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Les fiefs de la
Brossière
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Les petits fiefs de la Brossière
sont une particularité propre à la petite contrée autour de ce village à
Saint-André-Goule-d’Oie. Nous les avons évoqués le mois dernier dans notre
article intitulé :
La Brossière à Saint-André-Goule-d’Oie. On en a compté huit à Sain-André : Mauvinière,
Bignon, Giroisières, Toillet, Bequetière, Lautruère Loriau, Drillay, Prieuré.
Ils sont petits par la taille, de 4 hectares à 21 hectares. Nous pouvons les
situer grâce aux confrontations indiquées dans les documents les concernant,
d’où la présentation de manière schématique dans la photo ci-contre. Les
contours du tènement proprement dit de la Brossière nous échappent, faute d’en
bien cerner ses limites vers le sud-ouest et le sud-est. Il en est de même pour
le fief Drillay et le fief du Prieuré. Les géomètres du cadastre napoléonien,
sans vouloir connaître ces divers fiefs de la Brossière dont nous écrivons l’histoire,
ont choisi le nom de :
les Vallées
et Mauvinières no 1 pour désigner l’espace qu’ils occupaient autrefois.
C’étaient des terres nobles pour
6 d’entre eux, c’est-à-dire de véritables fiefs pour lesquels le suzerain
recevait un aveu après avoir accepté la foi et hommage de son vassal. Deux d’entre
eux le resteront jusqu’à la Révolution. Un autre le restera aussi, mais dans
une courte période d’observation au 17e siècle. Trois autres, créés
nobles, verront leur droit de fief absorbé par leur suzerain de Languiller au
18e siècle, lequel reçut ensuite des déclarations roturières
directement des teneurs.
Voyons l’histoire de chacun
d’eux à commencer, dans une première partie, par le fief de la Mauvinière,
le fief Bignon, le fief de la Bequetière, et le Fief du Prieuré.
Le fief de la Mauvinière
Les archives de la Rabatelière ne
nous ont conservé jusqu’à nos jours que peu de documents sur le fief de la
Mauvinière. Et au cours du 17e
siècle on le voit passer de la possession d’un roturier de Saint-Fulgent à
celle d’un seigneur de la Guiffardière et de la Vrignonnière, aux Essarts.
Le fief relevait de la seigneurie
du Coin Foucaud et il était situé près de la Brossière à Saint-André-Goule-d’Oie,
touchant le ruisseau du Vendrenneau, les fiefs de la Bequetière à l’ouest et de
Lautruère Loriau à l’est. Il était bien petit avec près de 4 hectares au 17e
siècle. Approximativement il devait se situer à gauche de l’autoroute A 87
(dans la direction des Herbiers), avec la D 137 passant en son milieu.
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A 87 près de la
Brossière en direction des
Herbiers (Mauvinière à gauche)
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En 1619, son seigneur était Jean
Mandin, demeurant au Plessis Richard paroisse de Saint-Fulgent (1). Il tenait
le fief en tant que chemier (représentant du fief), « tant pour moi que pour mes
parageurs et part-prenants (autres possesseurs), promettant et tenant en
gariment (garantie) sous moi et de moi ». La formule est insistante,
indiquant qu’il rendait l’hommage plain et à droit de rachat au nom des autres
possesseurs, pour le « fief, terroir et tènement » de la Mauvinière.
On observe par la juxtaposition des trois mots, que ceux-ci ont perdu leur sens
d’origine, devenant ici au fil du temps des synonymes. Nicolas Mandin avait acquis le
droit de fief et une partie de ses redevances par contrat d’arrentement de
Charles Prevost, écuyer seigneur de la Guichardière (Rabatelière) le 17 avril 1609 (2).
Les redevances prélevées sont un
terrage au 1/6 des récoltes, et 2 sols de rente noble, le tout payable à la
mi-août par les teneurs (propriétaires) des terres dans le fief. Ce sont des
habitants de la Brossière : Denis Pidoux, Jean Fluzeau, Mathurin
Menanteau, André Pasquereau, Jean Parpaillon, François et Jacques Meteraux,
Pierre Carré, Étienne Guignard, Jean Guesdon, Mathurin Pattin, André Pepin,
Abraham Bregeon.
Ces redevances sont
réparties : Jean Mandin en prend un quart. Les trois autres quarts
appartiennent à l’époque à Hélie de Saint-Hilaire, écuyer, seigneur de
Grand-Landes et de la Guiffardière (Essarts). Le texte insiste : ce
dernier tient sa part « de moi sous mon dit hommage et gariment », c’est-à-dire de Jean Mandin.
Celui-ci fait écrire aussi :
« et sur lequel fief et tènement j’ai tout droit de juridiction basse
foncière, entièrement de prendre les ventes sans qu'aucun de ceux qui tiennent
sous moi y prennent autre chose et n’ait aucun droit de juridiction sur ledit
fief et tènement ». On n’est pas habitué à ce que les notaires, y compris
ceux de la Merlatière, actifs à cette époque pour les habitants de Saint-André-Goule-d’Oie,
mettent ainsi les « points sur le i ». On devine que le seigneur du
fief, roturier de son état, ne voulait pas s’en laisser compter par son
parageur, qui, lui, était un noble.
Or ce noble, dans un aveu du 12
août 1606 à Languiller pour la Guiffardière, avait indiqué son droit de terrage
au 1/6 des récoltes « en un tènement de terre contenant 2 septrées de
terre et demi journal de pré, tenant le tout à la rivière de Vendrenneau, au
fief de la Bequetière et d’autre au chemin par lequel l’on va de Saint-André à
Vendrennes » (3). Il s’agit bien du même fief de la Mauvinière, mais les
droits perçus n’ont pas la précision du texte précédent. Il faut dire aussi
qu’Hélie de Saint-Hilaire faisait son aveu « au
nom et comme loyal administrateur de Hélie de Saint-Hilaire mon fils, et de
défunte demoiselle Anne Puytesson ma femme ». Il demeurait au château du
Retail. Son territoire, dépendant de la paroisse de Saint-Pierre-du-Luc (située
en Poitou), constituait une enclave rattachée à Legé (Loire-Atlantique), dans
les marches de la Bretagne et du Poitou. Vu de l’époque c’était un étranger à Saint-André.
Et c’est l’un des successeurs
d’Hélie de Saint-Hilaire qui a pris la place de Jean Mandin 66 ans plus tard. Les successeurs de Nicolas Mandin avaient vendu
leurs droits à Pierre de la Bussière, seigneur de la
Flotterie et de la Vrignonnière, demeurant en sa maison noble de la Vrignonnière
(Essarts) en 1644 (4). En 1685, c’est Pierre de la
Bussière, seigneur de la Vrignonnière (Essarts), qui possède la Guiffardière. À cette date, le seigneur de Languiller est l’intransigeant Philippe Chitton, son
beau-frère. Avec les notaires de Saint-Fulgent, Proust et Arnaudeau, qui
avaient reçu commission en exécution de lettres de terrier, de procéder à la
vérification des terres de Languiller, le propriétaire de la Guiffardière s’est
déplacé à Languiller. Il a personnellement offert son hommage à sa sœur, épouse
du seigneur de Languiller absent, à cause de la seigneurie du Coin Foucaud,
pour le fief de la Mauvinière possédé par la maison noble de la Guiffardière
(5).
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La Guiffardière
(Essarts)
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Le même jour, les mêmes notaires
ont rédigé un aveu, où on retrouve les mêmes redevances payées par les teneurs
du fief, qu’en 1619. Mais la Guiffardière est le possesseur unique du droit de
fief et de ses revenus, comprenant le droit de basse justice foncière et celui
de prendre les lods et ventes (droits de mutations). Une précision
intéressante : Pierre de la Bussière indique qu’il a hérité de ces droits
de son père, aussi nommé Pierre de la Bussière (6).
Dans cette courte histoire au
cours du 17e siècle du fief de la Mauvinière, on voit bien que la
condition sociale du possesseur du fief ne compte pas pour déterminer les
redevances. Le nom qui le désigne non plus, fief ou tènement. Ce qui compte,
c’est le mode de relation au suzerain du possesseur du terroir, noblement par
foi et hommage, ou roturièrement par simple déclaration censive ou roturière. À l’origine, le fief était une
terre noble concédée en contrepartie d’un service. La tenure était une terre
censive (payant le cens) ou roturière, grevée de charges comme les corvées et
les redevances. En Poitou, le droit de fief comportait automatiquement le droit
de basse justice ou foncière, au minimum. De manière paradoxale, la propriété transcendait
les classes sociales, mais suivant des procédures qui les valorisaient.
À Saint-André-Goule-d’Oie, des
redevances particulières de nature féodale, ainsi que les corvées
seigneuriales, avaient été incorporées dans le cens ou les rentes seigneuriales,
quand on aborde le 17e siècle. Restaient le terrage, important, et
les lods et ventes payés à l’occasion des mutations de biens. Très souvent
vendus, les droits étaient devenus objets de commerce, souvent détachés du
droit de fief lui-même. Cela veut dire que la distinction entre terre noble et
terre censive avait perdu une part de ses caractéristiques d’origine. Elle
restait importante néanmoins, ne serait-ce qu’à cause de l’impôt royal de
franc-fief, payé par des roturiers possédant des fiefs ou biens nobles.
En 1700, la Mauvinerie est
possédée par Samuel de Lespinay à cause de Louise de la Bussière sa femme, comme
héritière de Léon David de la Bussière fils aîné de Pierre de la Bussière, seigneur
de la Vrignonnière (Essarts) et par ailleurs propriétaire de la maison noble de
la Guiffardière (7). Son
petit-fils, Alexis Samuel de Lespinay, épousa en 1750 Marie Félicité Cicoteau,
dame de Linières. De son père celle-ci avait hérité de la métairie des Noues à
Saint-André, qui intégra des terres de la Mauvinerie. C’est ce qu’on
apprend dans les confrontations des parcelles du fief voisin de la Bequetière
du 2 avril 1753.
Le fief du Bignon
Au fief du Bignon (aussi écrit
Beugnon), la documentation nous donne un exemple de saisie des droits féodaux
au profit du suzerain à la fin de l’Ancien Régime. Mais avant d’y arriver,
commençons par les temps les plus anciens connus.
Les possesseurs au 16e siècle
Le premier seigneur connu
du Bignon est Jehan de l’Etang à cause de la femme Pernelle du Bignon. Puis on
a en 1550 Guillaume Coyon seigneur de la Nouhe à cause d’Antoinette de la Grève
(Saint-Martin-des-Noyers), sa femme (8). Cette année-là le fief contenait 48
boisselées de terres labourables et en friches et « des journaux à deux
hommes de prés », situé sur la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie près du
village de la Brossière, et dépendant du seigneur de la Nouhe à Vendrennes. Il était mouvant de la seigneurie du Coin Foucaud. Il était tenu à
foi et hommage plain et à rachat par Guillaume Goyon, écuyer et seigneur de la
Nouhe, à cause d’Antoinette de la Grève (Saint-Martin-des-Noyers), sa femme. Le
rachat était dit d’un cheval de service, dû en nature ou du
moins à son estimation, selon les usages (9).
Le seigneur de la Nouhe devait à
Languiller un devoir de 12 deniers à chaque fête de Pâques, plus 7 deniers à
chaque fête de Saint-Jean-Baptiste. Les teneurs du Bignon devaient une rente
annuelle à Guillaume Goyon de 32 boisseaux de seigle, à la mesure des Essarts
(10).
S’ajoutaient une rente de 16 ras
d’avoine aux Essarts, une autre du même montant à Landelière, un cens à la
Nouhe d’1 livre 2 sols et 6 deniers et 2 chapons à noël (11).
En 1579, c’est Mathurin de Buor, seigneur de la
Mothe Freslon (Champ-Saint-Père), qui rendit la foi et hommage à Languiller
pour le fief du Bignon (12). Il était le fils d’Antoinette de la Grue, veuve de
Guillaume Guyon et remariée à Jacques de Buor (13). En 1586, c’est Jacquette
Gourdeau, veuve, qui offre la foi et hommage pour sa fille, unique héritière de
son mari, René Thiran, seigneur de la Rochette et de Saint-Benoit-sur-Mer (14).
Son mari avait hérité de sa tante Antoinette de la Grue, ce qui veut dire qu’un
nouveau partage de succession avait dû avoir lieu entre les héritiers. Et le
vassal devait alors payer 2 rachats, l’un à cause de l’héritage du père et l’autre
pour celui de sa fille. Ils valaient très peu à cette date, un écu, mais on
tarda à payer, de même qu’on traîna à rendre l’aveu consécutif à la foi et
hommage. Et le fief fut saisi par sentence des Assises de Languiller en 1592 (15).
Les possesseurs au 17e siècle
En 1600, le fief a changé. Il
comprend 144 boisselées, 5 journaux de pré, plus dans une partie du village de
la Brossière 9 boisselées de jardin, maisons et voies d’accès. Encore un
défrichement qui s’est réalisé à la fin du 16e siècle, et tout près
du village. Il fait penser aux défrichements des landes du Pin toutes proches.
Le droit de terrage a été amorti
pour être transformé en une rente fixe annuelle, féodale et foncière, de 40
boisseaux de seigle (16). Des calculs permettent d’apprécier sa valeur. Celle-ci
correspond en gros, avec ce que nous savons des rendements de la culture du
seigle et des surfaces neutralisées par la jachère des terres, à l’ancien
quantum du terrage au 1/6 des récoltes. Le changement
tenait à la fixité de la rente, quels que soient les aléas des récoltes d’une année à
l’autre.
En rapprochant cette
transformation du terrage en grosse rente en grains avec d’autres pratiquées à
la Milonnière, Chevaleraye et Javelière dans la deuxième moitié du 14
e
siècle, on y voit l’adaptation au contexte de ruine foncière due aux guerres,
épidémies et dérèglements climatiques, entraînant une dépopulation et la
nécessité de favoriser une reprise des exploitations.
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Église de Crossac
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Clairement est affirmé en 1600 que le Bignon porte « fief et juridiction sur les teneurs dudit fief » par le possesseur des redevances.
Quand on sait que ce point a fait conflit ailleurs avec Languiller, ici on ne
rencontre rien de tel.
En 1600 le possesseur du droit de
fief est Louis d’Avaugour, seigneur de Crossac (près de Pontchâteau en
Loire-Atlantique) et du Bois, fils de Renée de Plouer (branche
de la Murcerie), mariée avec René d’Avaugour, seigneur de Bois-de-Kergroais. Par sa mère
il était un cousin éloigné des Plouer qui possédaient alors le fief voisin des
Giroisières (17). Leur ancêtre commun était Regnault de Plouer, marié avant 1443
avec Robinette du Plessis. Louis d’Avaugour avait épousé en 2e
noces Renée Thiran, l’héritière du fief du Bignon, dame de Péault. Les teneurs dans le fief sont en 1600 : Gauthier, Pasquier,
Metaireau, Bresson et Toillet, habitants du village de la Brossière bien sûr,
ou de la Guierche, contiguë et située, elle, sur la paroisse de Vendrennes.
En 1626, un aveu est rendu pour
le Bignon par François Manigaud, sieur de la Nouhe (18). Il avait acquis la
seigneurie de la Nouhe de Renée Tirant, épouse de Louis d’Avaugour le 18 juillet
1610 moyennant une rente foncière annuelle et perpétuelle de 400 livres (19). Nous
trouvons dans cet aveu de 1626 les
mêmes informations que précédemment, avec en plus une formulation intéressante
du droit de rachat : « et en cas de mutation vous est dû pour tout
droit de rachat et cheval de service ce que je vous déclare », autrement
dit un an de revenu (valeur de 40 boisseaux de seigle et du cens, bien plus qu'en 1586). On voit ici
que la notion de cheval de service était devenue une formule comme synonyme de
rachat. Ailleurs en Poitou elle pouvait se cumuler avec le rachat, sauf si le
fief était abonné en devoirs annuels. Le cheval de service était
le cheval que devait le vassal au seigneur à l’origine, dû ensuite en nature selon
les usages (20).
En 1654, le seigneur du Bignon
s’appelle Pierre de la Varenne, « écuyer sieur de Lardouinière et de la
maison noble de la Nouhe y demeurant paroisse de Vendrennes ». Gabriel Manigaud, sieur
des Hommeaux demeurant à la Rochelle, et fils de François ci-dessus, avait
vendu le 16 octobre 1643 le fief de la Nouhe à Pierre de la Varenne et à sa
femme Marie Espinaceau (Paul Chesneau, notaire à la Rochelle). Ces derniers
habitaient à Lardouinière en la paroisse de Sainte-Florence, au moment de l’achat
(21). Le même jour le notaire fit l’inventaire des titres de la Nouhe. Pierre de la Varenne avait
reçu une assignation à comparaître à l’assise de Languiller le 23 avril 1654
par le procureur fiscal, pour y faire
son offre de foi et hommage et payer ses droits. Pour cela il avait donné procuration
à son notaire de Mouchamps le 7 avril précédent (22).
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Logis du Bignon aux
Herbiers |
Le fief du Bignon passa ensuite
au seigneur du Bignon des Herbiers. Le nom du fief est le même, mais ce n’est
là que coïncidence. Il s’appelait Charles Rouault et avait épousé Suzanne de la
Varenne. Il fit sa foi et hommage le 6 mai 1683, allant sur place à Languiller,
accompagné de deux notaires, et pratiquant la cérémonie dans ce cas prévue, ce
qui était devenu de pratique rare (23), sauf avec Philippe Chitton. On soupçonne
un problème. D’abord à cause de la personnalité du seigneur de Languiller,
Philippe Chitton, un amateur de conflits. Ensuite parce que nous avons deux
textes pour le même acte, signés des deux mêmes notaires de Saint-Fulgent le
même jour. L’un, signé de Chitton et de Rouault, prévoit que le droit de rachat
est d’un cheval de service. Le deuxième, non signé par les parties, ne prévoit
pas de cheval de service. Ce dernier devoir féodal était fréquent dans la
région, mais dans une formulation adaptée au Bignon, comme nous l’avons vu plus
haut en 1626, et devenu sans portée pratique. Par nature il était
imprescriptible, ce que ne devait pas ignorer Philippe Chitton, noble de
fraîche date, qui se serait sans doute bien vu vivre au temps des chevaliers
offrant un vrai cheval à leurs suzerains.
Le successeur du seigneur du
Bignon, Charles Gédéon Rouaut, offrit sa foi et hommage aux Assises de
Languiller et fiefs annexes, le 10 janvier 1700, pour le « fief du Bignon autrement
appelé la Nouhe » (24). Il se fit rappeler à l’ordre lui aussi pour rendre
son aveu. Plus d’un an après il n’avait pas encore rendu
son aveu et dénombrement, alors que le délai prévu dans ce cas par la coutume
du Poitou était de 40 jours. Il reçut une assignation à comparaître à l’assise de Languiller par
Pierre Gourraud, procureur fiscal, le 7 mars 1702 (25). C’est le 13 juillet suivant qu’il rendit son aveu,
en reprenant le texte même de l’aveu de 1626. Notamment le cheval de service
n’est pas évalué comme tel, mais par 40 boisseaux de seigle et un cens de 2 chapons et 22 sols 6 deniers (26).
La saisie du fief du Bignon
Un demi-siècle après on
recommença. Le procureur fiscal de Languiller, Jacques Alexandre Barreau, fit
citer à comparaître à l’assise des lieux, le 25 juin 1751, le seigneur
propriétaire du Bignon. Deux ans après, le nouveau procureur fiscal, Mathurin
Thoumazeau, fit une autre citation à comparaître au même, le 28 avril 1753. Le
procureur réclamait la foi et hommage, l’aveu, le paiement du droit de rachat,
etc. Là aussi on ne comprend pas l’inertie du vassal. Mais un détail retient
l’attention. L’huissier se déplace à la Brossière et s’adresse à Jean Metereau,
l’un des teneurs du fief du Bignon habitant sur place « avec injonction
requise de le faire savoir aux seigneurs propriétaires du susdit fief Bignon,
ce qu’il m’a promis ». Certes la formule était habituelle et devait
suffire en droit. Mais pourquoi ne pas se rendre aux Herbiers chez le vassal
concerné ? C’est qu’il devait en être absent, et en Poitou, si la
signification de la saisie féodale ne pouvait être faite au vassal
personnellement, elle devait se faire au lieu
seigneurial du fief saisi. Cela primait alors sur la qualité de la personne
recevant la signification (27). Mathurin Thoumazeau alla jusqu’au bout de son
action, après avoir constaté une autre absence à l’assise de Languiller le 15
mai 1753.
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Logis de Languiller à
Chauché
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Le 15 juin suivant il obtint une
sentence du sénéchal de l’assise de Languiller, condamnant par défaut le
seigneur propriétaire du fief du Bignon, à remplir ses devoirs de vassal, sinon
les revenus en seraient saisis (28). La sentence fut signifiée 7 jours après
par René Gautier. Il était « sergent ordinaire des assises de la terre
fief et seigneurie dudit lieu de Languiller et de la baronnie des Essarts, reçu
et immatriculé aux greffes des dits lieux, demeurant au bourg de Saint-Fulgent ». Toujours en s’adressant à Jean Metereau à la Brossière, il lui fit « sommation et
commandement de par le roi notre sire et de justice d’incontinent et sans
délai, de satisfaire aux condamnations y portées, lui déclarant qu’à défaut de
ce, et les délais de l’ordonnance passés, qu’il y sera contraint par toutes
voies ». On ne connaît pas Jean Metaireau, mais les visites de l’huissier
ont dû le distraire de ses travaux habituels. Sans doute lui a-t-il fait
profiter des saveurs de sa cave, comme on devait savoir le faire à la Brossière,
village de passage, de commerce et d’hospitalité.
La signification resta sans
effet, ce qui entraîna un nouveau déplacement d’un huissier sur les mêmes lieux
pour l’acte de saisie féodale, le 17 juillet 1753 (29). L’huissier intervenant
s’appelait Joachim Frappier, résident aux Essarts, et il s’était fait
accompagner de deux témoins : René Gautier, huissier de Saint-Fulgent qui
avait fait la signification, et René Greau, menuisier demeurant aussi au bourg
de Saint-Fulgent. Comme il l’écrit dans son acte, Joachim Frappier a
« pris et saisi féodalement et mis aux mains dudit seigneur de Languiller
le fonds, tréfonds, fruits, profits, revenus et émoluments dudit fief Bignon en
la Noue de Vendrennes appartenances et dépendances en la paroisse de Saint-André-de-Gouledois ».
En conséquence il a d’abord
consigné par écrit les confrontations du fief du Bignon sur place « indiquées
par gens du pays, à ce connaissant ». Puis il a « établi pour
commissaire la personne de Jean Parpaillon, journalier demeurant au village de
la Brossière ». Pourquoi lui ? Il appartenait à une très ancienne
famille propriétaire au village. Et nous savons dans un cas identique au Pin
qu’on choisissait à cette occasion un homme en qui le seigneur de Languiller
avait pleine confiance. Sa mission était d’assurer le « régime et
gouvernement du fief et de ses fruits (récoltes) profits, casuels (ex. lods et
ventes), revenus et émoluments »,
interdisant à quiconque d’y toucher. Et au plus tôt il devait saisir la cour de
Languiller pour faire adjuger judiciairement, après enchères, le bail des
fruits du fief saisi. Ce qu’il fit le même jour en faisant assignation au
procureur fiscal de Languiller de participer à l’enchère fixée le 24 juillet
suivant à 9 heures du matin « en la salle basse dudit château de
Languiller paroisse de Chauché ».
Nul doute que le texte avait été écrit avant de partir, et que Jean Parpaillon
n’avait plus qu’à être présent. La salle basse désignait dans le langage de
l’époque une salle du rez-de-chaussée.
Ce rôle de gouverneur des biens
saisis consistait, semble-t-il en pratique, à surveiller l’exploitation des
biens dans le court moment précédent l’adjudication du bail des fruits et
revenus. En cas de problème il fallait prévenir l’huissier ou le procureur. Un
brave homme suffisait à la tâche, pourvu qu’il soit près des lieux, même si la
phraséologie juridique pouvait impressionner. À la même époque on lit les mêmes
phrases pour la saisie de la baronnie des Essarts, pourtant d’une autre
dimension et d’un autre enjeu.
Et le dimanche 22 juillet 1753
une publicité de la mise aux enchères du bail des revenus du fief Bignon avait
été faite devant l’église paroissiale de Saint-André par l’huissier Frappier. Il
en avait donné lecture « de mot à
mot à haute et intelligible voix au-devant de la grande porte de l’église
paroissiale du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie à la plus grande affluence du
peuple sortant d’entendre la sainte messe. À laquelle dite porte j’ai laissé
autant (double) des présentes par
affiche en présence de Valérien Robin, François Bordron, André Boudaud, Pierre
et Philippe Martin, Jean Trotin et de Pierre Enfrin, et autres qui n’ont voulu
signer ni me déclarer s’ils le savaient ou non, quoique du tout dûment enquis,
sommés et interpellés. » (30) On
appréciera la réserve bien naturelle des personnes citées pour ne pas
s’impliquer dans une affaire qui ne les concernait pas.
À l’audience des Assises de Languiller, le
lendemain 24 juillet 1753, on procéda à la mise aux enchères et adjudication du
bail judiciaire des revenus du fief. Il y eu 2 enchérisseurs demeurant à
Chauché, Joseph Forestier et Nicolas Cailleteau, mais le sénéchal décida de
poursuivre la criée le 4 septembre prochain (31). Nous ne connaissons pas la
suite de la criée dans la documentation conservée. Mais une note non signée et non datée a été
conservée dans le dossier de cette saisie féodale. On y lit que les enchères
pour l’adjudication du bail ont eu lieu avec succès avec la précision suivante :
« Les frais ont été payés le 2 juillet 1754 ainsi il n’est rien dû ;
l’hommage a été fait le même jour et l’aveu rendu et reçu ». Selon le registre des Assises de Languiller, c’est
le 2 juillet 1754 que Charles Rouault, demeurant au Bignon (Herbiers), a offert
sa foi et hommage pour le fief du Bignon près de la Brossière, qui lui était
« échu par le décès de Charles Gedéon Rouault son père, décédé en l’année
1703 et dont le rachat a été payé », requérant main levée sur le fief
saisi, offrant d’en payer les frais. Moyennant quoi le sénéchal, Pierre Genet,
le reçu en sa foi et hommage et répondit favorablement à ses demandes (32).
Cette saisie féodale rondement menée, repose sur une absence du
débiteur, car on en a connu d’autres moins facile à réussir en si peu de temps,
dès lors que le défendeur réagissait. Les arcanes de la procédure d’alors
semblent riches, en effet, de possibilités. Autre remarque, le seigneur du
Bignon ne fut pas le seul à traîner les pieds pour remplir ses devoirs féodaux. À
la même époque, le seigneur de la Boutarlière fit de même, ainsi que celui de
la rente noble de 20 boisseaux d’avoine sur la Bergeonnière. On ne voit pas
dans le phénomène l’esprit avant-coureur de la fronde révolutionnaire, mais la
lourdeur des contraintes fiscales seigneuriales régissant la propriété.
Le fief de la Bequetière
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Village de la
Brossière
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Il était limité par le ruisseau
du Vendrenneau au nord, le village du Pont Girouard et le tènement de la
Javelière à l’ouest, et par le tènement de la Mauvinière à l’est.
En 1531, André Jarnigant, écuyer,
est qualifié de seigneur de la Bequetière (33). Mais il ne possédait qu’une
partie du droit de fief. En effet, en 1535 c’est Jean Meterreau, un roturier,
qui offre de faire la foi et hommage plain pour raison du lieu et tènement de
la Bequetière, à cause des Bouchauds. Il le faisait en tant qu’héritier
principal de son cousin germain, François Toillet, devant les Assises de
Languiller avec promesse de payer le droit de rachat et de rendre son aveu (34).
Celui-ci est présenté en décembre 1534, déclarant une surface de 3 septiers
environ (7 ha). En 1541, les deux coseigneurs font leur foi et hommage
séparément (35).
Le 14 novembre 1607, Jean
Gaucher, propriétaire demeurant à la Brossière, rend aveu pour lui à Languiller
à cause de la seigneurie des Bouchauds dont il relève (36). On ne sait pas comment il prit la suite de Jean
Metereau ci-dessus. Il avait fait sa
foi et hommage plain avec droit de rachat, reconnaissant un devoir annuel de 3
deniers de service, dont la moitié pour Languiller et l’autre moitié pour le
baron des Essarts. Ce partage était une particularité des Bouchauds que nous
avons rencontrée ailleurs.
Les droits perçus sur les teneurs
étaient bien faibles, et le rachat se montait à 6 livres. Ils comprenaient
aussi une rente annuelle en argent de 4 sols 7 deniers payables à la Saint-Jean-Baptiste.
Le reste n’est pas précisé. Mais on sait par ailleurs, qu’un autre seigneur
possédait des droits de terrage dans des terres contiguës. On pense
qu’existaient aussi sur la Bequetière d’autres droits dont nous découvrirons
l’existence plus tard.
Le 17 août 1615, c’est le fils et
héritier de Jean Gaucher, aussi prénommé Jean, qui rend l’aveu, pour lui et
pour Michel Fluzeau (37). Ce dernier est qualifié de « mon parageur part-prenant », ce qui
voudrait dire qu’une convention entre eux a désigné Jean Gaucher comme le
« chemier » ou représentant
de l’autre propriétaire des droits, avec qui ceux-ci sont partagés. Pourquoi ce
partage entre eux ? Une acquisition ou un héritage probablement.
Les droits perçus sur les teneurs
ne sont pas précisés, mais on les présume aussi faibles qu’en 1607. Par contre,
apparaissent deux autres droits de valeur symbolique. D’abord un droit de
rivage de 3 sols par an (pour la coupe des plantes poussant sur les bords des
ruisseaux). Il est partagé pour ¼ au profit du baron des Essarts et rendable
sous la halle des Essarts, un autre ¼ pour Languiller et la ½ à un sieur de
l’Esdrière. Ensuite on a une rente de 5 sols par an partagée par moitié entre
Languiller et les Essarts.
En 1626, le fils aîné et
principal héritier de Jean Gaucher, Denis Gaucher, offre à l’Assise de
Languiller la foi et hommage plain pour la Bequetière (38).
L’absorption du droit de fief de la Bequetière par la seigneurie de
Languiller
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Assignation du
5-10-1752
(Archives de la Vendée)
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La documentation accessible fait
ensuite défaut longtemps, jusqu’au 5 octobre 1752. Ce jour-là, un huissier de Saint-Fulgent
est venu apporter à François Guignard, demeurant à la Guierche, et possesseur
en partie de biens dans le fief de la Bequetière, une assignation à comparaître
à l’assise de Languiller, le mardi 15 octobre suivant (39). Dans l’assignation,
faite à la requête de Thoumazeau, procureur fiscal de la Rabatelière et de
Languiller, il est indiqué que la Bequetière relève de Languiller (sic) à foi
et hommage plain, à rachat et à 3 deniers de service annuel. François Guignard
est prié d’exhiber les contrats d’acquisitions de ses biens, de payer ses
redevances, et de faire les reconnaissances nécessaires valant titre nouveau des droits féodaux. Autrement dit, le paiement des redevances avait besoin de
l’intervention d’un huissier pour son exécution, ce qui, pour le moins, n’est
pas le signe d’un grand respect de l’obligation.
La formule de convocation est un
imprimé utilisé dans ce type d’acte, où la partie laissée vide permettait de le
personnaliser. Elle est la même pour convoquer un propriétaire parmi d’autre ou
le possesseur de droits seigneuriaux. Alors pourquoi François Guignard ?
Il est présenté dans la convocation comme le successeur lointain de Jean
Gaucher, garantissant ses parageurs et part-prenants pour établir un titre
nouveau de reconnaissance des redevances seigneuriales.
On ne sait pas
s’il s’est présenté devant le sénéchal de l’assise de Languiller, mais il
refusa le rôle qu’on voulait lui attribuer On sait qu’une procédure judiciaire
fut engagée contre lui, mais que nous ne connaissons pas, ainsi que sa
conclusion (40).
Toujours est-il
que les choses prirent une direction inhabituelle et nouvelle. Nous avons en effet
une déclaration roturière de 38 teneurs à Languiller (41), faite en avril 1753,
5 mois plus tard. Cela veut dire qu’il n’y eu plus de successeur à Jean
Gaucher, et que François Guignard ne le remplaça pas. Les teneurs payent désormais
leur redevance directement au suzerain, la seigneurie des Bouchauds, et la
concession de fief avec les droits seigneuriaux, faite autrefois par ce dernier,
n’existe plus. On ne sait pas comment cela s’est passé. On ne peut pas
soupçonner le notaire de Saint-Fulgent, rédacteur de l’acte, d’incompétence. Il
s’agit de Mathurin Thoumazeau qui était en même temps procureur fiscal de
Languiller, c’est à dire celui qui recevait l’acte pour l’accepter ou le
refuser.
Le nombre de 38 propriétaires
marque une forte croissance par rapport aux 11 rendants de 1607. La surface de
ce qu’on appelle désormais un tènement, et non plus un fief, est de 150
boisselées environ, au lieu des 48 boisselées un siècle et demi plus tôt. On a
défriché des landes communes, semble-t-il. Elles étaient proches du tènement de
la Javelière et des champs de la Mauvinière.
Les teneurs doivent désormais à Languiller
10 sols chaque année, et une rente d’un boisseau de seigle à la mesure des
Essarts. À la baronnie des Essarts ils doivent 3 deniers de cens, et au
seigneur de la Drillère 9 deniers. Les valeurs ont un peu changé, mais sont
toujours très faibles. Ce qui est étonnant, c’est que ces valeurs diffèrent de
celles indiquées ci-après.
Le gaulaiement de 1761
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Gaulaiement de 1761
(Archives de la Vendée)
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Par chance, on trouve dans les
dossiers de l’abbé Boisson, conservés aux Archives départementales, un
gaulaiement de la Bequetière en date du 18 août 1761 (42). Il comprenait un
arpentement de toutes les parcelles foncières et le calcul des redevances dues
collectivement au niveau du tènement par chaque propriétaire. Le total des
surfaces se montait à 146 boisselées et 51 gaulées, réparti entre 42 propriétaires.
Les teneurs devaient à 5 créanciers différents, annuellement, un total de 16
boisseaux de seigle, 22 boisseaux d’avoine et 15 sols en argent. Nous en avons
le détail :
- À la seigneurie de Languiller : 3 boisseaux
de seigle, 4 boisseaux d’avoine, et 12 sols 6 deniers en argent.
- À la baronnie des Essarts, au titre des
Bouchauds comme Languiller : 18 boisseaux d’avoine.
- À la commanderie de Launay (ordre de Malte à Sainte-Cécile) :
8 boisseaux de seigle.
- À la seigneurie de l’Andoullière (ou Landelière, probablement
la seigneurie de la Drillère indiquée dans la déclaration de 1753 ci-dessus) :
1 boisseau de seigle et 2 sols et 6 deniers.
- Au prieur de Saint-André-Goule-d’Oie : 2
boisseaux de seigle, et autant au prieuré des Essarts.
Le réalisateur du gaulaiement ne
se présente pas dans le texte qu’il a rédigé, contrairement à l’habitude, et sa
signature est illisible. Nous savons par un autre texte qu’il s’agit de deux
arpenteurs : J. Chancelier et Provost, demeurant tous deux à Montaigu (43).
Après le long travail d’arpentage, qui pouvait prendre 2 à 3 jours pour mesurer
chaque parcelle, suivait un travail de calcul. On commençait par le calcul de
« supputation », consistant à déterminer quelles étaient les charges
pour une boisselée. Ainsi le texte nous dit : « et après supputation
faite, s’est trouvé que la boisselée doit et est chargée :
-
en seigle 1 mesure, moins la 8e
partie d’une mesure
-
en avoine 1 mesure et la 5e partie
d’une mesure
-
et en argent 1 denier et un quart de denier
aussi par boisselée »
Rappelons que la mesure était la
8e partie d’un boisseau. Cela donne avec nos unités modernes pour
une boisselée (1216 m2), en seigle : 1,685 kg, en avoine :
2,078 kg, en argent 4 centimes d’euro (44).
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Le Pont Girouard près
de la Bequetière
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Puis pour chaque propriétaire, le
gaulaiement détaille chaque parcelle possédée avec ses confrontations, sa
nature et sa surface. Il en fait le total et donne la part de chacun dans les
trois rentes en seigle, blé et argent. C’est le collecteur, qui une fois
l’amassage accomplit auprès de chaque propriétaire, répartissait les redevances
entre les cinq créanciers, pour les leur porter si elles devaient l’être. À voir le nombre de propriétaires et les valeurs en question, on le plaint pour
ce travail qui devait être ingrat. Ce n’est pour rien que l’historien Le Roy
Ladurie a écrit que « les droits féodaux, pour de médiocres profits,
présentent mille embarras et difficultés, tant au seigneur qu’au vassal »
(45).
Avec un tel nombre de 42
propriétaires se partageant les 17,8 hectares, on devine la dispersion de la
propriété des terres. Le plus important d’entre eux est Me Verdon, sieur de la
Morlière, notaire
et huissier royal demeurant au bourg de Saint-Martin-des-Noyers (46), avec 19 boisselées, et
le plus petit est René Pain avec 21 gaulées. Possédant plus de 5 boisselées
chacun, ils ne sont que 7 propriétaires pour 8,1 ha. Et possédant moins de 2
boisselées, ils sont 19 pour un total de 2,7 ha. Les 16 autres propriétaires ne
possèdent que des surfaces allant de 2 à 5 boisselées pour un total de 7 ha.
La Bequetière était un tènement
sans bâtiments, avec peu de prairies naturelles (0,5 ha). Le tènement touche le
ruisseau du Vendrenneau, mais celui-ci est trop en contrebas pour humidifier
ses terres. On relève une surface significative de verger (0,5 ha), peut-être
planté de pommiers. Le reste des surfaces était donc voué à la culture, des
céréales essentiellement.
Le fief du Prieuré
Ce qu’on appelait le fief du
Prieuré était un tènement dépendant du prieuré de Saint-André-Goule-d’Oie, dont les teneurs
habitaient pour la plupart au village proche de la Brossière. Ils devaient
collectivement au prieuré, qui en était le seigneur apparemment, une rente de
112 boisseaux de seigle par an. Les documents accessibles du chartrier de la
Rabatelière n’en parlent pas. Pourtant le prieur devait probablement en rendre
un aveu ou une déclaration à la seigneurie de Languiller, à cause du fief du
Coin Foucaud, comme il le faisait pour la chapelle et la métairie de Fondion,
tout à côté. Même dans l’aveu du Coin Foucaud aux Essarts, décrivant la
situation de la seigneurie en 1550, le fief du Prieuré n’est pas mentionné (47).
Et il ne peut pas être confondu avec les terres de Fondion au vu de sa
situation géographique. On a de la peine en effet à penser que cette terre ait
pu relever d’une autre seigneurie que celle de Languiller, ce qui aurait été la
seule exception dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie. L’hypothèse probable pour
expliquer cette absence réside dans un défrichement tardif, comme son voisin le
tènement des Landes du Pin. Alors il aurait compensé la confiscation de la
moitié des terrages dont bénéficiait le prieur de Saint-André sur la plupart
des tènements du Coin Foucaud, opérée par le seigneur de Languiller à la même
époque de la fin du 16e siècle. Dans ce sens il faut se rappeler qu’une
partie du tènement voisin des Gast a aussi probablement fait l’objet d’un
défrichement tardif, entre le milieu du 15e siècle et le milieu du
16e siècle, auquel le fief du Prieuré était associé dans certaines archives du
prieuré.
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Le Fief du Prieuré
près des Gâts
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Ce fief était limité au nord par les
fiefs du Bignon à Saint-André et des Landes Borgeres à Vendrennes, et au sud
par le tènement des Gâts, touchant même les ruages de ce dernier village,
occupant à ce niveau l’espace entre la route de la Brossière à Fondion, et le
ruisseau de Fondion au Vendrenneau. Vers l’ouest il touchait le tènement des Landes
du Pin.
Une sentence fut rendue en la
sénéchaussée de Poitiers le 10 août 1660 au profit du prieur de Saint-André,
contre les teneurs du fief du prieuré (48). Nous ignorons la teneur du conflit.
Puis un gaulaiement de 1714 nous
en dit plus. Il comprenait un arpentement qui déterminait la surface des
parcelles foncières sur la base de la gaulée. Celle-ci, un carré à 12 pieds de
côté (0,325 m), faisait 15,2 m2 de surface. Il en fallait 80 pour
faire une boisselée de 1216 m2 à la mesure des Essarts en vigueur à
Saint-André. Ces gaulaiements étaient réalisés dans un tènement ou un fief,
relevant d’un même seigneur et payant un même régime de redevances pour tous
les possesseurs dans le fief.
En 1714, le gaulaiement se
présente sous la forme d’un acte notarié, établi par Landais, notaire aux Essarts
(49). Comptabilisant toutes les terres pour chaque propriétaire, il est
exhaustif et précis normalement, sauf qu’il manque des pages au document
consulté. Il s’agissait de répartir à cette date une rente de 112 boisseaux de
seigle, due chaque année au prieuré de Saint-André-Goule-d’Oie, entre 47
propriétaires. Le plus important, possédant 16 boisselées 20 gaulées (près de 2
ha), Louis Proust, sieur de la Barre, contribuait pour 10 boisseaux et 5
mesures. Il fallait 8 mesures pour faire un boisseau, et sa charge personnelle équivalait
à 160 kg de seigle d’aujourd’hui. Le moins important, François Menanteau, à
cause de sa défunte femme Marie Gauducheau, possédait une parcelle de champ de
21 gaulées et devait 1 mesure 1/3, soit 2,5 kg de seigle.
La surface totale était de 172
boisselées et 9 gaulées, ce qui en faisait un tènement moyen pour Saint-André (21
ha). Ce qui frappe est la dispersion en de petites parcelles et de nombreux
propriétaires. 3 d’entre eux possèdent plus de 10 boisselées, 9 possèdent entre
5 et 10 boisselées et les 35 autres propriétaires possèdent moins de 5
boisselées.
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La Brossière
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Tènement sans bâtiments, sa
proximité des villages de la Brossière et des Gâts est la cause d’une petite
surface cultivée en jardin. Surtout 22 % du total est occupé par des prairies
naturelles, ce qui est beaucoup. Cela fait près de 5 hectares, à cause du
ruisseau de Fondion au Vendrenneau qu’il longe.
En raison des nombreux changements
de propriétaires, un nouveau gaulaiement fut effectué 47 ans plus tard. Un
arpenteur de métier, Gabriel Proust, demeurant à Saint-Gorges-de-Montaigu, le
réalisa le 3, 4 et 5 septembre 1761. Il fut clos et arrêté le 5 septembre (50).
Auparavant, la publicité de son intervention avait été assurée par « un
billet public à la grande messe paroissiale de Saint-André », écrit
l’arpenteur. Il faut comprendre à cette date : à la sortie ou à la fin de
la messe, et non plus à la fin du sermon pendant l’office.
Ce nouveau gaulaiement ressemble
au précédent, avec un total de 181 boisselées et 8,5 gaulées réparties entre 50
propriétaires. Le calcul de « supputation »
donne toujours 5 mesures d’un boisseau pour une boisselée possédée.
On voit apparaître la famille
Fluzeau de la Brossière étendre ses possessions. François Fluzeau (1750-1820),
fils de François (1696-1756), possède avec sa mère et ses frères et sœurs, 56
boisselées et 67 gaulées (8,2 ha), exploitées par 6 fermiers différents. Et le
même François Fluzeau fils possède en communauté avec son cousin Jean Fluzeau
(1732-1802), fils de Jean, 6 boisselées et 6 gaulées (7 394 m2).
Pour autant, si les Fluzeau ont
regroupé des parcelles, d’autres parcelles ont été partagées au rythme des
successions, car on compte au total 50 propriétaires. D’ailleurs, quand
l’adresse de certains propriétaires est indiquée, on voit leur dispersion
géographique : la Roche Mauvin (Louis Boisson), Linières (Pierre Gautron),
Puy Greffier, Gandouinière, Boninière, voire Beaurepaire et Bazoges. Nous
observons là un phénomène naturel, il arrive un moment où la petitesse des
surfaces et leur dispersion entre des propriétaires, obligés d’aller vivre
ailleurs, poussent ces derniers à les vendre, à condition de connaître un
acquéreur. Il suffit alors de la présence d’un bourgeois ou d’un seigneur ayant
des moyens, pour donner à ce dernier un rôle d’amasseur de terres. C’est ainsi
que se sont constituées autrefois certaines métairies. La répartition des surfaces entre
les prairies et les terres labourables n’a pas changé.
(1) Aveu du 12-5-1619 de Jean Mandin pour la Mauvinière à
Languiller à cause du Coin Foucaud, Archives de la Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/A 12-2.
(2) Notes no 1 et 2 sur la Mauvinière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(3) Aveu du 12-8-1606 d’Hélie de
Saint-Hilaire à Languiller pour la Guiffardière et 11 lieux à Saint-André, Archives
de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 12-2.
(4) Idem (2).
(5) 150J/A 12-2, foi et hommage
du 31-3-1685 de Pierre de la Bussière à Languiller (Philippe Chitton), pour le
fief de la Mauvinière (Saint-André-Goule-d’Oie).
(6) 150J/A 12-2, aveu du
31-3-1685 de Pierre de la Bussière à Languiller (Philippe Chitton) pour le fief
de la Mauvinière (Saint-André-Goule-d’Oie).
(8) Note no 15 sur la Brossière et ses fiefs attenants à Sain-André-Goule-d'Oie aux 15e et 16e siècles, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 4.
(9) Joseph-Nicolas Guyot, Répertoire
universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris : Visse, 1784-1785 tome
III, disponible sur le site internet des Archives de Vendée, vue 200.
(10) 150 J/G 61, aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par
Languiller aux Essarts – deuxième copie reprenant un aveu de 1550.
(11) Idem (2).
(13) famillesdevendee.fr, famille Buor, branche de la Mothe
Frelon.
(16) 150 J/F 27, aveu du 25-2-1600 de Louis d’Avaugour
pour le fief Bignon à Languiller à cause du Coin Foucaud.
(17) famillesvendeennes.fr,
famille de Plouer.
(18) 150 J/F 27, aveu du 5-11-1626 de François Manigaud
pour le fief Bignon à Languiller à cause du Coin Foucaud.
(19) Archives de Vendée, notes
généalogiques de Jean Maillaud, tome 21, page 273.
(20) idem (9)
(21) Idem (19).
(22) 150 J/G 8, procuration du
7-4-1654 de Pierre de la Varenne pour faire la foi et hommage du Bignon à
Languiller.
(24) 150 J/G 8, foi et hommage du
6-5-1683 de Charles Rouault à Languiller pour le Bignon.
(25) 150 J/G 8, signification du
7-3-1702 du procureur fiscal de Languiller à Charles Rouault de présenter à
l’assise son dénombrement pour le Bignon.
(26) 150 J/F 27, aveu du 13-7-1702 de Charles Gédéon
Rouault pour le fief Bignon à Languiller à cause du Coin Foucaud.
(27) Note sur la manière de faire
une saisie féodale en Poitou, Archives nationales, chartrier de Thouars :
1 AP/728.
(28) 150 J/G 8, sentence du
15-6-1753 de l’assise de Languiller contre le seigneur du fief Bignon.
(29) 150 J/G 8, saisie féodale du
17-7-1753 du fief Bignon.
(30) 150 J/G 8, affichage du
22-7-1753 de l’enchère du bail du fief Bignon.
(36) 150 J/G 8, aveu du
14-11-1607 de Jean Gaucher à Languiller pour la Bequetière.
(37) 150 J/G 8, aveu du 17-8-1615
de Jean Gaucher à Languiller pour la Bequetière.
(38) Assises de Languiller et
fiefs annexes en 1625, ibidem : 150 J/M 32, page10.
(39) 150 J/ G 8, assignation à comparaître du
5-10-1752 à Guignard pour la Bequetière.
(40) 150 J/ G 8, titre d’une procédure vers 1753
contre Guignard concernant la Bequetière.
(41) 150 J/G 8, déclaration
roturière du 2-4-1753 de 38 teneurs à Languiller pour la Bequetière.
(42) Gaulaiement du 18-8-1761 du
tènement de la Bequetière, Archives de la Vendée, don de l’abbé Boisson :
84 J 7.
(43) Inventaire du 30-10-1787 des
titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives
de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d’Oie : 139 G 3 et 4.
(44) Suivant les calculs de
Robert C. Allen (2001) cités dans : M. Perraudeau, Deux sorcières en Bas-Poitou, Geste Éditions, 2016, page 69.
(45) Le Roy Ladurie Histoire de la France rurale Seuil,
1975, Tome 2, page 424.
(46) Reconnaissance du 16-1-1766
de la rente de 2 boisseaux seigle sur la Bequetière, Archives de Vendée,
notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/119.
(47) Idem
(11).
(48) Idem
(42).
(49) Gaulaiement du 8-8-1714 du
fief du prieuré à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de la Vendée, don de l’abbé
Boisson : 84 J 6.
(50) 84 J 10, gaulaiement du
5-9-1761 du fief du prieuré à Saint-André-Goule-d’Oie.
Emmanuel François, tous droits
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Septembre 2017, complété en janvier 2023