Qui se souvient à
Saint-André-Goule-d’Oie de la famille Fluzeau de la Brossière ? On
remarque son nom écrit en bas d’un vitrail de l’église paroissiale, un don lors
de la construction de l’église en 1875. Leur histoire est instructive.
|
Localisation des
petits fiefs de la Brossière
|
Le premier document trouvé, où
apparaît le nom de Fluzeau, est daté de 1611. Le 4 mai de cette année-là, Jean
Gaucher rend un aveu pour le fief de Lautruère Loriau, situé près du village de
la Brossière où il habite, qu’il tient à foi et hommage plain et à rachat de la
seigneurie de Languiller (Chauché) à cause de sa seigneurie annexe du Coin
Foucaud (1). Il rend son aveu comme chemier (représentant du fief), aussi pour Michel Fluzeau
(écrit Filluzeau) son parageur (tenant sous le chemier) et part-prenant
(copropriétaire). Ces deux personnes possèdent quelques champs dans ce tènement
faisant alors 50 boisselées environ (6 hectares), et tous les deux, des
roturiers, se partagent les redevances seigneuriales se montant à 2,5 setiers
de céréales par an. Les mêmes rendent un autre aveu en 1615 et 1617 pour un
autre fief voisin, le fief Toillet, où ils ne prélèvent qu’un setier de
céréales (2). De même, pour un autre fief voisin, la Bequetière, ils font un
autre aveu le 17 août 1615 (3). Michel Fluzeau est à chaque fois associé avec Jean Gaucher pour posséder les redevances seigneuriales dues par
les tenanciers. Ce dernier devait avoir la part la plus importante, ce qui
expliquerait sa qualité de chemier, notion de droit féodal désignant le
responsable de l’aveu à l’égard du suzerain quand il y a plusieurs vassaux
associés dans le même fief. Dans cette position, Michel Fluzeau apparaît comme un des
propriétaires importants au village de la Brossière.
En dehors de ces aveux nous ne connaissons
rien de lui, en particulier comment il a réussi à s’enrichir. Ainsi, nous ne
pouvons pas établir le lien, probablement familial, existant entre lui et
Perrine Fluzeau. En 1619, celle-ci, femme de Jacques Chedanneau, marie sa
fille, Marie, à François Benoist, sieur de la Prise (4). Cela confirmerait la
notabilité de la famille déjà à cette époque. On
trouve aussi en 1619 Jean Fluzeau, propriétaire au tènement de la Mauvinière,
proche de la Brossière (5). Et Marguerite Fluzeau, qui se marie avec Jacques
Menanteau le 4 février 1671 à Saint-André (vue 21 sur le registre numérisé de
la paroisse sur le site internet des Archives de la Vendée), un voisin. Dans le
registre paroissial de Saint-André on voit la naissance de trois enfants
d’Olivier Fluzeau et de Jeanne Baudouin en 1656, 1659 et 1663, mais là encore
désignant des personnes non situées dans une lignée familiale.
Ière génération : François Fluzeau (1660-1744)
C’est avec François Fluzeau et
Louise Crespeau, nés vers 1660, que nous pouvons suivre l’évolution d’une
partie des Fluzeau de la Brossière, descendants ou parents très probables de
ceux que nous venons de citer. Ils se sont mariés à Saint-André le 8 février
1689 (vue 100). François Fluzeau est décédé à la Brossière le 4 juin 1744 à
l’âge de 84 ans (vue 25), peut-être d’une épidémie qui sévissait alors. Sur
l’acte de décès, le curé écrit encore son nom : Felezeau, suivant un usage
qui avait commencé à disparaître (aussi écrit ailleurs Filluzeau).
|
Les Gâts
|
Au hasard des documents conservés on
note qu’il était propriétaire en 1703 au village voisin des Gâts d’un appentis
avec un jardin de 56,25 gaulées (855 m2), et de terres et prés de plus de 2
hectares (6). En 1714 il était le deuxième plus gros contributeur des
redevances dues sur le fief du Prieuré (touchant la Brossière), propriétaire
dans le tènement d’environ 17 boisselées (7). C’est lui qui acheta le 30 avril
1718 une rente féodale de 40 boisseaux de seigle à Claude Prosper Moreau, du
Coudray à Saint-André, seigneur du fief et tènement des Giroisières (touchant
la Brossière), à prélever sur les propriétaires de ce dernier. Il a profité des
difficultés financières du vendeur, payant un prix total de 700 livres, ce qui
valorise le boisseau à un niveau très raisonnable pour l’époque de 17 sols et 6
deniers (8).
François Fluzeau possédait la
rente noble de 24 boisseaux de seigle sur la métairie de la Traverserie
appartenant aux Royrand à Saint-Fulgent. Il possédait aussi dans la même
paroisse la rente de 12 boisseaux de seigle et 16 boisseaux d’avoine sur la
métairie de la Petite Boucherie appartenant à la comtesse de la Galissonnière.
Il les avait acquises du sieur Henri Favereau et les tenait en garantie de la
seigneurie de Saint-Fulgent sous l’hommage du seigneur du Puy-Greffier (9). De
même il avait acquis une rente de 24 boisseaux d’avoine sur le tènement de
Fougerasse à Saint-Fulgent (près de la Tacrière), de Jean Baptiste Gouraud de
la Gemaubretière (9). Il possédait aussi le droit de terrage sur une partie du
village et tènement de la Tacrière à Saint-Fulgent (9).
Il a acheté le 30 avril 1739 une rente annuelle de 46
boisseaux d’avoine due sur les fiefs des Landes Borgeres, Brossière et Guierche,
moyennant 460 livres payées comptant à René Valentin Bruneau, demeurant à
Beaulieu (Boulogne). La rente lui était échue par la succession de sa mère
Marie Sapinaud, fille du seigneur de l’Herbergement-Ydreau (devenue l’Oie) (10).
On arrêtera là l’énumération de ses acquisitions conservées dans les archives
des notaires de Saint-Fulgent.
François Fluzeau était marchand. Le
mot tout seul désignait généralement un marchand de bestiaux. Il se consacrait
entièrement à son métier, alors que les marchands laboureurs, étaient en même
temps agriculteurs et marchands de bestiaux. Il fréquentait les foires de l’Oie,
des Essarts, de Saint-Fulgent et des Herbiers. À l’occasion il prêtait de
l’argent ou louait du bétail à ses clients, car le crédit bancaire n’existait
pas. C’était un bon moyen de s’enrichir. On découvre son activité dans
« une sentence de la cour consulaire de Poitiers au profit de François
Fluzeau sur Jean Suire et sa femme, condamnés à payer 40 livres 10 sols, restant
à devoir de la somme de 42 livres 10 sols pour vente et livraison d’une vache, plus 7 livres 10 sols de dépens, non compris
le coût et levée de ladite sentence ». Telles sont les notes de l’abbé
Boisson, chercheur, pour résumer une liasse de papiers d’archives (11).
Ces quelques relevés donnent une
idée de l’ampleur des biens possédés, et la suite confirme qu’on avait affaire
à un amasseur de terres et de rentes.
François Fluzeau et Louise
Crespeau eurent trois enfants :
- Jean Fluzeau né vers 1690 (selon l’acte de décès)
- François Fluzeau, né vers 1696 (selon l’acte de décès)
- Anne, née en 1689 et morte âgée de 18 jours
Les deux frères, Jean et François
Fluzeau, épousèrent le même jour à Saint-André-Goule-d’Oie, le 18 février 1729
(vue 102), deux sœurs Micheneau, filles de Jean Micheneau et de Perrine
Reneleau. Jean Fluzeau a épousé Marie Micheneau, et François Fluzeau a épousé
Jeanne Micheneau. Et les deux frères furent marchands comme leur père.
François Fluzeau a été syndic de
Saint-André-Goule-d’Oie (12).
IIe génération : Jean Fluzeau (1690-vers1740)
Avec Marie Micheneau il eut au
moins cinq enfants à Saint-André :
- François, né en 1731 et mort le 28 janvier 1750 (vue
78).
- Jean, né et baptisé le 8 octobre 1732 (vue 130).
- Perrine, baptisée le 12 juillet 1735 (vue 160). Elle a
fait son testament chez le notaire Thoumazeau le 4 novembre 1761 (13).
- Jeanne, baptisée le 8 mars 1738 (13).
- Jean Baptiste, baptisé le 4 décembre 1739 et décédé à
la Brossière, âgé de 5 ans, inhumé le 20 juin 1744 (vue 26). Il a été enterré
16 jours après l’enterrement de son grand-père François Fluzeau, et 15 jours
après celui de sa mère Marie Micheneau. Sur la page suivante du registre
paroissial de Saint-André, on note l’enterrement, le 21 juin, de Marie Anne
Fluzeau, sa cousine âgée de 15 mois et fille de François Fluzeau et Jeanne
Micheneau. Une épidémie a tué beaucoup de monde cette année-là.
Jean Fluzeau est mort avant 1751. Son frère
François fut le curateur de ses enfants, comme on le voit au jour de leur
mariage.
- Perrine Fluzeau (1735-1762) épousa le 21 juillet 1751 à
Saint-André-Goule-d’Oie (vues 91 et 92), Jean Brisseau l’aîné (1721-1786), fils
de Jean Brisseau et de Marie Anne Robin, ces derniers bordiers habitants de la Brossière
(13).
- Le même jour, son frère, Jean Fluzeau (1732-1802),
épousa Jeanne Monique Brisseau (1726-1785), la sœur de Jean.
- Et pour faire bonne mesure on maria aussi le même jour
Jeanne Fluzeau (1733-1804), fille de François et de Jeanne Micheneau, avec
François Brisseau (1723-1762), fils de Mathurin et Mathurine Robin.
|
Bourg de
Saint-André-Goule-d’Oie
|
L’évêque de Luçon accorda une
dispense de troisième degré de consanguinité, mais sans que l’acte de mariage
ne précise les couples concernés par cette dispense, ce qui veut dire qu’ils
étaient probablement tous concernés. Dans le droit canon de l’Église, le 3
e
degré signifiait que chaque couple devait avoir un arrière-grand-parent commun.
Chacun de ces mariages se fit avec un contrat en date du 30 juin 1751, rédigé
par le notaire Thoumazeau de Saint-Fulgent, aussi avocat de la famille, et qui
fut longtemps régisseur au château de la Rabatelière (11). Les mariages
divisaient les patrimoines d’une famille, mais ils permettaient aussi de les
reconstituer, surtout si on mariait des frères et sœurs de deux familles,
habitude qui n’était pas rare. Et un village aussi peuplé que la Brossière
devait en favoriser la pratique. L’oncle François Fluzeau a su y faire en ce
domaine pour les affaires des enfants de son frère défunt. Et sur le registre paroissial
on remarque à la fin de l’acte de mariage la signature d’un bourgeois des
Essarts, Verdon, et celle de Charlotte de Puyrousset, du Coudray, signe de la
place reconnue dans la société locale de la famille Fluzeau.
4. Quant à la sœur de Perrine, Jeanne Fluzeau (1738-1764),
elle épousa un frère de son mari, aussi appelé Jean Brisseau le jeune (1728-1804),
le 25 février 1754 à Saint-André-Goule-d’Oie (vue 113). Les deux sœurs, Perrine
et Jeanne, ont été mariées à l’âge de 16 ans, et elles avaient trois ans de
différence d’âge. Ces mariages précoces des jeunes filles étaient fréquents à
l’époque.
IIe génération : François Fluzeau (1696-1756)
Il achète en 1732 une métairie à
la Brossière à Louis Prosper Proust (1683-1745), important bourgeois de
Saint-Fulgent. Pour cela il procède par échange en donnant à Proust quatre contrats
de constitution de cheptel sur Henri Favereau et Marie Goupil de la Surelière
sa mère. Leurs valeurs s’élevaient au total à 1 722 livres, auxquelles s’ajoutait
un titre de reconnaissance de dette de 500 livres (14). C’est un échange fait
en commun par François Fluzeau, avec son père et son frère Jean, ce qui laisse
entendre qu’ils étaient en communauté au moins pour une partie de leurs biens.
Ces contrats d’arrentement comportaient des arrérages se montant à 346 livres 8
sols. Il s’en est suivit une longue contestation entre le vendeur et les
acheteurs, qui n’a pris fin, semble-t-il, que vers la fin de 1751.
François Fluzeau prit à bail en
1743 une borderie à la Ridolière, appartenant à Pierre Coutouly, un bourgeois de Luçon (15). Le bail était prévu pour 9 années, moyennant un loyer annuel de
50 livres. Il prenait la suite de François Cougnon et Jean Chacun. Cette
activité de fermier apportait une garantie aux propriétaires sur le montant fixe du loyer perçu, éloignés de leurs
métairies géographiquement ou professionnellement. Elle avait un caractère
spéculatif, car le fermier faisait exploiter les terres, soit en sous-affermant,
soit en embauchant des valets.
|
Vache de race parthenaise
|
François Fluzeau eut à poursuivre
le procès engagé par son père contre Jean Suire (voir plus haut), au sujet du
paiement d’une vache. L’affaire remontait à 1726, et son père avait obtenu une
sentence en sa faveur, mais il fallait s’employer à la faire appliquer. Le 1e
avril 1750, il fit rédiger une requête auprès du sénéchal des Essarts, pour
obtenir l’exécution de la sentence avec les intérêts, soit globalement :
105 livres 11 sols 6 deniers, contre Pierre Suire (demeurant au Peux), fils et
héritier des défunts Jean Suire et sa femme. Finalement, Pierre Suire préféra
renoncer à la succession de son père pour éviter la poursuite (10). La ténacité
et l’usage des tribunaux constituaient parfois des voies nécessaires à la
réussite, comme on le voit.
Avec sa femme, Jeanne Micheneau,
il eut au moins 8 enfants :
François Fluzeau est mort à l’âge de 60 ans, le 17 juillet 1756.
IIIe génération : Jean Fluzeau (1732-1802), syndic de la paroisse
Aux deux frères de
la 2e génération connue des Fluzeau de la Brossière, Jean et
François, succèdent leurs enfants à la 3e génération, prénommés
comme eux. Nous commençons par présenter Jean Fluzeau, fils de Jean et de Marie
Micheneau.
Il n’est pas
facile d’évaluer sa fortune faute de documents en nombre suffisant, et il nous
faut continuer à relever des informations éparses. Mais aussi, on avait
l’habitude dans les familles de retarder le moment des partages d’héritages. On
préférait garder les biens immeubles, au moins une partie d’entre eux, en
indivision pour éviter de les démembrer. Il arrivait même qu’on se mettait en plus en communauté de biens meubles entre membres
de la même famille. Ce ne fut pas le cas néanmoins des deux cousins, vivants
séparément à la Brossière, étant eux-aussi marchands comme leurs pères et leur
grand-père (16). C’est avec les Brisseau, ses beaux-frères, que Jean Fluzeau
forma une communauté comme nous le verrons plus loin.
|
Ruines du château de Puy-Greffier avant 1970
|
Dans le village et tènement de la
Brossière il possédait en 1786 1,8 hectares dispersés entre quelques parcelles
de champs et des planches de jardin (17).
En 1774 Jean Fluzeau possédait
les deux rentes nobles acquises par son grand-père sur les métairies de la
Traverserie et de la Petite Boucherie. La rente sur la Petite-Boucherie était à
la mesure comble du minage de Saint-Fulgent, et la métairie appartenait désormais
à Charles Conrart de la Richerie (9).
En 1780 il reçoit, avec son
cousin François Fluzeau, tant pour eux que pour leurs copartageants d’héritage,
une reconnaissance d’une rente foncière de 3 boisseaux de seigle par le
chapelain de Lerandière (18). La rente foncière, annuelle et perpétuelle de 3
boisseaux de seigle, mesure de Tiffauges, sur un domaine situé dans le tènement
de Lerandière à Saint-Fulgent, avait été acquise par le père et l’aïeul des
Fluzeau au sieur Gourraud de la Gimaubretière. Le chapelain de Lerandière (ou
Tineière) était alors Philippe Nivet, curé de Virson (Charente-Maritime),
représenté à l’acte par le notaire Thoumazeau. Il avait été présenté à la
nomination de l’évêché par Paul Charles de Pont des Granges, seigneur de
Virson, et mari de Marie Henriette Lucie Sonnet d’Auzon, héritière de la
seigneurie de Puy-Greffier. Le chapelain devait desservir la chapelle Sainte-Catherine
du Puy-Greffier. Au passage on notera le nombre des chapelles dédiées à
Saint-Catherine dans la région : 4, dont l’Oiselière (Saint-Fulgent), des
Thoumazeau (Chauché) et une autre à Mesnard.
Il ne faudrait pas penser que les arrangements de
famille pour gérer les héritages, ne posaient pas de difficultés. Qui dit
famille dit querelles parfois, et cette habitude n’a pas été épargnée aux
Fluzeau, comme on le voit dans un exemple. Jean Brisseau, mari de Marie Anne
Robin, qui avait marié son fils Jean à Jeanne Fluzeau, et sa fille Jeanne à
Jean Fluzeau, les deux Fluzeau frères et sœurs, est mort à la fin de l’année
1780, après avoir fait son testament. Celui-ci accordait l’intégralité
des biens (meubles et effets mobiliers morts et vifs, immeubles, acquêts et
conquêts et tous droits de propriété à perpétuité) pour 2/3 aux enfants de Jean
Fluzeau et Jeanne Brisseau, et pour 1/3 aux enfants de Jean Brisseau et feue
Jeanne Fluzeau, sous réserves des obligations prévues : les biens propres
étant partagés par parts égales entre tous les héritiers légaux. N’avaient
droit qu’aux biens propres de la succession : Jean Brisseau, Marie Anne
Brisseau, Marie Anne Metaireau veuve de Nicolas Guignard, Jean Robin et Perrine
Metaireau sa femme, et François Pain et Louise Métaireau sa femme. Une partie
des héritiers contesta le testament, et Jean Fluzeau engagea une procédure auprès
du présidial de Poitiers aux fins d’entérinement. Finalement, un accord
d’entérinement du testament en date du 25 novembre 1786 mit fin à la procédure
judiciaire engagée (19).
|
Saint-Fulgent (1900),
entrée par la route de l’Oie |
Avec son cousin François Fluzeau,
Jean Fluzeau refusa le paiement d’un droit de franc-fief que leur réclamait le
receveur du bureau de Saint-Fulgent à cause de la rente de 40 boisseaux de
seigle qu’ils prélevaient sur les teneurs des Giroisières (8). C’était une taxe
imposée sur les biens nobles possédés par des personnes non nobles. Le
percepteur de Saint-Fulgent, sans doute bien renseigné sur la nature noble de
la rente autrefois, réclamait la preuve aux Fluzeau qu’elle ne l’était plus
pour s’exonérer du paiement du droit. Or les seigneurs en titre des
Giroisières, Prosper Moreau, puis de Vaugiraud, avaient négligé l’établissement
de titres de reconnaissance.
Pour résoudre son problème,
François Fluzeau fils (1696-1756), avait demandé aux propriétaires du fief des
Giroisières en 1753, le paiement des arrérages de la même rente et un titre
nouveau de reconnaissance, ce qu'ils refusèrent. Mais il obtint néanmoins une
sentence du sénéchal des Essarts en sa faveur, qui fut donnée au fermier du
droit de franc-fief à Saint-Fulgent. Mais celui-ci n’en tint pas compte et
réclama le paiement du droit de franc-fief. D’autant que François Fluzeau fils
avait payé en 1752 une somme de 80 livres à ce titre, précédent fâcheux pour
les Fluzeau. La génération suivante des cousins prétendit que c’était un
paiement par erreur, et forma en 1785 un recours auprès de l’intendant du
Poitou. Jean Fluzeau fit valoir comme argument d’autorité qu’il était syndic de
la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie. Rien n’y fit, et l’intendant rejeta le
recours qu’il avait formé avec son cousin, le 15 novembre 1785.
Et
pourtant, la rente de 40 boisseaux de seigle fut considérée comme
roturière après la Révolution, puisqu’elle fut amortie par acte
notarié le 6 décembre 1808, évaluée alors à 930 F de capital et
remboursée aux héritiers Fluzeau et Brisseau (24).
Les 40 boisseaux étaient devenus
106 décalitres et 40
centilitres. 90 ans après son achat par François Fluzeau, le prix
de la rente était passé de 700 livres à 930 francs, et les teneurs
étaient devenus des propriétaires sous la plume du notaire.
Le syndic était l’ancêtre du
maire. Jean Fluzeau a été élu à cette fonction pour la paroisse de
Saint-André-Goule-d’Oie. Il est noté par l’abbé Boisson pour l’année 1783 (25)
et l’année d’après il est présent à ce titre dans une assemblée paroissiale.
Signe de notabilité évidemment, cela veut aussi dire que son entregent de
marchand l’a fait connaître et apprécié des chefs de famille de la paroisse. Il
savait écrire à voir sa signature, certainement lire et compter aussi. Jean
Fluzeau a fait aussi partie en 1790 de la première municipalité de
Saint-André-Goule-d’Oie (26).
Le droit féodal de la propriété avait
des inconvénients pour les propriétaires roturiers, comme celui du droit de franc-fief. Mais
il avait aussi des avantages, comme celui du droit de
retrait. Jean Fluzeau l’a exercé en 1778 à l’égard de Jean Robin, marchand tanneur demeurant à la Guierche
(Vendrennes), après que ce dernier ait acheté une petite borderie à la
Brossière pour un montant de 716 livres. Certaines des terres de la borderie se trouvaient
dans les tènements des Septrées et Landes Borgères à Vendrennes, dont Jean
Fluzeau était propriétaire du droit de fief et des redevances de cens. Il en était
donc le seigneur, ce qui lui donnait le droit, à la suite de l'achat en question, de se faire rétrocéder les terres
de cette borderie situées sur ses tènements, à titre de retrait féodal. Il
remboursa en conséquence l’acquéreur Jean Robin de leur valeur estimée à 385
livres, plus 15 livres pour la moitié des coûts d’acquisition, et 6 £ pour la participation
aux coûts d’un procès en cours entre les teneurs et le créancier d’une rente.
De ce fait la borderie se trouvait démembrée, ce qui nous situe très loin des
SAFER contemporaines ! (27).
L’ascension sociale exigeait
aussi de l’instruction. Un Fluzeau de la Brossière a envoyé son fils en mars
1762 dans une école des Herbiers. Pour 2 mois de scolarité il a payé 8 livres,
plus 2 boisseaux froment et 6 boisseaux seigle. À la même date sa fille
fréquentait aussi une école aux Herbiers, dont la pension lui coutait 11
boisseaux de froment (28). Cette information ne permet pas de cerner avec
certitude lequel des Fluzeau elle concerne, mais elle dit bien l’effort de la
famille pour l’instruction de ses enfants.
|
La Brossière
|
À une date que nous ne
connaissons pas, Jean Fluzeau se constitua en communauté avec ses deux beaux-frères,
maris de ses sœurs, Jean Brisseau l’aîné (marié à Perrine Fluzeau), et Jean
Brisseau le jeune (marié à Jeanne Fluzeau). À cet effet ils firent construire
une maison en commun en 1765 à la Brossière, dans la cour du village, à main
gauche en allant de Saint-Fulgent à la Brossière. Dans un acte notarié du 19
mars 1768, il est indiqué que les trois membres de la communauté ci-dessus
cités ont payé la construction de leurs propres deniers. Mais ils formaient
auparavant une communauté élargie à Marianne Robin, veuve Brisseau et Marianne
Brisseau fille majeure, et ces dernières ont reconnu que leur communauté
élargie n’a pas participé au financement de la construction (29).
Après l’incendie de la
Brossière par les républicains pendant la guerre de Vendée, Marianne Brisseau
perdit sa maison et ses meubles. Il ne lui restait plus que ses habits et ses
biens immeubles. Elle fut recueillie par Jean Brisseau et François Fluzeau, ses
frère et beau-frère. En guise de pension elle apporta à la communauté de ces
derniers les revenus de ses immeubles, qui se montaient chaque année à 36 francs.
Moyennant quoi elle fut nourrie, soignée et entretenue, dit un texte d’accord
entre eux devant notaire en 1798 (30).
|
M
Gaborit : Sans titre
|
Cette constitution de
communauté entre marchands pose question. C’était une habitude fréquente chez
les bordiers, métayers et autres travailleurs de la terre de se mettre en
communauté entre membres d’une même famille : parents et enfants ou frères
et sœurs le plus souvent. Il s’agissait de mettre une main-d’œuvre nombreuse et
gratuite au service d’une exploitation agricole. La communauté, sans statut
juridique compliqué et sous la conduite d’un aîné, payait les dépenses très
frugales de ses membres et prenait toutes les rentrées d’argent. Suivant la
formule des notaires, ses membres « vivaient au même pain et pot et faisaient
bourse commune entre eux
».
C’est en communauté qu’on signait un bail par exemple. Nous avons exposé le
phénomène dans un article publié sur ce site en septembre 2012 :
Les communautés familiales d’autrefois dans le canton de Saint-Fulgent. Mais quel
intérêt avaient des marchands de bestiaux à se mettre eux aussi en
communauté ? Notre hypothèse d’explication tient à la nécessité de
disposer de capitaux importants dans l’exercice de leur activité, à cause d’un
chiffre d’affaires élevé et des délais de paiement. Leurs fournisseurs et leurs
clients étaient en grande partie des laboureurs, manquant d’argent ou n’en
disposant pas de beaucoup. Quand un marchand leur achetait du bétail, il devait
payer dans un délai court, sinon comptant. À l’inverse quand il leur vendait
des bêtes, il devait parfois leur faire crédit sous la forme d’arrentement, si
souvent pratiqué à l’époque. Ce fonds de roulement des délais de paiement
mobilisait de la trésorerie et avait besoin de capital. Et ceci exclusivement,
faute d’offre bancaire. Hantise des gestionnaires en difficulté ou en forte
expansion, cette capacité financière pouvait devenir dans certaines situations
bien gérées un atout pour augmenter les volumes de vente, ou leurs marges, ou
les deux à la fois. Dans la communauté de ces marchands de bestiaux, ce n’est
donc pas pour la main d’œuvre qu’on se mettait « au même pain et
pot », mais plus vraisemblablement pour le capital financier. Et il faut aussi tenir
compte des fortes variations des prix du bétail sur période courte déjà à cette
époque. En cas de chute des prix, seules les réserves capitalistiques pouvaient
empêcher la faillite. D’autant que les marchands étaient nombreux, soit de
vieille souche comme les Fluzeau, soit nouveaux venus. Leur nombre favorisait
la concurrence entre eux, au détriment des plus fragiles évidemment.
Avec son épouse Jeanne Monique
Brisseau (1726-1785), Jean Fluzeau eut au moins 6 enfants :
- Marie Madeleine, baptisée le 13 avril 1752 (vue 98) et
décédée en 1804 (vue 136)
- Jean Baptiste, baptisé le 15 avril 1755 (vue 125) et
décédé 3 semaines après (vue 136)
- Jean Baptiste, baptisé le 24 avril 1756 (vue 140) et
décédé le 20 février 1760 (vue 179).
Jeanne, baptisée le 14 décembre 1758 (vue 167) et
décédée le 21 mai 1817 (vue 19), célibataire.
Jean François, né le 27 janvier 1763 (vue 208). Il s’est marié deux fois, d’abord en
1806 avec Jeanne Monique Brisseau, puis en 1821 avec Jeanne Françoise Fluzeau.
Anne Augustine Françoise, née le 19 octobre 1765 (vue
236) et décédée en 1850. Mariée le 3 juin 1806 à Saint-André (vue 218) avec
Charles Buet, né à Saint-Denis-la-Chevasse le 27 avril 1782, tanneur à la
Guierche de Vendrennes, fils de Jacques et de Jeanne Robin.
IIIe génération : François Fluzeau (1750-1820)
On rencontre François Fluzeau,
fils de François et de Jeanne Micheneau, et marié avec Marie Anne Drapeau, dans
quelques documents notariés. Ainsi en 1761 il possède dans le fief du Prieuré
(proche de la Brossière) avec sa mère et ses frères et sœurs, 56 boisselées et
67 gaulées (8,2 ha), exploitées par 6 fermiers différents. Et le même possède
en communauté avec son cousin Jean Fluzeau (1732-1802), 6 boisselées et 6
gaulées (7 394 m2). Au total les Fluzeau possèdent alors près de 34 % du fief (31).
En 1774 François Fluzeau, pour
lui et ses copartageants non cités, tenait noblement à foi et hommage plain du
seigneur de Saint-Fulgent à cause du fief Rollin, le droit de fief sur les deux
tiers du tènement de Fougerasse à Saint-Fulgent, l’autre tiers étant incorporé dans
cette dernière seigneurie (32). Voilà donc un marchand de bestiaux seigneur de
Fougerasse, comme l’aurait été un noble. À cette époque cela n’était le signe
que de la capacité financière de son possesseur, et ne portait pas à
conséquence sociale pour un si petit fief de terres agricoles. C’est dire
en même temps le degré de dévalorisation dans ces fiefs à la veille de la
Révolution, de la notion de seigneurie léguée par le Moyen-Âge.
|
Château de
Saint-Fulgent
|
La même année, François Fluzeau et ses copartageants déclaraient
tenir dans le tènement de la Tacrière à Saint-Fulgent, du seigneur de Saint-Fulgent,
3 boisselées en 30 seillons dans le Grand Champ, terrageables au 1/6e
des récoltes, comme dans le champ voisin des Talles où ils avaient 2 parcelles
totalisant 8 boisselées. Dans le même champ ils possédaient en plus 5 parcelles
totalisant 9 boisselées, terrageables au 1/30e des récoltes. Ils les
tenaient roturièrement du seigneur de Saint-Fulgent avec d’autres teneurs, à la
charge de lui payer solidairement une rente annuelle de 20 boisseaux de seigle
(32).
François Fluzeau déclare aussi tenir
roturièrement du seigneur de Saint-Fulgent, une partie du tènement des
Sept Septiers contenant 112 boisselées, et situé près de la Gallotière. Il
tient aussi roturièrement du même seigneur, une partie du tènement
des Pierres Bizes contenant 40 boisselées et situé près de la Veralie (32), le
tout à Saint-Fulgent.
Il reçoit en 1777 une somme de
120 livres à titre d’amortissement (rachat) d’une rente de 6 livres sur un
cheptel de bestiaux due par Jean Herbreteau, métayer de Linières. C’est son
père, François Fluzeau, qui avait accordé cette rente, et elle avait échu dans
l’héritage de son fils et de sa fille Marie Madeleine Fluzeau. Pierre Bordron,
mari de cette dernière, partagea la somme reçue avec François Fluzeau (33). Il
était par ailleurs le beau-frère de Jean
Herbreteau.
On rencontre d’autres actes
notariés où l’unité des biens de la famille a été préservée au moment des
héritages, quitte à choisir des indivisions à géométrie variable pour chacun
des domaines. Ainsi en est-il de la métairie à la Brossière, affermée en 1781 à
René Poupin pour 5 années, à prix d’argent de 220 livres par an (correspondant
à une surface alors d’une quinzaine d’hectares environ). Les bailleurs
sont Jean Fluzeau marchand et Jeanne Fluzeau sa sœur, avec son cousin
François Fluzeau, demeurant séparément à la Brossière. S’y ajoute Pierre
Bordron, marchand, pour sa femme Marie Madeleine Fluzeau (sœur du cousin
François Fluzeau), demeurant à la Ridolière (34). Au moment de l’entrée du
fermier dans les lieux, à la Saint-Georges 1782, on fit une visite de la
métairie comme c’était d’usage. C’est François Brisseau, son mari, qui
représentait Jeanne Fluzeau pour l’état des lieux fait à l’amiable pour éviter
des frais, et par des propriétaires sachant lire et écrire, mais à
l’orthographe imaginatif.
Autre exemple d’un héritage partagé en
partie seulement : une rente annuelle de 20 livres due sur une borderie à
la Bordinière (Rabatelière). Elle avait été consentie jadis par François
Fluzeau (1696-1756) aux acheteurs de la borderie, François Rauturier et André
Guesdon, faisant là un acte de crédit à la place d’une banque. La rente était
échue dans la part d’héritage de ses deux filles survivantes, Jeanne et Marie
Madeleine Fluzeau. La fille de François Rauturier, Marie, fit une
reconnaissance de cette rente en 1790 à leur profit (35).
François Fluzeau et Marie Anne
Drapeau (1763-1803) eurent au moins 8 enfants :
- François, baptisé le 9 novembre 1783 à Beaurepaire (vue
41), où s’étaient mariés ses parents et où il est né au village de la Fraperie.
Il est mort célibataire le 3 janvier 1854 à Saint-André (vue 278).
- Jean Baptiste, né à la Brossière et baptisé le 10
novembre 1784 (vue 160), inhumé le 12 septembre 1785 (vue 176).
- Marie Françoise, baptisée le 20 novembre 1786 (vue
193).
- Victoire, baptisée le 8 février 1790 (vue 238). Décédée
en 1853
- Jeanne Françoise, baptisée le 24 novembre 1792 (vue 26).
Elle se mariera en 1821 avec son cousin au 5e degré (leur aïeul
commun était leur arrière-grand-père), Jean François Fluzeau, dit François
Fluzeau. Elle décéda en 1855.
- Jean, né le 2 octobre 1794 au village des Gâts et
baptisé à la Joussière (Saint-Fulgent) par le vicaire de Saint-Fulgent, Billaud
(vue 37). Avec les mêmes parrain et marraine, le prieur de Saint-André note le
baptême sur son registre clandestin, en retenant par erreur la date de la
naissance à la Brossière le 8 octobre 1793, et le baptême le lendemain à la
Joussière (vue 17). Selon les recherches de l’abbé Boisson, les deux dates de
naissance correspondent à une naissance unique, enregistrée quelques années
plus tard par le prieur de Saint-André, ce qui expliquerait l’erreur. Il
précise que la naissance à la Brossière se situe au domicile des parents. Celle
aux Gâts correspond mieux au besoin de s’isoler, la Brossière étant très
exposée au bord du grand chemin pendant la guerre de Vendée (36). Il est décédé
en 1853 à la Brossière (vue 263), ayant épousé Jeanne Monique Buet.
- Pierre Augustin, né le 18 prairial an 5 (6 juin 1797)
(vue 4). Il est décédé l’année d’après.
- Pierre Augustin, né le 20 vendémiaire an 8 (12
octobre 1799) (vue 26 du registre clandestin et vue 25 de l’état-civil en l’an
8). Décédé à l’âge de 16 mois en l’an 9 (vue 2).
François Fluzeau, est décédé le
26 février 1820 à la Brossière, âgé de 72 ans. Marie Anne Drapeau, fille de
Louis et de Marie Anne Boudaud, est décédée le 27 ventôse an 11 (18-3-1803) à
Saint-André.
IVe génération : François (ou Jean François) Fluzeau (1763-1824)
Fils de Jean Fluzeau et de Jeanne Brisseau, Jean François Fluzeau,
prénommé comme tel dans ses actes d’état-civil, s’est fait appeler François
ensuite toute sa vie. C’était rare, mais on pouvait rencontrer à l’époque des
personnes qui portaient un prénom différent de celui donné à la naissance. Chez
les Fluzeau de la Brossière, où les prénoms de Jean et de François se
répétaient de génération en génération, cette pratique constitue un obstacle
difficile pour le chercheur. D’autant plus dommageable que nous avons affaire à
un personnage intéressant par ses responsabilités de maire et de capitaine dans
l’armée vendéenne. L’abondance des actes notariés ou d’état-civil concernant la
famille, la présence de leurs signatures, et l’aide d’un logiciel de
traitement de photos des signatures, nous a permis une comparaison utile de ces
signatures, et de découvrir dans la plupart des documents la bonne personne
concernée.
François Fluzeau le jeune (1763-1824)
Jean François Fluzeau à l'état-civil
Dans leur entourage on évitait la confusion entre le cousin de la 3e
génération et le cousin de la 4e génération en désignant le premier
de François Fluzeau l’aîné, et le second de François Fluzeau le jeune. C’est le
constat fait dans un gaulaiement des Landes du Pin en 1808, où l’aîné y possède
31 boisselées et le jeune 46 boisselées (37). Dans deux passages du texte, ce
dernier est désigné une fois comme Jean François Fluzeau, et une autre fois
comme François Fluzeau le jeune, ce qui corrobore nos observations sur les
signatures. Et alors même que François Fluzeau aîné avait prénommé le premier
de ses fils François, alors âgé de 25 ans.
François Fluzeau, car tel il était désigné
dans la plupart des documents, aurait été élu comme électeur du canton de
Saint-Fulgent et capitaine dans la garde nationale de la commune de Saint-André.
Son commandant était Jean Aimé de Vaugiraud, l’ancien officier de marine
venu habiter le bourg de Saint-André. Un nommé Bordron était major et François
Fluzeau, âgé de 27 ans, aurait eu le grade de capitaine (38). Nous nous sommes exprimés
au conditionnel car ces deux rôles ont pu tout aussi bien être tenus par son
cousin François Fluzeau, alors âgé de 40 ans. On hésite sur ce point faute de
signatures dans ces emplois. En 1792, il
n’y a plus de Fluzeau parmi les 9 électeurs du canton, eux-mêmes élus dans les
assemblées primaires d’électeurs au suffrage universel. Leur rôle était d’élire
les députés et certains fonctionnaires.
Pour son engagement dans les
combats de la guerre de Vendée, dans l’armée du Centre, le doute n’est plus
permis. Distingué rapidement, François Fluzeau (le jeune) fut nommé capitaine,
au même grade que François Cougnon, le capitaine de la paroisse de Saint-André.
Dès 1793 il est noté par les autorités révolutionnaires du district de Montaigu
comme commandant (sic) et brigand (nom donné aux révoltés). En 1796, probablement
lui plutôt que son cousin, il a été élu pour un an assesseur auprès du juge de paix du
canton de Saint-Fulgent. À l’été de 1796, c’est lui qui a été élu agent (maire)
de la commune de Saint-André. En 1800, le préfet le désignera comme adjoint au
maire. Et dans ces rôles nous n’avons pas de doute sur la bonne identité à
cause de sa signature.
Nous avons fait le récit de ses engagements
dans deux articles publiés sur ce site. Le premier en juillet 2010 :
Les agents communaux Fluzeau (1796-1797) et Bordron (1797-1799). Le deuxième en mars 2017 :
La vente des biens du clergé à Saint-André-Goule-d’Oie; Il a en effet acheté l’église
et le presbytère de Saint-André en 1796, et en a cessé le paiement l’année
d’après. Il a alors refusé de prêter le serment « de haine à la royauté »
de septembre 1797, préférant démissionner de son poste d’agent municipal. Le
mois suivant il a accueilli le curé de la paroisse dans sa grange de la
Brossière pour y dire des messes clandestines.
Parmi les maisons incendiées à la Brossière
en 1794 par les républicains, Jean François Fluzeau en eut deux d’une valeur de
5000 F avant l’incendie, et sommairement retapées en 1799. Son cousin, François
Fluzeau, en eut une d’incendiée, retapée en 1797, mais ayant perdu la moitié de
sa valeur d’avant l’incendie. Les héritiers Brisseau en avait une aussi, valant
4000 F avant l’incendie, retapée en 1798, et estimée d’une valeur de 43 F en
1810 (39).
François Fluzeau a été décoré du Lys le 1e
janvier 1815 par le général de Suzannet, signant le titre à la Chardière de
Chavagnes-en-Paillers. Il y est qualifié d’ancien
capitaine d’infanterie dans les armées royales. Son parcours de combattant est
ignoré par les livres d’Histoire de la guerre de Vendée, ce qui est bien
dommage. Il aurait fallu recueillir des témoignages sur son engament auprès des
témoins survivants.
François Fluzeau s’est marié une
première fois à Saint-André le 3 juin 1806 (vue 217), âgé de 43 ans. Il a
épousé sa cousine germaine, Jeanne Monique Brisseau, âgée de 41 ans. Leur
grand-père commun était Jean Fluzeau (1690-1740). Elle est morte sans enfant en
1813 à la Brossière. Il s’est remarié le
24 février 1821 avec Jeanne Françoise Fluzeau, fille de François et de Marie
Anne Drapeau. Leur arrière-grand-père commun était François Fluzeau
(1660-1744). Ils ont eu deux filles :
- Augustine
Françoise Euphrosyne, née le 3 juin 1822 (vue 265). Elle épousa à Saint-André en
1847 (vue 299) Charles Augustin Rochereau (1812-1860), fils du maire de la
commune de 1835 à 1848. Elle mourut en 1898.
- Zélie
Céleste Anastasie, née le 30 août 1824 (vue 383), 8 jours avant la mort de son
père. Elle s’est mariée avec Célestin Batiot à Saint-André le 22 juin 1852 (40).
Célestin Léon Batiot (1822-1895),
était né à Boulogne où il fut clerc de notaire. Avocat ensuite, il fut aussi maire
de Saint-Fulgent, nommé par le préfet ou le chef de l’État ou élu, de 1865 à 1875,
sauf une brève interruption de quelques mois pour laisser la place à Léon Chauvin
du 29 novembre 1870 au 7 mai 1871 en tant que maire provisoire. Alexis des Nouhes lui
succéda en 1875 comme maire, sauf une brève interruption du 23-11-1879 au
20-2-1881, remplacé par Batiot car il avait été révoqué par le préfet
« pour cause politique ». Puis Alexis des Nouhes fut réintégré dans
sa fonction de maire, et enfin fut élu maire en 1882 librement par le conseil
municipal avec 11 voix, contre Batiot qui n’avait obtenu que 5 voix. Les
délibérations du conseil municipal de Saint-Fulgent, où nous avons puisé ces
informations accessibles sur le site internet des Archives de la Vendée,
montrent des relations courtoises entre les deux hommes. Si leurs opinions
politiques les séparaient, les comptes rendus des délibérations n’en laissent
rien voir.
Or la question de leur relation mérite d’être
examinée, car Alexis des Nouhes est connu pour son militantisme monarchique en
faveur de la branche légitimiste. Si on ne connaît pas l’éventuel engagement
politique de Clément Batiot, on note que Napoléon III l’a nommé maire, puis les
autorités préfectorales et gouvernementales à partir de 1871. Surtout Alexis
des Nouhes s’est intéressé très tôt à recueillir des témoignages sur les
évènements de la guerre de Vendée à Saint-Fulgent et dans les communes
environnantes (voir le dictionnaire des
Vendéens). Il n’a rien publié, mais ses notes ont été utilisées par des
historiens ensuite. C’est grâce à lui que nous connaissons ce qu’ont fait
François Cougnon à Saint-André ou Pierre Maindron à Chauché, par exemple. Alors
pourquoi François Fluzeau est ignoré par les livres d’histoire ? Certes,
les notes d’Alexis des Nouhes ont disparu et on ne peut pas en juger avec
certitude. Si elles contiennent des témoignages sur François Fluzeau, ceux-ci
ne furent pas repris par les historiens, ce qui parait étonnant, surtout de la
part de l’abbé Charpentier ou de René Valette. On a du mal à croire qu’Alexis
des Nouhes ait ignoré dans ses recherches le beau-père de Clément Batiot. Mais
plus sûrement, il a dû lui aussi buter sur la difficulté de repérer la personne
de François Fluzeau à l’état-civil. C’est l’explication la plus
généreuse qu’on ait trouvée pour expliquer le silence des écrits qui a entouré
jusqu’ici l’histoire personnelle de François Fluzeau.
Clément Batiot et Zélie Fluzeau
eurent quatre filles, nées à la Brossière ou à Saint-Fulgent. La dernière,
Marie Armance Batiot, née à Saint-André le 1e mars 1859, épousa en
1882 Paul Auguste Jacques Chauvreau.
François Fluzeau était décédé à
la Brossière, âgé de 62 ans, le 7 septembre 1824 (vue 384). Au-delà de son
destin singulier, on voit comment les membres de sa famille ont su amasser des
biens et s’élever dans la société aux 17e et 18e siècles.
Outre des qualités personnelles, leur métier de marchands de bestiaux, la
ténacité dans les affaires judiciaires, l’instruction donnée aux enfants, leur
gestion des mariages, celle des héritages en gardant des domaines entiers dans
des indivisions à géométrie variable, les communauté des biens entre parents, un
esprit de famille entretenu, tous ces moyens jalonnent l’histoire de l’ascension
de la famille Fluzeau de la Brossière vers la notabilité.
(1) Aveu du 4-5-1611 de Jean Gaucher à Languiller pour le fief de Lautruère Loriau, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 42.
(2) 150 J/G 42, aveu du 9-11-1617 de Jean Gaucher à Languiller pour le fief Toillet.
(3) 150 J/G 8, aveu du 17-8-1615 de Jean Gaucher à Languiller pour la Bequetière.
(4) http://famillesdevendee.fr/benoist.html)
(5) 150 J/A 12-2, aveu du 12-5-1619 de Jean Mandin pour la Mauvinière à Languiller à cause du Coin Foucaud.
(6) 84 J 5, nouveau calcul fait le 3-11-1703, de la répartition des devoirs dus par les teneurs des Gâts, Archives de la Vendée, don de l’abbé Boisson.
(7) 84 J 6, gaulaiement du 8-8-1714 du fief du prieuré à St André Goule d’Oie.
(8) 84 J 21, recours en 1785 contre le paiement d’un droit de franc-fief par les héritiers Fluzeau.
(9) Aveu du 23-6-1774 de la seigneurie de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la Bretesche), transcrit par Paul Boisson, page 23, 28, 84, 94, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13.
(10) Vente du 30-4-1739 d’une rente sur les Landes Borgères, Brossière et Guierche à F. Fluzeau, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 63, les Bruneau, page 27 et s.
(11) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 76-1, Saint-André-Goule-d’Oie, lieux-dits et autres.
(12) Notes sur les Giroisières à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(13) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 75, Saint-André-Goule-d’Oie, famille Fluzeau
(14) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 21, famille Proust.
(15) 84 J 30, bail du 4-12-1743 de la borderie de la Ridolière.
(16) Idem (12).
(17) Idem (13).
(18) Minutes Thoumazeau du 20-1-1754 et 19-11-1766, citées par l’abbé Boisson dans Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 75, Saint-André-Goule-d’Oie, famille Fluzeau.
(19) 84 J 8, gaulaiement du 2-1-1786 du tènement de la Brossière.
(20) Idem (9).
(21) Reconnaissance du 8-8-1780 d’une rente foncière de 3 boisseaux de seigle aux Fluzeau par le chapelain de Lerandière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/127.
(22) Notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/11, entérinement du 25-11-1786 du testament de Jean Brisseau entre les Métaireau, Fluzeau et Brisseau.
(23) Idem (8).
(24) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Charrier : 3 E 28, amortissement du 6-12-1808 d’une rente de 40 boisseaux à Fluzeau et Brisseau par les propriétaires des Giroisières.
(25) Idem (13).
(26) P. Molé, François Cougnon un capitaine de paroisse dans la guerre de Vendée (mémoire de maîtrise, Paris IV Sorbonne), 1990, page 66 et s. dans Archives du diocèse de Luçon, bibliothèque.
(27) Retrait féodal du 13-1-1778, de terres à Vendrennes par Fluzeau, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/123.
(28) A. de Guerry, Chavagnes, communauté Vendéenne, Privat, 1988, page 134.
(29) Idem (13).
(30) Accord du 12-3-1798 entre M. Anne Brisseau et ses frère et beau-frère après l’incendie de la Brossière, Archives de Vendée, notaires de Chavagnes en Paillers, Bouron : 3 E 18/18.
(31) 84 J 10, gaulaiement du 5-9-1761 du fief du prieuré de Saint- André.
(32) Idem (9).
(33) Notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/126, amortissement de rente du 1-6-1777 pour François Fluzeau et Pierre Bordron.
(34) Notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/127, ferme du 16-11-1781 d’une métairie à la Brossière de Jean Fluzeau et consorts à René Poupin.
(35) Notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, reconnaissance du 31-10-1790 d’une rente par Marie Rauturier à Fluzeau sur une borderie à la Bordinière.
(36) Idem (13).
(37) 84 J 14, gaulaiement du 3-2-1808 du tènement des Landes du Pin.
(38) Idem (22).
(39) Archives de la Vendée, destructions immobilières pendant la guerre de Vendée : 1 M 392, commune de Saint-André-Goule-d'Oie.
(40)
http://famillesdevendee.fr, famille Batiot, branche de la Grève.
Emmanuel
François, tous droits réservés