à vent


D’abord on a la famille de Vaugiraud (de Bazoges-en-Paillers) qui possédait par héritage une borderie à la Porcelière. Elle avait été constituée au 17e siècle par petits achats successifs à des propriétaires probablement dans le besoin. Jacques Moreau acheta le 8 septembre 1633 à François Bourier et autres leurs parts et portions qui leur appartenaient dans des terres au tènement de la Porcelière (1). Il acheta aussi par arrentement des domaines non précisés à un nommé Béranger. En témoigne deux quittances des 23 avril et 10 juillet 1644 de 60 livres de paiement de sa rente (2). La fille de Jacques Moreau épousa en 1650 René de Vaugiraud, ce qui explique l’existence de cette borderie un siècle après dans cette famille.

En 1750 Jean Gabriel de Vaugiraud, chevalier seigneur de la Maigrière, demeurant à Mortagne, signe un bail en l’auberge du Chêne-Vert dans le bourg de Saint-Fulgent, avec les fermiers qui sont Jean Roy et sa femme Jeanne Brisseau. La borderie est affermée à prix d’argent moyennant 60 livres par an pour 7 ans (1751-1758). Les clauses sont celles habituelles des notaires de Saint-Fulgent (3).


Dans les papiers de Pierre Moreau, prieur-curé de Saint-André-Goule-d’Oie, on trouve des quittances concernant des réparations pour un moulin à la Porcelière (4). Ici c’est l’homme privé qui est propriétaire du moulin et non le prieur, frère de Jacques Moreau, l’acheteur de terres évoqué ci-dessus. Malheureusement c’est la seule fois dans nos recherches où il est fait mention d’un moulin à la Porcelière, probablement à vent, et encore sur l’intitulé d’une pièce. On ne peut pas en dire plus.

Atelier du sabotier
On recense 19 déclarations roturières pour les années 1701 et 1702 faites par chaque propriétaire à son suzerain, le seigneur de Languiller. Parmi eux, 11 déclarants possèdent moins d’un hectare, et les autres ont de petites borderies. C’est qu’avec les héritages on divisait les propriétés, et pour vivre avec de petites surfaces, ne serait-ce qu’un jardin ou un verger, on pratiquait le louage de services ou l’artisanat. Les nombreux artisans, tisserands, sabotiers, boulangers, tailleurs d’habits, etc. restaient habiter dans les villages. D’autres habitants devenaient laboureurs à bras ou laboureurs à bœufs. Ils se louaient, seuls ou avec un attelage de trait, pour les travaux saisonniers dans les exploitations agricoles importantes. Non seulement l’époque ignorait les formes modernes du commerce, mais aussi l’industrie n’existait pas. Seuls les artisans fabriquaient les objets nécessaires à la vie courante, comme les clous par exemple.

L’époque ignorait aussi les formes modernes de la finance. On trouve par exemple Martin Herbreteau, laboureur à bœufs demeurant à la Bordinière (Rabatelière), qui déclare une rente de 5 livres. Il a arrenté une petite surface située à la Porcelière à son neveu André Herbreteau, habitant aussi à la Bordinière. S’agissant d’un revenu tiré sur un bien fonds, son bénéficiaire devait participer au paiement des droits seigneuriaux du tènement. Rappelons que la pratique des rentes tenait lieu de crédit qui n’existait pas à l’époque, sauf rares exceptions. Concrètement, Martin Herbreteau avait vendu son bien à son neveu. Celui-ci versait cette rente foncière (gagée sur le bien foncier acquis), annuelle et perpétuelle pour payer son acquisition.

Elle était dite perpétuelle, mais pouvait être rachetée moyennant un paiement comptant, montant à vingt fois sa valeur annuelle (appelé le « denier vingt »). Celle-ci représentait donc 5% de la valeur du bien acheté. Mais cette rente ne concernait que le paiement des intérêts annuels de 5 %, et il fallait rembourser d’un coup la totalité du capital pour faire cesser le paiement de la rente perpétuelle, quel que soit le moment où l’on rachetait la rente. Voilà qui constituait un bon rapport pour le « rentier », car, avec une faible inflation, le capital ne perdait pas beaucoup de sa valeur. Le mot rentier va d’ailleurs prendre un sens péjoratif au fil du temps. C’était en partie la conséquence de l’interdit moral édicté par l’Église contre les usuriers et le discrédit qu’elle jetait sur le commerce de l’argent. De l’intention, ici morale et religieuse contre l'usure, au résultat obtenu de la promotion des rentiers, on vérifie à nouveau que les bonnes intentions rigidifiées dans les principes pavent le chemin de l’enferCette pratique palliait l’absence d’institution financière, laquelle constituait un frein au développement de l’activité économique. Néanmoins l’Église ne considérait pas la richesse comme illégitime, à condition de la sanctifier par des dons aux pauvres et aux institutions ecclésiastiques, comme on le voit dans la pratique des testaments. Dès le Moyen Âge, il existait une activité financière dans les grandes villes, et pas seulement réservée aux juifs, comme en témoignent les marchands lombards. C’est la carence d’une demande, liée aux modes d’activités économique, qu’il faudrait interroger, autant que les préceptes religieux, pour comprendre l’absence des banquiers dans les campagnes.

On a en 1701 des propriétaires extérieurs à la Porcelière, soit parce que les mariages emmenaient certains enfants vivre chez leurs conjoints, soit qu’on allait chercher du travail ailleurs. Les propriétaires de fonds non-résidents sur la Porcelière, avaient des métiers divers : meunier pour Pierre Rauturier à la Rabatelière, charpentier pour Jean Charrier à la Bordinière, laboureur à bœufs à Saint-Martin-des-Noyers pour André Guereau, tisserand pour Mathurin Michelet au Landreau, ou marchand pour Pierre Bleteau du Landreau, etc. Au village de la Porcelière on trouve, soit laboureur soit journalier : Daniel Martineau, Pierre Gréau, Antoine Bordet, Jacques Maindron.

Porcelière
D’autres déclarations d’habitants concernent des communautés familiales en indivision : Jacques Gallot avec André et Jean Caillé ses beaux-frères ; Étienne Metereau, fils de Julien, avec ses frères et sœurs Marie Perrine, Françoise, Pierre, Marie Metereau ; Mathurin Gallot avec les enfants mineurs de sa sœur Charlotte Gallot, décédée, et de Pierre Bertrand, Jean Gallot, les enfants de Marie Gallot, décédée, et de Pierre Richard (journalier demeurant au village de la Bourolière), et enfin pour finir de compter les membres de cette importante indivision, Augustin et Joseph Rauturier, « lesquels dits domaines ne sont (pas) partagés et divisés entre nous », indique le texte.

Les déclarations roturières, qui nous ont servi à constater le morcellement du foncier, ne disent qu’une partie de la réalité d’alors. Une borderie ou métairie pouvait se constituer par regroupements de pièces de terres situées sur un même tènement ou sur plusieurs tènements voisins. Pour les détecter, il reste alors les archives des notaires, actant les ventes de domaines.

Bourolière
On le constate lors de la vente du 4 juillet 1790 d’un sixième d’une petite borderie composée de maison et terres à la Porcelière et Bourolière, par Jean Herbreteau, bordier demeurant au Cormier (Chavagnes) à Mathurin Trotin, bordier demeurant au Landreau (Chauché). Le vendeur était propriétaire à titre successif de sa mère Marie Millasseau (5). Il y avait des Millasseau à la Bourolière en effet, et par héritage une petite borderie s’est constituée de quelques champs situés sur les deux tènements de la Bourolière et de la Porcelière et d’une maison dans ce dernier village. La borderie n’atteignait pas au total les 4 hectares, et l’un des héritiers vend ainsi sa part « par forme de licitation entre copartageants ». La formule était très pratiquée pour éviter de partager une exploitation déjà bien petite. Comme maintenant, la vente à titre de licitation concernait un bien qui était en indivision entre plusieurs propriétaires, alors que la fin de l’indivision n’était pas aussi facile que maintenant à mettre en œuvre.  

Dans le même genre on trouve une autre vente en 1791 d’une partie de maison à la Porcelière, pour 10 livres ! Le vendeur est Étienne Blandin, farinier demeurant à la Templerie (Bazoges), qui avait hérité d’une cousine, Renée Gautron, de cette maison avec un jardin, avec ses frères et sœurs. Sa part n’est que d’un sixième et il l’a vend, pas cher il est vrai. L’acheteur est un voisin de la Porcelière, Mathurin Herbreteau, qui achètera les autres parts, est-il précisé dans l’acte (6).

En 1790 s’était vendue une autre borderie à la Porcelière, dont le fermier s’appelait Jacques Gallot. Comme d’habitude, l’acte notarié la décrit ainsi : « maison, grange, toits, rue, ruages, quaireux, terres labourables et non labourables », sans indication de surface (7). Son prix est de 462 livres, payé comptant. Il représente une exploitation d’environ 4 hectares. C’est une vente à réméré, dont la « grâce » est fixée à trois ans. Pendant ce délai (la « grâce »), le vendeur se réserve un droit de retrait sans frais, c’est-à-dire la possibilité d’annuler la vente et de reprendre son bien en remboursant l’acquéreur. Faute d’offre bancaire à l’époque, cela permettait de trouver de la trésorerie, dans l’attente d’un retour espéré à meilleure fortune.

En 1788 on a une autre vente de borderie à la Porcelière pour le prix de 1600 livres, qu’on peut estimer d’une surface d’environ 15 hectares à cette époque à cause du prix. Elle avait été acquise deux ans plus tôt pour le même prix par les frères Jacques et Pierre Guesdon (Plessis-le-Tiers) et leur beau-frère Jean Marchand (Bordinière). Et ils la revendent à Mathurin et Jean Herbreteau, bordiers demeurant séparément à la Porcelière (8). Ceux-ci ne sont pas à confondre avec les frères Mathurin et Jean Herbreteau habitant Linières à la même période. Néanmoins ces derniers sont cousins germains de la future épouse d’André Herbreteau de la Porcelière, Jeanne Rondeau, lors de la signature du contrat de mariage de ces derniers le 15 janvier 1767 (9). Les généalogistes qui travaillent sur le nom d’Herbreteau dans la contrée méritent notre encouragement !

En 1768, Pierre Fonteneau, bordier demeurant à la Porcelière, a acheté à André You, bordier demeurant à l’Hopitaud (Chavagnes), la moitié d’une petite borderie aux tènements de la Porcelière, Barbries, Chopinière et Canteteau, composée au total d’une maison avec ses ruages devant et derrière contenant 4 gaulées, et de 14 boisselées 77 gaulées tant de jardin que de terre labourable (10). Il paye l’achat au moyen d’une rente perpétuelle de 4 livres par an, quitte des impôts royaux (10e et 20e et 2 sols pour livre du 10e). Fonteneau, le preneur, fera les certes et obéissance au seigneur de la Rabatelière pour les Chopinières, et à Languiller pour la Porcelière, Barbries et Canteteau, dont le tout est roturièrement mouvant. Et au seigneur de Languiller il paiera le terrage sur les trois tènements qui le concernent. Le bien-fonds de la totalité de la borderie n’est que de 180 livres pour une surface réduite de 1,8 hectare. La boisselée vaut en moyenne 12 livres.  

Le bail d’une borderie en 1744 à la Porcelière attire notre attention. Il est conclu pour trois ans au bénéfice de Jean Brisseau, demeurant dans le village, par Jean Chacun et sa femme Marianne Herbreteau, demeurant à la Bergeonnière (11). Le prix annuel est de 27 livres, ce qui permet de supputer sa surface à environ 4 hectares.   

On lit les clauses habituelles des baux des borderies ou métairies de cette époque :

-        Le preneur doit jouir en bon père de famille sans commettre ni tolérer qu’il soit commis aucune dégradation ni malversation des biens.
-        Il n’abattra aucun arbre sur pied sans l’accord express du bailleur. Il n’émondera que ceux qui ont l’habitude de l’être en temps et saisons « convenables », attendant que les gis aient atteint l’âge de 5 ans.
-        Il paiera les cens, rentes et devoirs seigneuriaux seulement.
-        Il fera refaire les toitures des bâtiments une fois pendant le bail, allant chercher les matériaux nécessaires fournis par le bailleur à une lieue ou environ.
-        La dernière année il pourra se fournir de fumier, paille et chaume jusqu’au jour de son départ.

Mur en bousillage
On trouve aussi une clause particulière concernant la maison. Les parties s’accordent pour construire un étage sur la principale pièce du rez de chaussée pour y entreposer des grains. La maison sera donc surélevée. Le bailleur s’occupera du montage d’une charpente et le preneur fera faire le « bousillage », dont les frais seront imputés sur le prix de la ferme. On a peu l’occasion de voir comment était construit l’étage de certaines maisons au 18e siècle dans la région, et cet acte est donc précieux à cet égard. On appelait bousillage un mélange de terre détrempée et de chaume.

La métairie de la Porcelière


La première mention de cette métairie se rencontre dans une déclaration noble de Gilles Giguet à Languiller en 1619. Parmi les propriétaires de la Porcelière est citée alors la veuve de Jacques Bruneau, celui-ci appelé « monsieur de la Giroulière » (12). On ignore les liens familiaux entre Jacques Bruneau et le seigneur de la Rabatelière d’alors, Charles II Bruneau, fils de Renée de la Mothe et de Charles Ier Bruneau. Or quelques dizaines d’années plus tard, la métairie de la Porcelière était devenue la propriété du seigneur de la Rabatelière, peut-être par acquisition.

Description

Comme à la Roche Mauvin, cette métairie a fait l’objet d’un arpentement en 1659, nous permettant une brève description (13). Elle occupait une surface totale de 33 hectares, à comparer aux 38 hectares de la Roche Mauvin, c’est-à-dire une surface importante, la classant parmi les grandes métairies de l’époque dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, née à une époque difficile à déterminer.

Archives départementales de la Vendée : 
assignation aux teneurs 
des Petites et Grandes Roussières
Les 5 prairies naturelles, dont nous savons l’importance pour l’élevage, occupent une surface de 3,6 hectares. Elles bénéficient « du ruisseau qui descend de l’étang de Languiller ».

Indiquons ici que le « Grand Étang de Languiller » a été asséché par le seigneur de Languiller en 1701. Celui-ci avait au préalable fait assigner les tenanciers des Petites et Grandes Roussières à assister au procès-verbal de bornage des prés leur appartenant, au long de l’étendue d’eau. Dans l’acte d’assignation, on lit que le seigneur de Languiller a dessein de dessécher « un étang très considérable, le rendre en terre labourable ou nature de pré » (14). Ce grand étang n’est pas à confondre avec « le petit étang situé en bas du lieu de Languiller » qui existait toujours en 1779 (15). Les sources du ruisseau se trouvaient très probablement au fond de l’étang, et elles ont continué d’alimenter le ruisseau.

La métairie comprend aussi une vigne de 1,3 hectare, et une importante surface bâtie importante avec ses jardins. Ses 27 hectares de terre se répartissaient sur 39 parcelles, dont :

-        surface inférieure à 1 boisselée : 4 parcelles de champs
-        surface de 1 à 4,99 boisselées : 15 champs
-        surface de 5 à 9,99 boisselées : 13 champs
-        surface de 10 boisselées et plus : 7 champs (dont le plus grand faisait 25,25 boisselées)

Les 35 champs d’au moins 1 boisselée, ont une surface moyenne de 6,4 boisselées. Cette dispersion en de nombreuses parcelles s’explique probablement par les achats successifs réalisés pour constituer la métairie. À la différence de la Roche Mauvin, il ne semble pas qu’il ait existé un domaine direct seigneurial à la Porcelière à l’origine. Et à la différence de la Roche Mauvin, qui était une métairie noble, la Porcelière n’était pas classée dans cette catégorie dans un partage de succession en 1779 du seigneur de la Rabatelière (15). Ces achats ont dû, comme en Gâtine Poitevine, être facilités par l’appauvrissement des tenanciers et l’extrême parcellisation de leurs tenures. Nous avons aussi vu ce phénomène à la Milonnière (voir notre article publié sur ce site en avril 2016 : La Milonnière de St André Goule d'Oie sous l'Ancien Régime.

En 1659 la métairie est évaluée par experts à un montant total de 2631 livres comme bien roturier. La valeur des terres varie de 4 à 13,7 livres pour une boisselée, selon les champs. On constate des valeurs inférieures à celles rencontrées à la Roche Mauvin, dues à la qualité inférieure de la terre. Le prix moyen d’une boisselée de terre y est de 6,2 livres, d’une boisselée de pré de 20,5 livres et d’une boisselée de vigne de 17 livres. Le prix moyen d’une boisselée de jardin est de 42,7 livres. Les bâtiments et jardins sont estimés à 393 livres. Toutes natures de terres confondues et y compris les bâtiments, la boisselée vaut 9,7 livres en moyenne (13). À la même époque le prix de ferme moyen d’une boisselée de cette métairie de 272 boisselées au total (33 ha) est de 0,5 livre. Cela fait un rendement de 5% en capital de bien-fonds.

Toutes natures de surfaces confondues, on a une valeur moyenne en bien-fonds de la boisselée en 1659 qui est de 9,7 livres à la Porcelière, 11 livres à la Roche Mauvin et 13 livres à la Racinauzière. À la même époque la valeur moyenne d’une boisselée est affermée 0,5 livre à la Porcelière, 0,74 livre à la Roche Mauvin et 1 livre à la Racinauzière. Cela fait un rendement financier à la boisselée respectivement de 5 % à la Porcelière, 6,7 % à la Roche Mauvin et 7,7 % à la Racinauzière. L’estimation des biens-fonds parait très sérieuse au vu de ses motifs et de ses protagonistes. Mais les prix de ferme tenaient compte des droits féodaux et rentes foncières dus sur la métairie et payés par le métayer, incorporés dans le prix de la ferme. Néanmoins, le rapport constaté ici entre les valeurs des fermes et celles des biens-fonds apportent du crédit aux résultats. Quitte à relativiser quelque peu les valeurs des prix de ferme.

En 1651 la métairie était affermée à moitié de tous fruits, c’est à dire que les pertes et profits des revenus de l’exploitation étaient partagés à moitié entre le bailleur et les preneurs.

À cela s’ajoutait comme d’habitude la livraison ou le paiement des menus suffrages : 1 chevreau, 6 poulets, 2 oisons, 20 livres de beurre net, 2 chapons, 6 livres pour un pourceau, la façon et le charroi d’un demi-millier de fagots.

Et comme à la Mancellière, à la Roche Mauvin, à la Racinauzière, et pour toutes les métairies proches du château, à Chauché, Chavagnes et la Rabatelière, le métayer devait en plus cultiver son quartier de la vigne du château de la Rabatelière, située en bas du jardin. C’était la forme des corvées de métayages adoptée par les châtelains des lieux. Cette vigne du château était importante avec ses 3 hectares environ, mais ils étaient de l’ordre d’une douzaine de métayers astreints à sa culture (16).

Une autre façon de mieux connaître la métairie est de consulter le procès-verbal de la visite faite en 1700 par deux experts : Pierre Navarre, charpentier, Denis Carré, maçon, « demeurant les deux séparément au village de la Brenenière paroisse de Chavagnes ». Pour rédiger le procès-verbal, on avait désigné Me Christophe Basty « notaire de la vicomté et châtellenie de la Rabatelière, demeurant à l’Aizinière (peut-être l'Oiselière) paroisse de Chauché ». La Rabatelière était alors gérée par un fermier judiciaire, nommé après décision du parlement de Paris, lequel avait réclamé le droit de faire faire des réparations au château et dans les bâtiments de quelques métairies. Ceux de la Porcelière en faisait partie.

Les experts y sont venus en août 1700 et ont détaillé les travaux à entreprendre : la maison d’habitation du métayer a un mur « creusé de la grandeur de 2 toises » (1 toise = 1,95 m). Le four « est tout ruiné et il le faut tout refaire ». Des murs du toit aux bœufs et du toit aux brebis sont à reprendre sur 10 toises de longueur. Il faut remplacer 9 chevrons de la toiture de la grange. Au total il faut deux nouvelles portes, deux milliers de tuiles, deux milliers de lattes, et un millier de clous, pour un coût des réparations estimé à 90 livres. À cause de la longue querelle entre les héritiers de Charles II Bruneau de la Rabatelière, mort en 1650, et la poursuite de divers créanciers, les biens de la seigneurie avaient souffert d’un manque d’entretien.  
 
L’obligation d’entretien des couvertures des toits par les métayers est mentionnée dans un bail de 1758, suivant une clause systématique qu’on trouve dans la région. Elle était liée à la nature des couvertures : chaume ou autre végétal séché. Nous savons qu’à la métairie de la Porcelière certains bâtiments avaient un toit en tuiles, probablement la maison d’habitation. Mais ce ne devait pas être le cas de tous, en raison de la fréquence de l’entretien du toit : en général tous les cinq ans. D’ailleurs on précise en 1766 que cela ne concerne que les « bâtiments sujets à couverture ». On relève une particularité dans le bail de 1758 : on fera appel à un ouvrier couvreur.

Ces précisions pour la métairie de la Porcelière nous sont précieuses pour faire le point sur la couverture des bâtiments. Dès la fin du 17e siècle on utilisait la tuile, mais pas pour tous les bâtiments de la ferme. On a la preuve aussi de l’utilisation des tuiles à cette époque à la Racinauzière, la Mancellière et la Roche Mauvin. Mais nous savons que dans les années 1870, il y avait toujours des maisons dont le toit était couvert de chaumes dans les environs de Linières, suivant un texte de Marcel de Brayer, châtelain des lieux. On relève aussi sur le cadastre de 1838 de Saint-André-Goule-d’Oie, l’existence d’une tuilerie près de Fondion, au lieu-dit le Chêne Coupé (voir le tableau d’assemblage du cadastre, accessible sur le site internet des Archives de la Vendée). De même y avait-il avant la Révolution une tuilerie à Languiller, et une autre à la Brossette (Chauché), appartenant au seigneur de Puytesson. Ainsi pendant plusieurs siècles ont coexisté les deux types de matériaux pour couvrir les toits : tuiles et végétal séché. C’est par arrêté du maire de Saint-André-Goule-d’Oie du 15 décembre 1907, en application d’une loi de 1902, que l’utilisation des pailles a été interdites dans les constructions neuves (vue 43 des délibérations municipales numérisées de la commune dans les Archives de la Vendée). Il est intéressant de noter cette date récente dans l’arrêt de cette pratique, même s’il est probable qu’elle était alors devenue rare.

Encyclopédie des Sciences, des Arts et des Métiers
Nous n’avons pas réussi à savoir avec certitude quel végétal on utilisait à Saint-AndréÀ Chauché on relève l’utilisation de genêts en 1611 (17). La tradition orale récente indique aussi l’utilisation de fougère et de genêts. Nous sommes dans le Bocage, et rien ne dit qu’on pratiquait comme dans les pays de marais. À défaut on peut se référer à la célèbre Encyclopédie de d’Alembert au 18e siècle. On y lit qu’« à la campagne, on couvre de chaume ou de paille de seigle non battue au fléau ; après que les faîtes et sous-faîtes sont posées, on y attache avec des gros osiers ou des baguettes de coudrier etc. de grandes perches de chênes, à trois piés de distance [environ un mètre] ; on lie ces perches avec de plus petites qu’on met en travers, et l’on applique là-dessus le chaume ou la paille qu’on fixe avec de bons liens. »

Métayers

En 1659, le métayer s’appelait Jacques Trotin (10), et en 1700 Jean Cousneau (18). En 1728 la métairie de la Porcelière est affermée à Jean Brisseau pour 5 ans, moyennant un prix de ferme annuelle de 110 livres. C’est sa veuve, Renée Deniau, qui paye la ferme en 1733. En 1735 celle-ci a été remplacée par Pierre Fonteneau et sa femme Marie Deniau. La ferme sera renouvelée en 1738 au même prix avec Pierre Fonteneau. En 1745 est signé un nouveau bail, toujours au même prix, avec André Herbreteau, qu’on retrouve dans les livres de comptes du propriétaire jusqu’en 1768 (19).

Si on compare les prix de la ferme à la même date de 1720, entre les métairies de la Roche Mauvin (220 livres pour 38 hectares) et de la Porcelière (110 livres pour 32 hectares), la surface ne peut pas à elle seule expliquer la différence. Nous savons que la qualité comparée des terres, faite par estimation de leurs valeurs par les mêmes experts en 1659, est un deuxième facteur d’explication. Et il y en a un troisième à la Porcelière : le poids des rentes supportées sur la métairie par le métayer, plus élevé qu’à la Roche Mauvin, même si une partie est due à la même personne que le bailleur. Néanmoins, en additionnant ces trois facteurs de différenciation, on a du mal à croire qu’ils puissent justifier ensemble cet écart de 100 livres entre les deux prix de ferme.   

Le 28 mai 1758, le métayer s’appelle André Herbreteau. Ce jour-là il signe un renouvellement de son bail pour cinq nouvelles années (1759-1764), dont le prix est toujours de 110 livres (20). Il payait sa ferme à terme échu à la Saint-Georges. Les menus suffrages avaient diminué : 10 livres de beurre et 4 poulets au mois de mai, et 2 chapons à la Toussaint.

La culture du quartier de vigne du château de la Rabatelière existe toujours, et le sera encore longtemps.

André Herbreteau, s’était marié à Saint-André le 27 juin 1746 (vue 42 du registre paroissial accessible sur le site internet des Archives de la Vendée) avec Marguerite Robin, originaire de Chauché. Ils avaient eu six enfants : Marie (décédée 7 jours après la naissance), André, Mathurin, Jean, Marie, et Charles. André Herbreteau est mort à l’âge de 56 ans à Saint-André le 10 juin 1761 (vue 192).

Sa femme était restée sur la métairie, aidée de son fils aîné, âgé de 13 ans à la mort de son père. Elle signe un nouveau bail le 1e octobre 1766, s’engageant avec son fils André en communauté, pour cinq ans (1766-1771). Le prix de la ferme est toujours le même : 110 livres (21). Comme d’habitude il est signé avec effet rétroactif à la Saint-Georges précédente (23 avril). La raison tient à la présence épisodique des bailleurs dans leur château de la Rabatelière, habitant plutôt leur résidence principale à Nantes ou à la Clartière près de Machecoul, dont ils étaient aussi seigneurs.

Appareil pour brayer le lin
Dans le bail du 10 juillet 1771 aux mêmes Marguerite Robin et à son fils André Herbreteau, on remarque deux nouveautés (22). Le prix de la ferme a changé : 130 livres par an, mais les menus suffrages restent inchangés. Sa durée aussi a changé : 7 années (1771-1778) au lieu de 5. À une époque où la précarité des métayers sur leur exploitation était fréquente, cela vaut la peine d’être relevé en faveur de Marguerite Robin et de son fils. Il ne suffisait pas d’être chargé de famille pour rester sur la métairie, il fallait « qu’elle tourne », surtout avec les obligations habituelles du bail comme la culture de la vigne « qui est au bas du jardin du château de la Rabatelière ». Et face aux dures nécessités de la vie, on voit que la veuve devenait chef de famille dans ce rôle normalement réservé aux hommes. Elle n’a pas besoin de tuteur juridique pour cela. Alors qu’en 1823, les deux veuves Chaigneau et Godard, qui tenaient la métairie de la Mauvelonnière (Chauché), ont dû donner une procuration à un oncle pour qu’il signe en leur nom le renouvellement de leur bail (23). Entre temps, Napoléon était passé par là avec son nouveau code civil.

Il y avait dans chaque bail une clause pour l’habituelle corvée des métayers, alors que les corvées seigneuriales avaient disparu depuis longtemps à la Porcelière, comme nous le savons. En 1771 le texte du bail devient plus précis pour cette métairie, alors que les bailleurs n’habitent pas sur place, mais il y a les officiers et le régisseur. Les femmes sont appelées au château de la Rabatelière « à venir y faire les lessives, les laver, brayer les lins, pesseler et peigner, seront aussi tenus à tous charrois dont sera besoin pour la démolition et rétablissement des bâtiments de ladite métairie ». Le brayage du lin, exécuté après le rouissage des fibres dans l’eau, avait pour but de les assouplir en les isolants de leur partie ligneuse. Elles étaient ensuite peignées avec des peignes de plus en plus fins pour les séparer entre elles.

Le 12 mars 1781, René Thomas Montaudouin écrit un billet pour le notaire de Saint-Fulgent, Mathurin Thoumazeau, en vue de rédiger le nouveau bail de la métairie de la Porcelière, fixant ses instructions (24). Il prévoit un bail de 9 ans (1781-1790) pour le prix de ferme annuel de 250 livres. La hausse est rude mais probablement en partie artificielle, due à un regroupement de lignes sur les recettes de la métairie. Au lieu d’en avoir deux, l’une pour la part des rentes seigneuriales et l’autre pour le prix de ferme, il a dû tout regrouper sur la deuxième ligne. À la veille de la suppression des droits seigneuriaux, la mesure est intelligente, néanmoins qui pouvait prévoir l’évènement ? Il termine en écrivant : « M. Thoumazeau notaire à Saint-Fulgent fera la ferme de la métairie ci-dessus aux conditions susdites et autres usitées, que je signerai à mon premier voyage à la Rabatelière ».

Dans la continuité, les fermiers sont André Herbreteau, que nous avons vu à l’âge 13 ans aider sa mère sur la métairie. Il s’est marié à Saint-André avec Jeanne Rondeau le 11 février 1767 (vue 248). Il est en communauté avec son frère Mathurin Herbreteau. Ce dernier s’est marié à la Rabatelière le 25 février 1778 (vue 130) , avec Marie Allain. 

Acquisition par les métayers

La métairie avait échu au lot d’Élisabeth Montaudouin, épouse de Charles du Plessis, seigneur de Grenedan, dans un partage au sein de la famille en 1779. Elle en avait confié la gestion à son neveu sur place, René Thomas Montaudouin. Le regroupement des redevances et de la ferme en un même montant s’expliquerait par l’attribution des mêmes objets dans le lot de la succession au même propriétaire. La succession des biens d’Élisabeth Montaudouin se compliqua plus tard à cause de l’émigration de certains de ses fils et de ses petits-fils, dont les biens furent confisqués. Pour la régler, il fallut opérer un partage des biens entre les cohéritiers restés en France, et la République étant aux droits des héritiers émigrés. Or la loi du 1e floréal de l’an III déclarait seul compétent le département du domicile de l’émigré ou son parent, pour les successions indivises avec les émigrés. Ainsi le comité de législation de la Convention Nationale, saisi par le « citoyen Duplessis », ayant des biens indivis avec des émigrés, pour fixer un lieu central de partage de 8 successions composées de biens situées en plus de 20 districts, décida le 29 prairial l’an III (17-6-1795) que le département d’Ille-et-Vilaine serait le seul compétent pour les successions indivises avec le citoyen Duplessis et autres cohéritiers. Les autres départements concernés étaient la Vendée, la Loire-Inférieure, le Morbihan, le Finistère, les Côtes-du-Nord, et Paris. Les opérations nombreuses de recensement et d’évaluation des biens situés dans les sept départements concernés furent pilotées de Rennes. La métairie de la Porcelière ne fut pas comprise dans les lots échus aux héritiers de la famille. On en déduit qu’elle passa entre les mains de la République (25).

Mais la documentation conservée ne décrit pas le lot attribué à la République. Et le 25 novembre 1799, eut lieu à Montaigu la mise en adjudication par enchère publique du bail de trois ans de la borderie de la Porcelière « provenant de Montaudouin émigré » (26). Ce texte n’est pas à prendre au pied de la lettre, car la métairie n’avait pas été partagée en 1779 au sein de la famille Montaudouin pour créer une borderie détachée de la métairie. Nous avons un bail de 1781 qui le prouve. Mais à Montaigu on ne connaissait que Montaudouin, les du Plessis étant d’Ille-et-Vilaine. C’est Jean Bordron fils qui l’emporta pour un fermage annuel de 100 F par an, « payé en numéraire, grains ou fourrages ». Le prix est particulièrement faible ! On a l’exemple des fermes du bourg de Saint-André et de la Gagnolière (Essarts) qui, à la même période, se louaient à un niveau de prix quatre fois plus élevé. Pour ce prix il convenait de la désigner comme borderie plutôt que métairie sans doute. Surnommé « la couette », Jean Bordron était le fils du premier maire de Saint-André-Goule-d’Oie en 1791. Il vivait ses dernières semaines d’agent communal de Saint-André (maire), nommé à ce poste par les autorités républicaines du canton de Saint-Fulgent en septembre 1797. François Bossard de Chauché s’était porté caution pour obtenir cette ferme. Lui-même avait obtenu une caution de Joseph Guyet (châtelain de Linières) pour un achat de bien national à Chauché. C’est que la caution était obligatoire et on devait s’arranger pour cela entre acheteurs de biens nationaux, peu nombreux dans la contrée.

Mais il dut y avoir des contestations des membres de la famille ayant abouti favorablement, ou des échanges, puisque la métairie de la Porcelière faisait partie de la succession d’Agathe du Plessis lors de son partage de 1804. Celle-ci était la fille d’Élisabeth Montaudouin (sœur de René III Montaudouin) et de Charles Marie René du Plessis de Grenedan. Et la fille d’Agathe du Plessis, Marie Anne Caroline du Plessis de Grenedan, épouse de Marie Ange du Breil de Portbriand, vendit la métairie de la Porcelière le 30 floréal an 13 (20 mai 1805) à ses métayers. Habitant Rennes, elle donna une procuration à cet effet au fidèle Pierre Maindron (de la Chapelle de Chauché) pour la représenter chez le notaire Bouron de Chavagnes (27). Les métayers payèrent comptant 1es 10 000 F du prix d’acquisition, plus la charge d’une rente due sur la métairie par le propriétaire, et convenue lors d’un partage de succession de l’année précédente dans la famille du Plessis. Les métayers acquéreurs sont trois :
-        André Herbreteau et ses enfants pour 2/5
-        Mathurin Herbreteau et ses enfants pour 2/5
-        Marie Herbreteau pour 1/5

André Herbreteau est décédé à Saint-André le 26 juillet 1816 (vue 282), et son frère Mathurin est décédé le 27 octobre 1823 (vue 341). 

Les droits féodaux et la Révolution


Élargissons maintenant notre récit au-delà de la seule métairie de la Porcelière. La déclaration fiscale de 1783 du châtelain de la Rabatelière, pour l’impôt dit du vingtième, est instructive (28). Ses revenus déclarés sont agrégés par nature et par paroisse comprenant toutes ses métairies. En se concentrant sur les quatre paroisses où se trouvaient 7 métairies et 10 borderies, on en tire des informations sur la répartition relative des natures de revenus. Les quatre paroisses sont la Rabatelière, Chavagnes, Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie.

David : Serment du Jeu de Paume
On sait que les grosses rentes équivalent aux terrages dans leur nature, et sont les principales redevances seigneuriales, totalisant 30 % à elles deux du total des revenus. D’ailleurs quand elles sont plus faibles comme à Chauché (19 % du total), c’est au profit du fermage. Le prix de ce dernier en tenait compte comme on sait. Les fermages et rentes-terrages totalisent 90 % des revenus.

Les lods et ventes, liés aux transferts de propriétés, rapportent peu cette année-là : 2,2 %.

Les autres devoirs féodaux paraissent ici élevés (7,8 %), mais à cause des revenus du château, moulins et complants de vigne qui y sont regroupés sur la Rabatelière. Si on enlève ces trois derniers éléments, il reste les cens et petites rentes, qui ne représentent que 1,9 % du total des revenus.

C’est l’occasion de rappeler ici que la suppression des droits seigneuriaux n’a eu qu’un faible impact financier de manière générale, et il ne fut effectif qu’à partir de 1792. Et ceci sauf dans des régions comme la nôtre à cause des terrages (ou champart) aux montants importants. Sa suppression a bénéficié aux propriétaires exploitant leurs terres, car l’impôt foncier le remplaçant était nettement moins élevé. Quant aux propriétaires louant leurs terres, ils répercutèrent dans les fermages la diminution des rentes et terrages. Au final, les possesseurs de redevances seigneuriales qui ont significativement perdu dans notre région à terrage élevé, sont ceux qui n’avaient que des redevances et pas de métairies.

Mais alors est-ce à dire qu’on a exagéré l’impact de cette suppression des droits seigneuriaux ? D’abord ceux-ci ne se résumaient pas qu’à des redevances et à leur aspect financier. D’autres droits, honorifiques et autres, donnaient à son possesseur une place à part et privilégiée dans la société, notamment le droit de juridiction lié à ces droits. Citons à titre d’exemple le droit de ban de vin, qui donnait au seigneur l’exclusivité pendant 40 jours de la vente de son vin, à partir d’une date qu’il fixait lui-même. Plus que les redevances, c’est surtout le pouvoir seigneurial qu’on rejeta.

Ensuite l’aspect humain de la question compte. Il est significatif de constater que dans le Bas-Poitou les relations des gens de la noblesse avec le reste de la population ne soulevaient généralement pas de difficultés, que le noble habite sur place comme Jean de Vaugiraud dans le bourg de Saint-André, ou qu’il habite à Nantes comme Thomas René de Montaudouin, seigneur de la Rabatelière. On sait que dans d’autres régions ces relations se sont révélées très tendues et qu’on a brûlé des châteaux pour accompagner la suppression des privilèges de la noblesse.

Mais le plus important est sans doute dans les circonstances. La grande peur de l’été 1789 ne fut pas générale, et la contrée ne la connut pas autour du château de la Rabatelière, ni probablement autour de ceux des Essarts et de Saint-Fulgent (leurs archives ont brûlé avec eux pendant la guerre de Vendée). L’idée de complot aristocratique qui animait cette panique fut ignorée à la Porcelière et aux alentours. 


(1) Inventaire après-décès en 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 121.
(2) Ibid. page 151.
(3) Ferme du 11-12-1750 de la borderie de la Porcelière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/113. 
(4) Inventaire après-décès, ibid. page 144
(5) Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, vente du 4-7-1790 d’une portion de borderie à la Bourolière et Porcelière de Jean Herbreteau à Mathurin Trotin.
(6) 3 E 30/13, achat de 1/6 de maison à la Porcelière par M. Herbreteau à Blandin le 27-11-1791.
(7) 3 E 30/13, vente à réméré du 25-6-1790 d’une petite borderie à la Porcelière de Joseph Herbreteau à André Herbreteau.
(8) 3 E 30/12, vente du 3-1-1788 d’une petite borderie à la Porcelière par Jean Marchand, Jacques et Pierre Guesdon, à Mathurin et Jean Herbreteau.
(9) Contrat de mariage du 15-1-1767 d’André Herbreteau et Jeanne Rondeau, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/119.
(10) Arrentement du 31-1-1768 d’une ½ de borderie à la Porcelière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/120.
(11) 3 E 30/2, ferme du 6-12-1744 d’une borderie à la Porcelière de Jean Chacun à Jean Brisseau.
(12) Guy de Raignac, De châteaux en logis, itinéraire des familles de la Vendée, Éditions Bonnefonds (1989).
(13) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 13-4, arpentements et estimations en octobre 1659 du château de la Rabatelière et autres terres jointes.
(14) 150 J/A 12-5, assignation du 27-11-1700 pour le bornage des terres avant l’assèchement du grand étang de Languiller.
(15) Partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 27, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68. 
(16) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 58-12, Rabatelière, partage Montaudouin en 1779.
(17) Dénombrement du 15-6-1611 de la métairie de la Robinerie, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 41.
(18) 150 J/A 12-10, visites en 08 et 09-1700 des réparations à faire dans les domaines de la Rabatelière.
(19) Livre de recettes en argent de la Rabatelière (1730-1768), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/K 1, page 12.
(20) 150 J/E 29, ferme du 28-5-1758 de la Porcelière à André Herbreteau.
(21) 150 J/E 29, ferme du 1-10-1766 de la Porcelière à Marguerite Robin et André Herbreteau fils.
(22) 150 J/E 29, ferme du 10-7-1771 de la Porcelière à Marguerite Robin et André Herbreteau fils.
(23) Bail du 9-11-1823 à Chatry et communauté Godard pour la Mauvelonnière, Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, papiers Guyet : 3 E 30/138.
(24) 150 J/E 29, billet du 12-3-1781 fixant les conditions de la ferme de la Porcelière à André et Mathurin Herbreteau.
(25) Archives de la Vendée, domaines nationaux : 1 Q 342, no 117, partages Montaudouin/Duplessis et République de 1796 et 1797.
(26) Archives de Vendée, baux des biens nationaux : 1 Q 760 no 97, ferme d’une borderie à la Porcelière de Saint-André-Goule-d’Oie le quatre frimaire an huit (25-11-1799).
(27) Achat du 20-5-1805 de la métairie de la Porcelière par les Herbreteau, Archives de Vendée, notaires de Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E 31/22. 
(28) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 57-2, Rabatelière, revenus du château en 1783.

Emmanuel François, tous droits réservés
Août 2016, complété en janvier 2023

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