lundi 1 juillet 2019

Du prieuré cure au presbytère à Saint-André-Goule-d’Oie (1306-1988)

L’histoire d’un presbytère a du mal parfois à connaître son objet même, son activité religieuse, tout simplement parce que celle-ci n’est pas toujours documentée dans les archives paroissiales disponibles sous l’Ancien Régime. Celles de la paroisse de Saint-André auraient pu nous laisser des sermons prononcés, des informations sur la pratique des sacrements et les cérémonies, etc. Elles nous ont laissé de la comptabilité seulement. Au 19e siècle en revanche, elles sont plus riches, y compris sur les activités religieuses dans la paroisse. Pour l’heure nous nous proposons d’exposer ici ce que nous apprennent les archives avant la Révolution et ce qu’est devenu le bâtiment du prieuré après, jusqu’à sa fin en 1988. Et pour la période postérieure à la Révolution, nous publions plusieurs articles pour exposer d’autres facettes de la paroisse, de nature religieuses et temporelles.

Naissance du prieuré-cure 


Abbaye de Nieul-sur-l’Autise
À l’origine, le prieuré était un bien d’Église (appelé bénéfice ecclésiastique), situé hors du cloître d’un monastère. Très souvent il fut transformé en cure, et appelé alors prieuré-cure. C’est peut-être ce qui s’est passé à Goule d’Oie, nom du lieu à l’origine, à moins que l’abbaye de Nieul-sur-l’Autise, qui l’a créé dans la période des XII/XIIIe siècles, l’ait établi directement en cure. La première trace écrite mentionnant la paroisse se trouve dans le pouillé de l’évêché de Poitiers, daté de 1306, et portant le nom écrit en latin et traduit en français : « de Goule d’Oie ».

On sait que beaucoup de paroisses ont été créées entre les XIe et XIVe siècles en Bas-Poitou devenu la Vendée (1). Elles agrégèrent dans un territoire délimité des fidèles autour d’une église à laquelle fut associé un cimetière. Auparavant le territoire était moins découpé et moins organisé, même si la contrée autour de Saint-André-Goule-d’Oie fut évangélisée dès le 6e siècle (2). La pratique religieuse s’organisait souvent dans des églises bâties par les seigneurs. La réforme grégorienne de l’Église à partir du 11e siècle lui a permis de se soustraire aux seigneurs locaux et de se construire progressivement des territoires au sens moderne du mot, incarnés notamment dans la fiscalité de la dîme. L’abbaye de Nieul devait se réserver les revenus (dîmes) et le droit de présentation du prêtre nommé à la desserte de la paroisse (en tant que patron ecclésiastique), et à qui elle accordait une pension. Le prieuré de Saint-André-Goule-d’Oie, tel qu’il apparaît dans la suite, était composé de l’église paroissiale, d’un presbytère attenant, et de terres aux alentours.

En 1306 le prieuré de Goule d’Oie est noté « est regularium » dans le pouillé du diocèse de Poitiers, c’est-à-dire que le desservant de la paroisse était un religieux dépendant de l’abbaye, et choisi par elle. On appelait prieur le nom donné au prêtre qui remplissait les fonctions du ministère ecclésiastique dans la paroisse, au nom de l’abbaye dont il dépendait. La collation était la  provision (autorisation ou titre) de jouir et administrer le prieuré au point de vue civil et religieux. Et l’évêque était le collateur ordinaire des bénéfices dans l’étendue de son évêché. Cette présentation simplifiée était en tout cas celle qu’on trouvait à la fin du 17e siècle et qui a dû exister à la fondation du prieuré. Ce desservant du prieuré était célibataire suivant la règle dans les abbayes, alors qu’on trouvait encore les derniers curés mariés au 12e siècle, comme à Saint-Fulgent en 1205 (3). On ne sait pas à Saint-André à partir de quand on a nommé des prêtres non moines, mais le titulaire a conservé néanmoins l’appellation de prieur dans le langage courant.

La première description du presbytère nous est donnée dans un inventaire après-décès daté de 1666 du curé des lieux. On y parcourt les parties où sont les affaires du défunt : sa chambre où il est décédé (on note les rideaux de son lit comme partout à l’époque), deux petites chambres dont une vide, une grande chambre haute (à l’étage), un vieux cellier (pour conserver des provisions), un fournil (nom donné ici à une cuisine), une grange, une écurie, un grenier, le jardin et la cour. Dans le jardin se trouvait un bassin d’eau où on élevait quelques carpes (4).

Philippe VI
Au mois de mai 1330, le roi de France Philippe VI signa un titre qui plaçait l’abbaye Saint-Vincent de Nieul-sur-l’Autise de l’ordre de Saint-Augustin, sous sa protection, avec tous ses prieurés (5). Cela voulait dire que tout litige concernant le prieuré de Saint-André, hors la compétence ecclésiastique bien sûr, relevait de la justice royale. En pratique le prieuré relevait dans ce domaine du sénéchal du Poitou, écartant de droit la haute justice de la baronnie des Essarts. Cette protection était en réalité une mainmise sur le droit de justice de l’Eglise, pour imposer à la place une justice royale (6).

Dans certains cas le seigneur local pouvait posséder un droit de présentation, consistant à choisir le titulaire proposé à la collation de l’évêque. À Saint-André ce droit a existé au moins temporairement au profit de seigneur du Coin, et de son successeur le seigneur de Languiller, pour choisir le chapelain de la chapelle de Fondion située sur le territoire de Saint-André (7). Ce droit pour un patron laïc, était basé sur la fondation ou la dotation du bénéfice ecclésiastique par lui ou par ses ancêtres. Considéré dès l’époque 1300 comme une annexe du prieuré de Saint-André (dans le pouillé de l’évêché de Poitiers), les seigneurs de Languiller n’y exercèrent ce droit qu’un court moment au début du 18e siècle. Le reste du temps, le prieur-curé de Saint-André a été aussi chapelain de Fondion. Et les revenus de la métairie de Fondion allaient à son chapelain, liés à sa charge et au service religieux auquel il était tenu.

Le prieuré dans le droit féodal


Le prieuré était situé dans le fief de Saint-André-Goule-d’Oie, comprenant l’espace du bourg de la paroisse du même nom et les terres d’une métairie, celle-ci créée dans la 2e moitié du 14e siècle. Le seigneur de ce fief et propriétaire de la métairie était un roturier à l’origine, qui en rendait la foi et hommage au seigneur de Linières. Les redevances comprenaient un cens et deux rentes sur l’élevage des cochons, le tout d’un très faible montant, et sans droit de terrage. À cause de cette faible imposition, on a pu ranger à juste titre le fief de Saint-André dans une liste des bourgs francs du Bas-Poitou. Puis le droit de fief fut acheté avec sa métairie par le seigneur de la Boutarlière, Antoine Gazeau, entre 1534 et 1539. C’est ainsi qu’on a trouvé dans les archives du prieuré, inventoriées en 1787, une déclaration rendue par François Baudry, prieur-curé de Saint-André, « par laquelle il déclare tenir noblement à droit de rachat du seigneur de la Boutarlière son presbytère et autres domaines » (8). François Baudry fut curé de Saint-André d’avant 1603 à 1639 (dictionnaire des Vendéens accessible sur le site internet des Archives de la Vendée). Néanmoins, le lien vassalique, roturier à l’origine, n’est devenu noble par la foi et hommage qu’après coup, probablement sous l’impulsion du seigneur de la Boutarlière.  

En 1776, le prieur François Chevreux fit sa foi et hommage au dernier seigneur de la Boutarlière avant la Révolution, Jacques Grégoire Boutillier, sieur du Coin et bourgeois habitant Mortagne-sur-Sèvre. Ce dernier prétendait être, comme propriétaire de la Boutarlière qu’il avait achetée en 1770, fondateur et patron de l’église de Saint-André, ce qui était faux. Le prieur refusa cette prétention et se laissa engager dans un procès au présidial de Poitiers. Finalement il recula et finit par reconnaître qu’il tenait le prieuré de Saint-André à foi et hommage plain et à rachat par mutation du prieur, et à 5 sols de cens et devoir noble rendable chaque année à la Boutarlière, jour et fête de Saint-Jean-Baptiste, « comme étant ledit seigneur de la Boutarlière fondateur et patron de l’église dudit lieu de Saint-André » (9). S’agissant d’un bien d’Église inaliénable, l’enjeu de la querelle n’avait pas une grande portée financière. La valeur du rachat, dû à cause de son entrée en possession du prieuré en 1760, fut convenue à la somme de 120 livres. Et puis c’était l’évêque qui acceptait ou non le droit de présentation d’un postulant à la cure. On soupçonne un enjeu d’honneurs, et le curé dut sans doute accepter en conséquence de la transaction, de bénir ce bourgeois de Mortagne dans les cérémonies religieuses quand il venait à la Boutarlière, de lui donner quelque préséance dans les processions, et quelques coups d’encensoir, comme avaient droit alors les patrons fondateurs dans les églises de leur paroisse.

Pour des informations plus complètes sur le régime féodal du fief de Saint-André, voir notre article : Sept siècles d’Histoire du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie

Situation au sortir du Moyen Âge


Cloître de l’évêché de Luçon
On ne rappellera pas ici la situation de l’Église en Occident au sortir du Moyen Âge, avec une papauté corrompue entre les mains des laïcs. À Saint-André-Goule-d’Oie on connaît Nicolas Moreau, « prêtre demeurant à Saint-André » à cause de ses achats dans le bourg en 1522, 1526 et 1542. Il est cité comme vicaire dans le procès-verbal de visite à Saint-André-Goule-d’Oie de Pierre Marchant le 7 juin 1534, archidiacre de Luçon (10). Un autre vicaire s’appelle Jean Rochereau et le prieur-curé est François Jousseaulme. Et on a 4 autres prêtres rattachés à la paroisse : « Dom André Trillet, Dom Étiene Vynet, qui demeure aux Herbiers, Dom Jacques Guynement, Dom François Moussaud, qui demeure à La Rochelle ». Cette situation n’est pas exceptionnelle puisqu’à Mouchamps le titulaire du prieuré était le régent de l’université d’Angers en 1581 (11). Le prieur de Chauché en 1499, Christophe Durcot, était maître de musique d’Anne de Bretagne (12).

Ces visites paroissiales en 1533/1534 nous révèlent l’Église du diocèse de Luçon de la fin du Moyen Âge. Voici ce qu’en dit l’historien Thierry Heckmann : « Chaque paroisse disposait d’un curé, pas toujours résident, de vicaires et d’autres prêtres vivant ou plutôt vivotant des nombreuses fondations de messes cumulées au fil des siècles, et dont le service justifiait la perception des revenus afférents. Ils étaient cette année-là 1677 prêtres pour 219 paroisses, soit 7 à 8 en moyenne dans chacune d’elles. Les évêques percevaient en effet des taxes à chaque ordination, ce qui les avait incités à multiplier les prêtres dont la carrière demeurait tout de même attractive même si, en nombre pléthorique, ils étaient de fait misérables, sans formation correcte et pas toujours en mesure d’exercer dignement leur ministère, ne serait-ce qu’en endossant au moins des habits sacerdotaux à l’église. Une infraction de leur part, même mineure, était alors facilement sanctionnée d’une excommunication qui serait levée à réparation. Tel était le fonctionnement assez routinier d’un diocèse qui paraissait par ailleurs privé de cadres intermédiaires entre l’évêque et son clergé, car archidiacres et doyens n’étaient pas présents. Le terrain était désormais prêt à tomber sous le charme de la Réforme que Calvin venait de promouvoir à Poitiers, précisément en 1534 ! ... Sous l’influence de la Contre-Réforme, et dans le diocèse de Luçon à partir de Richelieu (évêque de 1606 à 1623), de gros efforts de formation du clergé aboutirent à la constitution d’un corps très différent, mieux organisé et mieux connu des évêques, véritablement respectable et apportant dans chaque paroisse, en plus des secours spirituels, des connaissances médicales voire agronomiques très prisées » (13).

Dans le procès-verbal de la visite en 1534 de l’église paroissiale de Saint-André-Goule-d’Oie on évoque la fabrique : « L’actuel administrateur de la fabrique de ladite église est André Davy. Le précédent, Nicolas Giraud, qui a montré la quittance par laquelle on constate qu’il a remis la somme de 4 livres 4 sols, c’est pourquoi  il a été relaxé (approuvé) ». Il faudra attendre le milieu du 18e siècle pour lire un compte-rendu d’assemblées des habitants de la paroisse concernant la gestion de cette fabrique à Saint-André. Voir l’article publié sur ce site en janvier 2013 : La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle

Les nominations au prieuré-cure au 17e siècle à Saint-André


L’inventaire après décès des papiers du prieur de Saint-André en janvier 1666, Pierre Moreau, nous livre des aperçus sur l’administration des prieurés-cures comme celui de Saint-André. Dans une lettre datée de Poitiers du 16 mars 1659 (où il était étudiant), Jean Moreau, son neveu, donne son consentement à la révocation du prieuré de Saint-Fulgent que son oncle lui avait cédé auparavant en tant que titulaire lui-même. Le neveu se destinait à la prêtrise et l’oncle s’occupait à lui trouver un bénéfice (14). Cela veut dire que le prieur de Saint-André était titulaire à cette date du prieuré de Saint-Fulgent, et qu’il devait présenter son desservant, c’est-à-dire le curé, à la collation de l’évêque. De qui avait-il obtenu le prieuré de Saint-Fulgent ? Ce dernier avait été fondé par les moines de Saint-Georges-de-Montaigu, et avait dépendu ensuite de l’abbaye de Saint-Jouin-de-Marnes (Vienne). Était-ce toujours le cas en ce milieu du 17e siècle ? On l’ignore. Les procédures bénéficiales de l’époque favorisaient la nomination des curés sur leurs lieux d’origine, comme on le voit avec le prieur Moreau. On a aussi le cas aux Essarts en 1624 de René Verdon prêtre y demeurant, et issu d’une famille bourgeoise de la paroisse (15). Le prieuré de Dompierre-sur-Yon était en 1659 une annexe de celui de Saint-Fulgent. À ce titre le prieur Pierre Moreau signa une ferme de son temporel (probablement une borderie) le 25 juin 1659, moyennant une somme annuelle de 30 livres, devant les notaires de la Merlatière (16). Et on sait que des fermiers du prieuré de Saint-Fulgent, non nommés dans le document consulté, s’opposèrent à son titulaire, Pierre Moreau, dans un procès au présidial de Poitiers (17). On ignore la nature du conflit.

Le prieur de Saint-André a signé le 18 juillet 1662 un concordat de permutation de prieurés avec son neveu et l’abbé de la Grève, devant les notaires de Saint-Fulgent, Blanchard et Thoumazeau. Dans cet acte le prieuré de Saint-Fulgent est transporté à l’abbé de la Grève par Pierre et Jean Moreau. En contre-échange, le prieuré de la Couture (près de Mareuil), qui ne dépendait pas de l’abbaye de Nieul, est transporté à Jean Moreau par l’abbé de la Grève (18). L’abbé de la Grève était Paul Durcot, fils de Pierre Durcot et de Jeanne de Chasteigner, appartenant à une famille noble importante de la région. Un demi-frère de Pierre Durcot, Claude Durcot, fonda la branche des Durcot de Puytesson (Saint-Denis-la-Chevasse et Chauché). Pierre Durcot avait acheté la seigneurie de la Grève (Saint-Martin-des-Noyers) en août 1599 à Gilles de Châtillon, et la famille y habita tout le 17e siècle ensuite. Il devint protestant avec sa femme, mais revint au catholicisme à la fin de sa vie. Ses fils se distinguèrent pour la plupart dans les rangs protestants lors des guerres de religion. Mais leur frère Paul s’éleva dans la hiérarchie catholique. Paul Durcot de la Grève fut aumônier du roi (titre honorifique), protonotaire du Saint-Siège, c’est-à-dire officier du Saint-Siège qui reçoit et expédie les actes des consistoires publics (mais souvent des prélats sans dignité épiscopale, n’ayant qu’un titre honorifique). Il fut nommé abbé de Saint-Benoit-de-Quinçay (banlieue sud de Poitiers) en 1626 et y mourut le 9 mai 1668 (19).

Château de la Grève à Saint-Martin-des-Noyers
Pour mettre en œuvre la permutation des prieurés de Saint-Fulgent et de la Couture entre eux, l’abbé de la Grève et les deux Moreau signèrent chez les mêmes notaires de Saint-Fulgent le 28 juillet 1662 une procuration ad resignandum (20). Ce type de procuration, aussi utilisé lors des ventes d’offices, donnait pouvoir aux deux titulaires, réciproquement, de résigner leur charge. La résignation ou démission était la cession de bénéfice par son titulaire, ici par permutation entre deux titulaires. La lettre de provision d’un bénéfice par résignation était attribuée par la « cour de Rome », c’est-à-dire le conseil ecclésiastique établi auprès du Pape (21). Cela impliquait une relation entre Rome et l’évêché du lieu concerné, lequel normalement n’était pas court-circuité. Cette relation a évolué au fil du temps, et a contribué au statut particulier de l’Église de France. Dans notre cas la procuration « ad resignandum » était un acte, envoyé en cours de Rome « d’emploi ecclésiastique », par lequel on donnait pouvoir à une personne de résigner un bénéfice ou une charge. À cette date de juillet 1662 Jean Moreau était diacre et allait accéder à la prêtrise, nommé en juin 1663 à la cure de la Couture (dictionnaire des Vendéens sur le site internet des Archives de la Vendée). Le texte notarié indique que « le sieur abbé et le sieur prieur Pierre Moreau ont résigné, cédé entre les mains de notre saint père le pape, savoir ledit abbé sieur de la Grève son prieuré de la Couture en faveur de messire Jean Moreau, et ledit messire Pierre Moreau son prieuré de Saint-Fulgent audit sieur abbé ».

Derrière ces nominations il y avait des enjeux d’argent. « Pas un changement de curé en Bas-Poitou qui ne fît l’objet de la perception d’une taxe dûment enregistrée par la chancellerie pontificale » (22). Dans notre cas cela apparaît avec l’indication d’un contrat de constitution de rente foncière, au profit du prieur Pierre Moreau sur l’abbé de la Grève et Jeanne Bertrand dame du Plessis Bellay. La rente créée le 4 juin 1664, se monte à 66 livres 13 sols 9 deniers par an. Le contrat fut reçu sous la cour de la baronnie de la Grève par Maindron et Allaizeau, notaires, et était amortissable (rachetable) pour la somme de 1 200 livres (23).

Ces affaires d’argent transcendaient, pourrait-on dire, les querelles religieuses entre catholiques et protestants, au milieu du 17e siècle il est vrai. La présence de Jeanne Bertrand en tant que débitrice du prieur de Saint-André est intéressante. Elle était la fille de Jacques Bertrand, seigneur de Saint-Fulgent et protestant très engagé, et de Jeanne Durcot, celle-ci sœur de l’abbé de la Grève (24). Pour l’enterrement de Jacques Bertrand dans l’église de Saint-Denis-la-Chevasse, un frère de l’abbé de la Grève s’opposa physiquement à l’évêque de Luçon, venu sur les lieux pour ordonner l’interdiction d’inhumer un protestant dans une église catholique ! Jeanne Bertrand avait épousé en 1646 Henri du Bellay, fils aîné de Zacharie du Bellay (1572-1644) et de Jeanne Herbert de Bellefonds, protestants très proches de Claude de la Trémoïlle, duc de Thouars et protestant converti lui-même en 1587, et de sa femme, Charlotte-Brabantine de Nassau.

Un autre acte du 13 septembre 1665 montre l’abbé de la Grève créancier pour le prieuré de la Couture d’une pension viagère de 1000 livres, dont l’oncle Pierre Moreau assura des paiements pour son neveu Jean Moreau (25). Cette famille des Moreau, importants bourgeois demeurant dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie aux 16e et 17e siècles, va donner un spécimen de prieur-curé tout à fait original vu d’aujourd’hui, et peut-être même à son époque.

Le prieur de Saint-André de 1639 à 1665, Pierre Moreau un homme d’affaires


Il fut curé de Bessay de 1627 à 1639, puis de Saint-André-Goule-d’Oie de 1639 à 1665, jusqu’à sa mort. On le voit aussi chapelain, comme l’usage en était fréquent au profit des curés. Le chapelain était titulaire d’un bénéfice attaché à un autel dans une église ou dans un château. Son patron, parfois laïc, présentait un clerc de son choix à la collation (nomination) de l’évêque. Ce clerc avait ainsi un revenu, quitte à rémunérer lui-même un autre prêtre pour assurer le service religieux s’il n’habitait pas près de la chapelle, aussi appelée chapellenie ou stipendie parfois. Très souvent ces chapelles avaient été créées pour faire dire des messes dans une intention particulière, et une fondation finançait ce service sous forme d’une rente perpétuelle ou d’un domaine foncier dont l’exploitation générait des revenus. À ce titre on peut se référer à la chapelle de Fondion ou à la chapelle des Moreau dans l’église paroissiale de Saint-André. Voir les articles les concernant sur ce site : La chapelle et la métairie de Fondion à Saint-André-Goule d’Oie, et La chapelle des Moreau dans l'église de Saint-André-Goule-d’Oie.

Le prieur Pierre Moreau a affermé le temporel d’une chapelle de Saint-Vincent (non située) pour 120 livres par an, le 8 juillet 1649, à Nicolas Beau sieur de la Thibaudière (26). C’était le père ou le frère de la belle-sœur du prieur, celle-ci mariée à René Moreau. Le contrat a été signé devant Godineau et Caillé, notaires à Sainte-Hermine. Il a aussi affermé le temporel de la chapelle de saint Blaise, de la Roche Baudouin (paroisse de Landevieille), dont il était chapelain, pour 100 livres par an, à Pierre Roy et Claudine Louzeau (27). Le contrat a été signé devant Chauvin et Benoist, notaires de la baronnie d’Apremont. Il y avait une châtellenie de la Roche Baudouin dans la paroisse de Landevieille (28). Ces montants de ferme à cette époque correspondent à ceux d’une borderie d’une dizaine d’hectares dans le Bocage.

Un autre neveu du prieur de Saint-André, qui s’appelait aussi Pierre Moreau (aussi qualifié de sieur des Touches), était chapelain le 19 mai 1649 de la chapelle de Saint-Jean des [Bossoneaux] desservie en l’église de Beauvoir-sur-Mer. Il est mort jeune, avant son oncle, et ce dernier a jouit des revenus de cette chapelle dans une période non précisée, reversés à un sieur Rolland Marosand à Nantes (29).

Jean Clouet : portrait 
d’un banquier (1522)
L’inventaire après-décès de ses meubles, vaisselle, linge et papiers au presbytère de Saint-André nous confirme que le prieur Pierre Moreau était riche, comme les membres de sa famille. Leur estimation s’est montée à 7 600 livres, sans compter la vaisselle en argent, importante et provenant probablement de sa mère. Surtout il avait le goût des affaires, affermant des bestiaux lui appartenant, faisant fructifier son argent, prêtant, arrentant, etc. auprès de ceux qui avaient besoin de financement. On a connu des curés lettrés, historiens, archéologues, mais rarement banquiers. Sa pratique de la charité n’a pas laissé de trace malheureusement dans les papiers inventoriés. Elle était quasi statutaire pour un curé, et parfois on lit en plus des pensions attribuées, des sommes prévues pour leurs « distributions ». Mais point de titres ni d’actes notariés pour les donations aux pauvres.

Les baux de bestiaux effectués par le prieur marquent bien l’importance de l’élevage nécessaire à la culture des terres, et comme complément de revenus. Cela exigeait une capacité financière qui manquait aux laboureurs les plus pauvres, petits bordiers ou certains métayers. Parfois les propriétaires faisaient publier l’offre de ferme de leur bétail pour trouver un bon fermier et conclure un « cheptel » (bail d’un bétail). C’était le mot employé dans l’inventaire après-décès, c’est-à-dire un bail à cheptel de fer comme l’écrivaient les jurisconsultes. On a ainsi à titre d’exemple l’indication de publication d’un cheptel du prieur, fait par Me Chantrau curé de Chauché le 21 septembre 1664 (30). La publication était faite à la fin du sermon de la messe dominicale, ou à l’issue de la messe, ou à l’extérieur de l’église. Plus le temps a passé et plus ces annonces ont été dissociées en effet de l’office de la messe dominicale.

Les contractants avec le prieur, dans les actes mentionnés dans l’inventaire, étaient aussi bien des personnes modestes que des bourgeois et des nobles de la contrée, pourvu qu’ils soient capables de s’engager. À cet égard, l’abondance des pièces inventoriées et le mariage de ses deux nièces, qu’il a organisé (étant tuteur) avec des nobles (écuyers), montrent la proximité à cette époque dans la contrée existant entre de riches bourgeois et des nobles de petites fortunes. Ses transactions étaient presque toujours en argent et très peu en nature. Clairement, le prieur Pierre Moreau a remplacé les banques qui n’existaient pas dans la contrée, faisant concurrence aux notaires qui remplissaient souvent cette fonction, ou certains nobles semble-t-il. Il devait être connu dans ce rôle d’intermédiaire financier, car sa « clientèle » habitait aussi bien dans les paroisses voisines qu’à Saint-André-Goule-d’Oie. Le volume de ses placements en 1664 et 1665, les deux dernières années avant sa mort, est de 3 000 livres et 3 400 livres, montant équivalent à la ferme d’une dizaine de grandes métairies. C’est le double de la ferme de l’importante seigneurie de Languiller, et 40 % de la ferme de la baronnie des Essarts à la même époque. D’autres curés à sa place auraient pu placer leur argent dans des terres et jouir de leurs revenus. Alors que lui a commencé à investir dans le financement d’activités assez tôt. Il a peu acheté de domaines fonciers, ceux qui lui appartenaient lui étaient venus de ses parents pour l’essentiel, alors que ses frères ont été des acquéreurs.

Il faut dire aussi qu’il a beaucoup aidé ses proches. Ses deux frères, Jacques et René Moreau, sont morts laissant des enfants mineurs. Après le décès de leurs mères, il assura dans les deux branches de ses neveux et nièces le rôle de tuteur des biens et des personnes pendant quelques années. Il avait été désigné à chaque fois par acte en la cour seigneuriale de haute justice de la baronnie des Essarts, dont dépendaient les habitants de Saint-André. Dans ce rôle il s’est révélé autoritaire, et a été accusé d’être colérique par un de ses neveux. Sa part de responsabilité dans les divisions profondes qui s’installèrent entre les deux branches des cousins, paraît certaine. Et pourtant ses neveux et leurs familles alliées comme les de Vaugiraud, lui doivent beaucoup. Il a été un oncle attentif et généreux, mais maladroit.

Il est mort le 14 novembre 1665, malade depuis 6 mois d’un mal appelé « les gouttes » par Charbonnel, le médecin de Saint-Fulgent. Cette année-là le prieur a signé 18 actes inventoriés dont 4 cheptels. L’année précédente il en avait signé 15. On comprend que pour le service divin il était assisté d’un vicaire, Jean Baptiste Madeline né à Bayeux en Normandie, comme le futur curé de Chauché quelques dizaines d’années plus tard, Eustache Madeline. Le vicaire logeait probablement au presbytère, et percevait une pension payée par le curé à terme annuel, comme les domestiques. Étant présent à Saint-André depuis le début de l’année 1665, il demanda aux héritiers du prieur de lui régler la somme de 170 livres 18 sols à la date du décès du prieur, correspondant à une pension annuelle de 200 livres (31). C’était une somme importante, quand on la compare à celle attribuée au vicaire de la paroisse de Nieul en 1715 dans une bulle du pape, qui était de 150 livres.

À son service, le prieur avait au jour de sa mort une servante (Mathurine Fulneau) et un valet (André Trotin). Il était dû à la servante par le prieur « trois années de ses gages de la Toussaint dernière dont le prix n’était fait, et s’en rapporte aux sommes que l’on donne ordinairement aux servantes ayant souffert de grandes peines », est-il écrit dans l’inventaire par le notaire prenant sa déposition. Les gages des gens de maison étaient aussi payés à terme échus annuels au château de la Rabatelière un siècle plus tard. Ils n’assuraient pas les « fins de mois », car les domestiques étaient logés, nourris, souvent habillés, et ils n’avaient besoin de rien d’autre dans l’économie de subsistance de l’époque.

Le style baroque enfant 
de la Contre-réforme catholique
Quel regard jeter sur cette activité financière du prieur au milieu du 17e siècle ? Il avait accédé à la prêtrise avant que l’évêque de Luçon ait fondé son séminaire. Il apparaît pour cela appartenir à l’Église d’avant l’application de la contre-réforme issue du concile de Trente. D’une riche famille, il a acheté des bénéfices ecclésiastiques, plus qu’il ne pouvait fournir à sa fonction religieuse. Son rapport à l’argent ne paraît pas conforme à la parole de l’Évangile et à la tradition de l’Église dans son principe, surtout après le concile de Trente, mais le principe a subit l’influence de chaque époque dans son application. Avant de lui coller l’étiquette d’ecclésiastique médiocre en ce 17e siècle, il faudrait connaître d’autres aspects vérifiés de sa vie personnelle et religieuse pour lesquels les archives font défaut. Il faut aussi rappeler le rôle central des curés dans la vie sociale des paroissiens qui constituait un tout y compris dans sa dimension religieuse. Le curé soignait, enseignait, aidait les pauvres, tranchait les litiges civils et prêtait de l’argent, le sien ou celui d’autrui (32). Néanmoins il faut noter par ailleurs que dans son rapport au roi sur l’état du Poitou, Colbert de Croissy n’aime guère les curés du Bas-Poitou, les accusant de « débauche et ignorance » (cité par Dugast-Matisfeux en 1865). Il paraît donc que le prieur de Saint-André en 1666 est un spécimen représentatif d’une époque qui s’achève, confirmant que la contre-réforme catholique du concile de Trente dut attendre la deuxième moitié du XVIIe siècle pour faire sentir tous ses effets.   
 

Les ressources du prieuré (1671-1770)


Le statut de titulaire d’un bénéfice restera en vigueur jusqu’à son abolition par la Révolution, remplacé ensuite par le statut de fonctionnaire de l’État (constitution civile du clergé en 1790 et concordat en 1801). À Saint-André les ressources du prieuré dans l’Ancien Régime nous sont connues par certaines déclarations des teneurs (propriétaires) dans la paroisse à leur seigneur. On les trouve dans le chartrier de la Rabatelière, mais les archives de la paroisse elles-mêmes complètent nos informations. Nous y trouvons en effet un livre des recettes du prieuré des années 1671-1725. Observons ces ressources dans un ordre chronologique.
  
On présume d’abord la préexistence des seigneurs et du système féodal à celle de la paroisse officielle qui s’est installée au 12e/13e siècle à Saint-André-Goule-d’Oie. Les historiens disent que les dîmes sur les récoltes de grains (grosses dîmes) ont été accaparées par les seigneurs (devenues dîmes inféodées), puis restituées à la demande de l’Église (réforme grégorienne). Il en a été de même pour les menues dîmes sur les animaux élevés dans les villages. Notre documentation sur les redevances prélevées à Saint-André avant le 15e siècle donne des informations globales et parcellaires sur des rentes seulement, dans une mouvance de Montaigu en 1343 (33). Les rentes ont disparu ensuite (dans le bourg) ou ont été transformé probablement, en entrant dans la mouvance des Essarts dans les années suivantes. À partir de vers 1405 apparaît le régime précis de redevances féodales comprenant cens, rentes, terrages et dîmes en vigueur dans la paroisse.

Sur environ la moitié du territoire de la paroisse le droit de terrage n’était pas prélevé. À la place on y prélevait la grosse dîme sur les récoltes au profit du prieuré, sur des domaines précis mais non connus à cause d’une documentation très pauvre sur le prieuré. On connaît un seul cas constaté en 1783 pour un champ de 2 boisselées à la Boninière à Saint-André-Goule-d’Oie (34). Mais à Chauché on a constaté en 1745 que sur la borderie de la Vignolle dans le bourg, d’environ 7 hectares, mouvante de la seigneurie de la Roche de Chauché, 85 % de ses terres donnaient lieu au prélèvement de la dîme au profit de l’Eglise pour 1/13e des récoltes, et sans prélèvement de terrage (35). Voilà qui nous éclaire sur ce qui s’est aussi passé à Saint-André, même si nous ne pouvons pas apprécier avec précision la part des terroirs et partie de terroirs concernée. 

La Milonnière
L’autre raison pour laquelle on ne prélevait pas le terrage, c’est sa substitution au profit de grosses rentes fixes prélevées dans tout le tènement sur les récoltes des céréales. On le constate dans 11 terroirs, soit 22 % environ du total de la paroisse. Dans l’un d’entre eux (Bignon) il est dit en 1550 que le terrage a été remplacé par la rente (36). Dans un autre (Milonnière) la grosse rente apparaît en 1372 dans une ferme perpétuelle nouvelle d’une directe seigneuriale, sans dire ce qu’il y avait avant, mais c’est clairement une relance d’exploitation avec un nouveau régime sans terrage (37). On relie ce constat avec les catastrophes guerrières, épidémiques et climatiques du 14e siècle, et leurs conséquences de dépopulation et ruines foncières. Il a vraisemblablement entraîné un recul du terrage au profit des rentes. Et dans cette transformation il ne restait plus de place pour une dîme ou un partage du terrage au profit de l’Église. Peut-être est-ce là l’origine du droit de boisselage à son profit, comme une compensation. C’était un prélèvement fixe et modeste sur tous les chefs de famille.

Le terrage prélevé sur l'autre moitié environ du territoire de la paroisse vers 1405 paraît avoir été fixé par les seigneurs à leur profit en acensant leurs terres. Le prélèvement était élevé, généralement au 1/6 des récoltes, avec une exception au 1/8 à la Bergeonnière. Et on fait le même constat dans le chartrier de la Rabatelière aux Essarts et à Chauché. La pratique du terrage paraît avoir été générale sans être systématique en faisant disparaître les grosses dîmes ecclésiastiques, quand elles ont existé. Mais on constate en 1550 que dans 20 % des terroirs de la paroisse le terrage était partagé à moitié entre le seigneur et l’Église. En tenant compte des manques dans la documentation conservée et accessible, on peut estimer que ce partage s’est effectué sur tous les tènements soumis à terrage. Les textes indiquaient que la moitié du prieur lui avait été donnée « à franche aumône par les prédécesseurs du seigneur du Coin » (38). Cette moitié d’un prélèvement de 1/6e correspondait au prélèvement de 1/13e de la grosse dîme.

On constate en 1550 que les terrages partagés à moitié avec l’Église l’ont été au profit du prieur de la paroisse avec une exception au Pin, où 10 % des domaines ont vu le terrage donné au temple de Mauléon (ordre des templiers) sous forme d’une petite rente. Et c’est le seul cas où ce partage en faveur de l’Église a continué au-delà du 16e siècle. Tous les autres ont été supprimé et récupéré au profit du seigneur entre 1550 et 1605. Dans cette période on sait que le fait marquant a été les guerres de religion. Or le seigneur suzerain de presque tous les terroirs de Saint-André à cette époque était le seigneur de Languiller. Dans la période approximativement fixée de 1561 à 1580, ce fut Jules de Belleville. C’était un chef protestant engagé dans les combats, qui vendit beaucoup de redevances féodales de Languiller pour financer ses dépenses de guerre. C’est le probable auteur de la récupération de la part des terrages encore perçus par le clergé catholique à Saint-André. Et peut-être est-ce là l’origine ou la cause de l’extension du droit de boisselage à son profit pour compenser le manque à gagner.

Les menues dîmes sont documentées dans 18 villages sur les 34 recensés dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie à la sortie du Moyen Âge, dont 6 disparus ensuite au plus tard au début du 17e siècle et 1 au cours du 17e siècle. Avec une documentation plus complète on peut penser que tous les villages devaient payer une dîme. Dans 9 villages la dîme était partagée avec un clerc (prieur ou commanderie de Launay ou temple de Mauléon), et dans les autres le seigneur prenait tout. Mais celui-ci ne récupéra cette part pour lui que dans 3 cas seulement (Gâts, Chevaleraye et Javelière), et la transféra à un autre clerc dans 1 autre cas (Pin). Il faut dire que l’enjeu financier était très faible.

On voit dans cette histoire comment les ressources du prieuré ont reculé depuis son établissement au 12e/13e siècle. On a fait allusion au droit de boisselage venu atténuer ce recul. Mais il faut compléter notre récit par d’autres ressources complémentaires venus s’ajouter au fil du temps. À commencer par des petites rentes qui ont été ponctuellement créées en plus au profit du prieuré de la paroisse. La principale, de 112 boisseaux de seigle par an, l’a été sur les propriétaires du « Fief du Prieuré » situé entre les Gâts et la Brossière. On ne connaît pas son régime féodal, mais l’importance de la rente pour un terroir qu’on devine de taille moyenne, fait penser à une concession exclusive au profit du prieuré. Peut-être est-ce un défrichement à une date inconnue pour compenser la confiscation au prieur de ses terrages. Dans cette partie de la paroisse on a beaucoup défriché au 16e siècle (tènement des Landes du Pin et métairie des Noues). De plus, sur 9 villages de la paroisse ont existé des rentes aussi au profit du prieuré, allant d’1 boisseau de seigle à 16 boisseaux pour la plus importante, et pour un total de 57 boisseaux, plus sur la Jaumarière une rente de 2 sols 6 deniers en 1671. Toutes ces rentes sont relevées sur des périodes différentes, et il faut les additionner avec prudence, car certaines, très faibles, ont connu des prélèvements intermittents. Néanmoins le total fait environ 160 livres par an au milieu du 18e siècle.

À ces redevances il faut ajouter des fermes de terres à différents particuliers. Ainsi on sait que le prieuré disposait d’environ 5 ha de terres dans le bourg et alentours à la veille de la Révolution, pouvant lui rapporter une centaine de livres. 

Moulin de Bel Air
On a indiqué un moulin appartenant au prieuré dans un aveu du Coin aux Essarts en 1550. Il n’apparaît pas dans les comptes et n’a pas fait l’objet d’une vente particulière en tant que bien national. Même l’inventaire après-décès en 1666 des papiers de Pierre Moreau ne nous donne pas d’informations à son sujet. Amblard de Guerry le situe dans le fief du bourg (39).

La métairie de Fondion dépendait du prieuré et lui apportait la part la plus importante de ses revenus. En 1742 le prix annuel en argent de la ferme était de 200 livres, de 270 livres en 1764 et 400 livres en 1778. On a un exemple semblable de hausse pour la métairie de la Boutinière à cette époque. La hausse ne peut pas relever que de l’ajustement de l’offre et de la demande. S’y ajoute probablement une amélioration de la mise en valeur de la métairie. On pense à l’extension de l’élevage, à cause des prairies naturelles situées près d’un ruisseau dans les deux cas, sinon à l’extension des plantes fourragères. Par ailleurs les techniques agricoles n’ont pas changé dans cette période.

Le droit de boisselage en 1700 est comptabilisé ainsi : « blés dus à cause du boisselage de chaque métairie et borderie 1 boisseau. Monte à 60 boisseaux ». Cela faisait donc 60 métairies et borderies dans la paroisse, sans compter les villages de Chauché contribuant à Chauché normalement. Dans une étude de Marcel Faucheux publiée en 1953 (40), on relève que vers 1770, le boisselage rapportait 119 livres par an à Saint-André-Goule-d’Oie. Les droits ne bougeaient pas, ce qui voudrait dire que le morcellement des exploitations avait conduit à en multiplier le nombre par deux au cours du 18e siècle. Nous n’avons pas pu le vérifier, mais ce ne serait pas étonnant au vu des morcellements observés dans les tènements au cours de la période.

Les frontières officielles entre paroisses reprenaient tous leurs droits dans le domaine des finances. À preuve cette ligne : « la maison nommée paroisse de la Rabatelière devait une rente de 2 boisseaux ». La paroisse de la Rabatelière avait été créée en 1640 en prenant une partie de territoire de Chauché et de Chavagnes. À Saint-André-Goule-d’Oie elle avait pris le village de la Bordinière, le moulin de Bel Air et la métairie de la Maisonneuve. Sa redevance était apparemment remboursée au prieur de Saint-André par « la maison nommée paroisse de la Rabatelière ». 

Dans son étude déjà évoquée, Marcel Faucheux indique qu’en 1770, le revenu total de la paroisse de Saint-André est 829 livres, important pour une paroisse de 1 200 âmes environ. Il indique que l’ordonnance de Charles IX du 16 avril 1571 avait fixé la portion congrue à 120 livres. Le montant fut ajusté ensuite à 150, puis 200 livres. En 1686 et 1690 : 300 livres. La déclaration du parlement de Paris du 29 janvier 1686 édictait les points suivants :
-          La portion congrue des curés et vicaires perpétuels est fixée à 300 livres et celle des vicaires à 150 livres.
-          Outre ce montant, les curés ont les offrandes, honoraires, droits casuels et dîmes novales formées depuis leur option de portion congrue.
-          Les évêques fixent le nombre nécessaire de vicaires.
-          La portion congrue est exempte de toutes charges.
-          Le paiement est exécuté par les décimateurs ecclésiastiques. Subsidiairement ceux-ci affectent les dîmes inféodées.
-          Les conflits sont soumis aux sénéchaux ou baillis, sauf l’appel au parlement.
Donc tout ne restait pas au prieuré de Saint-André, la plus grande partie remontait à l’autorité ecclésiastique dont dépendait la cure, et le prieur percevait la portion congrue.

La fin du prieuré au 18e siècle


Le prieur Moreau de Saint-André avait contesté à l’abbé de Nieul le droit de présentation au prieuré, mais il fut obligé de s’incliner par acte de transaction en 1653 (41). Il avait raison avant l’heure, car au début du 18e siècle, les chanoines de Nieul furent sécularisés. On voulait les incorporer avec leurs revenus (menses abbatiale et conventuelle) au chapitre du diocèse de La Rochelle formé d’un clergé séculier. « Louis XIII (et Richelieu) voulurent installer un évêché à La Rochelle dès la fin du siège de cette ville, alors protestante et rebelle au roi. Le pape accéda à leur demande vingt ans plus tard, en 1648, en faisant entrer l’Aunis, tiré du diocèse de Saintes, dans ce diocèse sans tête qu’était devenu Maillezais. Il fallut encore près de vingt ans pour vaincre la résistance de religieux qui défendaient leurs intérêts : c’est en 1666 seulement que le dernier évêque de Maillezais devint le premier de La Rochelle » (42). Une bulle du pape en 1715 prévoyait que les ressources de l’abbaye de Nieul-sur-l’Autise, donc celles aussi provenant du prieuré de Saint-André, profitent ensuite au chapitre cathédrale de La Rochelle. Et le droit de présentation aux prieurés-cure est passé de l’abbé de Nieul à l’évêque de La Rochelle (43). Mgr de Lescure, évêque de Luçon jusqu’en 1723, et grand ami de l’évêque de La Rochelle, obtint cependant pour ses successeurs le droit de nommer à toutes les cures dépendantes de l’ancien monastère de Nieul, et situées dans le diocèse de Luçon (44). À partir de là le nom de prieuré que l’on continuait de donner à la cure de Saint-André n’avait plus lieu d’être, mais le mot resta employé par habitude jusqu’à la Révolution. Ensuite on désigna les lieux de maison curiale, ou de presbytère ou de cure selon les habitudes des desservants dans leurs écrits.

Les prieur-curés aux 17e et 18e siècles à Saint-André-Goule-d’Oie


On connaît les prieurs de Saint-André par les archives diocésaines et le dictionnaire des Vendéens aux Archives départementales de la Vendée. Notre approche a été de les compléter par la consultation des registres paroissiaux, conservés pour Saint-André à partir du 17e siècle. Ils avaient été rendus obligatoires par l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, mais son application tardive et la destruction des archives nous privent de toute information sur le sujet jusqu’à une date variable suivant les paroisses. Nous avons établi la liste des prieurs de Saint-André jusqu’à la Révolution. Pour le 19e siècle voir notre article publié sur ce site en novembre 2018 : La fabrique de Saint-André Goule-d’Oie au 19e siècleOn se reportera au dictionnaire des Vendéens sur le site des Archives de Vendée, pour leur biographie.

Registre paroissial de Saint-André 
(page 1) Archives de Vendée
François Baudry (1603-1639)  
Il tient le premier registre paroissial conservé de la paroisse à partir du 1e janvier 1603. La dernière signature de François Baudry est du 25 juin 1637 (vue 96 du registre des baptêmes accessible sur le site internet des Archives de Vendée). Ensuite on a le vicaire Pierre Desfontaines qui signe jusqu’au 24 octobre 1638 (vue 98). Le 3 octobre 1621 (vue 59 du registre paroissial) le curé F. Baudry a participé à la messe à Mouchamps en présence de Richelieu, évêque de Luçon. Il ne fut pas le seul prieur de Saint-André dans le début du 17e siècle. En 1592 le prieur s’appelait Jacques Suandeau. Il apparaît aussi en 1606 et 1610, étant dans la période prieur de Saint-Fulgent. On ne dispose pas d’informations pour comprendre cette situation qui ne va pas au-delà de 1610 (45).

L’évêché de Luçon notifia le 8 février 1635 aux paroisses de Chauché, Chavagnes et Saint-André l’érection de la Rabatelière en paroisse. Saint-André ne céda qu’une faible part de son territoire à cette occasion : le village de la Bordinière, Bel Air et Maisonneuve. Cette création ne fut définitivement officielle qu’en 1640. Les paroisses diminuées par cette décision continuèrent néanmoins à toucher les revenus correspondant aux parts des territoires abandonnés. Le curé de la Rabatelière percevait sa portion congrue des mains du seigneur de la Rabatelière, qui avait payé la construction de l’église et du presbytère et assurait leur entretien. En 1759 le curé lui payait 5 sols pour l’hommage au titre du presbytère, et il recevait de lui 250 livres au titre de sa portion congrue (46).

Louis Fradet (1639)  
Le dictionnaire des Vendéens l’indique curé de Saint-André de janvier 1639 à 1642 sur la base des Archives du diocèse. En réalité il signe comme vicaire 3 actes sur le registre des baptêmes de Saint-André en janvier 1639 (vue 98), puis comme curé le 27 janvier 1639 (vue 98) jusqu’au 27 mars 1639 (vue 99), et un autre acte isolé le 25 juillet 1639 (vue 100), et son écriture disparaît ensuite.

Pierre Moreau (1639-1665)
Il signe le registre de Saint-André-Goule-d’Oie, dont il était originaire, à partir de septembre 1639 régulièrement comme curé. Il avait été vicaire de Saint-André de 1622 à 1626, puis curé de Bessay de 1727 à 1639. Nous avons déjà décrit le personnage en raison d’une abondante documentation sur sa famille, récupérée par un de ses neveux, René de Vaugiraud. Et les archives de Vaugiraud se trouvent dans le chartrier de la Roche Guillaume aux Archives de Vendée.

Gentien Guymont (1666-1685)
Né dans le diocèse d’Orléans. Ses comptes du prieuré sont conservés aux Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers.

Nicolas Prousteau (1685-1692)

René Derotrou (1692-1699)
Provenant du diocèse d’Angers.

François de Meules et Étienne Goischon (1699)
Le dernier acte du curé Derotrou est du 18 mai 1699 (vue 34) sur le registre paroissial. L’acte suivant du 8 juillet 1699 (vue 34) est signé de « de Meules prêtre prieur de Saint-André-de-Goule-d’Oie ... ai commencé mes fonctions curiales le jour précédent la fête de la Pentecôte ». Il signe son dernier acte le 7 août suivant (vue 35), et dès le 14 août apparaît l’écriture d’Étienne Goischon (vue 35), signant « prieur de Saint-André-Goule-d’Oie ». Comme son prédécesseur celui-ci ne resta pas longtemps, car il sera remplacé sur le registre par Pierre Lemaçon dans un acte du 14 décembre 1699 (vue 37). Étienne Goischon est bien indiqué prieur de Saint-André dans cette courte période dans le dictionnaire des Vendéens. En revanche le prieur de Meules est ignoré. Et il serait mort peu après son arrivée à Saint-André (46). Une famille de Meules a été seigneur de la Durbelière (Deux-Sèvres) au début du 18e siècle, par mariage avec les Rorthais. Ces derniers ont possédé le fief de la Parnière (Brouzils) et des droits par indivis à Chauché (Vrignonnière et Limouzinière). Peut-être un rapprochement est à faire entre les seigneurs de la Durbelière et le prieur de Saint-André, que nous avons tenté sans y parvenir.

Pierre Lemaçon (1699-1719)
Métairie de Fondion
En mai 1699, le seigneur de Languiller proposa à la chapelle de Fondion René Derotrou comme chapelain. Il venait de quitter le prieuré de Saint-André, nommé curé de Vendrennes. Mais celui-ci refusa, et le seigneur de Languiller, présenta alors un clerc tonsuré, Philippe Jacques Viaud, qui prit possession du bénéfice le 20 septembre 1701 (47). Pierre Lemaçon contesta cette nomination de Philippe Viaud auprès de l’évêque. Mais on n’a pas le dossier de ce conflit. Les seigneurs de Languiller cessèrent ensuite de revendiquer la présentation du chapelain de Fondion. Ce dernier redevint naturellement le prieur de Saint-André.

En l’année 1705 sur le registre paroissial (vue 113), on voit la signature de « P. de Lalande, archidiacre de Pareds ». Il marque ainsi sa visite paroissiale, l’occasion de rappeler que depuis l’origine la paroisse de Saint-André était rattachée à l’archidiaconat de Pareds (Jaudonnière), et non pas au doyenné de Paillers, transféré ensuite au doyenné de Montaigu..

Nicolas Réaud de Saint-Germain (1719-1733)
Il est né dans le diocèse de Saintes. En octobre 1719 (vue 44) le registre montre une série d’enterrements suite à une épidémie. Il a été inhumé dans le chœur de l’église paroissiale de Saint-André le 14 février 1733 (vue 132). Dans l’acte d’inhumation on apprend qu’il était doyen de la conférence de Mouchamps, dont faisaient aussi partie les curés des paroisses de Vendrennes et de Sainte-Florence.

Jean Baptiste Vitet (1733-1742)
Né dans le diocèse de la Rochelle, il a été inhumé dans l’église de Saint-André le 24 juillet 1742 (vue 250).

Charles François Musset (1742-1760)
Né à Montaigu dans une famille de bourgeois, son frère était chirurgien apothicaire à Montaigu. Il a été inhumé dans l’église paroissiale le 4 avril 1760 (vue 180).

François Chevreux (1760-1783)
Né à Saintes, son père était boucher. Il fut nommé en 1783 chanoine du chapitre cathédrale de Luçon et refusa de prêter le serment en 1791 à la constitution civile du clergé. Il fut incarcéré à Fontenay puis libéré en 1796. Il mourut à Saintes en 1812. Sous son ministère on relève sur le registre de Saint-André le baptême d’un enfant trouvé à la Brossière le 20 mai 1767 (vue 249).

Louis Marie Allain (1783-1797 et 1804-1816)
Il est né à Bressuire. Il refusa de prêter le serment à la constitution civile du clergé, échappa à la déportation des prêtres et se cacha dans les environs à partir de juillet 1792. Il assura son ministère clandestinement jusqu’au traité de la Jaunaye en 1795, où il revint à la cure de Saint-André, protégé par une lettre du général républicain Hoche. À la reprise des persécutions en septembre 1797 il se cacha à nouveau mais fut capturé et emmené prisonnier à Rochefort pour y être déporter vers la Guyane suivant les mœurs pénales de l’époque. Il réussit à s’évader et se cacha on ne sait où. Il réapparut, après le coup d’État de Napoléon, en 1801 à Saint-Mars-la-Réorthe où il fut un temps desservant de la paroisse. En novembre 1804 il fut nommé à nouveau curé de Saint-André-Goule-d’Oie. À la fin de 1816 il fut nommé curé de Boufféré, puis doyen de Montaigu en 1818, où il mourut en 1823.

Le presbytère bien national avec la Révolution française


La vente des biens du clergé commença en 1791 à Saint-André comme partout ailleurs. On vendit en premier la métairie de Fondion, avec la chapelle Saint-Laurent attenante à ses bâtiments et alors en ruine. L’ensemble avait presque toujours été géré comme une annexe du prieuré, mais cela fut confirmé officiellement par une transaction de 1786, entre le dernier prieur et le dernier « patron » de la chapelle, alors le seigneur de la Rabatelière. Voir à ce sujet notre article publié sur ce site en novembre 2014 : La chapelle et la métairie de Fondion à Saint-André-Goule d’Oie;

On vendit aussi la borderie du bourg, appartenant au prieuré. Elle comprenait environ 7 boisselées de pré et 36 boisselées de terres et jardins dans le bourg (5,2 ha au total). Il est assez probable que la surface d'origine, s’était agrandie au fils du temps depuis le Moyen Âge, avec des acquisitions et des donations. En témoigne un arrentement d’une pièce de terre appelée l’Ouche du Cimetière en 1692, par le prieur Pierre Derotrou (48). De même aussi sans doute pour les rentes dues au prieuré, dont la plus importante (112 boisseaux de seigle par an) était versée par les teneurs du Fief du Prieuré, un espace situé près des Gâts et de la Brossière. Et on a aussi le legs d’une rente foncière annuelle (49).

Le presbytère et l’église furent achetés en 1796 par François Fluzeau le jeune (1763-1824) pour 1 124 F, une valeur très faible. Nous pensons que ce fut un achat de complaisance dans le but d’en faire retour plus tard à une entité ecclésiastique à retrouver. En désaccord avec l’autorité municipale cantonale après le coup d’État jacobin de septembre 1797, Fluzeau n’honora pas tous ses paiements. Et les biens furent à nouveau vendus à un patriote plus sûr en 1798 pour 23 200 F. Mais le prix comprenait l’ancienne borderie, qui elle aussi n’avait pas été payée par l’acquéreur (J. de Vaugiraud), lui aussi très engagé dans les rangs vendéens pendant la guerre de Vendée.

Le nouvel acquéreur de l’église en 1798, la laissait encore au mois de février 1799 à la disposition des fidèles. Ceux-ci venaient les dimanches y prier en l’absence de prêtres (50). En 1801 le presbytère faisait l’objet de locations en cascades. D’abord le propriétaire de Linières, Joseph Guyet, appartenant au camp républicain, le louait au propriétaire pour le sous-louer à un étranger de la commune, Sébastien Mercier, garde champêtre demeurant à la Pelissonnière au Boupère. Ce dernier le sous-affermait ensuite verbalement à différents habitants de la commune qui le destinaient à l’usage d’un prêtre. Des problèmes d’entretien conduisirent Joseph Guyet à demander un dédommagement au juge de paix de Saint-Fulgent en messidor an IX (juin 1801). Parmi les habitants cités dans l’enquête du juge et s’occupant du presbytère on voit François Fluzeau et Jean Herbreteau du bourg, Pierre Herbreteau maire de la commune, Jean Rochereau de la Boninière et François Cougnon du Coudray (51), la plupart anciens combattants connus dans les armées vendéennes. Après les violents combats de 1793/1796, ces escarmouches judiciaires apparaissent comme des signes d’une vie commune entre personnes de camps opposés, où les catholiques imposaient leurs volontés aux quelques républicains des lieux. Le procès dû s’arrêter après l’enquête à cause du rachat des biens du clergé en cette année 1801.


À l’instauration de la paix religieuse par Napoléon, un groupe de paroissiens fit l’acquisition de l’église avec sa sacristie pour 300 F le 13 avril 1801. Un autre groupe plus large de paroissiens racheta le presbytère le 26 novembre 1801 pour 1 324 F (52). Nous avons raconté le détail de ces affaires dans notre article publié sur ce site en mars 2017 : La vente des biens du clergé à Saint-André-Goule-d’Oie. 

L’église et le presbytère furent considérés comme appartenant de fait à la fabrique ensuite, sans qu’on ait trouvé d’actes lui transférant cette propriété de la part des deux indivisions de propriétaires acquéreurs. Ces actes ont peut-être existé, car ils étaient théoriquement nécessaires, et les « manques » dans les archives en laissent la possibilité. La fabrique les a entretenus comme ses biens propres tout au long du 19e siècle, sous la tutelle du préfet, et ils lui furent confisqués en 1906 au profit de la commune.

On a une situation juridiquement plus claire à la Rabatelière pour le presbytère, malgré un cheminement sinueux. D’abord l’acquéreur de bien national, Louis Merlet, commissaire cantonal de Saint-Fulgent en 1796, a acheté cette cure avec sa borderie le 2 prairial an 6 (2 mai 1798), la mettant en fermage ensuite. Il l’a revendue le 23 germinal an X (13 avril 1802), à un collectif de 7 propriétaires de la commune, lesquels l’ont revendue à nouveau le 8 fructidor an 11 (26-8-1803), à la châtelaine des lieux, Mme de Martel. Enfin cette dernière en a fait donation à la commune le 24 juillet 1808, après acceptation de cette donation par décret impérial du 11 janvier précédent, signé de l’empereur Napoléon en personne (53). On n’ira pas jusqu’à saluer la prescience de la châtelaine quand on se rappelle que la loi de 1905 attribua les simples églises paroissiales aux communes. Simplement, commune et fabrique ne constituaient pas alors des entités juridiques aux enjeux politiques importants. Il fallut pour cela que les républicains et les catholiques entreprennent une lutte politique à la fin du 19e siècle. Cette Mme de Martel, qui habitait Nantes, a d’ailleurs participé au rachat de la cure de Saint-André, comme la châtelaine de Linières, et au même titre de gros propriétaire foncier dans la paroisse.

À Chavagnes la cure avait été incendiée pendant la guerre de Vendée et l’emplacement avec ses ruines a été acheté par un voisin, Pierre Bonaventure, comme bien national le 14 thermidor an 4 (1-8-1796). Il en a revendu une partie à deux autres particuliers, qui l’ont mis à disposition du desservant de la paroisse, Louis Marie Baudouin. Ce dernier a payé la reconstruction du bâtiment et l’a racheté ensuite pour 200 F seulement en 1808. Il l’a acheté pour le petit séminaire qu’il venait de créer, à la charge pour lui de loger le desservant de la paroisse, « sans que la commune soit obligée de lui en fournir un autre » (54). Et il a rétrocédé cette acquisition personnelle, avec 6 autres faisant partie du domaine du séminaire de Chavagnes, à l’évêché de La Rochelle le 8 novembre 1808, après autorisation par décret de Napoléon signé à Erfurt le 5 octobre 1808.


Le presbytère de Saint-André, transféré en 1892 au logis du bourg, échappe à l’inventaire de 1906


Depuis des temps très anciens remontant au moins avant 1650, le presbytère de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie était un bâtiment adossé à l’église paroissiale au milieu du bourg, côtés est et nord de la vieille église. On l’y trouve ainsi au moment de sa vente comme bien national en 1796. À une date non repérée au début du 19e siècle la commune avait installé dans les bâtiments du vieux prieuré la classe unique de l’école des garçons, jusqu’en 1873 où on construisit dans le bourg une nouvelle école avec la mairie et un logement pour l’instituteur. Auparavant la commune louait une maison dans le bourg pour loger l’instituteur. Quand on construisit une église neuve en 1875/1876 à la place de l’ancienne, un peu décalée vers l’ouest semble-t-il, on sauvegarda les bâtiments du presbytère, toujours entretenus par la fabrique de l’église paroissiale.

Le logis du 17e siècle, version 2019
Dans la police d’assurance contre l’incendie en 1883, la cure, construite en pierres et la couverture du toit en tuiles, était estimé 20 000 F, avec une description sommaire de sa contenance : « cuisine, salle, salon, chambre à coucher avec couloir, un premier étage avec chambre à coucher et fruitière. Un autre bâtiment comprenait bûcher (rangement du bois de chauffage), cellier et grenier au-dessus, remises. Enfin une écurie avec grenier sur l’écurie et sur une remise, buanderie, poulailler, lieu d’aisances, toit à porcs » (55).

« Le dimanche 11 septembre 1898, la commission municipale et fabricienne de Saint-André-Goule-d’Oie a constaté l’état de délabrement et l’insuffisance du presbytère. Monsieur le curé jouira dudit immeuble comme sacristie de décharge jusqu’à ce que la fabrique ou la commune puisse reconstruire le presbytère ou l’acquisition de la maison du Vieux Logis. En foi de quoi ont signé tous les membres présents » (56). Cette « commission municipale et fabricienne » n’était que la réunion ensemble des deux instances, juridiquement bien séparées depuis les lois issues de la Révolution et du Concordat avec le pape. La loi imposait aux communes l’obligation de fournir un presbytère aux desservants des paroisses, et aux fabriques leur entretien (décret du 30-12-1809). S’agissant d’une décision aussi importante, et compte tenu des lois, on se réunit ensemble comme au temps des réunions du « général de paroisse » et des fabriques de l’Ancien Régime.

Le texte acte la fin du vieux presbytère, trop vétuste, et la nécessité d’en trouver un autre. Il a vraisemblablement pour but de constituer une pièce dans le dossier adressé aux autorités préfectorales ayant un contrôle à priori sur les décisions des communes. Car l’achat du logis du bourg était déjà fait depuis le 21 octobre 1897 par le curé Verdon auprès de son nouveau propriétaire. Ce dernier était Augustin Auriault, demeurant à Mirebeau dans la Vienne, qui avait profité de la mise en vente forcé du domaine de Linières, dont le logis du bourg faisait alors partie, par le tribunal de la Roche-sur-Yon. Il en était propriétaire depuis le mois d’avril 1897 et chercha à vendre une partie du domaine, comme ce fut le cas des métairies du bourg et des Noues. D’ailleurs il revendit le domaine de Linières l’année d’après, donnant l’image d’un simple spéculateur. Il y avait donc une opportunité à saisir pour les édiles de Saint-André. On ne sait pas quand le propriétaire de Linières avait acheté le logis du bourg à Charles de Tinguy du Pouët, que la famille de ce dernier avait acquise en 1829 des successeurs d’Aimé de Vaugiraud, Marie Anne Quantin et son mari Édouard Dillon. La date de l’acquisition par le propriétaire de Linières se situe au temps d’Amaury-Duval, ou de ses successeurs Eugène de Marcilly puis ses fils, dans les années 1880/1890.

Ce qui surprend dans cette vente du logis c’est l’acquéreur : le curé, et la faible somme : 11 000 F. Dans l’inventaire des biens de la fabrique en 1906 on ne trouve pas le presbytère, mais on y trouve l’église dont elle avait intégralement financé la construction. On doute que le curé Verdon ait prit la décision d’acheter sans l’accord de sa hiérarchie, qui devait avoir une prémonition sur ce qui se passerait 8 ans plus tard, c’est-à-dire la confiscation des biens des fabriques en 1905. On n’épiloguera pas sur le faible montant, s’agissant d’un acte passé devant le notaire de Chantonnay, choisi par le vendeur, et devant être enregistré « aux Hypothèques » pour payer les droits de mutations.  

La vente concernait le logis lui-même consistant alors en plusieurs pièces au rez-de-chaussée et un grenier au-dessus, et une cour et des bâtiments de servitude y attenant. Un jardin était situé au-devant du logis, devenu aujourd’hui un parking, et un pré se situait à l’arrière devenu un terrain de sport plus tard, le tout d’un seul tenant et couvrant 1 ha 81 ares 90 ca. Une petite parcelle de terre était comprise dans la vente, située en bas du bourg au-delà du ruisseau, alors sur la commune de Chauché. Une précision : « M. Auriault se réserve expressément la grange et les toits de chaque côté qui se trouvent sur la cour. Il devra les faire démolir et enlever les matériaux d’ici le 1e janvier 1899. La construction seule est réservée, et son emplacement est compris dans la présente vente et demeurera la propriété de l’acquéreur » (57). ). En réalité le logis était devenu la maison d’habitation d’un métayer et les terres de la métairie du logis comprenaient alors 37,8 hectares (58). Déjà au moment du décès de Jean de Vaugiraud elle comprenait 24 ha, mais le propriétaire de Linières y avait transféré des parcelles foncières exploitées auparavant dans ses métairies de la Mauvelonnière, Linières et du Bourg de Saint-André. Après avoir vendu le logis et démolit les bâtiments d’exploitations de la métairie du logis, M. Auriault réaffecta ensuite ses prés et ses champs à ces mêmes métairies. 

Nouveau logis
Le 10 février 1898 le préfet autorisa le curé Verdon à reconstruire le mur de clôture de son jardin le long du chemin de grande communication no 103 des Essarts à Saint-Fulgent dans la traversée du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie (59). S’agissant de travaux le long d’une voie publique, cette autorisation à un particulier était nécessaire à l’époque. 

Alphonse Verdon vendit le presbytère à une date non connue au fils du maire de Saint-André, Bernard Grolleau. Et en 1924 celui-ci fit une attestation sous seing privé : « Je soussigné Grolleau Bernard, demeurant au Coudray, commune de Saint-André-Goule-d’Oie, reconnaît que la propriété du Vieux Logis, que j’ai acquise par acte de vente de M. l’abbé Alphonse Verdon, qui sert de presbytère, en réalité ne m’appartient pas. Je n’en suis que le propriétaire légal. Elle appartient à l’église de Saint-André-Goule-d’Oie et aux prêtres qui desservent la paroisse. Fait à Saint-André-Goule-d’Oie le 3 janvier 1924 ». L’original a été remis à l’évêché le 22 juillet 1924 et une copie conservée dans les archives du presbytère (60). On devait avoir confiance en l’homme Bernard Grolleau, en plus d’être considéré comme bon chrétien et assez fortuné pour payer les impôts fonciers. On sait que le même « possédait » dans les années 1940 l’école des garçons, celle des filles et une maison dans le bourg, en réalité des biens d’Église et qu’il en  fit l’apport en 1954 à une association diocésaine à vocation de gestion de biens immeubles. Bernard Grolleau fit apport de la cure à une association diocésaine le 15 décembre 1941 (61).

La fin du prebytère


Voulant aménager un terrain de football en 1965 dans la prairie de la cure, la municipalité dû obtenir bien sûr l’accord de son propriétaire, c’est à dire l’association diocésaine (62). Le curé Remaud, lors de la bénédiction du terrain par le chanoine Retailleau, vicaire général, le 28 mai 1967 c’est-à-dire après un an de mise en service, affirma que « le terrain appartient à notre évêque par l’association diocésaine ». Il avait raison. Et il souligna l’apport de l’Église au monde à cette occasion, louant le sport et n’hésitant pas à faire sienne la formule : « une âme saine dans un corps sain » (63).

À la demande du conseil municipal de Saint-André dans une délibération du 17 février 1972, l’association diocésaine de Luçon vendit à la commune le 31 octobre 1972 une partie du jardin de la cure pour une contenance de 7 ares 88 ca 36 ca. L’acte notarié nous apprend que l’association diocésaine propriétaire était une association de la loi de 1901 ayant son siège à Luçon et déclarée le 15 avril 1926 à la sous-préfecture de Fontenay-le-Comte. Elle était représentée à l’acte par le curé Joseph Remaud, tandis que la commune était représentée par  son maire, Pierre Micheneau. L’acquisition avait fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique le 19 juin 1972 pour construire un parking. Le projet datait de plusieurs années et on finit par s’entendre sur le prix de 6 592 F (64). Cette vente fut suivie d’une autre le 8 juin 1973 de 2 ares 61 ca par l’association diocésaine à la commune, toujours pour un parking, moyennant le prix de 500 F (65).

La même association diocésaine vendit le presbytère à la commune le 1e mars 1988, celle-ci représentée par son maire, Roger Maindron de la Chevaleraye. Le bien est sommairement décrit : grande maison, servitudes, cour, jardin, allée et diverses parcelles de terrain, l’ensemble d’un seul tenant pour un total de 1 ha 70 a 68 ca. Le prix convenu fut de 500 000 F (75 000 €), dont 300 000 F payé d’ici un an, et 200 000 F convertibles en la charge pour la commune de mettre à disposition de la paroisse un petit terrain et bâtiment lui appartenant et de l’aménager. Il s’agissait d’une partie du bâtiment de l’ancienne mairie située en face de l’école des garçons. Et l’acte de décrire dans les détails les travaux promis, et destinés à offrir une petite maison paroissiale sans logement néanmoins (66).

La paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie sera regroupée dans une nouvelle paroisse en 1997 : Saint-Jean-les-Paillers, sous l’égide de Marcel Auguin, curé-doyen de Saint-Fulgent. L’église est devenue celle du « relais » de Saint-André-Goule-d’Oie dans la nouvelle organisation pastorale répondant à la diminution du nombre de prêtres et de fidèles.


(1) T. Heckmann, Par un baptême et une confirmation ... 700 ans d’histoire du diocèse de Luçon-Vendée, Recherches Vendéennes no 23, 2017-2018, note en page 36.
(2) Abbé Auber, Saint-Martin-de-Vertou, Société des Antiquaires de l’Ouest (1868), page 48.
(3) Maurice Maupilier, Saint-Fulgent sur la route royale, Herault Éditions, 1989, page 83.
(4) Inventaire après-décès en 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de la Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 94.
(5) Charles Arnaud, Petite histoire de l’abbaye de Nieuil-sur-l’Autize, Éditions des régionalismes, 2013, page 21.
(6) Françoise Hildesheimer, Rendez à César, l’Eglise et le pouvoir, Flammarion, 2017, page 167.
(7) Mémoire du seigneur de Languiller sur la chapelle de Fondion, vers 1680, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 66.
(8) Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d’Oie : 139 G 3 et 4, inventaire du 30-10-1787 des titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie. La date de la pièce datée en 1677 est fausse, ne pouvant être postérieure à 1639
(9) Transaction du 8-5-1776 sur l’hommage du prieuré de Saint-André à la Boutarlière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(10) Archives de la Vendée, inventaires et catalogues en ligne, évêchés et chapitres (XVIe-XVIIIe siècles), administration du diocèse, visites épiscopales (1532-1534), 1 G 38, vue 158 accessible sur le site internet, écrit en latin.
(11) Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-2, page 173.
(12) Gallica : Répertoire des sources historiques du Moyen Age / par Ulysse Chevalier  Paris 1877-1883, tome 1e, page 2559.
(13) Thierry Heckmann, Par un baptême et une confirmation ... 700 ans d’histoire du diocèse de Luçon-Vendée, ibidem page 22 et 23.
(14) Inventaire après-décès de Pierre Moreau : ibid, page 41.
(15) Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-2, page 174.
(16) Inventaire après-décès de Pierre Moreau : ibid. page 82.
(17) Inventaire après-décès de Pierre Moreau : ibid. page 67.
(18) Inventaire après-décès de Pierre Moreau : ibid. page 61.
(19) Mémoire de la société des antiquaires de l’Ouest, 1851, page 449, et Hugues du Tems, Le clergé de France, 1774, tome 2, page 469.
(20) Inventaire après-décès de Pierre Moreau : ibid. page 60.
(21) Dictionnaire universel français/latin, 1763, Tome 5, page 581.
(22) Thierry Heckmann, Par un baptême et une confirmation ... 700 ans d’histoire du diocèse de Luçon-Vendée, ibidem page 42.
(23) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 59.
(24) jeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Plessisdubellay.pdf
(25) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 76.
(26) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 50.
(27) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 58.
 https://books.google.fr/books?id=bANKAAAAMAAJ
(29) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 36.
(30) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 68.
(31) Inventaire après-décès de Pierre Moreau, ibid. page 127 et 154.
(32) J. Gallet, Seigneurs et paysans en France (1600-1793), Éditions Ouest-France, 1999, page 37. 
(33) Aveu en 1343 de Jean de Thouars à Montaigu (roi de France) pour des domaines à Saint-André, no 389, Archives d’Amblard de Guerry : classeur d’aveux copiés au Archives Nationales.
(34) Achat du 6-11-1783, de 4 boisselées à la Boninière par Bordron, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/124.
(35) déclaration roturière du 17-12-1745 de la borderie de la Vignolle (Chauché), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 32.
(36) Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par Languiller aux Essarts, deuxième copie, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61.
(37) Note no 9 sur la Milonnière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(38) Note no 20 sur le Coin à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.
(39) Note no 4 sur le bourg à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(40) Marcel Faucheux, Un ancien droit ecclésiastique perçu en Bas-Poitou, le boisselage, Potier, 1953, annexe VII : état des 131 cures à boisselage vers 1770, page 71 et s.
(41) Idem (8).
(42) Thierry Heckmann, Par un baptême et une confirmation ... 700 ans d’histoire du diocèse de Luçon-Vendée, ibidem page 37 et 38.
(43) Charles Arnaud, Petite Histoire de l’abbaye de Nieuil-sur-l’Autize, Éditions des régionalismes, 2013, page 42 ; et Histoire du Poitou par Thibaudeau, 1839, page 187.
(44) A. D. de la Fontenelle de Vaudoré, 2e partie, Livre 7e, 1847, Histoire du monastère et des évêques de Luçon, page 692.
(45) Assises de Languiller en 1592, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 33, pages 88, 109 et 110. Et Assises en 1606, ibidem : 150 J/M 23, page 34. Et Assises en 1610, ibidem : 150 J/M 31, page 45.
(46) Livre des comptes de la Rabatelière (1755-1767) et titres de propriété, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/K 6, pages 88 et 112.
(47) Idem (8).
(48) Ibidem.
(49) Ibidem.
(50) Lettre du 27 pluviôse an 7 de Martineau au commissaire du département, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 12-III.
(51) Copie d’Amblard de Guerry des registres d’état-civil de Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie en 1793, et des registres du juge de paix de Saint-Fulgent dans la période révolutionnaire.
(52) Archives de Vendée, notaires de Mouchamps, étude A, Morisson (an V- an X), vue 613. Transcription par F. Charpentier dans son livre, Chez nous en 1793, Saint-André-Goule-d'Oie, récits d'un vieux Vendéen, éditeur J. Siraudeau à Angers, 1906, page 274 et s. Aussi noté dans dans l'inventaire de la fabrique de Saint-André le 1-2-1906, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VII : Fabrique, Divers (1876-1956).
(53) Donation de la cure de la Rabatelière du 19-3-1807 à la commune, Archives de Vendée, notaires de Chavagnes, Bouron : 3 E 31/23.
(54) Vente du 2-9-1805 de la cure de Chavagnes au curé Baudouin, Archives de Vendée, notaires de Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E 31/23.
(55) Estimation du 15-9-1883 des immeubles assurés de la fabrique de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(56) Décision du 11-9-1898 des conseils municipaux et de fabrique de rechercher un nouveau presbytère à Saint-André, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 28, chemise IV.
(57) Vente le 21-10-1897 à M. Verdon du logis du bourg de Saint-André, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(58) Vente par adjudication de Linières le 6 avril 1897, Archives de Vendée, cahier des charges des adjudications (1897-1039) : U 1-354, pages 256 à 258 et 288 à 290.
(59) Arrêté d’autorisation du 10-2-1898 de construire un mur de clôture du jardin de la cure de Saint-André, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(60) Attestation du 22-7-1924 sur le propriétaire de la cure de Saint-André, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(61) Vente du 31-10-1972 du jardin de la cure à la commune de Saint-André, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(62) Accord de 1965 pour aménager le pré de la cure de Saint-André en terrain de football, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(63) Discours du 28-5-1967 du curé de Saint-André pour l’inauguration du terrain de football, ibidem : carton no 28, chemise IV.
(64) Idem (62).
(65) Achat d’un terrain (261 m2) le 8-6-1973 à l’Association diocésaine de Luçon par la commune de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(66) Vente du 1-3-1988 du presbytère à la commune de Saint-André-Goule-d’Oie, ibidem : carton no 38, chemise transfert de villages.

Emmanuel François, tous droits réservés
Juillet 2019, complété en janvier 2023

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dimanche 2 juin 2019

Les écoles libres de Saint-André-Goule-d’Oie


Leur histoire commence avec la scolarisation des enfants au 19e siècle. Elle est marquée par la lutte antireligieuse des dirigeants de la IIIe République, que nous allons suivre à partir des titres de propriété des écoles de Saint-André-Goule-d’Oie. C’est réducteur quand on pense à leur objet même, l’enseignement et l’éducation. Mais les archives dépouillées se situent sur ce terrain et sont significatives de messages politiques. Alors suivons-les dans cette approche très typiquement française de l’éducation.

L’Ancienne école des filles dans le bourg


Mgr Baillès (1845-1856)
Archives de Vendée
« L’an 1848 et le dimanche soir 24 septembre, Mgr Jacques Marie Joseph Baillès, évêque de Luçon, s’est transporté à la fin de sa visite pastorale d’automne dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, canton de Saint-Fulgent, où il a été reçu avec toutes les démonstrations de la joie et de l’enthousiasme religieux, qui ont éclaté surtout par l’illumination des maisons, par un feu d’artifice et par les acclamations réitérées de « vive monseigneur ! » (1). Ainsi s'exprime la plume révérencieuse du curé bien sûr. Le lendemain l’évêque a béni, à l’issue de la messe célébrée par lui et de la distribution de la communion à 250 personnes, une maison nouvellement construite appartenant à la fabrique et destinée à une école tenue par les religieuses de la congrégation des sacrés cœurs de Jésus et de Marie (sœurs de Mormaison). La fabrique avait mis environ 3 000 F dans cette construction et des particuliers avaient fait des dons. Les religieuses devaient arriver peu de jours après pour commencer l’année scolaire. Cette présence des sœurs de Mormaison s’explique par la proximité géographique de son fondateur, Pierre Monnereau (1787-1856), qui fut curé des Brouzils. Pierre Monnereau avait aussi une proximité, d’ordre familial, avec Saint-André, sa mère, Marguerite Grolleau, avait épousé René Monnereau, forgeron à Saint-Martin-des-Noyers. Elle était la fille d’un meunier de la Boutinière, André Grolleau (1734-1803).

Le bâtiment dans le bourg de Saint-André était situé à l’est de l’actuelle place des Tilleuls, après un petit jardin (420 m2) en partie occupée aujourd’hui par un commerce, et avant par l’école des garçons (2). Cette école des filles avait un droit de passage pour rejoindre la route des Essarts entre les servitudes et un jardin appartenant à une voisine, Melle Bordron. On trouva un accord d’échange en 1873 avec cette dernière pour construire un mur de séparation (3).

L’évêque ordonna le 7 janviers 1850 des prières dans l’école des filles à l’intention des personnes défuntes et vivantes qui se sont imposées des sacrifices pour la fondation de l’école : « les religieuses chargées de l’école des filles de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie réciteront chaque jour après la classe du soir avec toutes leurs élèves un Ave Maria et le psaume De Profondis » (4). Toute une époque pourrait ajouter l’historien débutant. Ces donateurs avaient constitué une somme de 2 000 F déjà en juillet 1847, quand le curé et la fabrique avait demandé un terrain pour la construire. Une partie du cimetière (4 ares) exempt d’inhumation avait été demandée à la mairie à cet effet. Mais cette demande avait divisé les édiles et une partie de la population, à cause du respect dû aux morts. Le maire, A. Rochereau, et le conseil municipal unanime, avaient fini par refuser la demande de cession de ce bout de cimetière (5).

Les religieuses de Mormaison achetèrent le 23 mai 1872 une petite maison de deux pièces avec jardin dans le bourg de Saint-André près de l’école, pour 1 045 F. Elles eurent besoin de plus d’espace. Ce sont quatre sœurs, et non la congrégation, qui se portèrent acquéreurs en indivision entre elles, la dernière survivante recueillant la propriété de l’ensemble (6). Gageons que celle-ci vendit des parts à d’autres personnes de confiance pour garder le bien dans la congrégation. Deux des sœurs habitaient Saint-André-Goule-d’Oie, Mme Poilane, en religion sœur saint Damien, et Mme Paillard en religion sœur saint Alexis. Les premières expulsions de congrégations religieuses datent de 1880 avec Jules Ferry au ministère de l’instruction publique. Sans doute y-avaient-ils des signes avant-coureurs pour mettre ainsi les biens d’Église dans la possession de personnes privées plutôt qu’en celle de congrégations.

Police d’assurance des immeubles 
de la fabrique en 1876
Une police d’assurance en 1876 des bâtiments propriétés de la fabrique nous fournit la description de l’école des filles : « Le couvent de la commune appartenant à la fabrique (on y comprend l’achat des sœurs de Mormaison), et servant de maison d’école tenue par les sœurs de Mormaison, est bâti en pierres et tuiles. Il contient une cuisine avec souillarde (arrière-cuisine), un petit salon, une salle, 3 classes, un premier étage renfermant plusieurs chambres à coucher et une chambre de décharge sur la petite classe, une cave, un bûcher (local où l'on range le bois à brûler), une buanderie avec grenier et lieu d’aisance contigus, estimée à la somme de 15 000 F, (avec cotisation de 2,25 F) » (7). Appeler une école de filles un couvent, montre bien que le style signe une époque ou un milieu, voire une mode.

L’école des filles demanda à la commune le statut d’école publique, ce qui lui fut accordé le 11 mai 1872. Cela consistait seulement à faire prendre en charge le traitement de l’enseignante par la commune et par une subvention du département ou de l’État, outre les inspections administratives (8). La commune fut rapide à répondre positivement, constatant que le bâtiment et le mobilier étaient à la charge de la fabrique et non pas à la sienne. La notion d’école publique avait alors un sens différent de maintenant comme on le voit.

La congrégation de Mormaison avait acheté deux petites parcelles de terre à usage de jardin, le jardin de la Chapelle et le Petit Jardin en 1897 au propriétaire de Linières, pour le prix de 200 F. Elle l’avait fait en même temps que le même propriétaire vendait le logis du bourg au curé pour en faire le nouveau presbytère. La bande de terre dit le jardin de la Chapelle (360 m2) longeait au levant la route des Essarts, au midi la route de Chauché, et au nord le ruisseau de la Haute Gandouinière. L’achat fut conclu devant notaire par Zoé Picherit, religieuse demeurant à Saint-André-Goule-d’Oie et Augustin Auriault qui venait juste d’acheter Linières sur saisie immobilière. La religieuse revendit ce jardin au vicaire de Saint-André, l’abbé Grelier pour 70 F le 25 octobre 1909, lequel le revendit le même jour à Maixent Girard, géomètre expert demeurant à Saint-André dans des actes sous seing privé (9). Ce dernier, avec l’abbé Grelier, agissaient en réalité pour la congrégation de Mormaison comme on en aura la preuve plus tard.

D’ailleurs Maixent Girard se renseigna auprès du géomètre, M. Moreau, qui avait participé à l’achat Picherit en 1897 : « entendiez-vous faire un cadeau à Melle Picherit seule, puisque jamais un sou n’a été versé ? Ou entendiez-vous donner ces terrains à l’école chrétienne de filles de Saint-André-Goule-d’Oie ? » (10). La réponse par retour du courrier est claire : « Le petit terrain touchant au couvent de Saint-André a été vendu à Melle Picherit qui n’a rien payé, puisqu’on lui a fait cadeau du prix, mais pour l’établissement qui devait en profiter et non Melle Picherit seule. Telle était l’intention quoique l’acte a été passé en son nom. ». Puis Maixent Girard vendit le bien à Ferdinand Rochereau, qui le laissa ensuite à ses enfants par héritage : moitié à Angélique Rochereau, épouse Girard, décédée le 1e juillet 1923, et moitié à l’abbé Rochereau le 30 septembre 1933, alors curé au Boupère. Le jardin de la Chapelle passa ensuite à Gustave Girard, fils de Maixent, et héritier de sa mère et de son oncle l’abbé Rochereau. Gustave Girard, vendit la pièce de terre à Bernard Grolleau pour 250 F le 30 août 1936 (11). On le retrouve dans l’apport que ce dernier fit à l’évêché en 1954 en son article 4.

La vente du propriétaire de Linières en 1897 à Zoé Picherit pour 200 F du jardin de la Chapelle que nous venons d’évoquer, comprenait aussi pour ce prix une pièce de terre appelée le Petit Jardin (420 m2) attenant alors à l’ancienne école des filles et à la nouvelle école des garçons (12). La religieuse revendit le petit jardin en 1905 au curé doyen de Montaigu, Alphonse Verdon, moyennant 100 F (13). Il avait été curé de Saint-André de 1891 à 1903. Il a revendu le Petit Jardin à Bernard Grolleau qui l’apporta à l’évêché en 1954 (article 2 de l’apport). À cette dernière date la parcelle faisait partie de l’école privée des garçons.

Le 20 janvier 1903 les religieuses louent leur maison dans le bourg pour 80 F par an plus les impôts. La location contient 2 chambres au rez-de-chaussée, la cour, le préau sur le devant, lieu d’aisances, le tout d’un seul tenant, situé au bourg de Saint-André (14). Cette partie de l’ancienne école des filles et logement des religieuses à côté comprend certainement la petite maison achetée par les sœurs en 1872, mais agrandie. La maison fut louée à nouveau à compter du 25 septembre 1906 par son nouveau propriétaire officiel, le curé doyen de Montaigu (A. Verdon) à Marguerite Dronneau, institutrice demeurant à Saint-André (15). Le bail fut renouvelé en 1909 et 1912 à l’instituteur libre, Jean Baptiste Violleau, et à l’institutrice, Marguerite Dronneau, pour 100 F par an. Cette maison a été vendue probablement plus tard, car on ne la retrouve pas dans l’apport de Bernard Grolleau de 1954.

Sœurs de Mormaison
On sait que cette propriété des sœurs de Mormaison n’était qu’une partie de l’ancienne école, et l’autre partie appartenait à la fabrique, qui l’a louée le 24 janvier 1904 pour 110 F par an (16). Celle-ci est décrite comme suit « la maison comprend 3 chambres basses et 3 chambres hautes, une petite chambre y attenant, une buanderie et un serre-bois, un jardin avec lavoir d’une contenance de 9 ares. Ces immeubles appartiennent à la fabrique. » Le bail sera renouvelé le 1e janvier 1905 par la fabrique représentée par son trésorier, Auguste Fonteneau demeurant à la Jaumarière. Dans l’inventaire en 1906 des biens de la fabrique on trouve cette propriété et les baux passés. Elle deviendra en 1910 la propriété du bureau de bienfaisance de la commune qui la louera à des particuliers.

La nouvelle école laïque des filles


À côté de cette ancienne école des filles, l’État imposa à la commune la construction d’une école laïque pour les filles dès 1898 (vue 50 des délibérations municipales numérisées aux Archives de Vendée). La commune traîna en longueur, mais ne put y échapper, achetant un terrain dans le bourg proche de l’ancienne école des filles de la fabrique, et contractant un emprunt. Les comptes définitifs de la construction figurent au registre des délibérations municipales du 27 décembre 1914 (vue 40). L’école fonctionna avec un enseignant jusqu’à une époque non repérée.

En 1910 la commune envisagea d’installer cette école des filles dans l’une des salles de l’école publique des garçons qui se dépeuplait au profit d’une école privée. L’inspecteur s’opposa au projet : « la question de la suppression d’un emploi d’adjoint à l’école publique des garçons sera envisagée par l’administration si dans un avenir prochain l’école ne se relève pas. Mais il y a lieu de faire crédit de quelque temps au personnel de cette commune, l’école concurrente n’étant ouverte que depuis la dernière rentrée scolaire », écrit au préfet l'inspecteur d'académie, en poursuivant : « Il importe d’inviter le maire à louer de nouveau pour un an le local actuel où se trouve l’école des filles, ou à installer cette école dans le presbytère que le curé n’habite plus » (17). 


C’est une période de tensions entre l’État et les communes du Bocage Vendéen notamment. On a vu, à la demande du préfet, le conseil municipal de Saint-André donner son accord en février 1902 pour que les sœurs de Mormaison soient autorisées à enseigner dans la commune (vue 82). Le texte précise : « considérant que depuis fort longtemps les religieuses dirigent avec succès et à la satisfaction de tous l’école communale de Saint-André-Goule-d’Oie ». Mais au mois d’août suivant, les congrégations religieuses étant désormais interdites d’enseignement, le conseil municipal vote à l’unanimité une résolution de protestations que le préfet annulera par la suite. Ce dernier avait informé la commune que « l’institutrice congréganiste qui dirige actuellement l’école publique des filles sera remplacée par une maîtresse laïque à partir du 1er septembre 1902 ». De plus,  le préfet invite la commune « à trouver immédiatement un local pour y installer le service scolaire », et à voter le budget nécessaire à son équipement en mobilier et en matériels nécessaires à l’enseignement. Les conseillers répondent : « le conseil, attendu que la commune ne trouve point de local convenable à louer pour l’établissement d’une école laïque, et que le conseil ne veut pas pendre à sa charge le frais d’une instruction scolaire, attendu que depuis cinquante-deux ans les bonnes sœurs dirigent avec dévouement et à la satisfaction de tous l’école de la commune, proteste à l’unanimité contre la laïcisation de l’école des filles, et passe à l’ordre du jour » (vue 87). La tutelle de l’État sur les communes à cette époque permettait au premier de se passer de l’accord des secondes en cas de conflit.

Cette école laïque des filles fut vidée de ses élèves par les parents, au profit d’une école privée qu’ils firent construire comme nous le verrons ci-après. Longtemps l’administration s’accrocha à faire survivre cette école malgré le peu d’élève, jusqu’aux vacances de l’été 1938. L’ancienne institutrice, Melle Girard, fut nommée à Saint-Fulgent à la rentrée suivante, et il n’y eu plus d’élèves. Ensuite la commune loua, le 26 novembre d’après, le local d’habitation et le jardin pour 3 ans. La salle de classe resta fermée. Le préfet demanda que le bail puisse s’interrompre pour reprendre la maison après préavis d’un mois. Il demanda aussi de ne pas modifier les locaux de classe. La consigne des gouvernements était d’espérer un retour de l’enseignement laïque. Faute d’enchère, M. Léon Humbert a été déclaré adjudicataire pour 700 F (18).


La nouvelle école privée des filles rue Amaury-Duval


École Pierre Monnereau de Saint-André
L'école libre des filles fut construite à l’emplacement actuel de l’école primaire de la commune au no 1 de la rue Amaury-Duval, remplaçant celle au milieu du bourg. Cette nouvelle école privée, d’où les sœurs de Mormaison ont disparu de nos jours, a pris le nom de leur fondateur, Pierre Monnereau, et s’est agrandie pour recevoir les garçons et les enfants des nouveaux habitants de la commune. Nous avons dans les archives de la paroisse un plan non daté des bâtiments d’origine établit par Girard, géomètre expert demeurant en 1909 à Saint-André (19). Ce plan est différent de ce qui fut réalisé. Nous avons aussi une copie du plan réalisé portant la date du 19 mars 1943 (20). Cette construction peut se dater vers 1902, à cause des locations de l’ancienne école à partir de 1903 (voir ci-dessus).

La construction de la nouvelle école libre des filles de la rue Amaury-Duval n’est pas documentée dans les archives de la paroisse, mais là aussi son propriétaire fut un prête-nom. À partir d’une date inconnue c’était l’abbé Alphonse Charles Verdon. Celui-ci la vendit en même temps que l’école des garçons à Bernard Grolleau en 1922.

L’histoire de l’école des filles comprend aussi la célébration de son centenaire le 20 novembre 1949. Mgr Cazaux vint sur place et le curé de Saint-André fit un petit discours : « Et aujourd’hui vous venez inaugurer le centenaire de la fondation de nos écoles chrétiennes des filles.... N’est-ce pas vous le grand défenseur de nos écoles ? Mais nous savons que cette belle cause que vous défendez est également un tourment que vous portez dans votre cœur », allusion au recul sur la liberté d’enseignement opéré à la Libération (21). Le gouvernement de général de Gaulle avait supprimé en effet la législation de l’État français du maréchal Pétain (1940-1944) par une disposition d’ordre général. Pour maintenir néanmoins certaines mesures il fallait passer par une loi nouvelle, ce qui fut fait au cas par cas. L’État français avait autorisé les communes à subventionner les écoles libres, et élargit aux élèves du privé le droit aux bourses d’État. Mais les forces politiques en présence après la Libération se refusaient dans leur majorité à légaliser à nouveau ces mesures. Le comité d’Action pour la liberté scolaire allait en 1950 être créé, et Mgr Cazaux allait sortir d’une attitude attentiste pour défendre la liberté d’enseignement. L’action connut un certain succès avec les lois « Marie » et « Baranger » de septembre 1951 (22).  

La maison du curé Martin dans le bourg


Le curé de la paroisse de son côté, Isidore Martin, acheta pour 1 400 F le 30 mars 1874 une maison joignant ce qu’on appelait le couvent. Celui-ci désigne à la fois la maison des religieuses et l’école des filles. Le jardin joignait le ruisseau en bas du bourg, et la maison joignait la route des Essarts. Celle-ci comprenait 2 pièces au rez-de-chaussée, une à l’étage, une écurie derrière avec un jardin y attenant (23). L’acte ne dit pas si le curé achetait pour lui ou pour le compte de l’école voisine. La suite montrera qu’il s’agissait là encore d’un achat pour des œuvres. Ainsi explique-t-on l’assurance incendie payée par la fabrique en 1887 pour cette maison estimée à 5 000 F (24). Peut-être s’agissait-il de loger l’instituteur libre.

La maison achetée par le curé Martin, fut léguée par son propriétaire dans son testament de 1883 au curé doyen des Essarts, M. François Grolleau, faisant de lui son légataire universel (25). Le curé Martin fut remplacé à la cure de Saint-André par l’abbé Charles Verdon en 1891 et mourut en 1893. Le doyen François Grolleau vendit la maison à l'abbé Ferdinand Rochereau le 28 janvier 1914. Et celui-ci la revendit le 27 décembre 1935 à Bernard Grolleau pour 4 000 F (26). Le revendeur mourut un an après à Pouzauges où il était prêtre habitué, après avoir occupé plusieurs postes de vicaire et curé dans le diocèse de Luçon. Sa naissance à Saint-André explique son achat comme prête-nom, étant né le 13 décembre 1865 dans le bourg de la commune (vue 147) de Ferdinand Rochereau et Zélie Grolleau. 


Les écoles publiques et privées des garçons


Les archives de la paroisse n’ont qu’un seul document pour l’école des garçons. Normal, elle était au 19e siècle à la charge de la commune, comme on le voit dans les délibérations du conseil municipal, celles-ci conservées à partir de 1867. Le 10 septembre 1852 l’évêque de Luçon était venu bénir l’école des garçons. C’était une salle enclavée dans les bâtiments de l’ancien presbytère, lui-même accolé à l’ancienne église (27). Son agrandissement y était impossible et la commune construisit en 1874 une nouvelle maison. Dans les archives de la préfecture concernant la commune de Saint-André on trouve des documents se rapportant à un projet de construction dès 1851. Son montant est de 3 000 F, couvert déjà à près de 90 % par une souscription ayant réunie 1 800 F, une subvention d’État de 800 F et un apport en nature de 100 F. Il manque 300 F pour boucler le budget de dépenses (28). C’est le curé qui se portait en avant pour ce projet, comme il l’avait fait pour l’école des filles. Il avait recueilli des dons par souscription, et il sollicita une aide financière de la mairie. Le conseil municipal lui répondit que « Vu la détresse où la commune se trouve actuellement, il déclare avec regret qu’elle n’a aucune ressource disponible à cause des impositions extraordinaires dont elle est déjà grevée ».

Le projet fut repris bien plus tard et la commune construisit en 1874 une nouvelle maison servant de mairie et de logement à l’instituteur pour remplacer la location d’une maison dans le bourg à un particulier, et une école. Cette dernière maison ne pouvait contenir les jours de réunion les membres du conseil et les plus imposés convoqués à certaines réunions. Le préfet adopta le projet le 17 novembre 1873. La maison pour l’instituteur et la mairie occupait 116 m2 de surface habitable sur deux niveaux, 2 pièces en bas et 2 pièces en haut, avec servitudes, cour et jardin. L’école occupait 100 m2 de surface habitable sur un niveau. Le devis s’élevait à 14 543 F de dépenses, dont 3 000 F d’emplacement d’un terrain donné par le maire, Marcel de Brayer, qui était alors le propriétaire de Linières. Le financement comprenait une souscription particulière anonyme de 1 000 F, le produit de la vente de terrains communaux pour 1 600 F, une subvention de l’État de 3 000 F, et l’imposition de centimes additionnels d’impôts locaux pour 5 568 F. Il restait un déficit à combler de 375 F. Deux faits nouveaux caractérisent ce projet. D’abord l’acceptation par les élus d’impositions extraordinaires, soit 8 centimes additionnels en 1874/1875, puis 12 centimes pendant 8 ans à compter de 1876. C’est un changement d’attitude des édiles révélateur de l’enrichissement des contribuables consécutif à la révolution des techniques agricoles à partir du milieu du siècle (engrais et machinisme). D’autant qu’il y avait déjà 16 centimes d’impositions extraordinaires, pour la contribution à l’effort de guerre en 1870 et la construction des chemins vicinaux. Ensuite la générosité du nouveau maire a beaucoup facilité le projet (28). À cette époque on parlait d’école communale par distinction avec l’école privée des filles appartenant à la fabrique. Mais les deux écoles étaient dites « publiques », recevant également des fonds publics de la commune et du département. La notion de laïcité est née après, avec comme conséquence la nouvelle notion d’école « libre » (pour les catholiques, car les anticléricaux disaient école « privée »).

On a la liste des réparations et fournitures pour compléter le mobilier scolaire de l’école des garçons en 1870, intéressante à lire. Outre le changement de bureau pour le maître, 2 tables neuves, la réparation de la bibliothèque, etc, on s’attarde sur les 2 douzaines d’encriers en faïence, le tableau du système métrique sur toile et vernis, une carte du département de la Vendée, 2 crucifix, des tableaux de lecture (méthode Henrion) et quelques sentences de morale.

L’école comprenait 2 classes et en 1886 il fallut l’agrandir pour aménager une 3e classe et loger l’instituteur adjoint, en prolongement du bâtiment existant. La commune comptait alors 1688 habitants dont 159 garçons en âge de fréquenter l’école (5 à 13 ans).  Pour financer la dépense de 6 500 F la commune ne demande pas de subvention ni à l’État ni au département et envisage un emprunt de 5 000 F auprès de particuliers à 4,5 %. Pour rembourser l’emprunt la commune s’impose de 2 centimes extraordinaires pendant 5 ans au principal des 4 contributions directes. « En échange de ce sacrifice, œuvre éminemment patriotique, le conseil ose espérer que M. le préfet voudra bien faire allouer à l’école une concession de cartes murales et à la bibliothèque une concession de livres, dans la mesure du possible les accessoires d’un gymnase pour diminuer d’autant le devis estimatif " (29). 


L’école des garçons prospéra avec la sensibilisation en cette fin du 19e siècle à la scolarisation des enfants, officiellement obligatoire, hébergeant même un cours pour adultes. Mais les luttes antireligieuses de l’État portèrent un coup fatal à cette école publique. Les habitants en effet financèrent, on ne sait comment, ni quand, une école privée. En 1910 la commune demanda au préfet de supprimer l’emploi d’adjoint à l’école publique des garçons, à cause de la baisse de fréquentation entraînée par l’ouverture l’année précédente d’une école privée (30). On le voit aussi dans une délibération du conseil municipal de février 1911, répondant à une demande d’avis du préfet sur la suppression d’un instituteur adjoint à l’école publique des garçons : « considérant que par suite de l’ouverture d’une école libre, le nombre des enfants fréquentant l’école communale a beaucoup diminué, est d’avis qu’un poste d’adjoint soit supprimé » (vue 81, année 1911 des délibérations municipales numérisées).

Carte postale sur l’affaire du crucifix 
à Saint-André (1907)
On a une idée de la violence des luttes politiques de l’époque, avec l’ordre donné par l’inspecteur des écoles primaire de voiler par une carte un crucifix accroché au mur de l’école communale des garçons de Saint-André. Il faut dire que la déposition des crucifix dans les écoles communales avait été ordonnée par une circulaire du 2 novembre 1882 de Jules Duvaux, ministre de l’instruction (31). On avait bien tardé à l’exécuter. Le conseil municipal vota le texte suivant : « le conseil proteste à l’unanimité contre cet acte odieux qui viole les sentiments religieux du conseil et de la population toute entière. Les conseillers sont étonnés de cette mesure vexatoire après la bienveillance témoignée aux instituteurs communaux (agrandissement du logement de l’instituteur et dépôt d’un projet de construction d’une école communale de filles). Ils demandent à M. le préfet, dans l’intérêt des instituteurs, pour la paix et la tranquillité de la commune, de vouloir bien faire rapporter l’ordre donné et faire replacer la carte à l’endroit qu’elle occupait habituellement, et d’où elle n’aurait pas dû être légalement déplacée ». On ne sait pas quelle suite donna le préfet à cette demande. Mais il avait la loi pour lui et le conseil était légaliste. Cependant la postérité a gardé la photo des élèves découvrant ce crucifix dans une mise en scène révélatrice, nous permettant au passage d’apprécier les « bouilles » des enfants de l’époque. La légende dit : « Deux enfants de l’École Communale de Saint-André-Goule-d’Oie (Vendée) découvrent le Crucifix caché par une carte des Droits de l’Homme (9 avril 1907) ». Rappelons quand même que l’interdiction des crucifix et des images de la Vierge dans les écoles publiques remontait à la rentrée de 1882. Cette tolérance des autorités à Saint-André pendant si longtemps répondait sans doute à leur crainte des réactions des habitants.

En mai 1923 le conseil municipal demanda au préfet la libre disposition des bâtiments de l’école communale des garçons, considérant qu’aucun enfant ne fréquente plus cette école depuis un an (vue 21). Et en décembre 1923 le préfet donnait son accord à la location à la condition d’un bail d’un an soumis à son accord, cessant de plein droit sur préavis de 3 mois donné par le service académique, et que le revenu soit consacré au moins à 50 % à la caisse des écoles de la commune (vue 28 des délibérations municipales). Le locataire fut Henri Seiller, secrétaire de mairie, occupant deux pièces. Au rez-de-chaussée la mairie occupait une pièce, et au-dessus une autre pièce fut réservée pour y mettre les archives communales qui se détérioraient par suite de l’humidité du petit cabinet où elles étaient déposées (32). Le temps n’était plus comme en 1907 où le directeur des archives départementales, en mission d’inspection, avait fait le rapport que le secrétaire de mairie de Saint-André-Goule-d’Oie « s'est montré véritable archiviste en classant ses papiers avec un soin méticuleux dans un local de quelques mètres carrés. État civil depuis 1797. Recueil relié jusqu'en 1901. Cadastre fatigué. Matrices fraîchement reliées » (33).

Pendant ce temps les bâtiments de l’école privée des garçons appartenaient à l’abbé Alphonse Charles Verdon, devenu prêtre habitué demeurant aux Essarts, c’est-à-dire sans ministère, avec son frère Léon François Verdon, qui était curé des Essarts. Il la vendit à Bernard Grolleau le 27 octobre 1922. Les deux étaient des prête-noms, car l’apport de ce dernier en 1954 à une association diocésaine comprend l’école des garçons, les parcelles cadastrales la désignant clairement.

Régularisation des titres de propriétés en 1954


S. Fegdal : Entrée du port des Sables-d’Olonne
(musée de l’abbaye Sainte-Croix aux Sables)
À l’entête du service départemental du cadastre, un employé de ce service formula une demande étonnante au curé de Saint-André le 2 décembre 1953 en des termes d’une grande franchise : « M. Bernard Grolleau, docteur en médecine aux Sables-d’Olonne, m’a renvoyé un avertissement qu’il a reçu de la perception de Saint-Fulgent pour une propriété située à Saint-André-Goule-d’Oie, en déclarant qu’il ne possède plus rien dans cette commune. Or cette propriété n’est autre que l’école libre des garçons (habitation, classes et jardin), dont M. Grolleau a payé l’impôt foncier depuis de nombreuses années, et dont il ne serait pas le propriétaire. M. Grolleau n’ayant pas pu me donner les renseignements nécessaires pour faire la mutation, je vous serais obligé de bien vouloir me faire connaître le propriétaire du terrain et des bâtiments de cette école » (34). On imagine l’embarras du curé Joseph Remaud, arrivé dans la paroisse en 1946. C’est sans doute ce qui poussa les autorités ecclésiastiques à régulariser la propriété des biens d’Église à Saint-André-Goule-d’Oie, et à mettre fin à la pratique des prête-noms qui avait prévalu jusqu’ici sur place. D’autant que le temps des expulsions des congrégations religieuses paraissait terminé. L’anecdote montre aussi que le fisc, et donc les préfets, n’avait jamais ignoré qui payait et qui occupait les bâtiments des écoles et des presbytères soustraits aux inventaires de 1906.

Par acte notarié à Luçon du 7 août 1954, Bernard Grolleau fit apport à l’association diocésaine appelée l’Abeille de l’Ouest, de ses « propriétés » à Saint-André. Un chanoine était président du conseil d’administration de la société l’Abeille de l’Ouest, créée en 1936 en société civile immobilière particulière avec son siège à Luçon. Les propriétés apportées étaient l’école libre des filles (article 1), l’école libre des garçons (article 2, comprenant le Petit Jardin acheté en 1897 par une religieuse), une maison d’habitation dans le bourg (article 3 : anciennement maison du curé Martin), et une pièce de terre en bas du bourg située sur Chauché (article 4 : jardin de la Chapelle). Les immeubles apportés par M. et Mme Grolleau sont estimés dans l’acte à 1 million dix mille francs (anciens francs d’avant 1959, soit 10 100 F nouveau ou 1 500 euros), et le capital social de l’Abeille de l’Ouest est augmenté d’autant. M. et Mme Grolleau sont intéressés à la société dans la proportion de leur apport, en devenant sociétaires. On ne pouvait pas écrire autrement (35). Dans ces possessions fictives on ignore les fonds mis par les particuliers derrière ces portages de propriété à Saint-André. Or dans certaines paroisses on sait que de riches propriétaires ont fait des dons dans ces opérations.

Ces possessions fictives de Bernard Grolleau avaient duré longtemps. Il était docteur en médecine né au Coudray le 11 février 1900 (vue 2), demeurant aux Sables-d’Olonne, où il est décédé en 1972. Son père était le maire de Saint-André, Eugène Grolleau, et sa mère Marie Chaigneau. Il succéda à son père comme maire de Saint-André-Goule-d’Oie de 1943 à 1947. Aux élections de 1947 c’est sa sœur qui prit sa place, Marie Grolleau. Elle avait épousé en 1913 Émile Charrieau, qui décéda en 1922. Mme Charrieau restera maire de Saint-André jusqu’en 1969.

Conclusion


En guise de conclusion il faut rappeler le caractère très français de cette querelle politique des écoles. Elle a sa source dans les fractures de la Révolution et la constitution civile du clergé. Mais ce n’est apparemment pas sa conséquence directe. Le concordat entre Napoléon et l’Église avait apaisé la querelle religieuse, comme on le voit en Alsace-Moselle où il continue d’être appliqué. Quand la région fut annexée par l’Allemagne en 1871, les Allemands lui conservèrent le régime du concordat au nom d’une conception de l’État beaucoup moins centralisatrice qu’en France. Leurs habitants n’ont pas vécu en conséquence la querelle politico-religieuse française qui a sévit entre 1871 et 1918. À leur retour dans la nation française ils ont demandé le maintien du concordat et on n’osa pas leur dire non. Moyennant quoi les écoles publiques prévoient chez eux dans l’organisation de l’emploi du temps des élèves, l’enseignement de la religion au choix des parents. Et les clergés des différentes religions sont rémunérés par le ministère de l’intérieur.

Dans cette querelle religieuse, les républicains d’alors ont voulu instaurer le régime de la IIIe République contre l’Église, malgré que le pape Léon XIII ait appelé en 1892 les catholiques à se rallier au nouveau régime. Mais avant Léon XIII, le pape Pie IX avait violemment milité contre les républicains. Et au cléricalisme monarchique répondait un anticléricalisme républicain, ou réciproquement, car avec le temps on était arrivé à un enchaînement infernal. Régulièrement des réunions et proclamations des milieux royalistes et catholiques militaient contre le régime de la République. Ainsi une partie non négligeable de partisans dans les deux camps adverses tint à ses principes, formulés et érigés comme irréconciliables. La querelle des écoles était devenue une façon de pérenniser des fonds de commerce électoraux pour certains, tout en restant dans le confort des idées pour beaucoup, loin de la recherche de tout compromis. N’oublions pas que les combats furent menés par les nombreux journaux d’opinion, nationaux et locaux, où l’intox et la manipulation régnèrent à un niveau aujourd’hui oublié dans la presse écrite. Le cœur du débat entre républicains et cléricaux n’a été ni la conviction religieuse, ni même le projet éducatif, mais une certaine interprétation de l’histoire française dérivée de la Révolution Français, toujours vivante dans l’inconscient collectif. Chaque camp considère l’école comme un instrument de pression indispensable ! La guerre de 1914-1918 viendra déclasser en partie ce conflit interne à la France.

Pour les habitants de Saint-André-Goule-d’Oie, la querelle leur coûta le financement d’une école publique des filles au début du 20e siècle, qui ne réussit pas à remplacer l’école privée préexistante. Elle leur coûta aussi le financement d’une école privée des garçons pour remplacer celle, publique, qu’ils avaient déjà payée en 1873. Et les sacrifices continuèrent longtemps pour faire fonctionner leurs écoles libres et privées. Dans l’adversité de ceux qui se disaient alors « républicains », on voit ces Vendéens rester eux-mêmes. Cette image leur a collé à la peau de manière amusante comme en témoigne l’anecdote suivante. Dans une petite commune de pêcheurs du bord de la Méditerranée située près de Narbonne, qui s’appelle Gruissan, les autorités municipales ont donné le nom de « rue de la Vendée » à l’une des rues du village au début du 20e siècle. Quand on interroge sur le pourquoi, la réponse des anciens est toujours la même : certains des habitants n’avaient pas un caractère commode, on leur colla donc l’image de la Vendée ! 

Dans cette querelle on voit l’importance représentée par la possession des rouages de l’État celui-ci devant organiser la société dans une conception nouvelle. C’est une conséquence directe de la Révolution française que ce culte de l’État et de la loi. Au temps de l’Ancien Régime les particularismes étaient roi, et le roi lui-même devait les garantir. Absolu avec archaïsme dans l’exercice de certains droits, il recevait les pétitions et, pour un peu qu’il fut faible de caractère, reculait dans ses décisions ou n’était pas obéit. Le nouvel État issu de la Révolution, fort d’une légitimité renouvelée sur les principes de la démocratie, devint lui-même bien plus « absolu ». L’école devait être son affaire, avant même de penser à fabriquer de bons électeurs. Dans cette conception nouvelle, où la politique envahit beaucoup d’espaces sociaux, l’école privée trouve difficilement sa place. D’ailleurs longtemps ce fut le cas aussi des syndicats et des collectivités territoriales au sein de cet État. Ne qualifie-t-on pas de « jacobin » cet État nouveau, lui donnant le nom des révolutionnaires les plus avancés, même si son absolutisme n’est plus celui de 1793 ? Cette conception favorise une autre caractéristique, inconsciente pour beaucoup : légiférer c’est l’alpha et l’oméga de l’art de gouverner, comme si la loi suffisait à modifier automatiquement des comportements.


(1) Inauguration de l’école des filles le 25-9-1848, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VIII.
(2) Conventions de voisinage du 8-12-1894 entre le couvent et le domaine de Linières, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(3) Échange du 13-1-1873 pour la clôture de l’école des filles, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(4) Mandement du 7-1-1850 de l’évêque pour des prières dans l’école des filles, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(5) Projet de concession de terrain à la fabrique pour construire une maison de charité, Mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(6) Achat du 23-5-1872 d’une maison dans le bourg par les sœurs de Mormaison, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(7) Estimation du 1-10-1876 des immeubles assurés de la fabrique de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(8) Délibération du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie, registre numérisé (1867-1875) des Archives départementales de la Vendée, vues 27 et 28.
(9) Vente du 25-10-1909 d’un jardin dans le bourg de Saint-André par l’abbé Grelier, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(10) Lettre du 23 février 1910 de Girard au sujet d’une vente à Melle Picherit, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(11) Vente du 30-8-1936 d’un jardin dans le bourg de Saint-André par Girard à Grolleau, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(12) Vente du 21-4-1897 de terrains par M. Auriault aux religieuses de Mormaison, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(13) Vente du 30-11-1905 d’un jardin dans le bourg de Saint-André au curé Verdon de Montaigu, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(14) Ferme du 20-1-1903 d’une partie du couvent dans le bourg de Saint-André par les religieuses, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(15) Ferme du 12-11-1906 d’une partie de l’ancien couvent de Saint-André par A. Verdon, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(16) Ferme du 24-1-1904 d’une partie de l’école des filles dans le bourg de Saint-André par la fabrique, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(18) Location de la maison de l’école publique des filles en 1938, Dépenses et recettes particulières (1909-1940), mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 1032.
(19) Plan non daté de l’école libre des filles de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(20) Copie du 19-3-1943 du plan de l’école privée des filles de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(21) Centenaire de la fondation de l’école libre des filles en 1949, ibidem : carton no 31, chemise XIII.
(22) Pierre Yannick Legal, L’action menée par Mgr Cazaux (23 avril – 17 août 1950), Dans « Sept siècles d’Histoire les diocèses de Luçon et de Maillezais », Recherches Vendéennes no 23, 2017-2018, page 305 et s       .
(23) Achat du 30-3-1874 d’une maison dans le bourg de Saint-André par le curé, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(24) Assurance le 25-7-1887 d’une maison d’Isidore Martin, curé de Saint-André, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(25) Testament de M. Martin du 17 janvier 1883, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(26) Vente du 27-12-1935 d’une maison dans le bourg de Saint-André par l’abbé Rochereau, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(27) Procès-verbal de la bénédiction de l’école des garçons le 9-10-1852, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(28) Construction de la maison d’école en 1851/1853, Édifices et services publics, les écoles (1852-1907), mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 632.
(29) Ibidem : agrandissement de l’école des garçons en 1886.
(30) Idem (17).
(31) Billy, Legal, Praud, L’enseignement catholique en Vendée (1880-2000), Éditions du CVRH, 2021, p. 32.
(32) Location de la maison de l’école communale des garçons en 1923/1925, Dépenses et recettes particulières (1909-1940), mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 1032.
(33) Rapports des chefs de services au conseil général de Vendée, 1907-2e, II, II, page 80.
(34) Enquête cadastrale du 2-12-1953 sur l’école des garçons de Saint-André-Goule-d’Oie, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(35) Apport d’immeubles à Saint-André le 7-8-1954 par M. Grolleau à l’Abeille de l’Ouest, ibidem : carton no 29, chemise VIII.

Emmanuel François, tous droits réservés
Juin 2019, complété en décembre 2021

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