Installation de la confrérie le 17 juin 1685
C’est Henri de Barillon, évêque
de Luçon, qui est à l’origine de la création à Chauché de la confrérie de la
Charité. L’acte d’établissement est daté du 17 juin 1685, fait par le supérieur
de la congrégation de la Mission, les
Lazaristes, installé à l’évêché, nommé Luchet
(1). Fondée par Vincent de Paul, cette congrégation avait été accueillie dans le
diocèse de Luçon en 1642. Monseigneur de Barillon est connu par son œuvre de
charité. Tout juste entré dans les ordres ecclésiastiques, il avait reçu la
bénédiction du futur saint, Vincent de Paul (2). Et il continua dans son
diocèse l’œuvre de ce dernier, qui avait fondé
quelques
dizaines d’années auparavant aussi la Compagnie des Filles de la Charité
. L’évêque est à l’origine de 108 confréries
de la Charité dans son diocèse (3), et créa aussi deux écoles secondaires pour
jeunes filles. M.
Vincent avait fondé ses ordres charitables (Filles de la Charité, Salpêtrière,
Enfants trouvés) dans les années 1630 pour réagir à la misère des temps et à l’effacement
des institutions médiévales d’assistance.
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Paul Boisson (1951), photo
conservée aux
Archives du diocèse de Luçon
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Le grand registre de la confrérie de la Charité de la paroisse Saint-Christophe
de Chauché, a déjà fait l’objet de courtes publications. Il comprend 174 pages,
dont 120 pages d’écritures de recettes et de dépenses. On y trouve aussi le
règlement de la confrérie, avec des éclaircissements et des recommandations sur
la manière de traiter les malades, des actes de visites de l’évêque, des noms
des officières, des sœurs, et un inventaire des rentes qui lui étaient dues. Le
tout a été copié, probablement dans les années 1970, avec son écriture facile à
lire, par l’abbé Paul Boisson, professeur au petit séminaire de
Chavagnes-en-Paillers. Il a laissé avec cette copie quelques réflexions dans
ses notes, le tout conservé dans les archives de l’évêché de Luçon. L’étude
détaillée du dossier nous fait découvrir à travers l’action de charité, la
pauvreté elle-même et les mœurs de l’époque. Mais pourquoi à Chauché ?
L’évêque pouvait y compter sur le
curé, Eustache Madeline. Il pouvait aussi compter surtout sur une paroissienne
particulièrement généreuse, Jeanne de Gastinière, la veuve (depuis 1676) de
Gabriel Prevost, seigneur du Bignon à Chauché, petit fief relevant de la Jarrie
et Merlatière (4). Pour lancer l’institution, elle donna tout de suite 200
livres, et promit de doubler la somme dans les cinq années à venir. De plus,
elle donna à la confrérie deux rentes annuelles de 19 boisseaux de seigle au
total, plus une rente annuelle en argent de 5 livres 15 sols. Au jour de
l’installation, l’évêque donna 22 livres à titre personnel, et son
représentant, Luchet, donna 5 livres.
Cette installation se fit au sein
de l’assemblée des premières dames adhérentes à la confrérie. Et on y élit à
l’unanimité la bienfaitrice, Jeanne de Gastinière, comme supérieure. Simone
Marie de Veronnière, épouse de Christophe Basty, fut élue trésorière. Anne
Rangouneau, veuve de Louis Basty, sieur de Maurepas, fut élue garde-meuble.
L’on désigna aussi le procureur
de la confrérie, poste occupé nécessairement par un homme, le seul de la
confrérie, puisqu’il la représentait pour signer des actes chez le notaire par
exemple. De plus, il avait officiellement un rôle de comptable et de secrétaire,
quoiqu’à Chauché le curé prenait souvent cette place, habitué qu’il était à
diriger la confrérie. En 1685, on désigna dans cette fonction communément
appelé procureur de la charité ou procureur des pauvres, maître Jacques
Basty, sieur de la Perrauderie, le beau-frère d’Anne Rangounneau, alors âgé de
50 ans. Au jour de sa désignation dans sa nouvelle fonction, il fit don à la
confrérie d’une rente de 8 boisseaux de seigle, mesure de Chauché, qui lui
était due par les héritiers d’André Guerry sur des domaines au Plessis Cougnon
(Chauché).
Les soins aux malades pauvres
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Saint Vincent de Paul
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Cette confrérie avait un double
objet : matériel et spirituel, bien expliqué dans un règlement type
provenant probablement de la congrégation de la Mission. Les membres de la
confrérie devaient porter aux pauvres malades, de quoi se nourrir et se
soigner. Et elles devaient en même temps les suivre « afin de mettre leurs âmes en bon état ». Les malades incurables n’étaient pas éligibles à l’œuvre, celle-ci
étant réservée aux pauvres ayant des maladies passagères. Les malades
incurables « épuiseraient bientôt les petits fonds de la confrérie par
leurs longues maladies ». Ils étaient suivis normalement par le curé, qui
sollicitait à cet effet l’aide de « quelques vertueuses et charitables
familles de noblesse ou de bons bourgeois »,
et faisait des quêtes spéciales. Et puis il existait depuis longtemps des
« maladreries », qui étaient des hôpitaux pour les malades atteints
de maladies contagieuses comme la lèpre. On a pu compter jusqu’à 24
établissements dans le Bas-Poitou au 17e siècle s’occupant des
malades (5).
Les sœurs de la charité, dûment
autorisées de leurs pères ou maris, apportaient de la nourriture aux malades,
chacune sa semaine à tour de rôle. Des précautions pour les pestiférés devaient
les protéger. Sur ce point il faut noter la dimension dramatique de l’action de
charité à cause des épidémies. Monseigneur de Barillon indique lui-même qu’en
1686, il est décédé 36 prêtres dans son diocèse, dont 21 curés. Plusieurs sont
morts en assistant les malades de leurs paroisses. En 1687 « il en est
mort 24 dans cette année, dont 15 curés, plusieurs en assistant les
malades » (6). Le pourpre (7) et la dysenterie furent à l’origine de
l’épidémie aux dires de l’évêque.
Il était recommandé de ne pas
donner d’argent, et d’assister les malades chez eux, c’est à dire sans les
recevoir chez soi. On préférait, pour des raisons d’économie, faire donner aux
malades les lavements et les « médecines » (médicaments), par quelque femme en capacité de le faire gratuitement par charité.
Sinon on passait un marché avec un chirurgien et un apothicaire, « ou même
avec le médecin s’il y en a un qui ne soit pas trop éloigné ». Rappelons
que le chirurgien, jusque vers le milieu du 18e siècle, pratiquait
des actes sur le corps, après apprentissage et le plus souvent sans étude de
médecine à l’université. Les médecins, diplômés de l’université, étaient plus
rares (8).
À l’instant du sacrement de
l’extrême-onction, la garde-meuble prêtait « pour cela deux chandeliers,
deux cierges, un crucifix, une nappe et même un drap blanc pour mettre sur le
lit des malades ». Si un malade décédait, la sœur « aura soin de
l’ensevelir ou de le faire ensevelir. On lui fournira pour cela un linceul s’il
n’en a aucun ».
Cette implication très forte en
pratique, était autant spirituelle que matérielle pour les dames et les filles
de la charité qu’on appelait à Chauché les sœurs
de la charité. C’est Jésus Christ qu’elle servait « en la personne des
pauvres malades », est-il écrit dans le règlement, et ceux-ci « sont les membres infirmes de
Jésus Christ ». « Elles assisteront aussi en corps lorsqu’elles le
pourront à l’enterrement des pauvres qu’elles auront assistés, et feront
célébrer une messe basse pour eux ». Elles devaient participer à la
procession spéciale de la confrérie une fois par mois après les vêpres d’un
dimanche, et faire dire une messe par mois. L’assistance et l’entraide entre
elles faisaient partie de leur engagement. « Et elles souviendront que le
tout est sans aucune obligation à péché ni mortel ni véniel », c'est à dire un vrai don de soi.
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Le Nain : Repas
de paysans
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Le règlement était très précis
sur les soins à donner aux malades. Ainsi chaque repas type comportait du pain
en quantité suffisante, 5 onces (environ 150 grammes) de viande de veau ou mouton,
ou un peu de volaille, un « setier » de vin (environ un quart de
litre). Aux jours maigres « on leur donnera, outre le pain, le vin et le
potage, un couple d’œufs et un peu de beurre ».
« Pour ce qui est de ceux qui ne pourront manger de viandes solides, on
leur donnera des bouillons et des œufs frais quatre fois le jour, et une garde
à ceux qui seront à l’extrémité, et qui n’auront personne pour les veiller ». Ce régime alimentaire
est un peu moins riche que celui du collège des jésuites un siècle plus tôt à
Paris, où on servait 6 onces de viande au souper (9).
À Chauché on s’écartera des
prescriptions précises de ce règlement d’origine au cours du 18e
siècle. Parfois on distribua du blé directement, quitte à laisser le soin aux
entourages des malades à le faire moudre. Surtout on investit dans la
fabrication des vêtements distribués aux pauvres malades. C’est que la
confrérie recevait parfois de certains paroissiens des dons en nature, lin et
laine. Alors les sœurs donnaient, moyennant finances, à brayer le lin, carder
la laine, puis à peigner et filer les fibres. On commandait la confection des
étoffes, toiles, étoupes (mélange de fibres incluant des fils courts de lin) à
un tisserand du bourg. Puis un tailleur fabriquait les « hardes »
(habits) ou des « bernes » (grosses couvertures).
L’organisation de la confrérie de la charité
Trois officières dirigeaient la confrérie par un mandat, renouvelable, de
deux à trois années, mais « de l’avis toujours de M. le curé ». Elles
choisissaient le procureur, « un homme de la paroisse, pieux, charitable
et d’une vie exemplaire ».
La supérieure veillait au respect
du règlement, et décidait « en
concertation avec les autres officières » de la prise en charge des
malades et de son terme.
La trésorière gardait en sa
maison l’argent de la confrérie en un petit coffre à deux serrures différentes.
Elle en gardait une clef, ainsi qu’une clef du tronc dans l’église paroissiale
dédié aux dons de charité, les deux autres clefs étant gardées par la
supérieure. Elle disposait d’un peu d’argent donné aux sœurs pour les cas
d’urgence.
La garde-meuble était la
dépositaire principalement du linge mis à la disposition des malades, qu’elle
lavait et raccommodait. Ce linge devait porter une « marque que l’on
connaisse facilement ».
M. le curé devait assembler les
sœurs une fois par mois, le dimanche immédiatement après la procession de la
charité, qui avait lieu à l’issue des vêpres. On devait y parler de
l’observation du règlement, et écouter l’exhortation du curé à de « plus
en plus » de charité. On y évoquait des difficultés éventuelles, et on
ouvrait le tronc dans l’église. Celui-ci recueillait les dons anonymes et le
produit des quêtes. Le curé rédigeait sur les deux livres de la confrérie,
chaque mois, les comptes de dépenses et de recettes. Ceux-ci servaient,
presque uniquement, à suivre les sommes dépensées de celles mises en réserve
dans le coffre à deux serrures de la trésorière, et de celles gardées en avance
de trésorerie pour des dépenses d’urgence à venir. Lors de ses visites
pastorales, l’évêque recevait la confrérie assemblée, et des procès-verbaux
font état de son contrôle des comptes. À moins que celui-ci n’ait lieu par la
visite spéciale d’un responsable de l’évêché, véritable cour des comptes avant l’heure.
Le curé veillait au recrutement
et renouvellement des sœurs reçues en l’assemblée. Celles-ci élisaient les
officières « par suffrages communs ou à voix secrètes comme on le juge
plus à propos », le lendemain de la Pentecôte suivant le règlement. On
laissait le procureur « dans son charitable emploi autant de temps qu’il
l’a pour agréable et qu’on s’en trouve bien ».
La manière de traiter les malades
Les recommandations données aux
sœurs de la charité méritent attention, car elles ne nous renseignent pas seulement
sur cette œuvre originale vue d’aujourd’hui. En même temps elles nous parlent
de leur époque : la fin du 17e siècle. C’est ainsi que le vin a
un rôle thérapeutique, quoique à surveiller de près : « L’on ne donne
du vin qu’à ceux qui en ont besoin à cause de leur vieillesse, faiblesse ou
débilité, et qui n’ont point de fièvre. L’on n’en donne point aux jeunes
garçons ni aux jeunes filles ».
On sait par ailleurs, mais ce que le règlement de la charité ignorait, que le
vin a pu sauver des vies dans ces temps anciens, en remplaçant comme boisson
certaines eaux non potables.
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En revanche, quelle modernité
dans cette préconisation de diététique : « L’on ne met dans le potage
des malades ni choux ni poireaux, mais bien de bonnes herbes, autant qu’on en
pourra trouver. Le
poireau a depuis une meilleure réputation diététique. L’on ne met pas non plus ni bœuf ni lard au pot des dits
malades, au moins ordinairement (de préférence veau et mouton, voire volaille)…
Quand le malade ne prend que des bouillons, un collet de mouton ou une poitrine
de veau sont les meilleurs endroits pour faire des bouillons. » Lorsque le
mouton et le veau seront fort chers, et qu’on le juge à propos, l’on se
contentera de donner du bœuf aux pauvres convalescents. Et l’on recommande de
ne pas trop donner à manger aux malades, parce que cela « les ferait
bientôt retomber ».
L’heure des repas sous le règne
de Louis XIV nous est rappelée, calée sur la lumière du jour. L’heure la plus
convenable des malades pour le « dîner » (déjeuner) en été est vers
les 9 h à 10 h, et pour le « souper » (dîner) à 6 h. Il
faut ajouter 2 heures de temps pour traduire ces horaires dans l’horaire d’été
introduit en France depuis 1976 (10). En hiver pour le
dîner sur les 10 h à 11 h, et pour le souper vers les 5 h du soir. Au matin on
recommandait de « donner quelque chose à déjeuner, et à 3 heures
après-midi » aussi « afin qu’ils ne languissent point ». En cas
de fièvre, il fallait adapter les horaires aux périodes de rémission, « encore
leur donnera-t-on très peu à manger, de crainte de donner de la nourriture à la
fièvre ».
On a tellement écrit sur le
manque d’hygiène des temps anciens dans les campagnes, qu’on est heureux pour
nos ancêtres des conseils qui suivent : « s’ils ont froid ou le
frisson, l’on aura soin de les réchauffer et de les bien faire couvrir, et
s’ils suent de les essuyer, et surtout de les tenir toujours le plus proprement
et nettement que l’on pourra. Et pour ce sujet qu’il y ait du linge blanc, plus
que moins, surtout des draps, des chemises, des serviettes, des coiffes et des
mouchoirs ».
L’époque avait ses préjugés, elle
aussi : « si le malade est un homme qui n’ait point de femme, l’on
priera quelques femmes âgées d’en prendre soin. Les jeunes filles n’iront point
seules voir les hommes ou garçons, mais elles iront bien accompagnées de leurs
mères ou d’autres personnes de probité ».
La comptabilité du registre de la confrérie
Le registre de la confrérie de la Charité de la paroisse Saint-Christophe
de Chauché reproduit les informations que nous avons données jusqu’ici, et celles
qui suivent. Il comprend dans sa partie la plus longue les comptes de recettes
et de « mises » (dépenses) de 1695 à 1788, près d’un siècle.
Malheureusement ce ne sont pas des comptes d’exploitation modernes, comme ceux
que les marchands vénitiens utilisaient depuis longtemps. Nous n’avons pas de
tableau de chiffres, mais des textes écrits dans le parler de l’époque par le
curé, car c’est lui qui tient la plume, alors que c’est la trésorière qui
compte apparemment.
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Livre comptable
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La partie recette est la plus intéressante, indiquant les montants
trouvés dans le tronc, ceux de dons particuliers et ceux (pas toujours) des
rentes reçues. Une rente en blé est reçue en nature et redonnée comme telle aux
malades, ou vendue pour encaisser la valeur en argent, ou reçue directement en
argent, autant de cas non systématiquement valorisés dans les comptes à notre
disposition. Les montants reçus sont ventilés entre les dépenses en cours et
les mises en caisse. Il y avait une caisse officielle appelée le coffre, car il
n’y avait pas de compte en banque. Il y avait aussi une caisse qui n’en portait
pas le nom : les petits montants laissés entre les mains de la trésorière
pour les dépenses courantes. Et puis s’ajoutaient les sorties d’argent du
coffre pour payer les dépenses, vues comme une recette de trésorerie courante.
Apparemment cette comptabilité avait pour but de s’assurer du non détournement
d’argent, mais pas d’analyser la nature des sommes en mouvement. D’ailleurs les
consignes compliquées et minutieuses de garde des deux clés du coffre et du
tronc, ainsi que de leur ouverture, montrent une bonne prise en compte des
faiblesses humaines. Rien que pour cela, on croit y voir une plume inspirée par
une longue habitude du confessionnal.
Voyons un exemple simple mais représentatif d’un compte de recettes : « Le 5e octobre 1704 a été ouvert le tronc de la Charité,
dans lequel on a trouvé la somme de 5 livres
13 sols, dont on a pris 2 livres 17 sols pour aider à payer la dépense des
derniers mois, et le restant, qui est 2 livres 16 sols, a été mis au coffre de
la Charité. »
Quant aux comptes de dépenses, ils se répétaient beaucoup avec ceux des
recettes, faisant parfois doublon, car eux aussi centrés sur les mêmes flux
d’argent. On lit parfois : « …
et le surplus de la recette a été employé pour les autres besoins de
la confrérie comme il est plus amplement spécifié à l’article de la recette du
présent mois ». De rares fois,
on voit le curé embarrassé à écrire son texte, préciser : « qui s’est trouvé
monté à la somme de 7 livres 13 sols à peu près » ! Ces comptes de dépenses étaient même souvent
moins diserts que les comptes des recettes. En ne comptant qu’épisodiquement
les dons en nature, ces comptes de dépenses du registre, ne nous servent pas à
connaître, même de manière approchée toutes les actions de la confrérie. D’ailleurs ils
ont été abandonnés à partir de 1727, pour n’être repris ensuite que cinq années
seulement avant 1788.
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Tronc d’église
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Cela n’a pas empêché l’évêque de constater que des années 1746 à 1753,
la confrérie avait engrangé 348 livres de recettes et dépensé 92 livres.
On devine qu’une autre comptabilité devait exister, et qui n’est pas reproduite
dans le registre conservé.
En reprenant le compte de dépenses à la même date que ci-dessus du 5
octobre 1704, on a un texte qui, lui, ne fait pas doublon, mais ajoute à la
perplexité : « Le 5e
d’octobre 1704 a été arrêtée la dépense de la trésorière qui s’est trouvée
monter à la somme de 3 livres 16 sols, qui a été payée de la recette de ce jour
et du restant qui était entre les mains de la trésorière. »
Mais heureusement, l’activité est en elle-même bien simple, et n’a pas
besoin d’une comptabilité élaborée pour en suivre les grandes lignes.
Commençons par examiner les recettes provenant des dons dans le tronc de
l’église, et des quêtes. Elles sont le signe de la participation de la
communauté des paroissiens au financement de la confrérie pendant près d’un
siècle.
Les dons à la confrérie
Les sœurs faisaient la quête à
tour de rôle chaque dimanche et fête dans l’église. Il y avait aussi un « tronc pour les pauvres malades de cette
paroisse », suivant son écriteau, « en un lieu de l’église qui
soit en vue », précisait le
règlement. Le tronc recevait le produit des quêtes du dimanche, et on l’ouvrait
chaque mois au cours de l’assemblée des sœurs. Et puis il y avait la quête
annuelle dans « toutes les maisons un peu accommodées de la paroisse, même
en celles qui sont les plus éloignées du bourg ». On y recueillait de
l’argent bien sûr, et aussi diverses sortes de céréales, du beurre, du lin, des
noix, du bois et « d’autres biens que la bonté divine aura fait
recueillir, et même du linge, de la vaisselle, divers ustensiles, des meubles
de quelque qualité qu’elle soit et autres choses utiles aux pauvres malades ».
Le règlement recommandait aussi
d’envoyer une sœur pour demander « civilement
la charité quand quelques personnes de conditions arrivent au bourg ». Les riches se devaient à la charité.
Il exhortait à répandre dans les
testaments des clauses de donation à la confrérie « pour l’amour de Jésus
Christ qui le leur rendra plus qu’au centuple. Ah ! Qu’heureux sont ceux
et celles qui dans leurs testaments laissent quelque part de leurs biens à
notre seigneur, puisque pour récompense il leur fera part de son héritage
céleste ! »
L’Église vivait dans son siècle,
partageant ses travers, et le règlement n’oublie pas d’indiquer qu’on aura
« soin que les juges et magistrats appliquent quelques amendes à (en
faveur de) la confrérie de la charité ». Avec quelque malice, on pourrait
ajouter qu’à défaut d’être toujours juste, l’administration judiciaire pouvait
ainsi se montrer charitable ...
Les comptes conservés ne commencent qu’en mai 1694, et on relève deux
ouvertures du tronc de l’église paroissiale cette année-là, totalisant une
somme modeste de 17 livres 11 sols. Pourtant l’œuvre était fondée depuis 9
années déjà. Il est probable qu’on a là un vide de la documentation. Le curé
Eustache Madeline était encore jeune, et il avait un nouveau vicaire depuis
1692, Clément Thibaud, qui le remplacera en 1696.
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Les années 1694 à 1696 sont des années d’un climat terrible (11). On
n’est pas étonné de constater la faiblesse des montants donnés : seulement
2 livres et 14 livres respectivement pour les années 1695 et 1697. Le froid
très vif de l’hiver 1694 avait suivi les deux années pluvieuses précédentes. 1696
connut un hiver gélif pour une partie des semences, suivi d’un été pourri. 1698
fut une mauvaise année. Les dernières années du 17e siècle et les
premières du 18e siècle, ont vu un climat particulièrement froid et
humide, représentatif de ce qu’on a appelé le Petit Age Glaciaire. La famine et
les maladies décimèrent les populations et augmentèrent la pauvreté. Faut-il y
voir un lien avec la remontée des dons à partir de 1700 ? Manque de moyens
d’une part, pitié accrue d’autre part, ces chiffres à eux seuls sont incapables
de donner une explication sur ces facteurs contradictoires. Ensuite, de
1700 à 1705 les montants annuels trouvés dans le tronc de l’église sont importants :
de 41 livres au minimum et de 60 livres au maximum, avec une moyenne de 53
livres.
On ne retrouvera plus ces montants de manière régulière avant 70 ans,
alors que la monnaie avait subi une petite dévaluation dans la période. Ainsi
de 1777 à 1783, les montants annuels varièrent entre des montants importants de
42 livres à 68 livres, avec une moyenne de 51 livres. Il est assez probable que ces deux séries de chiffres traduisent
l’implication de deux curés de Chauché, Clément Thibaud d’abord, puis Charles
Forestier plus tard.
Le 3 février 1765, on dû constater que le tronc des pauvres dans
l’église avait été forcé, et qu’on avait volé la majeure partie de son contenu.
Le curé Forestier avait été nommé curé de Chauché le 24 décembre précédent,
alors que son prédécesseur (Jude Bellouard) était décédé le 28 novembre d’avant
(Voir le dictionnaire des Vendéens
sur le site internet des Archives de la Vendée). Cette vacance de la cure est
peut-être à l’origine de ce vol. Le tronc fut laissé sur place et on y trouva 6
livres 4 sols 2 deniers le 17 janvier 1768. Raccommodé au printemps suivant, il
sera réutilisé et ouvert régulièrement
à partir du 5 juin 1768.
Le 19 novembre 1780 la quête n’avait rapporté que la modique (selon le
mot du curé) somme de 2 livres, 1 sol et 3 deniers. Et le même jour « a
été mis au coffre de la charité de 12 livres 5 sols 12 deniers qui s’est trouvés
dans le tronc des captifs ». On
est surpris de voir un tronc des
captifs dans l’église paroissiale de Chauché en 1780. L’Église s’occupait
depuis les croisades, c’est-à-dire depuis cinq siècles, de racheter les
chrétiens faits prisonniers par les musulmans sur la méditerranée ou lors de
razzias sur les côtes, et vendus comme esclaves en Orient ou au Maghreb. Elle
organisait l’amas de dons des fidèles à cet effet, et pour faire dire des messes pour la rédemption de ceux qu’on
ne parvenait pas à racheter. L’institution était-elle devenue dépassée en 1780,
ou bien faut-il expliquer le geste du curé par d’autres considérations ?
Enfin on note au fil des comptes
quelques dons de particuliers hors les quêtes et le tronc, peu nombreux.
Monseigneur Barillon donna dans son testament 50 livres à la confrérie de
Chauché. Et puis on trouve d’autres dons de particuliers, testaments
compris, souvent notés anonymement et modestes : 44 sols, 20 livres, 9 livres
12 sols, 1 livre 10 sols, 8 livres 10 sols, 6 livres, 4 livres.
On a un don forcé, révélateur du
sens pratique régnant auprès de l’évêque. Le sacristain de Chauché, Gabriel
Renolleau, avait obtenu une dispense de l’évêché pour se marier (peut-être de publication
de bans pour en accélérer la date, ou de degré de consanguinité prohibé), mais
il fut imposé en retour d’un don obligatoire de 6 livres au profit de la
confrérie de sa paroisse.
Les rentes perçues par la confrérie
On se souvient que Jeanne de Gastinière avait donné 200 livres comptant
au jour de l’installation de la confrérie en 1683. Et elle avait promis de
doubler la somme dans les cinq années à venir. Elle mourut le 16 mai 1695 sans
l’avoir fait, mais elle avait prescrit dans son testament de faire un don de
100 livres à chacune de ses deux filles héritières. La première, Marie Roberte,
née en 1660, mariée avec François Durcot, seigneur de l’Etang (Chavagnes), puis
remariée au seigneur du Bois-Davy (le nom muta en Bois-David plus tard), donna 100 livres en août 1699. Gabrielle,
née en 1664, mariée avec Louis de La Fontenelle, puis remariée au
seigneur du Payré, donna 100 livres en avril 1704.
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Bourg de Chauché
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De plus, les rentes annuelles et perpétuelles, à la mesure de
Chauché, provenant de Jeanne de Gastinière, étaient les suivantes :
1° Rente de 8 boisseaux de seigle
due sur la métairie de la Vrignais (Chauché), celle-ci dépendante de la
chapellenie des Thoumazeau. Elle a été régulièrement payée à la confrérie par
le fermier de la métairie.
2° Rente de 11 boisseaux de seigle
due sur les biens et domaines de François Bousseau, sieur des Filées. En octobre
1704, on constate que son fils Charles Bousseau, sieur des Filées, demeurant à
Saint-Denis, où il était sergent royal, refuse de la payer. Pour cette raison,
il sera assigné en justice par le curé Thibaud. La rente en nature sera
transformée en une rente en argent de 8 livres 16 sols. Avec les arrérages,
celle-ci commencera d’être payée en août 1710 par les ayants droits de Charles
Bousseau, décédé entre temps.
3° Rente de 5 livres 15 sols due
par les héritiers de feu François Chaillou et Marie Anne Dorinière son
épouse, et par les héritiers de feu Mathurin Proust, sieur de la Fosse,
et Jeanne Chaillou son épouse. La rente eut ensuite pour
débiteur un héritier, maître François Auvinet, arquebusier dans le bourg de
Chauché, qui avait épousé Catherine Proust, qui devait 3 livres 5 sols. Et
l’autre partie de la rente, d’un montant de 2 livres 10 sols, était due ensuite
par maître Alexandre Bousseau, sieur du Petit-Fief, à cause de Suzanne Chaillou
son épouse.
4° Rente en
argent de 8 livres 11 sols 4 deniers due par les héritiers de Pierre Basty,
sieur de la Limouzinière (Chauché).
Cette rente provenait du legs du
premier procureur de la Charité, Jacques Basty, sieur de la Perrauderie
(Chauché), dans son testament passé devant le curé de Chauché en date du 14
février 1701. On note ici la capacité des curés à passer des testaments en
concurrence avec les notaires, encore à cette date. Par son testament, Jacques
Basty remplaçait la rente de 8 boisseaux de seigle, promise au jour de l’institution
de la confrérie en 1685, par cette rente en argent.
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Présidial dans
l’ancienne forteresse de Poitiers
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Celle-ci était due par ses neveux, Pierre Basty, sieur de la
Limouzinière, étant son frère. Ceux-ci refusèrent de la payer ensuite et
Charles Basty, l’un d’entre eux, sieur de la Limouzinière, fut condamné à le
faire par le présidial de Poitiers
saisi par le curé Thibaud. En 1721 il dû payer tous les arrérages de 19 années
en versant une somme de 162 livres.
Charles Basty vendit peu après ses biens, domaines, maisons et
jardins situés au bourg de Chauché, avec la
rente due à la Charité, à maître René Forestier, sieur de la Rivière. À la Saint-Georges 1725, c’est ce dernier qui la versa. Il restait néanmoins des
frais de procédure dus à la Charité, que l’acquéreur s’engagea à payer sous
forme d’une rente annuelle de 4 livres. Au total il devait désormais une rente
annuelle de 12 livres 16 sols à la confrérie, devenue 12 livres quelques années
après. Entre temps, l’épouse de René Forestier, Marie Augereau, était devenue
trésorière de la confrérie. Et elle sera élue supérieure le 18 janvier 1761,
étant alors veuve.
Cette rente fut amortie plus tard par Mathurin Forestier qui en
avait fait l’offre à la confrérie le 25 mai 1765. Le 1e juin 1766 l’assemblée
des sœurs décida de justesse d’accepter l’offre : 3 voix contre, 4
absentions, 4 voix pour en comptant le curé et le procureur. Marie Augereau
était absente, probablement pour raison de santé, et elle mourra en 1767 à
l’âge de 71 ans.
Et la Charité versa en 1766 une
somme de 300 livres, provenant de l’amortissement, à
Jean Eusèbe Bousseau, sieur de la Preverie et sénéchal de Beaurepaire,
demeurant au bourg de Bazoges-en-Paillers. Ce dernier constitua alors, sur le « denier
25 » (4 %), une rente de 12 livres par an au profit de la Charité (acte du
notaire apostolique Frappier de Saint-Fulgent du 15-11-1766). Son premier
paiement est du 8 mars 1767. Il gardait la possibilité de la racheter,
moyennant le versement de 25 fois son montant, soit 300 livres.
À raison d’une livre en moyenne par boisseau de seigle, les quatre
rentes apportaient une ressource régulière chaque année de l’ordre de 40 livres
au début du 18e siècle.
Les dépenses de la confrérie
face aux famines et épidémies du 18e siècle dans la contrée
Les années de disette, mortelles pour les personnes, qu’a connue la
France en 1710, 1719 et 1747, apparaissent dans ces comptes. Le curé indique le
4 août 1709 « que l’on a pris au coffre pour acheter du blé pour
soulager les pauvres dans leur grande disette ». En 1710, la recette du
tronc tombe à 7 livres 10 sols, mais les dépenses montent au chiffre élevé de
86 livres 19 sols.
En novembre 1719 on a distribué
une rente de 8 boisseaux de seigle en espèces, ce qui était normalement
interdit par le règlement. En 1720 et 1721, la recette du tronc est nulle,
reprenant en 1722 à un niveau exceptionnel de 45 livres 7 sols.
Le 16 janvier 1752, le curé Jude
Bellouard note : « La cherté du blé a été si grande que l’on n’a pu
faire de quête par la paroisse depuis 3 ans ».
|
Charles Milcendeau : La mère Pageot dans sa
cuisine |
Le curé d’Aubigny a écrit dans
son registre paroissial des notes tout à fait intéressantes sur les fortes
pluies de 1751, la cherté de la vie en 1752 et la sécheresse et épidémie de
1753. On peut les lire sur le site internet des Archives départementales de la
Vendée, en accédant aux notes relevées par l’archiviste concernant les calamités
du temps pour les années 1665, 1751 et 1753 à Aubigny. Ces notes se trouvent
dans les rapports et délibérations du Conseil Général de la Vendée, année 1898,
2
e partie, chapitre
II, p. 62-66. On y accède aussi par la référence suivante : 4 Num 220/166,
vues 268-272
.
Dans les années 1760/1765, on a une crise frumentaire à Chauché, qu’on
n’a pas pu relier à semblable phénomène étudié au niveau national. D’abord la Confrérie
est obligée d’acheter le boisseau de seigle à 2 livres 2 sols 2 deniers en
juillet 1760, le curé indiquant la cherté du blé à cette occasion dans son
texte. De 1699 à 1721 on avait des valeurs pratiquées à Chauché de 1 livre 6
sols à 1 livre 16 sols, avec un effondrement à 16 sols le boisseau de seigle en
décembre 1718. En 1762, le boisseau était revenu à 1 livre 10 sols, que se faisait
payer le fermier du Boisreau (Chauché). Mais à nouveau en 1765 et 1770, le prix
était monté à 2 livres et un peu plus.
La littérature historique donne des variations plus fortes, sur les
périodes courtes de spéculation, que celles rencontrées ici. Peut-être que les
prix étaient plus sensibles sur les foires et marchés des villes qu’en campagne, subissant des effets de stock plus forts que
sur les lieux de production.
D’autant qu’il n’y avait pas de marché au sens que les économistes libéraux
donnent à cette notion, faute d’une circulation suffisante des denrées d’une
région à l’autre. Les déséquilibres de l’offre et de la demande n’étaient pas
régulés par les prix, la variation de ceux-ci ne faisant qu’aggraver les effets
de la crise.
Le 11 mai 1762, lors d’une visite pastorale, l’évêque de Luçon,
Jacquemet Gautier d’Ancize, décide d’un important achat de grains, d’un montant
de 100 livres, « pour la nourriture des pauvres les plus nécessiteux, et
celle de 50 livres en étoffes et hardes pour les vêtir ».
Ensuite, l’indication des
dépenses reprend dans le registre pour les deux années 1765 et 1766, et pour
des montants élevés : 54 livres et 79 livres. De plus, on fait une chose
qui n’est marquée que deux fois dans le registre, et contraire au règlement on
distribue de l’argent : « on y a pris 50 livres 15 sols en liards
(pièces de 3 deniers), qu’on a distribués et qu’on distribuera aux plus
nécessiteux de la paroisse, ainsi qu’il est convenu par les sœurs, le sieur
Royer (le procureur) et moi (le
nouveau curé Forestier) » (compte de dépense du 2 juin 1765).
L’épidémie de dysenterie de la fin
d’année 1779, ressentie cette année-là à Chavagnes et Saint-André-Goule-d’Oie,
ne semble pas avoir étendu ses méfaits à la Rabatelière, ou du moins en faible
proportion. À Chauché, elle fut notée sur le registre paroissial par le curé
comme une « maladie contagieuse ». On y compta 19 morts en septembre,
13 en octobre et 9 en novembre, soit un total de 41 morts, à comparer aux 78 morts
à Saint-André pour la même période. Malheureusement les comptes de dépenses de
la confrérie sont muets pour cette période.
Il en est de même pour une autre
épidémie constatée par le nombre de décès sur le registre de Saint-André de
février à mai 1784 : 42 morts, et sur celui de Chauché : 45 morts.
Nous avons dit que les contrôles
de l’évêché dans les comptes de la charité, se sont faits sur des chiffres qui
ne sont pas reproduits dans les comptes du registre passés à la postérité. Et nous
avons des totaux intéressants à noter lors de deux visites épiscopales. D’abord
en mai 1753, l’évêque remonte à 7 années antérieures. Le total des ressources
de la période se monte à 348 livres, et celui des dépenses à 92 livres, d’où un
boni laissé dans le coffre de 256 livres. En 1778, le contrôle a porté sur les 16
années précédentes, de mai 1762 à septembre 1778. Les ressources de la période
se montent à 925 livres, et les dépenses à 903 livres, d’où un boni laissé au
coffre de 22 livres.
On constate ainsi que dans le
troisième quart du siècle, les ressources moyennes annuelles sont de 58 livres.
Si on retient une valeur de 40 livres provenant des rentes, il reste environ 18
livres par an provenant des dons des fidèles. Quant aux dépenses, elles passent
d’un niveau faible de 13 livres en moyenne annuelle en 1746/1753, à 56 livres
en 1762/1778 (avec l’arrivée du curé Charles Forestier). Cependant il faut
prendre ces chiffres avec précaution, n’étant pas sûr qu’ils intègrent toutes
les valeurs de ressources et dépenses en nature.
Les responsables et les sœurs de la charité
Les vrais directeurs de la
confrérie de Chauché étaient les curés de la paroisse. Le premier est Eustache
Madeline, originaire du Calvados et âgé de 34 ans au moment de l’installation
de l’institution. Le registre conservé de la confrérie ne porte aucune trace de
son activité, mais son rôle dans l’origine de l’œuvre a dû être déterminant.
Il eut un nouveau vicaire en 1692, Clément Thibaud. C’est ce dernier
qui écrivit les premiers comptes sur le registre à notre disposition. Il y
signe comme curé de Chauché à partir du premier janvier 1696, alors qu’Eustache
Madeline est décédé plus tard, le 5 juillet 1699, âgé de 50 ans. Il entreprit
des travaux à la sacristie et dans l’église en 1699 : « J'ay fait faire, cette
année 1699, la sacristie de Chauché et le grand coffre qui est dedans avec les
tirettes, et blanchir le cœur de l’église, et fait marché pour faire le grand
autel », note-t-il à la fin du
registre de 1699. Clément
Thibaud est mort en son presbytère de Chauché le 28 décembre 1744 (vue 158 sur
le registre numérisé), apposant sa dernière signature sur le registre
paroissial au mois de juillet précédent.
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Jansénius
|
Jude Bellouard lui succéda en mars 1745. Mais les comptes de dépenses
du registre n’existent pas sous son ministère, comme ce fut le cas avec son
prédécesseur de 1727 à 1744. L’abbé Boisson, transcripteur du registre, note
que Jude Bellouard
ne tient
pas son registre avec la netteté et l’application de son prédécesseur, « mais
cette œuvre de charité lui tient manifestement à cœur », ajoute-t-il. Les
comptes mal écrits, selon lui, lui paraissent avoir été victimes de
distractions, et semble-t-il aussi d’une mauvaise vue. S’agissant de
l’appréciation d’un professeur du petit séminaire de Chavagnes, il faut bien
sûr la prendre en considération. Par ailleurs, Jude Bellouard est connu pour
s’être opposé avec violence à son évêque, monseigneur de Verthanon, accusé de
jansénisme. Voir à cet effet notre article publié sur ce site en octobre
2011 :
Le catéchisme des trois Henri : le curé de Chauché attaque son évêque.
C’est Charles Forestier qui lui
succéda en 1764, fils de René Forestier et de Marie Augereau, de Chauché. À voir les comptes, il s’attacha à redonner de la vigueur à la confrérie dès son
arrivée. En rédigeant les comptes de ressources, chaque deux mois en général,
il notait avec précision la présence des sœurs à l’assemblée. Le style employé
laisse deviner une envie d’exigence. D’ailleurs on retrouve ce trait de
caractère dans une polémique qu’il n’hésita pas à déclencher dans la paroisse,
au sujet de la répartition de l’impôt royal de la taille. Il la trouvait
injuste à Chauché et n’hésita pas à écrire en 1776 au lieutenant général de
Poitiers pour la dénoncer. La démarche provoqua une assemblée des habitants de
la paroisse, où il fut largement désapprouvé. Voir à ce sujet notre article
publié sur ce site en septembre 2013 :
Les assemblées d'habitants à Saint-André-Goule-d’Oie au 18e siècle.
Il est mort à Chauché le 7
juillet 1787. Il fut remplacé par l’abbé Paillaud, qui ne resta que 5 mois
(12).
Puis vint Jean Henri Lebouc installé en janvier 1788, la dernière année du registre, avec son langage écrit moderne et
parfaitement maîtrisé. Son vicaire Pierre Charbonnel prêta le serment en 1791, portant un regard
bienveillant aux réformes des États Généraux. Dommage que nous soyons dépourvus
de documentation après 1788. Il
écrit à la fin du registre paroissial de 1789 (vue 144) : « Note : c’est, dans cette année
que commencèrent les États Généraux de la France qui lui promettent le bonheur
en réformant les abus et les vices d'une administration faible et usée. Cette
besogne, si elle s'opère, est due à la philosophie de quelques citoyens
distingués qui, depuis longtemps, en font la matière principale de leurs
occupations. »
Les animatrices de la confrérie
étaient les officières, la première d’entre elles étant la supérieure. Après
Jeanne de Gastinaire, les sœurs élisent à sa place en août 1695 Marie Touraine.
Elle était l’épouse de Jacques Basty sieur de la Perrauderie, bienfaiteur et
premier procureur de la charité. Ensuite on eut Suzanne Chaillou, veuve
d’Alexandre Bousseau sieur du Petit-Fief, décédée à l'âge de 80 ans et inhumée dans
l’église. Marie Anne Augereau, fut élue le 18 janvier 1761. Elle était l’épouse
de René Forestier, et mère du nouveau curé à partir de 1764. Décédée en 1767,
elle fut remplacée par Marie de la Haye, demeurant à la Chapelle, où elle est
décédée en 1791 à 71 ans. Elle soigna un infirme chez elle.
|
la Perrauderie à Chauché
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Le premier procureur de la
charité était Jacques Basty sieur de la Perrauderie, demeurant à Villeneuve
(près du bourg de Chauché). Probablement à cause de cette fonction, Jacques
Basty fut inhumé dans l’église de Chauché en 1701. Il était le fils de Pierre
Basty (1600-1645) et d’Esther Roirand (1605-1648), qui s’étaient mariés en 1626
à Chauché. Sa mère était la fille du seigneur du Coudray (Saint-André). La
généalogie d’Esther Roirand remonte jusqu’au roi Louis VI le Gros, à la dix-huitième génération, et ils ne sont pas rares les
habitants de Chauché à avoir pour cette raison une goutte de sang bleu dans les
veines (13). Jacques Basty eut 5 frères et sœurs. Nous avions déjà cité son
frère Louis, époux de la première garde meuble de la confrérie Anne Rangouneau.
Un autre frère, Pierre, marié à Michelle Chedanneau, sieur de la Limouzinière,
était débiteur de la rente donnée à la confrérie. Jacques Basty fut le père
lui-même de 8 enfants. Outre ses propres domaines, il avait une activité de
fermier de redevances et domaines. Ainsi était-il en 1677 fermier des dîmes et
terrages de la Benetière, Limouzinière et la Mainrollant, dus à la seigneurie
de la Rabatelière (14).
Du 4 septembre 1707 jusqu’au 5
novembre 1758 on ne trouve pas de mention du nom du procureur, mais on sait que
le 17 septembre 1713 fut élu procureur Alexandre Bousseau.
Alexandre René Bousseau (1684-1745), sieur du Petit-Fief, demeurait
dans le bourg de Chauché, et il s’était marié en 1712 avec Suzanne Chaillou
(fille de François Chaillou et de Marie Anne Dorinière). Celle-ci fut
Supérieure des dames de la Charité à Chauché.
Alexandre Bousseau a été
dévoué au dernier marquis de la Rabatelière, Pierre Bruneau, étant son homme
d’affaires pendant près de 15 ans, jusqu’à la mort de ce dernier en 1727 (1).
Puis l’acquéreur de la châtellenie, René Montaudouin l’a conservé dans le même
emploi d’homme d’affaires (2), ayant à payer son acquisition en partie en
désintéressant certains créanciers du vendeur. René Montaudouin, habitant
Nantes, a tenu à conserver cet homme au courant de tout. Ce dernier travailla
en liaison avec l’avocat Copineau de Paris à remplir les conditions préalables
et les formalités nécessaires au levé du scellé de la Rabatelière, qui avait été judiciairement saisie au profit des créanciers du châtelain. Il lui a de
plus servi de conseils dans les procès de certains vassaux, et d’intermédiaires
pour l’achat de nouveaux domaines : la Chapelle Begouin (Chauché), la
Jarrie (Saligny), la Grassière (Chavagnes), Aubigny (Roche-sur-Yon),
Montorgueil (Champ-Saint-Père).
C’était un bon juriste et
dans une de ses lettres il écrit : « je sais lire les vieux
parchemins aussi bien et mieux qu’un autre » (3). Or on eut à faire à
certains chicaneurs, et à Nantes on s’impatientait sur la lenteur des
procédures. Bousseau écrivit à ce propos : « les
affaires de chicane vont lentement. Il y a bien 50 ans qu’à Montaigu, les
Essarts, Languiller et autres terres fortes en fiefs elles ne sont pas
finies ». Il reproche au propriétaire de ne pas rester assez longtemps
lors de ses visites au château de la Rabatelière : « Dans une
visite on n’a pas le temps de prendre la connaissance qu’il faut dans une terre
qui a 60 ans de bail judiciaire » écrit-il en 1729 (4).
Ses connaissances des
affaires de la Rabatelière et du droit lui conférèrent une autorité tendant à déborder sur le rôle du régisseur du château et du receveur des recettes, celui-ci
en même temps homme à tout faire. Le propriétaire a dû lui demander de ne pas
interférer avec eux (5). Alexandre Bousseau a été notaire et procureur fiscal de la Jarrie et de la Rabatelière (6).
René Montaudouin lui concéda quelques fermes, comme celle importante de la
Fesselière (7). Bousseau, réclama la métairie du Buignon, offrant 600 livres de
ferme par an (8).
Il mourut à l’âge de 61 ans, c’est-à-dire qu’il résista à la maladie. En 1729 elle l’obligea à
s’arrêter de travailler pendant 6 semaines (9).
Son frère, Léonard Bousseau, fut procureur fiscal de la Rabatelière.
(1) Lettre
sans date de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Archives de
Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 7.
(2) Lettre du 16-9-1735 de
M. de Letorière à M. Montaudouin (titres), Ibidem : 150 J/F 7.
(3) Lettre sans date de
Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(4) Lettre du 18-7-1732 de
Bousseau à Mme Montaudouin pour les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(5) Lettre du 12-12-1729
de Bousseau à M. Montaudouin sur plusieurs affaires en cours, Ibidem : 150 J/F
7.
(6) Vidimus du 19-5-1747 d'actes à la demande de Merland (pages 16 et 27), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 24.
(7) Lettre du 20-12-1729
de Bousseau à M. Montaudouin frère sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F
7.
(8) Lettre du 20-8-1727 de
Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(9) Lettre du 20-12-1729
de Bousseau à M. Montaudouin frère sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F
7.
Le 5 novembre 1758, le nouveau
procureur élu fut Joseph Royer sieur du Puytireau (Chauché), apothicaire. Il
décéda le 22 mars 1774 à 76 ans. Il fut remplacé par René de la Haye, sieur de
la Picauderie.
Et les sœurs ? Le registre
porte le nom de 19 femmes à la date du 7 août 1695. Ce chiffre révèle bien un
engagement significatif. Au total, on trouve le nom de 94 sœurs pour la période
de 1695 à 1788. Nous ne connaissons pas tout le monde, mais à l’évidence la
majeure partie d’entre elles appartient au milieu le plus favorisé de la
paroisse. Faut-il s’en étonner à voir la disponibilité nécessaire ? Cette
exigence excluait toutes celles qui devaient consacrer une part de leur temps
dans les champs et aux travaux d’artisanat. On verra néanmoins une servante
faire partie des sœurs, avec l’autorisation de son maître évidemment. À la
manière de l’époque, le curé Forestier les désignait avec l’article défini
précédent leur nom : « la Basty, la Tournerie, la Bossard ». Né à
Chauché, c’était un familier.
Permanence et métamorphose de la « dame patronnesse »
Ce personnage de « dame
patronnesse », date beaucoup dans notre époque marquée par la séparation
du religieux et du temporel, et par la prise en charge de la santé par l’État
moderne. Il peut même faire sourire dans une certaine tradition anticléricale
et anti « morale bourgeoise ». Quoique la pauvreté, notion relative à
chaque époque, n’ait pas été éradiquée, et que le besoin personnel de se
réaliser pour certaines personnes dans le don de soi n’a pas disparu. Si le mot
même de « morale » gêne certains contemporains, qui préfèrent parler
de « repères » ou de « valeurs », sa réalité se porte bien.
Elle s’est adaptée à un nouveau monde politique. Les « organisations
humanitaires » contemporaines ne prolongent-elles pas désormais les
confréries de la Charité ? Entre Jeanne de Gastinaire et Coluche, la
filiation ne serait-elle pas plus sérieuse qu’il n’y paraît ? L’Église et
sa morale n’ont pas disparu, en témoignent l’abbé Pierre, mère Theresa, etc. Mais
elle a perdu le monopole de l’action en ce domaine.
À la fin du 17e
siècle, la moquerie des sœurs de la Charité existait déjà, et sans doute chantait-on
quelques pamphlets d’un « Jacques Brel » oublié (chanson de « La
dame patronnesse ») en quelques « lieux de mauvaises fréquentations ».
En témoigne cet extrait des explications du règlement de la charité s’adressant
aux curés : « Ils recommanderont aussi de temps en temps en leurs
prônes aux paroissiens, de ne pas prendre cette liberté damnable de se moquer
de cette sainte confrérie, de ses charitables emplois, ni de celles qui ont le
bonheur d’y être enrôlées ; leur faisant bien concevoir que ces sortes de
railleries ne procèdent que de l’ennemi du genre humain et de la charité … ». Ces raisons des moqueries au
17e siècle, inhérentes à l’époque évidemment, et qu’il faudrait
d’abord connaître, restent à investiguer. L’activité de ces femmes dérogeait à
leur statut traditionnel. Elles ne pouvaient avoir que deux destinées
possibles : se marier ou entrer en religion. Leur statut dérangeait.
La confrérie de la Charité n’avait pas le monopole
On a trouvé à Montaigu des « sœurs de la Propagation et de la confrérie de la
Charité » (15). Ce mot de propagation trouve son origine dans la
vocation première d’une congrégation religieuse catholique, dite « de la
Propagation de la Foi », orientée vers la lutte contre le calvinisme. Elle
a élargi ensuite son action en direction des pauvres, à la fois dans les
hôpitaux et dans les écoles pour les « enfants du peuple ». Elle est
devenue l’Union Chrétienne ensuite. Et derrière cette dernière, on trouve
l’influence de « Monsieur Vincent » (de Paul) (16). Ainsi, des sœurs
religieuses et des laïques, semble-t-il, ont alors uni leurs efforts, à
Montaigu, sur le même terrain de la pauvreté.
À Saint-Fulgent,
depuis une fondation de Mme de Chevigné en 1771, il y avait quelques
religieuses provenant très probablement de la même congrégation de l’Union
Chrétienne, se consacrant à la fois à l’instruction des filles et aux soins aux pauvres (17). On les appelait aussi vulgairement
la
communauté des propagandes de Saint-Fulgent (18). En revanche on n’y a pas
rencontré de confrérie animée par des laïques comme à Chauché.
Aux Essarts une fondation
d’aumône a été créée par la baronne des lieux, Mme de Mercœur comme elle est
désignée dans le document consulté (soit Marie de Luxembourg décédée en 1623,
soit sa fille Françoise de Lorraine décédée en 1669). La dame avait doté la
fondation d’une rente de 100 livres par an à payer par le fermier de la baronnie,
suivant un bail de 1721 (19).
En
1787 des habitants des Essarts, au nom de la confrérie de la Charité de leur
paroisse, firent une procuration pour obtenir le paiement d’une rente de 100 £
du seigneur des lieux (20). Et
puis on a
trouvé une donation par testament faite par le prévôt des Essarts en 1701,
Jacques Gaitte, de 100 livres annuelles « pour être employées à former des
maîtres d’école ». Le même légua aussi 100 livres à la confrérie de la
Charité des Essarts (21). On trouve aussi une confrérie
de la charité aux Herbiers (22), et une autre à la Rabatelière (23).
Nous n’avons pas trouvé semblable
institution à Saint-André-Goule-d’Oie, ce qui n’est pas une preuve de
son inexistence, quand on sait le peu de soins apportés parfois aux archives.
Néanmoins on pense qu’il fallait une conjonction de bonnes volontés pour faire naître
et durer ce type d’institution. Il fallait d’abord une autorité, incarnée dans
l’exemple de Chauché par monseigneur de Barillon, mais aussi un relais en la
personne du curé de la paroisse. Ensuite il fallait un bienfaiteur (trice), ce
qui est déjà moins fréquent. Les riches n’hésitaient pas à payer beaucoup de
messes dans leur testament, en prévision du repos de leur âme, mais l’habitude
de donner aux pauvres y paraît moins fréquente. Quoiqu’il faille rester
prudent, le testament n’étant pas le seul moyen pour donner. Et bien sûr on
avait des quêtes à l’intention de l’ensemble des paroissiens. Mais nous avons
vu que, sauf courtes périodes exceptionnelles, les montants reçus, hors les
rentes dues, ne représentaient que 30 % en moyenne des dépenses de l’œuvre à
Chauché.
Il ne faut pas en déduire que
l’action sociale en faveur des pauvres n’a pas existé dans les paroisses
n’ayant pas de confrérie de la Charité ou quelques religieuses. Comme
l’instruction, elle était l’affaire de l’Église. En effet, on voit au Moyen Âge
les abbayes du Bas-Poitou ouvertes aux malades pauvres du dehors. La charte de
l’abbaye de la Grainetière en 1180, fixait à 12 le nombre de pauvres
obligatoirement pris en charges par les moines. Les religieux et religieuses
tenaient aussi des hôpitaux dans les villes, des Maisons-Dieu, des Maisons
hospitalières, des aumôneries (chargées de distribuer des aumônes), des
maladreries, des Maisons Rouges, des Marmites des Pauvres (24). Il semble qu'ait existé une Maison Rouge à Saint-Fulgent, ainsi appelée à cause de la couleur des murs, permettant aux malades de les repérer et à d'autres de les éviter. Elles servaient de lieux de soins pour les personnes atteintes d'épidémie (25).
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V. Mottez :
Portrait d’Amaury-Duval
(musée de la
Roche-sur-Yon)
|
Dans les paroisses, le clergé
était impliqué au premier chef pour les secours en cas de calamité, et dans la lutte
contre la pauvreté et les maladies, avec l’aide du roi et de son administration
parfois. Alors les vicaires et les curés organisaient la charité aux plus
nécessiteux en sollicitant les riches. Encore en 1880, le châtelain de Linières, Amaury-Duval, était
toujours sollicité. Et pour l’époque bien sûr cela paraissait plus naturel que
ce ne le serait de nos jours.
On a aussi les comptes du
châtelain de la Rabatelière qui prouve cette implication des riches envers les
pauvres par l’intermédiaire des curés des paroisses. Ainsi cette écriture, à
titre d’exemple, dans le
registre des paiements tenu par le régisseur en mai 1770 : « J’ai
donné pour les pauvres par ordre de Mme de la Clartière la somme de 120 livres,
savoir 96 livres à M. le curé de la Rabatelière et 24 livres à celui de
Boulogne suivant leurs quittances de plusieurs dates. » (26). Dans son testament en 1754, son beau-frère, René de
Montaudouin, avait donné « 2 000 livres aux pauvres honteux (pauvres issus
des classes favorisées) de la
paroisse de Saint-Nicolas [sa paroisse à Nantes], laquelle sera remise aux
mains des dames de la Charité pour être par elles distribuées ». Pour les
curés des 16 paroisses vendéennes où il possédait des propriétés, il légua
aussi 2 000 livres de dons aux « pauvres des
paroisses de campagne » (tous les pauvres). Ainsi le curé de Saint-André-Goule-d’Oie
eut une part de 230 livres (27). Et il était rare qu’à chacun de leur passage dans leur
château, les seigneurs de la Rabatelière ne distribuent pas des aumônes en
réponse aux demandes ; au total : 9 livres 6 sols en septembre 1772,
6 livres en mars 1773 (28). Dans son testament en 1821, la châtelaine donne la
liste, à l’intention de ses héritiers, des 8 étudiants qu’elle aide à faire
leurs études et le montant annuel qu’elle leur donne, qui va de 30 F à 400 F
(29).
Ces dons comportaient moins d’altruisme autrefois qu’ils n’en
auraient aujourd’hui, car ils faisaient partie d’une obligation morale forte,
comme attachée à la condition sociale des riches. Et dans cette pratique on
remarque le rôle central d’intermédiaire de solidarité du curé de la paroisse,
s’ajoutant ou complétant celui de chef de la communauté religieuse.
Et puis le rôle de l’État a évolué significativement surtout
à partir du 18e siècle. Louis XV et son successeur ont décidé de la
distribution de boîtes de médicaments, et de l’envoi gratuit de médecins en
cas d’épidémie. On ouvrit même des ateliers de charité (30). L’historien Le Roy
Ladurie explique bien qu’au fur et à mesure que le sort des gens s’est
amélioré, notamment au 18e siècle, les populations acceptaient de
moins en moins les ravages des épidémies et des famines. Elles devenaient plus
exigeantes. En réponse, l’intervention de l’État se faisait alors dans la
conception paternaliste de la monarchie. Le Roy Ladurie explique aussi comment
s’est instaurée une impopularité corrélative et paradoxale du donateur royal
dans ces interventions croissantes (31).
L’histoire des ravages opérés pendant la Révolution sur les
institutions de charité, à cause de la lutte antireligieuse, ne se résume pas
facilement. Et dans ce domaine aussi il faut distinguer l’affichage des
intentions, de la réalité.
On verra en 1790 la municipalité de Saint-André-Goule-d’Oie demander à garder une partie des
biens du prieuré-cure lors de leur confiscation (32). Telle que fonctionnait la
société du Bocage Vendéen d’alors, appauvrir les curés
revenait en partie à augmenter la misère du peuple. Les défendre n’était
pas qu’une manifestation de sa foi religieuse, mais comportait une dimension
matérielle importante. Ce point est une des causes de la guerre de Vendée, où les
habitants ont défendu leur religion pour se défendre eux-mêmes. Au début du 19
e siècle, l’État se
préoccupa de créer des asiles pour les handicapés mentaux considérés comme
dangereux. Les conseils généraux financèrent la prise en charge d’autres
handicapés comme les aveugles. Et vers la fin du 19
e siècle on voit
apparaître le premier bureau de bienfaisance à Saint-Fulgent. A cet égard tout
se passe comme si le 19
e siècle prolongeait le 18
e siècle,
avec une intervention accrue de l’État de plus en plus concerné par la misère.
Mais derrière cette
apparente continuité on trouve une innovation issue de la Révolution française :
une forme de démocratie qui organise la délégation à l’État des devoirs et des
droits politiques des individus. Il s’en suivit qu’au 20
e siècle
le rôle de l’État fut
transformé en ce domaine
sous l’influence de diverses écoles de pensées politiques, y compris religieuses,
soit à visée réformatrice soit à visée révolutionnaire. Pour certains, la
notion même de charité fut rejetée comme antinomique de la société idéale de
justice à promouvoir.
De toute manière les sciences humaines
contemporaines et l’économie politique posent comme dogme que l’homme est mû
par son propre intérêt. C’est pourquoi notre époque a beaucoup de mal à
comprendre l’altruisme, pourtant jamais démenti par l’expérience. Il est vrai que le don de soi ne se résume pas à une façon de penser, c'est une façon d’être. Seule une théorie de nature à
intégrer la pluralité des motivations humaines, souvent intéressées, parfois
désintéressées, ou incluant des motivations de nature mixte, parait acceptable
pour comprendre l’altruisme (33).
(1) Registre de la confrérie de la Charité de Chauché, Archives
du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 28-1.
(2) Marie Aimé Rivière, Henri
de Barillon (1639-1699), 1981, Archives du diocèse de Luçon, bibliothèque.
(3) Armand Baraud, Les établissements de Charité en Bas-Poitou
sous l’Ancien Régime, Revue du Bas-Poitou, 1908-1, p. 42 (vue 23) et s.
(4) Aveu du
31-8-1584 du Bignon Guymard à la Merlatière, Archives de Vendée, G. de Raignac,
Dépouillements
d'archives publiques et privées concernant les familles vendéennes : 8 J 101, vol. 12, page 68.
(5) Armand Baraud, ibid.
(6) Confession de M. de
Barillon, dans Don Fonteneau, T. 65, f. 578, à la bibliothèque municipale de
Poitiers, cité par l’abbé boisson : 7 Z 92, les visites pastorales,
aux Archives du diocèse de Luçon.
(7) Maladie caractérisée par de petites taches pourprées,
nettement circonscrites, et produites par une hémorragie cutanée
sous-épidermique. Elle ne paraît pas bien déterminée, et a dû être confondue parfois avec
des rougeoles et des scarlatines malignes ou la petite
vérole.
(8) Jean Artarit, Les docteurs en médecine de Montpelllier en Bas-Poitou, au moment de la
Révolution, Éditions du CVRH no 22 (2015-2016), page 125 et s.
(9) J. Lacouture, les Jésuites, Seuil, 1991, T. 1, page 241
(10) Jacques Hussenet,
Louis XVI, le prisonnier de Varennes, Éditions
Terres d’Argonne, 2018, page 37.
(11) E. Le Roy Ladurie, Histoire
humaine et comparée du climat, Fayard, 2004.
(12) Edgar Bourloton,
Le clergé de la Vendée pendant la Révolution,
Revue du Bas-Poitou, 1904, page 121.
(13) Le site internet Loipri.over-blog.com donne les ascendances
de Jacques Basty en remontant au roi de France Louis VI.
(14) Réplique du 14-4-1678 de Chitton à Jacques Basty, Archives
de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 48.
(15)
Docteur Mignen, Paroisses, églises
et cures de Montaigu, 1900, page 51.
(16) Propagande (école de) de Montaigu, dans
le dictionnaire toponymique de la Vendée, en ligne sur le site internet des
Archives départementales de la Vendée.
(17) Archives
Historiques de Saintonge et d’Aunis, 1896, tome 25, p.130, citées par le site
famillesvendennes.fr : Chevigné de (Branche de Preigné et la Grassière).
(18) Estimation des biens du couvent de
Saint-Fulgent à la Javelière le 29 germinal an 7, Archives de Vendée : 1 Q
218.
(19) Bail du 10-10-1721 de la
baronnie des Essarts à Merland, page 5, Archives nationales, chartrier de
Thouars : 1 AP/1135.
(20) Procuration de la Confrérie
des Essarts du 21-10-1787, Archives de Vendée, notaire des Essarts, J. P.
Benesteau : 3 E 15/11-3.
(21) A. Baraud, L’instruction
primaire en Bas-Poitou avant la Révolution, dans la Revue du Bas-Poitou,
1909, page 68.
(22) Titre nouveau de rente de 18
£ due par Rose Verdon aux sœurs de la charité des Herbiers, Archives de la
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3.
(23) Arrentement du 26-4-1764 de
400 livres au profit de la Charité de la Rabatelière, Archives de Vendée, notaires
de Saint-Fulgent, Frappier :
3 E 30/3.
(24) Armand Baraud, ibid,
Les établissements de Charité en Bas-Poitou sous
l’Ancien Régime.
(25) Revue du
Bas-Poitou, 1905, pages 432 et 424.
(26) Rabatelière, dîmes et boisselage,
dons aux pauvres, épingles aux domestiques, Archives du diocèse de Luçon, fonds
de l’abbé Boisson : 7 Z 58-9.
(27) Les Montaudouin,
testament du 28 et 29 novembre 1754 de M. Montaudouin de la Rabatelière,
ibidem : 7 Z 64.
(28) Ibidem note (23).
(29) Caveau des Bruneau et
héritage de Mme de Martel, ibidem : 7 Z 48-2.
(30) Armand Baraud, Les établissements de Charité en Bas-Poitou
sous l’Ancien Régime, Revue du Bas-Poitou, 1908-2, p. 146 (vue 17) et s.
(31) Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Fayard, 2044, page 232.
(32) Rapport du 3-11-1790 de
Goupilleau au district de Montaigu sur la pétition de la municipalité de
Saint-André-Goule-d’Oie : no 6, 4. Médiathèque de Nantes, collection
Dugast-Matifeux, vol. 67.
(33) Michel Terestchenko,
Un si fragile vernis d’humanité,
Banalité
du mal, banalité du bien, La Découverte, M.A.U.S.S. 2005.
Emmanuel François, tous droits
réservés
Avril 2017, complété
en avril 2022