mercredi 1 mai 2019

L’inventaire des biens d’Église en 1906 à Saint-André-Goule-d’Oie

Pourquoi l'inventaire ?


La loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905 met fin unilatéralement au concordat de 1801, accord diplomatique entre le Vatican et l’État français. Désormais le gouvernement français ne rémunère plus le clergé et ne subventionne plus les cultes. Les fabriques, organismes publics, sont supprimées. Leurs objets du culte sont transférés à des associations cultuelles qui les remplacent. Les autres biens mobiliers et immobiliers, les fondations aux œuvres et aux messes, l’église paroissiale elle-même, sont transférées aux communes. Avant les transferts on a prévu d’effectuer un inventaire par l’administration des Domaines. L’inventaire est prévu « descriptif et estimatif », et « les agents chargés de l'inventaire demanderont l'ouverture des tabernacles » précise même une circulaire. Mais on n’osa pas interdire les cérémonies du culte dans les rues, ni l’implantation des croix au bord des chemins, ni les soutanes ou les coiffes dans l’espace public. L’idée de laïcité a été d’application  complexe en pratique, exigeant une dose de tolérance. Au temps du concordat le chef de l’État n’était plus de droit divin comme l’avait été le roi de France, mais l’administration contrôlait de près l’activité temporelle de l’Église catholique. En mettant fin à cette tutelle voulue par Bonaparte, les républicains libérèrent l’Église d’une sujétion politique, au prix d’un appauvrissement matériel. Rares furent ceux qui à l’époque virent les choses ainsi. Et c’est en toute liberté que l’Église investit au cours du 20e siècle des espaces sociaux nouveaux (enseignement, œuvres culturelles, sportives, sociales, techniques, etc.).

Les fidèles virent dans cet inventaire le début d’une spoliation. À Saint-André-Goule-d’Oie un groupe de paroissiens avaient racheté en 1801 l’église et le presbytère à l’acquéreur des biens nationaux, et la fabrique en avait assuré l’entretien ensuite. Les fidèles finançaient intégralement la fabrique, établissement public sous contrôle de l’État depuis le concordat de 1801. La fabrique avait pris à sa charge la construction de la nouvelle église en 1875/1876, ne recevant que 10 000 F de subvention de l’État (10 % du coût) et rien de la commune et du département. Il en était de même pour les écoles privées.

Ce transfert de la propriété des biens d’Église en 1905 faisait suite aux lois d’expulsion des congrégations religieuses en 1880 et 1903 et à la confiscation de leurs biens. Quand on décrocha en 1904 un christ dans le tribunal de la justice de paix aux Essarts, toute la paroisse, le maire en tête, avait protesté (1). Une loi de juillet 1904 avait interdit aux congrégations religieuses d’enseigner, dans un esprit anticlérical des plus militant : « l’anticléricalisme est l’œuvre la plus considérable et la plus importante pour l’émancipation de l’esprit humain », déclarait alors Émile Combes, chef du gouvernement. Pour lui et ses partisans, la notion de vérité révélée, qui caractérise la foi chrétienne, est une aliénation de l’esprit humain et une atteinte à sa liberté de pensée. C’était une guerre idéologique, une passion française, mais sans les armes cette fois-ci. Il faudrait un livre pour exposer l’ambiance et les motivations affichées et réelles des acteurs de l’époque.

C’est dire si les inventaires se passèrent mal dans les communes très catholiques comme celle de Saint-André-Goule-d’Oie. À la Rabatelière voisine les fonctionnaires brisèrent une porte de l’église pour y entrer par la force, celle-ci ayant été barricadée. D’autant que si les Vendéens étaient de fait ralliés à la République, ils en rejetaient certains symboles rappelant les violences de la 1e République lors de la Révolution Française. Ne voulait-on pas recommencer ?

Le procès-verbal du 1er février 1906


Selon le procès-verbal de cet inventaire réalisé dans l’église de Saint-André le 1e février 1906, l’opération commença à 10 heures du matin, conduite par Gaston Chardonneau, receveur des Domaines à Saint-Fulgent, en présence d’Émile Morandeau, curé, Marie Soulard président du bureau de la fabrique, et Eugène Grolleau, maire de la commune. Ces derniers ont remis au receveur au début des opérations une protestation et une revendication qui « sont demeurées annexées au présent procès-verbal ». Malheureusement elle n’a pas été conservée. Suit l’inventaire dans l’église en commençant par la tribune : « 2 bancs noirs et agenouilloirs estimés 2 F ». Plus loin on lit « 2 confessionnaux en chêne sculpté à 3 compartiments, non scellés au mur, revendiqués par Monique Moreau, épouse Rochereau, et par Mme Adeline Fonteneau, à 600 F chacun ». La revendication reposait sur une réalité : les paroissiens aisés avaient payé bien des choses. De là à en rester propriétaire, ce n’était plus cas à l’égard de l’Église, mais à l’égard des « voleurs », sait-on jamais ? Plus loin on relève : " une croix d'argent sur l'autel, hauteur 0,40 m, estimée 10 F". C’est la croix de Charette, dont le métal en argent contenu fut ignoré par le fonctionnaire des Domaines dans son estimation. Que faut-il penser de cette discrétion ? Elle était volontaire car il donna en revanche 120 F d’estimation au ciboire dans le tabernacle. À la fin du procès-verbal une phrase indique : « la présente estimation a été faite par le receveur des Domaines seul. »

Croix de Charette en argent
On s’interrompit à 11 h 30. Le curé, le maire et le président de la fabrique refusèrent de signer l’inventaire, signé du receveur seul. Néanmoins ils s’entendirent pour se retrouver à 13 h pour continuer. Et l’inventaire reprit dans la sacristie sous la rubrique suivante : " Biens de l'État, du département et des communes, dont la fabrique n'a que la jouissance". Et comme dans l’église le matin, tout y passe : un banc, un prie-Dieu (en très mauvais état), une grande armoire, un christ en plâtre, une glace dorée, un tapis rouge en laine, une petite table, 7 ornements complets, linge d’autel, lot de surplis, 2 calices en vermeil (250 F), etc. Suivent ensuite les immeubles par destination : 4 cloches, horloge, autels, fonds baptismaux, chaire, chemin de croix, grille, vitraux de couleurs portant les noms des donateurs. Pour eux le receveur n’a pas fait d’estimation. Il en a seulement fait la liste pour mémoire. C’eut été difficile.


Viennent ensuite les biens immeubles :
-        L’église construite sur un terrain de 8 ares environ d’une valeur de terrain de (blanc)
-        Le presbytère comprenant maison, servitudes, dépendances et jardin d’une superficie d’environ 21 ares. Il s’agissait de l’ancien presbytère attenant à l’église, en état d’abandon et inhabité.
-        Une maison dans le bourg d’une superficie de 8 ares 90 ca, affermée 175 F par an. C’est l’ancien bâtiment de l’école des filles construit aux frais de la fabrique en 1849. La nouvelle école des filles n’est pas comprise dans l’inventaire, car n’appartenant pas à la fabrique, mais officiellement à un ancien curé de Saint-André.
-        La borderie de la Gandouinière affermée 320 F par an et les terres et maison à la Ridolière (legs testamentaire de Marie You). La surface totale indiquée est de 43 boisselées 47 ares 32 ca au total, soit près de 5 ha de l’époque, ce qui est sous-estimé.
Enfin le receveur note qu’il n’y a rien dans la caisse de la fabrique. Puis il relève les titres trouvés : deux actes d’achat notarié en 1801 de l’ancienne église et de l’ancien presbytère par divers acquéreurs, un bail de 1902 de la borderie de la Gandouinière, et deux baux en 1904 et 1905 de la maison dans le bourg louée en deux portions. Mais les titres pour les fondations de messes ne figurent pas dans l’inventaire. Avant de terminer le receveur demanda à ses accompagnateurs s’il existait à leur connaissance d’autres biens susceptibles d’être inventoriés. Ils ont refusé de répondre. Point final : « Nous avons signé seul, les comparants ayant refusé de le revêtir de leurs signatures » (1).


Un inventaire incomplet


Caricature de Clemenceau
Derrière ce texte où le refus de la population est fermement exprimé, quelle était l’ambiance ? À la limite de l’émeute selon les dires rapportés par la tradition orale, mais sans plus de détails. Dans une lettre encyclique publiée le 11 février 1906 (« Vehementer nos ») le pape Pie X condamna énergiquement la loi de séparation des Eglises et de l'Etat français du 9 décembre 1905. Le 14 mars 1906 un nouveau gouvernement fut investi par la chambre, comprenant un nouveau ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau. Anticlérical notoire, et descendant d’une vieille famille vendéenne, il décida, après un incident où il y eut un mort, de renoncer aux opérations d'inventaire dans les cas où elles rencontreraient une résistance. Mais elles étaient alors presque terminées. Il déclara : « Nous trouvons que la question de savoir si l'on comptera ou ne comptera pas des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie humaine ».

Y-a-t-il eu spoliation ? Pour la fabrique bien sûr, mais pour les fidèles on en doute car les immeubles allèrent à la commune. La fabrique possédait des biens financés par les fidèles, mais ces biens étaient ceux d’un établissement public administratif avant la lettre. Qu’ils soient transférés à une collectivité publique territoriale (la commune) relevait d’une certaine logique. De toute manière la hiérarchie catholique avait caché des biens pour conserver leur destination initiale. Voyons cela de plus près (2) :
-        Les revenus des terres de la Ridolière finançaient les honoraires de 12 messes chantées par an à l’intention des familles You et Robin suivant les dispositions de la donatrice. Les messes cessèrent en 1906, car l’argent fut détourné vers le bureau de bienfaisance de la commune. Vers 1927/1928 parut une note ministérielle sur les fondations religieuses, disant que les associations diocésaines pouvaient réclamer les fondations de messes supprimées par la loi de 1905. En conséquence l’évêque de Luçon demanda au préfet de la Vendée de faire acquitter les messes devant être dites pour les familles You et Robin. La préfecture demanda au maire de Saint-André de constituer un capital de 72 F de rente annuelle sur l’État. « De très bonne grâce le maire Eugène Grolleau du Coudray s’exécuta », écrivit le curé. Et les titres ont été envoyés à l’association diocésaine de Luçon. Après 1931 celle-ci envoya ensuite chaque année au curé de Saint-André 72 F pour acquitter les messes. L’interruption des messes avait duré 25 ans.
-        La borderie de la Gandouinière et ses revenus furent attribués à la commune, qui dût créer pour cela un bureau de bienfaisance en 1910. Ce bien avait été donné en 1855 à la fabrique dans un legs testamentaire de Marie You, à la charge de consacrer la moitié des revenus aux pauvres et l’autre moitié à payer une institutrice pour l’école des filles, à condition que celle-ci fût religieuse. Le vœu de la donatrice continua donc d’être réalisé dans la nouvelle structure pour une moitié seulement (les pauvres), l’autre moitié étant détourné vers un autre œuvre au mépris du vœu de la donatrice et de la volonté des édiles de la commune.
-        La maison dans le bourg devint le bureau de bienfaisance officiellement. En réalité elle continua d’être louée à des particuliers, Chatry et Piveteau (vue 86 des délibérations municipales numérisées aux Archives de la Vendée, 28 mai 1911). La préfecture laissa faire.

-        Le presbytère ou vieille cure abandonnée appartenant à la commune, n’était d’aucune utilité. On l’assurait contre l’incendie néanmoins, puis on loua la cuisine à un particulier pour 25 F/an (vue 66 en 1909 des délibérations municipales), puis une chambre à un autre en 1911 (vue 83), et en 1930 (vue 46), et les écuries à un autre particulier. On démolit ce qui menaçait de tomber et on vendit le bois récupéré (vue 39 en novembre 1914). L’ensemble se trouvait en ruine en 1934. Le maire laissait le curé y cultiver un bout de jardin gratuitement. On s’était arrangé pour que le nouveau presbytère ne fût pas la propriété officiellement de la fabrique. C’est pourquoi il est absent de l’inventaire. Il en fut de même pour les deux écoles privées des garçons et des filles. On pense à ce qui s’est passé au moment de la vente des biens du clergé en 1796, où François Fluzeau de la Brossière acheta l’église de Saint-André pour lui conserver sa destination au culte.

Église de Saint-André-Goule-d’Oie
-    L’église serait désormais entretenue par les impôts obligatoires des citoyens de la commune, au lieu des contributions volontaires des paroissiens. En 1906 c’était les mêmes personnes, tout le monde étant catholique. Pour la bonne forme le conseil municipal vota une délibération pour louer l’église au desservant de la paroisse en février 1907, à la charge pour ce dernier de payer les impôts, l’assurance et l’entretien (vue 39 des délibérations municipales). Mais le paiement de la personne chargée d’entretenir et de remonter l’horloge était désormais assuré par la commune, un nommé Menard en 1919 (vue 35).

Le cimetière était entretenu par la commune habituellement et lui appartenait, vendant chaque année le foin qu’on y récoltait.

Les réactions en retour des habitants


Cette situation de non spoliation pour la population de Saint-André, à quelques détails près, derrière lesquels certes on a méprisé des croyances, mais telle que nous pouvons l’apprécier avec plus d’un siècle de recul, n’était pas vécue ainsi par les habitants à l’époque. En témoigne la délibération unanime du conseil municipal dont voici le texte : « Le président donne connaissance au conseil d’un décret attribuant à la commune les biens de l’ancienne fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie et une lettre de M. le préfet demandant l’avis du conseil pour la création d’un bureau de bienfaisance chargé de gérer lesdits biens. Le conseil regrette que la fabrique soit privée de ressources qui lui avaient été bien valablement données.
Considérant que le meilleur moyen de respecter la volonté des donateurs est de secourir les pauvres de la commune, accepte la dévolution et vote la création d’un bureau de bienfaisance chargé de gérer, d’accord avec le conseil municipal, les biens attribués à la commune » (3). Dans la même séance le conseil désigna à l’unanimité les deux membres du bureau de bienfaisance : un conseiller municipal, Jean Moreau, et le curé de la paroisse, Émile Morandeau !

Ils attendirent combien de temps avant d’admettre que la loi ne changerait pas ? Les générations se sont succédé ensuite et l’affaire tomba dans l’oubli sur place. En revanche la loi de 1905, présentée comme référence de la laïcité à la française, a vu sa notoriété renouvelée près d’un siècle après. À voir ses nouveaux soutiens, et l'aura dont on l'entoure désormais, bien des remarques viennent à l’esprit, mais qui relèvent plus du commentaire de l’actualité que de celui de l’Histoire.  

On voit dans ce texte de la délibération municipale la cohésion de la communauté des habitants de Saint-André-Goule-d’Oie, forgée au fil des siècles. Elle avait traversé sans périr les épreuves de la Révolution et de la guerre de Vendée, et les querelles politiques entre légitimistes et orléanistes plus tard. Qu’elle s’exprime dans le cadre de la commune ou de la paroisse au tournant des 19e et 20e siècles est de peu d’importance pour les intéressés. Quand il avait fallu décider d’un nouveau presbytère quelques années plus tôt, c’est une « commission municipale et fabricienne » qui l’avait fait.

En 1910 Ferdinand Rochereau de la Boninière fit un don en argent au curé de Saint-André, et non pas à la fabrique, supprimée par la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905 : 800 F pour les « bonnes œuvres à la volonté du curé » (4). Celui-ci avait toujours géré les dons aux pauvres avant 1905 au temps de la fabrique, quand celle-ci lui reversait les revenus des fondations destinés à cet effet. Il continuait donc de le faire, à côté et dans le bureau municipal de bienfaisance qui avait été créé pour recueillir les fondations de la fabrique dédiés à l’aide aux pauvres.

Les biens restés à l'Eglise


L’inventaire de 1906 était sincère, sauf peut-être pour la caisse de la fabrique. On n’imagine pas Marie Soulard, propriétaire au Coudray, assez sot pour y laisser de l’argent liquide. Il dû le donner au curé. Mais, averti par les persécutions anti religieuses des années précédentes, une action préventive du clergé avait organisé le portage d’une partie de la propriété des biens d’Église hors de la fabrique. Cela contribua de manière décisive à éviter leur confiscation. Entrons dans les détails :
-        Il y a d’abord deux champs dans le bourg d’une surface d’un ha 42 ares, donnés en 1864 par les époux Gautron à la fabrique pour faire dire des messes pendant 20 ans. N’apparaissant pas dans l’inventaire de 1906, on en déduit que la fabrique les avait vendus, ne serait-ce que pour aider à rembourser les emprunts de la construction de la nouvelle église. Mais nous n’en sommes pas sûrs.
Il y a ensuite la surface déclarée de 5 ha pour les terres de la Gandouinière et de la Ridolière en 1906, alors que dans le legs la surface totale était de 10 ha. On a divisé par deux la surface déclarée dans l’inventaire mais les 10 ha étaient toujours là en réalité. Ainsi le bail de la borderie de la Gandouinière (contenant toujours 7 ha) fut renouvelé en 1912 à Gaborieau pour 375 F /an. Cette fausse déclaration de surface était sans effet.
-        La nouvelle cure achetée en 1897 par le curé Verdon de Saint-André, l’ancien logis du bourg, fut vendue à une date non connue au jeune fils du maire de Saint-André, Bernard Grolleau. Et en 1924 ce dernier fit une attestation sous seing privé : « Je soussigné Grolleau Bernard, demeurant au Coudray, commune de Saint-André-Goule-d’Oie, reconnaît que la propriété du Vieux Logis, que j’ai acquise par acte de vente de M. l’abbé Alphonse Verdon, qui sert de presbytère, en réalité ne m’appartient pas. Je n’en suis que le propriétaire légal. Elle appartient à l’église de Saint-André-Goule-d’Oie et aux prêtres qui desservent la paroisse. Fait à Saint-André-Goule-d’Oie le 3 janvier 1924 » (5). Bernard Grolleau fit apport de la cure à une association diocésaine le 15 décembre 1941 (6).

-        Le même Bernard Grolleau fit un nouvel apport en 1954 à une autre association diocésaine à vocation de gestion immobilière, appelée l’Abeille de l’Ouest, de l’école des garçons, de l’école des filles et d’une maison dans le bourg, tous en réalité des biens d’Église (7). Chacun d’eux avaient appartenu avant lui, suivant des actes sous seing privé, à des prêtres desservant à Saint-André, ou une religieuse institutrice à l’école des filles, ou un prêtre originaire de la paroisse, Ferdinand Rochereau (fils de Ferdinand Rochereau et Zélie Grolleau), ou un notable de la commune, Maixent Girard (géomètre) et à son fils Gustave Girard. 

Cathédrale de Metz
     Le propriétaire « légal » devant payer les impôts fonciers, l’Église sollicitait une personne qui en avait les moyens, outre les garanties de confiance en l’homme et de dévouement chrétien qu’il devait inspirer.

   Les jésuites eurent moins de chances face au gouvernement de Combes dans l’application d’une loi du 1e juillet 1901 prévoyant la liquidation de tous les biens détenus par les congrégations. Une étrange jurisprudence avait décidé que quiconque revendiquait la propriété des immeubles de la Compagnie de Jésus serait réputé prête-nom. Les établissements des jésuites furent ainsi presque tous confisqués par l’État (9). Il est vrai que ces religieux étaient alors aussi honnis que les juifs et les francs-maçons, chacun servant de boucs émissaires à divers camps politiques. Les prête-noms de Vendée étaient des ecclésiastiques protégés par la population. Les dépouiller aurait déclenché une grave crise politique.  


Mais s’il y a un domaine où la loi de séparation de 1905 eut d’autres répercussions, ce fut celui de la suppression de la rémunération du clergé par l’État, sauf en Alsace-Moselle quand la région réintégra la France en 1918, en conservant à la demande de ses habitants le régime du concordat qui était le sien en 1870. Cela confirme bien le caractère complexe de la loi de 1905, à la fois de principes et de circonstances ou de pragmatisme. Par exemple elle n’interdit pas le port de la soutane dans les lieux publics ni les processions dans les rues. Comment peut-elle constituer un « fondement » de la République à Nancy, tout en étant tout à fait ignorée à Metz ? Et comment peut-elle faire oublier l’expulsion en 1902/1903 hors de France des membres des congrégations religieuses ? 

S’il fallait se convaincre de l’opportunisme politique contenu dans les grands principes de laïcité fixés dans la loi de 1905, il suffirait d’aller voir dans les colonies en voie de constitution ou de consolidation à cette époque. Ainsi Jules Ferry a financé les œuvres de Mgr Augouard au Congo. Le radical gouverneur de l’AEF, Augagneur, a financé les écoles religieuses de Brazzaville. Sous le ministère Combes, les instituts missionnaires émargeaient au budget de l'État (10). C’est que les éducateurs catholiques formaient des cadres pour les colonies. Très loin des luttes électorales de la métropole, s'entraidaient les barbus du parti radical et les barbus missionnaires.

La conséquence imprévue par les protagonistes de la querelle, tout à fait paradoxale et largement inconsiente, est qu’en libérant l’Église du carcan du concordat de 1801, les républicains durent lui laisser le champ libre pour investir des champs nouveaux d’action dans le domaine social et éducatif. C'est ainsi que les écoles libres, les mouvements de jeunesse et les orientations modernistes des jeunes vicaires, dans la Jeunesse Agricole Chrétienne notamment, ont été des moyens d’étendre son influence et un des moteurs de l’évolution de la société rurale vendéenne au 20e siècle. Ce fut l’ère nouvelle d’une Église libre dans un État libre (11). Sauf que cette Église libre a gouverné longtemps ses biens et ses revenus dans la crainte et l’adversité depuis la séparation de l’Église et de l’État, et sous une loi du secret peu glorieuse ni pour le clergé ni pour la classe politique, comme on le voit à Saint-André. Il faudra attendre Mgr Paty, évêque de Luçon de 1967 à 1991, pour mettre de l’ordre dans les affaires administratives et financières de l’Église en Vendée. L’action du trésorier de l’évêché en ce domaine, l’abbé Auguin, en fut facilité par l’évolution voulue par le concile Vatican II.


(1) Jérôme Biteau, Mémoire en images, le canton des Essarts, éditions Sutton, 2010, page 94.

(2) Inventaire de la fabrique le 1-2-1906, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VII.
(3) État en 1934 des biens confisqués, ibidem : carton no 29, chemise VII.
(4) Vue 71 des délibérations municipales numérisées aux Archives de la Vendée, 1er mai 1910.
(5) Testament du 5-8-1910 de Ferdinand Rochereau au curé de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(6) Attestation du 22-7-1924 sur le propriétaire de la cure de Saint-André, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(7) Vente du 31-10-1972 du jardin de la cure à la commune de Saint-André, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(8) Apport d’immeubles à Saint-André le 7-8-1954 par M. Grolleau à l’Abeille de l’Ouest, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(9) Jean Lacouture, Jésuites une multi biographie, Le club Express, 1992, Tome 2, page 236.
(10) Ibidem, page 301.
(11) Formule de Charles de Montalembert (1810-1870), homme politique théoricien du catholicisme libéral. 

Emmanuel François, tous droits réservés
Mai 2019, complété en juillet 2021

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mercredi 10 avril 2019

Les fondations religieuses à Saint-André-Goule-d’Oie


Les fondations religieuses rencontrées aux 18e et 19e siècles dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie se rapportaient à un bien donné en pleine propriété à l’Eglise, pour financer des œuvres à réaliser ou des messes à célébrer sur une durée déterminée ou à perpétuité. Il n’y avait pas toujours de contrat chez le notaire, mais ce contrat existait bien, de nature morale. Nous le verrons avec les bouleversements politiques et financiers au 20e siècle subis par les fondations religieuses. Il nous semble que les fondations peuvent être distinguées des simples legs pour alimenter la caisse des messes ou la caisse des pauvres gérées par le curé de la paroisse, dans la mesure où le don reçu était directement employé sans donner lieu à une gestion particulière. C’était par exemple le cas du simple legs de Ferdinand Rochereau en 1910.

À cette date Ferdinand Rochereau de la Boninière fit son legs au curé de Saint-André, et non pas à la fabrique, supprimée par la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905. L’argent était légué pour dire des messes et allait de toute façon directement à la « caisse des messes » gérée par le curé. Mais il y avait aussi un legs aux bonnes œuvres. Le curé avait toujours géré les dons aux pauvres et continuait de le faire, alors qu’en 1910 un bureau municipal de bienfaisance avait été créé pour recueillir les biens de la fabrique dédiés à l’aide aux pauvres. À Saint-André le curé dirigeait ce bureau avec un conseiller municipal, tous deux désignés par la commune. C’est dire que dans cette paroisse les autorités gouvernementales ne réussirent pas à évincer le curé de la vie sociale. Au total Ferdinand Rochereau léguait 3 000 F, « dont 1 800 F pour des messes pour moi, 200 F pour des messes chantées pour mes sœurs Véronique et Marie Rochereau (décédées à 25 ans et 3 ans), et 200 F pour des messes pour mon père et ma mère, Jean Rochereau (1804-1868) et Modeste Piveteau. Le reste sera employé en bonnes œuvres à la volonté du curé » (1).

Chapelle de la Vierge dans l’église 
de Saint-Germain-en-Laye
(Décoration du plafond par Amaury-Duval)
Les fondations rencontrées à partir du 18e siècle dans les archives de la paroisse de Saint-André ont des traits en commun avec certains bénéfices ecclésiastiques comme les chapelles, mais doivent en être distinguées. Nous connaissons une chapelle, ou chapellenie ou stipendie, dans l’église de Saint-André, sur laquelle nous avons écrit un article publié en mai 2014 : La chapelle des Moreau dans l'église de Saint-André-Goule-d’Oie. Le titre de fondation de la chapelle est un acte notarié du 3 décembre 1685, signé par les héritiers de Jean Moreau, curé de La Couture et originaire de Saint-André. Ils créent un fonds de deux messes par semaine, alimenté par les paiements d’une rente foncière de 75 livres par an. Elles devront être dites « en l’église de Saint-André à la chapelle qui doit être bâtie » (2). Pour réaliser sa construction dans la nef, l’acte prévoit de prélever trois mille livres sur les paiements déjà dus des rentes. Le titulaire de la chapelle était un clerc ou prêtre, et en 1712 les débiteurs de la rente étaient, pour la moitié chacun, le seigneur de Vaugiraud de Logerie (Bazoges-en-Paillers) et le comte de Bessay (proche de Luçon). En 1727, « monsieur le titulaire de la chapelle des Moreau à Gouldoye » reçut un avis à payer un montant de 4 livres, 15 sols et 3 deniers, soit le total de neuf petites sommes dues depuis 6 ans au titre des décimes ecclésiastiques (le clergé ne payait pas d’impôt, mais était obligé de verser un « don gratuit » au roi).

Examinons maintenant les fondations connues de la paroisse de Saint-André dans l’ordre chronologique.

Les Fondations de messes et d’œuvres connues de 1702 à 1905


Fondation de messes Andrée Robin sur une pièce de terre à la Boninière (1702)
La plus ancienne fondation de messes à Saint-André-Goule-d’Oie conservée dans les archives de la paroisse remonte à 1702 : « Par testament du 20 décembre 1700 passé par Proust et Arnaudeau, notaires des châtellenies de Saint-Fulgent, Andrée Robin, veuve de défunt Christophe Grolleau, donne à Maurice, fils d’André Boudaud, demeurant à la Boninière, une pièce de terre sise audit tènement de la Boninière appelée la Segouinière, à la charge audit Boudaud de faire faire pendant 20 années consécutives un service pour le repos de mon âme dans l’église de Saint-André, le lendemain de la fête de saint André, plus de faire dire une messe dans ladite église le lendemain de la fête de saint Thomas aussi pendant 20 années. Au bout desquelles 20 années ledit service finira et ledit Boudaud n’en doit plus rien payer au prieuré. Ce service a commencé le dernier décembre 1702 et doit finir le lendemain de la fête de saint Thomas l’année 1722 inclusivement ». Ce texte est une note de Lemaçon, prieur de Saint-André (1699-1719), dans son livre de comptes (3).

Fondation de messes André Fonteneau de 6 livres de rente (1711)
La deuxième fondation de messes conservée dans les archives remonte à 1711, quand André Fonteneau l’aîné, demeurant à la Bourolière, a vendu par arrentement à Étienne Fonteneau et sa femme Marie Fonteneau des domaines au village et tènement (terroir) de la Bourolière, moyennant une rente foncière annuelle et perpétuelle de 6 livres, payable chaque 27 mai au prieur de Saint-André. Ce dernier avait la charge, en contrepartie de ce legs, de faire trois services par an et de dire et célébrer une grand-messe à chaque service pour le repos de l’âme d’André Fonteneau et de ses successeurs parents et amis. Les arrentements étaient fréquents à l’époque, assurant un revenu perpétuel au vendeur, ici légué au prieur, tout en permettant à l’acheteur d’acquérir à crédit. C’est le bien qui était grevé de cette rente payée par son propriétaire. Ce dernier pouvait généralement racheter la rente moyennant le versement à son bénéficiaire, du capital ou valeur initiale du bien (20 fois le montant de la rente annuelle suivant un usage réglementé). Pour le prieur c’est ce qu’on appelait une fondation de messes, et on voit qu’une messe chantée valait 2 livres au début du 18e siècle. Ensuite les biens ont été vendus à André Millasseau demeurant à la Porcelière, qui dû continuer de payer la rente (4). Dans ce cas nous avons la description de ces domaines : 2 petites maisons, 40 gaulées de jardins, 1,38 boisselée de pré, 1,5 boisselée de terre et 2 boisselées de lande. Estimé le tout valoir 120 livres de capital, on en déduit que les maisons devaient être en triste état, sans doute laissées à l’abandon par le donateur, qui avait 80 ans au moment de son legs au prieuré (5).

Fondation de messes par un anonyme (1827)
Après la Révolution et le concordat de 1801 rétablissant la liberté religieuse, un décret du 30 décembre 1809 fixa le régime des biens et revenus des paroisses en les confiant à des établissements publics, appelés fabriques comme sous l’Ancien régime. Elles pouvaient recevoir des legs après accord de l’évêché et autorisation préalable du préfet. Suivant le régime décidé par la Révolution à cause de la confiscation des biens du clergé, l’État en effet assurait le traitement des membres du clergé catholique, protestant et juif. Napoléon tint à garder un œil sur l’activité religieuse. Le concordat avec le pape spécifiait en son article 15 : « Le gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire en faveur des églises, des fondations ». C’est ce qui explique que c’est le préfet de la Vendée qui autorisa le 23 avril 1827 l’acceptation d’un don anonyme de 100 F au profit de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie. La somme fut déposée chez Me Charrier notaire à Luçon, et avait une contrepartie en services religieux, ceux-ci, ainsi que leur durée, n’étant pas précisés dans l’arrêté préfectoral (6).

Fondation de messes pour le général Charette et ses compagnons (1827)
Paulin Guerin, Général Charette
(musée d'Art et d'Histoire de Cholet)
Mgr Soyer, évêque de Luçon, invita les paroisses de la Vendée à constituer une fondation au capital de 100 F « pour la fondation d’une messe solennelle tous les ans le lundi de la passion pour le repos des âmes du général Charette, des braves qui sont morts en défendant la cause sacrée de l’autel et du trône, et des autres victimes de la fidélité pendant la guerre de la Vendée ». Nommé au retour du roi Louis XVIII avec la re-création de l’évêché de Luçon, qu’avait supprimé Napoléon, l’évêque s’exprimait comme un homme politique et défendait la cause des royalistes légitimistes en même temps que l’Église catholique. Il mit ainsi, comme souvent, les anciens combattants de la guerre de Vendée au service de sa cause politico-religieuse. L’Histoire nous habitue à cette « instrumentalisation » des anciens combattants. Les membres de la fabrique de l’église de Saint-André acceptèrent la demande de l’évêque à l’unanimité lors de leur séance du 27 mars 1827 (7). La fabrique n’était pas riche mais la cause était sacrée. Elle finança la création de cette fondation de manière non précisée au départ. Mais ce financement posa problème au 20e siècle, comme nous le verrons plus loin.


Fondation d’œuvres et de messes de Marie You (1855)
Le 8 novembre 1849 Marie You, fille de Jean You et de Louise Cougnon, fit son testament en faveur de son mari, de son gendre, de ses neveux et de la fabrique de l’église paroissiale de Saint-André. Son mari, François Seiller, propriétaire cultivateur demeurant au village de la Gandouinière, a tous ses biens en usufruit. Les biens meubles, en nue-propriété pendant la vie du mari, vont moitié à Jean Cougnon et à ses enfants demeurant à la Ridolière, et l’autre moitié à François Cougnon aubergiste dans le bourg de Saint-André et à ses enfants. Son gendre, Jean Baptiste Grolleau de la Clavelière, a le quart de ses immeubles en nue-propriété, et la fabrique les trois quarts aussi en nue-propriété jusqu’au décès du mari. La part du gendre sera prise sur les immeubles de la Gandouinière et environs, dont jouit à titre de métayer M. Griveaux. Les revenus des autres immeubles de la Gandouinière (contenant 7 ha) revenant à la fabrique, devront être employés, moitié à être distribués chaque année aux pauvres de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie, et l’autre moitié au traitement d’une institutrice, à condition qu’elle appartienne à une congrégation religieuse, et à la charge d’instruire annuellement et perpétuellement 12 petites filles pauvres de la commune. On venait d’inaugurer une école des filles appartenant à la fabrique en cette année 1849. Enfin, les revenus annuels des immeubles à la Ridolière, contenant 3 ha 50 ares, devront être employés chaque année à faire chanter à perpétuité dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie 12 messes à l’intention des familles You et Robin (8). Avec ce legs nous avons une fondation de charité pour les pauvres, une fondation de financement d’école et une fondation de messes.

Marie You est décédée le 31 octobre 1855 à la Gandouinière (vue 6 du registre numérisé), et on a le paiement de 42,5 F par la fabrique en 1856 d’un acte d’attestation de son testament par le notaire de Saint-Fulgent (9). La fabrique paie encore le 21 janvier 1858 pour les droits de succession la somme de 724 F au receveur des domaines à Montaigu, dont dépendait la commune de Saint-André. Et elle paie 97 F le 26 juin suivant pour les mêmes droits au receveur des domaines des Essarts, à cause des terres de la Gandouinière situées aux Essarts (10). Les 7 ha de terres de la Gandouinière formaient une borderie louée par la fabrique pour un prix annuel d’environ 400 F à la fin du 19e siècle, payé en deux termes (11). Les comptes qui le font apparaître indiquent par exemple en 1881 : « Le conseil a aussi été d’avis de laisser à M. le curé la disposition des 200 F provenant de la ferme de la Gandouinière aux pauvres les plus nécessiteux de la paroisse, et il a vu que dans la caisse des pauvres il y avait actuellement 500 F, dont 300 F ont été économisés afin d’acheter un petit mobilier mis à la disposition des malades pauvres quand on jugera le moment propice, et 200 F pour être distribués » (12).

Autoportrait d’Amaury-Duval vers 1870
(Musée d’Orléans)
La fabrique gérait le patrimoine, encaissait les revenus, mais s’agissant de les distribuer, le curé continuait d’assurer son rôle ancestral d’intermédiaire de solidarité dans les œuvres de charité. Pour cela il avait l’habitude de solliciter les riches pour distribuer aux pauvres. C’est ce qu’il fit par exemple avec Amaury-Duval, châtelain de Linières, sur des cas particuliers.

On a n’a pas d’information conservée sur la partie des revenus provenant de la borderie de la Gandouinière devant servir au traitement d’une religieuse. Peut-être le curé se chargeait-il aussi de cette tâche. On n’en a pas non plus pour les revenus des terres de la Ridolière devant servir à dire des messes. La fabrique devait acquitter chaque année le prix des 12 messes à l’intention des familles You et Robin. L’éventuelle différence entre le prix des messes et les revenus touchés étant son affaire.

Fondation de messes des époux Gautron (1864)
Le 8 mars 1864 chez le notaire Léon Chauvin de Saint-Fulgent, René Gautron, propriétaire demeurant au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, dicte son testament. Il lègue à la fabrique de l’église de Saint-André une partie de ses biens, soit 2 champs d’une surface totale d’un ha 42 ares, à la charge de faire dire 5 messes par an pendant 20 ans et de payer ses obsèques. Le legs est en nue-propriété durant la vie de son épouse pour en jouir ensuite par la fabrique après sa mort. Il s’agit du champ du Cimetière et du champ de l’Ouche Avrillé, situés près du cimetière. Le même jour chez le même notaire, l’épouse de René Gautron, Marie Jeanneau, fit un testament identique en faveur de son mari et de la fabrique pour les mêmes champs et aux mêmes conditions (13). Le conseil de fabrique accepta ce legs, mais à la préfecture on demanda des détails avant de l’autoriser. En témoigne la lettre du préfet à l’évêque de Luçon du 19 janvier 1967 : « La testatrice est décédée le 26 septembre 1866, et son conjoint était mort le 8 juin 1864. Or elle lègue ses parts et portions qui pourront lui revenir dans les deux champs cités dans le testament, d’où le consentement des héritiers à la délivrance du legs. Il serait utile de connaître les titres en vertu desquels la fixation de la part léguée a été faite. Pour cela, demandez monseigneur à la fabrique des éclaircissements. De plus il eut été utile de connaître le montant total du legs, frais de sépulture et d’actes compris pour connaître l’actif net revenant à la fabrique ». L’autorisation fut donnée le 22 mai 1867 (14).

Fondation de messes pour François Cougnon fils (1873)
Stèle de François Cougnon
Il était fils de l’ancien capitaine de paroisse au temps de la guerre de Vendée, François Cougnon (1776-1848). François Cougnon fils (1792-1858) s’était marié le 7 juillet 1813 à Saint-André avec Marie Loizeau et le couple n’eut pas d’enfants. Il était riche propriétaire au Coudray comme son père. À sa mort, ses biens allèrent à ses cousins Rochereau et Chaigneau. C’est ce qui explique que Mme veuve Jean Chaigneau du Coudray a donné à la fabrique en 1873 la somme de 1 500 F pour financer la construction de la nouvelle église, à condition que chaque année, à perpétuité, un service de 2e classe et deux messes seraient chantées pour François Cougnon son parent décédé au Coudray (convention du 7 mai 1873). Quand la dette fut remboursée par la fabrique, celle-ci acquit une rente sur l’État, payée par la donatrice avec le remboursement de la somme prêtée, dont les revenus devaient financer les messes annuelles (15).




Fondation d’œuvres Amaury-Duval (1885)
Le châtelain de Linières, Amaury-Duval, est décédé le 26 décembre 1885, célibataire. Dans son testament il avait fait son légataire universel un cousin au 5e degré, Eugène de Marcilly, pour le domaine de Linières et ses 600 ha en métairies, deux immeubles à Paris et quelques placements financiers. Il a légué aussi pour 30 600 F de rentes viagères annuelles à ses parents et amis, à la charge du légataire universel. C’est une somme importante représentant 10 fois le revenu annuel d’une métairie comme la Morelière. Parmi les bénéficiaires on trouve Isidore Martin curé de Saint-André-Goule-d’Oie, à qui il légua une rente viagère de 600 F, « sûr qu’elle sera employée en bonnes œuvres », écrivit-il. Il légua la même somme au curé de Saint-Hilaire-de-Mortagne, qu’il avait connu vicaire à Saint-André de 1871 à 1881, Armand Charrier. Ces rentes viagères étaient temporaires, s’éteignant à la mort de leurs bénéficiaires. D’ailleurs l’abbé Charrier mourut en 1888 à l’âge de 41 ans. En revanche le curé Martin resta curé de Saint-André jusqu’en octobre 1891 et mourut deux ans plus tard à l’âge de 64 ans. Le consentement aux legs par le légataire universel a été enregistré par un notaire de Paris en juin 1886. E. de Marcilly a affecté une hypothèque au bénéfice des deux curés à hauteur de 12 000 F chacun, gagée sur un immeuble de 540 m2 lui appartenant, avenue de Villiers à Paris. En conséquence les deux bénéficiaires des rentes « se sont désistés du privilège résultant du testament en ce qu’il frappe la terre de Linières », ne conservant le privilège testamentaire que pour un immeuble du Faubourg Montmartre (16). À côté de la borderie de la Gandouinière à 400 F par an, dont la moitié aux pauvres et l’autre à l’école des filles, cette rente de 600 F d’Amaury-Duval dû grandement faciliter la tâche du curé dans l’aide aux pauvres.

Fondation de messes de Jeanne You (1885)
Jeanne Louise You, demeurant à la Ridolière et sœur de Marie You évoquée plus haut, avait laissé dans son testament à Étienne Piveteau, son mari, la jouissance de tous ses biens jusqu’à la mort de l’époux, et avait légué à la fabrique de l’église de Sain-Andé la somme de 3 000 F, que ses héritiers devaient payer dans l’année suivant la cessation de l’usufruit du mari, à la charge par la fabrique de faire célébrer annuellement et à perpétuité un service et une messe chantée pour le repos de son âme et de celles de ses parents dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie. Elle est décédée le 19 février 1883 (vue 181) à l’âge de 84 ans. 

Église de Saint-André-Goule-d’Oie
Son mari Étienne Piveteau mourut le 24 février 1885, ajoutant de son côté un legs à la fabrique de 400 F « à la charge par ladite fabrique de faire célébrer dans l’église de Saint-André des messes pour le repos de mon âme et celui de mes plus proches parents jusqu’à concurrence de cette somme de 400 F » (17). La fabrique accepta le legs de 3 000 F, mais les héritiers refusèrent de s’exécuter. L’héritière de Jeanne You, Aimée Boudeau veuve de Charles Piveteau de Villeneuve (Chauché), ne jouissant pas de la plénitude de ses facultés intellectuelles, ne put donner cette somme à la fabrique (17). On s’adressa à ses enfants pour accepter le legs et verser la somme de 3 000 F, y compris par huissier. Ils refusèrent et écrivirent une lettre envoyée au préfet le 24 août 1885 pour le supplier de ne pas donner son autorisation au legs de 3 000 F à la fabrique. Puis vint s’ajouter le legs supplémentaire de 400 F d’Étienne Piveteau, mais que la fabrique n’accepta pas pour laisser quelques biens aux héritiers.

Dans sa réunion du 30 septembre 1885 le conseil de fabrique adopta un argumentaire à envoyer au préfet pour plaider en faveur de l’acceptation du premier legs :
-        Bien qu’âgé de 82 ans et malade mentalement, Aimée Boudeau n’est pas alitée et vit chez son fils Élie Piveteau dans une métairie de 34 ha dont elle a un quart des parts, où elle a son logement et où elle rend de petits services. De plus elle possède des terres qu’elle afferme 260 F par an et 4 journaux de vigne. Son revenu la fait à peu près vivre et elle n’a pas la peine de vendre son bien pour cela, car elle vit comme ses enfants avec beaucoup d’économies, dit-on. En campagne tout se sait et les membres du conseil ne se laisseront pas abuser !
-        Les héritiers de Jeanne You ne sont pas riches. Cependant ils vivent convenablement. Et de détailler les revenus de chacun, citant des chiffres, par exemple Aimée Piveteau et son mari Pierre Seiller jouissent de 7 à 800 F de revenus. « Pour des personnes vivant simplement, c’est une petite fortune », etc. « Charles Piveteau cultive le bien de sa femme, environ 6 ha de terre, un autre ha reviendra à sa femme quand elle perdra son père. » La pratique des économies était très partagée à cette époque en campagne, sans qu’il faille la confondre avec l’avarice, ce qui serait faire preuve d’anachronisme dans le jugement.
-        Jeanne You n’a pas cédé aux pressions du curé, ayant fait son testament 24 ans avant sa mort. Et le curé, accusé d’avoir faire pression sur elle, est arrivé dans la paroisse 8 ans après la date du testament. L’accusation a donc existé.

Cet argumentaire est révélateur de l’état d’esprit de l’époque dans la commune. Et le conseil de fabrique de préciser sous la plume du curé : « Tout le monde à Saint-André sait qu’elle était généreuse et qu’elle avait à cœur de faire de bonnes œuvres. Elle racontait avant sa mort combien elle était heureuse d’avoir employé une bonne partie de son bien aux bonnes œuvres. »

Le vicaire général de l’évêché de Luçon conseilla au curé de refuser aux héritiers l’absolution « parce qu’ils agiraient contre la justice. Mais vous ferez bien de les admettre aux sacrements jusqu’à ce que la question soit définitivement réglée » (18). Là aussi le comportement de la hiérarchie catholique apparaît fortement daté. On trouve une délibération du conseil municipal de Saint-André en date du 15 juillet 1885, approuvant le legs à la fabrique (vue 22 du registre numérisé aux Archives de la Vendée). On ne sait pas comment l’affaire s’est terminée, mais dans un inventaire des fondations de messes de la paroisse vers 1930, on ne trouve pas de messes à l’intention de Jeanne You.  

Fondation de messes pour le curé Guibert (1905)
En 1905 le vicaire général de l’évêché de Luçon envoya au curé de Saint-André une somme de 200 F, en lui demandant de gérer cette somme dont les revenus paieraient une messe chantée chaque année à l'intention de Prosper Guibert, soit le 7 novembre (date d’arrivée de Guibert comme curé de Saint-André en 1857), soit le 19 mars. D’où venaient ces 200 F ? Le document ne dit rien, et on suppose qu’ils ont pour origine un legs ou un don à l’évêché, ou peut-être de l’évêché lui-même. Jeune prêtre, Prosper Guibert avait été secrétaire de l’évêque. Puis il avait été nommé curé de Saint-André à l’âge de 32 ans en 1857, pour être muté ensuite en 1861 à Cheffois puis à l’Hermenault (dictionnaire des Vendéens aux Archives de Vendée). Dans sa lettre le vicaire général demande au curé « de faire accepter cette fondation au conseil curial de Saint-André, qui devra prendre l’achat d’un titre de rente au porteur pour en assurer l’exécution » (19). C’est avec le revenu de la rente qu’on paierait la messe. Les mots de « conseil curial » désignent l’organisme ayant remplacé la fabrique supprimée par la loi.

Le bouleversement de la loi de 1905


Dans l’inventaire des biens de la fabrique fait le 1e février 1906 en application de la loi de 1905 dite de séparation de l’Église et de l’État, on trouve bien sûr les terres de la Gandouinière et de la Ridolière du legs Marie You. On lit dans cet inventaire : « Maison et pièces de terre de la Gandouinière (sis à Saint-André, Chauché et les Essarts), affermées au sieur Gaborieau moyennant 320 F par an », et « Diverses pièces de terre à la Ridolière (Saint-André) portées au cadastre sous les nos .... la contenance totale des immeubles sis à la Ridolière et à la Gandouinière est de 43 boisselées 47 ares 32 ca » (20). Cette surface, correspondant à 5 ou 6 ha, est plus faible que les 10,5 ha du legs testamentaire et qu’on retrouve ensuite dans la gestion de ces biens. On connaît la vive hostilité des paroissiens à cette loi, et on a probablement divisé par deux la surface déclarée volontairement. On constate de plus que d’autres biens immobiliers ayant appartenu à la fabrique ont échappé à l’inventaire au moyen de ventes fictives à des particuliers de confiance.

Toujours est-il que ces terres de la Gandouinière et de la Ridolière furent attribuées à un bureau de bienfaisance créé en 1910 par la commune de Saint-André-Goule-d’Oie. À cette occasion le conseil municipal adopta une résolution unanime dont voici le texte : « Le président donne connaissance au conseil d’un décret attribuant à la commune les biens de l’ancienne fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie et une lettre de M. le préfet demandant l’avis du conseil pour la création d’un bureau de bienfaisance chargé de gérer lesdits biens. Le conseil regrette que la fabrique soit privée de ressources qui lui avaient été bien valablement données. Considérant que le meilleur moyen de respecter la volonté des donateurs est de secourir les pauvres de la commune, accepte la dévolution et vote la création d’un bureau de bienfaisance chargé de gérer, d’accord avec le conseil municipal, les biens attribués à la commune » (21).

Il restait la fondation de messes, dépourvue désormais de ressources pour raison politique. Ainsi les messes à l’intention des défunts des familles You et Robin de la fondation de Marie You (1855), ont été payées par la fabrique jusqu’en 1906. « À cette époque, de par la loi de 1905, dite loi de séparation, les susdits biens légués à ladite fabrique, ont été confisqués et attribués au bureau de bienfaisance de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie. Les messes n’ont pu être dites », écrit plus tard le curé de Saint-André (22). Le 19 décembre 1926 le conseil municipal de Saint-André approuve la délibération de la commission administrative du bureau de bienfaisance du même jour, attribuant à l’association diocésaine de Luçon le revenu des 3,5 ha de terre mis en location à la Ridolière, et provenant du legs You de 1849. La délibération rappelle la charge de l’association diocésaine de faire chanter 12 messes pour les familles You et Robin (vue 17 des délibérations municipales numérisées en 1926). Cette délibération précède les actes officiels si l’on en croit le curé de la paroisse, qui écrit : « en 1931, par arrêté préfectoral du 19 mars de la même année, un titre de rente a été acheté par M. le maire de Saint-André et remis à l’association diocésaine ». Rappelons qu’un modus vivendi fut conclu en 1924 entre le gouvernement français et Rome, pour que des associations diocésaines, contrôlées dans chaque diocèse par l'évêque, puisse gérer les activités du culte. La loi de 1905 prévoyait des associations cultuelles au niveau des communes, mais l’Église craignait que les laïcs, pas toujours bien intentionnés, n'y prennent le pouvoir. Les relations entre l’État et l’Église catholique s’améliorèrent, et vers 1927/1928 (note du curé) parut une note ministérielle sur les fondations pieuses, disant que les associations diocésaines pouvaient réclamer les fondations de messes enlevées aux défunts ou défuntes par la loi de 1905 (23).

On voit qu’il fallut attendre 1931 pour recommencer à financer la fondation de Marie You, avec apparemment les deniers de la commune et en réalité les revenus de son legs. Encore que la commune devait avoir le feu vert au préalable du préfet. À la suite de quoi, cette fondation était gérée désormais par l’association diocésaine possédant un titre de rente produisant un revenu de 72 F annuel. Car on n’a pas transféré les terres de la Ridolière au diocèse, comme le voulait le conseil municipal. On a acheté un titre de rente dont les intérêts paieraient les messes.

Le bouleversement de l’inflation des prix au 20e siècle


Les prix ont été multipliés par 3 en moyenne pendant la première guerre mondiale de 1914-1918. Après une relative stabilisation à partir 1920, voire une baisse à cause d’une crise économique mondiale déclenchée aux États-Unis, les prix repartirent à la hausse à l’été 1922. En janvier 1923 ils avaient été multipliés par 4 en moyenne par rapport à 1914, par 6,5 en 1928. Cette forte augmentation de ce qu’on appelait alors « la vie chère », posa problème pour les fondations de messes. Les honoraires des messes augmentèrent aussi de 3 F à 10 F puis 15 F. Nous n’évoquerons pas ici les messes promises aux paroissiens bienfaiteurs qui avaient prêtés de l’argent sans intérêt pour la construction de la nouvelle église en 1876/1879. On leur avait promis qu’une messe serait dite à leur intention. Cette promesse se heurta aux difficultés financières post première guerre mondiale, comme nous l’évoquons dans notre article sur la construction de l’église et son financement. Voir notre article publié sur ce site en mars 2019 : La construction de la nouvelle église à Saint-André-Goule-d’Oie (1875).

Les 72 F annuels du titre possédé par l’association diocésaine pour acquitter les 12 messes chantées à l’intention des familles You et Robin devinrent insuffisants en 1933, à cause de l’augmentation des honoraires des messes. En conséquence, Mgr Garnier a décidé d’un nombre de 24 messes de 1934 à 1937 au taux de 15 F. La fondation ne comprendrait donc que 6 messes annuelles (24). À cause d’un impôt nouveau de 10 % sur les revenus des rentes et de l’augmentation de l’honoraire de la messe chantée à 20 F, l’évêché réduisit ensuite en 1941 le nombre annuel de messes chantées à 3. En 1943 il fut décidé d’une messe chantée les années paires et 2 messes chantées les années impaires.

Obligation au porteur de 1919
D’autres fondations furent aussi victimes de l’augmentation des honoraires des messes, celles de Charette, de François Cougnon fils et du curé Guibert. En 1926, le curé de Saint-André écrit à l’évêché de Luçon qu’elles étaient financées sur « des titres au porteur 3 % déposés dans la caisse de l’ancienne fabrique et produisant 20 F d’intérêt annuel » (25). Les sommes données à l’origine, comme les 100 F pour la messe Charette, avait été transformées en rente sur l’État, dont les revenus servaient à l’acquittement des messes. Au temps du franc-or et de la stabilité relative des prix sur longue période du 19e siècle, c’était de sage gestion. Mais en 1926 il manquait 25 F pour financer les messes devenues plus chères. Remarquons au passage que ces titres ne figurent pas dans l’inventaire de 1906 des biens de la fabrique. Ils étaient au porteur avec un numéro et non pas nominatifs, et on ne les montra pas. Sur les conseils de Mgr Mercier, vicaire général de l’évêché de Luçon, le curé Leboeuf de Saint-André acheta en mars 1927 dans une banque de la Roche-sur-Yon 2 titres de rente 4 % 1917, produisant un intérêt annuel de 40 F, dont 10 F pour la fondation Charette. Ils furent déposés dans le meuble de la fabrique (nom ancien employé pour désigner le conseil curial qui l’avait remplacé). Mais le revenu de 10 F n’était pas assez important et l’évêque réduisit en 1927 la fondation Charette à une messe chantée tous les 3 ans (26). L’inflation continue des prix empira et les rendements financiers baissèrent. Vers 1940, le revenu de la rente Charette n’était que de 4,5 F, et l’évêque réduisit la fondation à une messe chantée tous les 7 ans, puis en 1943 tous les 9 ans. Mgr Cazaux, évêque de Luçon, demanda en 1946 à la paroisse de Saint-André le versement à l’évêché de Luçon de la rente pour la fondation Charette. « À partir de ce versement, les paroisses seront déchargées de cette fondation », est-il noté s’agissant d’une mesure générale (27).

Les 20 F d’intérêt annuel produit par les titres au porteur 3 %, furent réservés à la messe pour le curé Guibert. L’évêché décida : « ils serviront à assurer la messe Guibert ». Vers 1940 le revenu annuel de 20 F était réduit à 18 F. En 1943 la messe chantée du curé Guibert est réduite à une fréquence de tous les 2 ans au lieu de tous les ans.

Avec la décision de réserver les revenus des titres à 3 % à la messe Guibert, il ne restait plus rien pour les 2 messes à l’intention de François Cougnon fils. Le vicaire général de l’évêché de Luçon conseilla au curé de Saint-André d’acheter un titre de rente rapportant 30 F de revenus pour assurer les 2 messes chantées annuelles. La valeur d’une messe chantée était alors de 15 F. Le curé Leboeuf lui répondit : « je pourrais disposer du capital nécessaire. Une séance récréative qui vient d’être donnée, m’a permis de réaliser quelques bénéfices que j’emploierai en partie à l’achat des titres en question » (28). Et c’est ce qu’il fit, finançant en même temps la fondation Charette (voir ci-dessus). Elles figurent toujours dans un tableau des fondations de la paroisse daté vers 1930, et reposent sur un capital versé produisant alors 35 F de rentes annuelles. Mais vers 1940 le revenu a baissé à 31,50 F par le prélèvement légal de 10 % des rentes françaises. L’évêché réduisit la fondation à une messe chantée annuelle, puis 3 messes chantées en 4 ans à partir de 1944.

Chanoine Constant Charpentier
La fondation de messe pour les prêtres Charpentier représente un cas particulier de gestion par l’évêché. Elle est postérieure à la loi de 1905. En 1926 en effet, monseigneur Garnier, évêque de Luçon, ordonna qu’une messe chantée soit célébrée chaque année à perpétuité dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie le 28 janvier si possible à l’intention de MM. Ferdinand et Louis Charpentier. L’honoraire de chacune des messes est fixé à 30 F dont 15 F pour le prêtre, 5 F pour le chantre et 10 F pour l’institution dépositaire du capital (29). Ferdinand Charpentier (1847-1911) avait été curé dans diverses paroisses et s’était fait connaître par ses nombreux livres et articles d’Histoire, dont celui consacré à l’histoire de sa paroisse d’origine : Chez nous en 1793, Saint-André-Goule-d'Oie, récits d'un vieux Vendéen. Jean Louis Charpentier (1830-1912) avait été curé de Luçon et doyen du chapitre de la cathédrale. Ils étaient deux frères originaires du Clouin. Leur neveu, le chanoine Constant Charpentier, était alors directeur du secrétariat social de la Vendée.

Dans un rapport en 1927 à l’évêché de Luçon du curé de Saint-André, on lit que la fondation de la messe annuelle aux abbés Charpentier était financée par 4 titres de rentes 4 % produisant un intérêt de 30 F, dont il donne les numéros. Et le curé d’ajouter que ces titres avaient été entre les mains de l’abbé Gustave Fonteneau, mort en 1925 curé de Beaulieu-sous-la-Roche (30). Il est donc à l’origine de la fondation de messes l’année d’après par l’évêque. Gustave Fonteneau était un neveu des deux bénéficiaires des messes, fils de Jean Baptiste Fonteneau et d’Eulalie Charpentier. Il fit de son cousin l’abbé Constant Charpentier, chanoine honoraire de l’église de Luçon et directeur du secrétariat social de Vendée, son légataire universel, lequel, de par la volonté du défunt, pria le curé de Saint-André d’accepter, pour lui et ses successeurs, la charge de la messe annuelle de fondation aux abbés Charpentier. Mais les titres furent donnés à l’évêché et non à la paroisse, et le 22 juillet 1926, l’évêque fit remettre au curé de Saint-André « l’ordonnance suivante par laquelle était assurée la célébration de la messe susdite ». La situation était toujours la même vers 1930. Mais vers 1940, l’honoraire de la messe étant de 40 F, l’évêque réduisit la fondation à 3 messes chantées par période de 4 ans. Le revenu était réduit à 27 F en 1943, et l’honoraire de la messe porté à 50 F, en conséquence la fondation fut réduite à 1 messe chantée tous les 2 ans.

Ainsi voit-on les fondations religieuses victimes de la politique antireligieuse et surtout de l’inflation des prix au début du 20e siècle. La neutralité de l’État obligeait-elle à confisquer les biens de l’Église ? L’objectif essentiel était avant tout de diminuer l’influence de cette dernière, quitte à financer désormais par l’impôt l’entretien des églises. L’inflation des prix obligeait-elle l’Église à continuer d’investir dans des obligations financières ? Certes non, mais s’agissant de biens collectifs d’autres placements plus risqués et rémunérateurs devaient être exclus. À moins de se transformer en gestionnaire de patrimoines, et encore .... En ce domaine qui pourrait donner des leçons au milieu des désastres économiques du 20e siècle ? N’est-ce pas le sort des épargnants que de payer ces désastres ?


(1) Testament du 5-8-1910 de Ferdinand Rochereau au curé de Saint-André, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 29, chemise VI.
(2) Mémoire de Claude Prosper Moreau à l'évêque de Luçon pour le banc de l'église et la présentation à la chapelle, sans date. Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29.
(3) Livre des recettes du prieuré commencé en 1671, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(4) Copie du titre nouveau de la rente de 6 livres du 14-5-1747, due par Millasseau au prieur de Saint-André-Goule-d’Oie sur des domaines à la Bourolière, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(5) Legs en 1711 au prieuré d’une rente de 6 livres à la Bourolière, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(6) Don anonyme de 100 F au profit de la fabrique, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(7) Recettes et dépenses de la fabrique de Saint-André (1821-1829), ibidem : carton no 29, chemise V.
(8) Testament de Marie You du 6 novembre 1849, avec un legs à la fabrique, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(9) Recettes et dépenses de la fabrique de Saint-André (1846-1856), ibidem : carton no 29, chemise V.
(10) Dépenses et recettes de la fabrique de 1857 à 1860, ibidem : E 2/11.
(11) Ferme du 1-4-1879 de la propriété de la fabrique à la Basse Gandouinière, ibidem : carton no 29, chemise VIII 
(12) Registre des délibérations du conseil de fabrique pour 1881, ibidem : E 2/2.
(13) Testament du 8 mars 1864 de René Gautron avec un legs à la fabrique, et testament du 8 mars 1864 de Marie Jeanneau avec un legs à la fabrique, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(14) Acceptation du legs de la dame Gautron en 1867, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(15) Registre des délibérations du conseil de fabrique pour 1880, ibidem : E 2/2.
(16) Hypothèque pour la rente d’Amaury-Duval au curé Martin et autres, ibidem : carton no 31, chemise XIII.
(17) Registre des délibérations du conseil de fabrique pour 1885, ibidem : E 2/2.
(18) Lettres en 1885 au sujet du legs contesté de Jeanne You à la fabrique, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(19) Fondation d’une messe pour le curé Guibert en 1904, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(20) Inventaire de la fabrique le 1-2-1906, ibidem : carton no 29, chemise VII.
(21) Délibérations municipales numérisées aux Archives de la Vendée, commune de Saint-André-Goule-d’Oie : 1er mai 1910, vue 71.
(22) Fondation de 5 messes chantées pour les défunts des familles You et Robin, dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945) : carton no 29, chemise VI.
(23) État en 1934 des biens confisqués, ibidem : carton no 29, chemise VII.
(24) Ordonnance de l’évêque de Luçon du 30 novembre 1933, dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945) : carton no 29, chemise VI.
(25) Rapport adressé à Mgr Mercier, vicaire général de Luçon, sur les fondations et les dettes de l’église de St André Goule d’Oie, du 2 décembre 1926, dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945), ibidem : carton no 29, chemise VI.
(26) Lettre du vicaire général Mercier au curé de Saint-André du 11 juin 1927, dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945), ibidem : carton no 29, chemise VI.
(27) Nota concernant la demande de l’évêché de Luçon le 18-02-1946 au curé de Saint-André pour la fondation Charette, dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(28) Lettre du curé Leboeuf au vicaire général du 1-2-1927 dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945), ibidem : carton no 29, chemise VI.
(29) Mandement de l’évêque en 1926 pour des messes aux frères Charpentiers, prêtre, ibidem : carton no 29, chemise VI.
(30) Réponses du curé de Saint-André à un questionnaire de Mgr Mercier, dans le dossier des fondations de messes à Saint-André (1927-1945) : carton no 29, chemise VI.

Emmanuel François, tous droits réservés
Avril 2019