mardi 1 octobre 2019

Les moulins à Saint-André-Goule-d’Oie


Tableau de Jean Burkhalter (coll. particulière)
Nous avons utilisé plusieurs moyens pour repérer les moulins. D’abord la carte Cassini donne une situation, non exhaustive néanmoins, des moulins existants vers 1760. Le cadastre napoléonien de 1838 donne des précisions sur les moulins, particulièrement sur les moulins à eau dans ses plans des limites du territoire de la commune, celles-ci étant en partie des ruisseaux, ainsi que sur les planches (pont léger en bois) permettant de les franchir. Les documentations seigneuriales et notariales apportent des informations partielles sur les localisations, les propriétaires, les transactions et les redevances des moulins. Les recherches sur place de l’abbé Boisson, avec recueil de témoignages des anciens dans les années 1970, sont précieuses et disponibles aux archives du diocèse de Luçon. Les archives des Eaux et Forêts de l’Ancien Régime ont été interrogées, n’apportant rien pour Saint-André-Goule-d’Oie. Il reste à investiguer celles du 19e siècle. Malheureusement notre documentation notariale du 18e siècle est trop pauvre sur Saint-Fulgent pour nous fournir des inventaires et des comptes, et nous permettre d’entrer dans la vie des meuniers. Pour y suppléer un peu on se référera à des travaux d’historiens. C’est ainsi que nous avons proposé dans l’histoire des villages de Saint-André-Goule-d’Oie des développements sur les moulins qu’on y a trouvés, que nous ne reprendrons pas ici, y compris avec leurs sources. C’est une synthèse que nous présentons maintenant, en commençant par un inventaire des moulins repérés. Et d’abord une précision : les moulins portaient généralement soit le nom des lieux-dits près desquels ils étaient établis ou dont ils dépendaient à l’origine, soit le nom des meuniers qui en étaient les propriétaires ou les exploitants.

Liste et localisation des moulins


Les deux moulins de Linières à vent et à eau, sont repérés dans la documentation seigneuriale à partir de 1300 environ, tous deux situés sur la paroisse de Saint-André. La première mention d’un moulin à vent en Vendée est dans une charte de 1205 (1). La technique a été rapportée d’Orient lors des croisades, alors que la technique des moulins à eau est un héritage romain qui a prospéré avec la révolution des techniques au Moyen Âge (2). On est donc à Linières, vu d’aujourd’hui, dans les débuts des moulins dans la région. Celui à eau était construit sur le ruisseau de la Fontaine de la Haute Gandouinière à un endroit non repéré, proche de l’étang de Linières. En revanche le cadastre de 1838 situe toujours l’emplacement du moulin à vent dans « le champ du moulin » jouxtant vers le nord le village de la Forêt (section E 2, près du village de la Forêt, parcelle no 198 de Saint-André-Goule-d’Oie).

Les deux moulins du Peux à vent et à eau. Le moulin à eau est indiqué sur le cadastre de 1838 au lieu appelé le déversoir du moulin du Peux, et situé en amont du moulin Boudaud et en aval de la planche de la Roche Mauvin, sur le ruisseau du Vendrenneau prenant sa source à Vendrennes. On l’appelait « moulin à Maindron » ou « du Peux », suivant un témoignage de Joseph Boisson recueilli par l’abbé Boisson vers 1970. Cela veut dire qu’il fonctionnait encore probablement au 19e siècle.
Le moulin à vent du Peux était situé à la jonction du chemin de Chavagnes à Saint-André et de celui venant de la Racinauzière, sur une enclôture de 2 boisselées. Il était proche du chemin qui allait de Saint-Fulgent aux Brouzils, l’actuelle D 17, et plus au nord. Amblard de Guerry pense qu’à cet emplacement se trouvait ce qu’il appelle le Moulin de la Mancellière (3). Les deux moulins à eau et à vent ont été appelés dans certains textes « les moulins de la Burnière », du nom du village et fief du même nom à Chavagnes, repris pour lui-même par le seigneur du Coin et du Peux.

Moulin à vent du Coin
Les deux moulins du Coin à vent et à eau. Le moulin à eau était installé sur la rivière du Vendrenneau, à la croisée du chemin conduisant directement du Coin à la Burnière, dit « moulin à Boudaud » ou « du Coin ». Ce lieu est appelé actuellement « le seuil de la Burnière ». Le cadastre de 1838 indique toujours « le déversoir du moulin Boudaud », mais on n’est pas sûr que le moulin existât encore à cette époque. Il avait probablement été remplacé par le moulin à eau du Peux construit un peu plus en amont.

Une ruine de moulin à vent se trouve toujours à la sortie du village du Coin sur la route qui mène à la Racinauzière. Cité nulle part dans la documentation consultée, on en déduit qu’il serait récent, sa ruine n’étant pas un gage d’ancienneté, au contraire.

Le moulin à vent des Landes de la Mancellière a fait l’objet d’un bail en 1676 par la châtelaine de la Rabatelière. On ne connaît pas sa localisation et on doute que ce soit celui cité précédemment au village du Coin, à cause des frontières entre les deux seigneuries voisines du Coin et de la Mancellière, indépendantes l’une de l’autre tout au long de leur histoire.

Les Moulins de la Maigrière. Un moulin à eau était situé près des maisons de la Maigrière et du « jardin de la Brejonnée ». La facilité d’accès du village explique en grande partie son implantation ici sur le ruisseau. Un peu plus loin vers l’amont de la rivière du Vendrenneau (côté Saint-Fulgent), il y avait un autre moulin à eau en ruine au milieu du 18e siècle, et enclos dans le tènement de la Chaunière et Bourolerie.

Il y avait aussi 2 moulins à vent sur la rive gauche du Vendrenneau (paroisse de Saint-André), presque en en face de la Chaunière. Ils apparaissent sur la carte Cassini mais pas sur le cadastre de 1838. Néanmoins M. Suire habitant la Maigrière en avait encore le souvenir en 1978, indiquant à l’abbé Boisson un emplacement de moulin, et on parle toujours d’un « verger du moulin ». De plus la documentation permet de repérer un moulin à vent situé près du village de la Jaumarière et du ruisseau du Vendrenneau, construit dans le « Champ du Moulin ». Celui-ci partait de la Maigrière en direction du moulin, sur plus d’un kilomètre. Le lieu-dit actuel des « Moulins » se situe en gros à l’endroit indiqué par les textes anciens.

Le Grand moulin de la Bourolière
Les deux moulins à vent de la Bourolière. Le Grand moulin a été construit vers 1570 et son successeur à la même place est toujours debout de nos jours, ayant perdu son toit. C’est un moulin-tour. Sa tour en maçonnerie, de forme ronde appelée « tonnelle », était surmontée d’une toiture de forme conique. Il était en ruine en 1765 et fut reconstruit ensuite. On l’a appelé parfois par erreur le moulin de la Boninière. Le Petit moulin de la Bourolière n’apparaît dans la documentation qu’en 1724 et dut s’arrêter comme le Grand moulin vers la fin du 19e siècle. Il était situé devant le Grand moulin et plus proche du village de la Bourolière.

Les moulins de la Boutinière. Le moulin à eau dit « moulin Grolleau » figure sur le cadastre de 1838 (assemblage de la section E de la Boninière à Saint-André) avec l’indication de « moulin à Grolleau de la Clavière », situé dans l’ancien tènement de la Bergeonnière et en amont de la planche du Chaillou (celle-ci en aval de la route de la Rabatelière à Saint-Fulgent), et en aval de « l’ancien moulin de la Boutinière » sur le ruisseau du Vendrenneau. Plus en amont de ce dernier il y avait le Pont Boutin. En 1675 un texte cite le « moulin à Grolleau » et le « moulin aux draps », en la paroisse de Saint-André. Ce dernier devait être « l’ancien moulin de la Boutinière », mentionné dans le premier cadastre. On a enfin sur le ruisseau du Vendrenneau « le moulin Soulard », probablement situé à la place de l’un des deux derniers ou des deux à la fois. Son existence est rapportée par Eugène Boisson de la Boutinière à l’abbé Boisson avec visite sur les lieux en 1977.

Deux moulins à vent de la Boutinière figurent sur la carte Cassini et le cadastre ancien. Ils étaient bâtis en haut de la butte de la Boutinière, de l’autre côté du chemin par rapport au village à l’origine (vers l’est). L’un d’eux était un moulin turquois (ailes fixées sur une cabine pivotante) en 1595.

Le moulin à vent Briand ou Dria ou Belair. Il est situé proche et au sud de la Brossière sur le tènement des Landes du Pin. On le repère en 1766 et lors du soulèvement vendéen. Les hommes de Saint-André en avait fait un point de rendez-vous à la veille du 13 mars 1793. Il dut s’arrêter de tourner après 1818, et en 1904 il n’en restait qu’un vieux pan de mur.

Le moulin à vent dans l’enclos du tènement des Gâts, appelé le moulin des Gaucher dans des déclarations de 1606 et 1654. En 1703 il est bâti sur une parcelle de 2,5 boisselées et 10 gaulées, qui est franche de terrage


Le moulin à vent de la Boutarlière. Il figure sur la carte Cassini et est cité dans un texte de 1653, appelé moulin turquois, comme celui de la Boutinière.

Pour mémoire nous indiquerons quatre autres moulins. Le moulin Chiron, qui est cité par l’abbé Boisson, situé à la sortie du village de la Brossière vers Saint-Fulgent. Mais nous n’avons aucune information à son sujet. Le moulin du prieuré est cité aussi dans un aveu du Coin Foucaud en 1550 : « me doit et a accoutumé me payer le meunier ou teneur du moulin à vent du prieur-curé dudit Saint- André deux sols de cens » (4). Amblard de Guerry le situe dans le fief du bourg (5). Et ce n’est pas un moulin au tènement de la Porcelière, probablement à vent, mentionné en 1666 dans un inventaire après-décès du prieur Moreau de Saint-André (6). Ici c’est l’homme privé qui est propriétaire du moulin et non le prieur. Nous n’en savons pas plus sur ce moulin en dehors de cette mention. Enfin il a existé un moulin à Fondion, à une date non repérée vers les 17e/18e siècles, cité dans les confrontations du tènement des Landes Borgères à Vendrennes situé près de la Brossière (7).

Ce nombre d’une vingtaine de moulins que nous venons de mentionner est plus élevé qu’il n’y en eut dans chacun des siècles qui se sont succédés du Moyen Âge jusqu’au début du 20e siècle. Certains en ont remplacé d’autres aux mêmes emplacements, et d’autres sont tombés en ruine alors qu’on en construisait ailleurs. L’insuffisance de notre documentation ne nous permet pas d’aller plus loin dans ces chronologies.

Les types de moulins


Les moulins ne sont pas autre chose que des moteurs transformant une énergie naturelle en énergie mécanique. L’arrivée des moteurs modernes au 19e siècle a augmenté considérablement les rendements de production, à cause notamment d’un fonctionnement régulier et indépendant des aléas du vent et des débits d’eau. Ils remplacèrent les moulins qui utilisaient une force motrice naturelle mais aléatoire (eau ou vent) pour réaliser un travail mécanique de frappe, de mouture ou de pressage. Ces aléas naturels expliquent que souvent on associait un moulin à eau et un moulin à vent, proches l’un de l’autre. Les premiers moteurs mis en œuvre par les meuniers à Sainte-Cécile ont utilisé des gaz pauvres produits par la combustion du bois (8). Puis vint le moteur électrique, et les meuniers troquèrent alors leurs moulins pour des minoteries. Les ailes tombèrent une fois le moulin arrêté, pour éviter de payer l’impôt. À Saint-André-Goule-d’Oie les moulins documentés n’ont servi qu’à fouler des draps, moudre des écorces et bien sûr moudre des grains de céréales. On n’y trouve pas des moulins à huile, à papier, ou à pastel, etc.

Les moulins à eau pour fouler les draps
Moulin à foulon
On a vu un « moulin aux draps » à la Boutinière, et peut-être y en eût-il un autre à la Maigrière par exemple. Les moulins à foulon se sont répandus en France à partir du 13e siècle, permettant le travail des étoffes ou des fibres végétales à l’aide de la force motrice des moulins à eau, grâce à l’invention de l’arbre à cames diffusée à partir du 10e siècle (9). Il s’agissait de dégraisser, d’assouplir et de démêler les tissus avec la frappe automatique de maillets ou de transformer des fibres végétales en pâte à papier ou en fil. La matière à broyer était était pour cela déposée dans une auge circulaire, ou de l’eau était mêlée à de la terre spéciale, de l’argile à foulon, et autres ingrédients comme du saindoux ou de l’urine (pour les étoffes). Cette mécanisation par les moulins avait remplacé le foulage avec les pieds par les « foulonniers », qui durait des heures. En 1605 est mentionné à la Chevaleraye un « petit masureau ou foulon et autre maison appelée la Chautoir », possédés par Toussaint Menanteau, seigneur du Coudray (10). Le texte ne mentionne pas un moulin à eau, mais une simple maison où on y pratiquait le travail de foulon, sans indication de la technique utilisée, mais nécessitant de l’eau puisée dans le ruisseau, lequel récupérait l’eau usée. Le progrès mécanique du Moyen Âge avait-il pénétré jusqu’à la Chevaleraye à cette date ? On se pose la question, mais probablement que derrière le texte cité il y avait un moulin non exactement dénommé. On reste avec un petit doute. En tout cas le moulin aux draps de 1675, appartenant à Grolleau, ne laisse pas de doute sur la technique utilisée, c'était un moulin à foulon à usage textile.

Les moulins à tan
Aucun des moulins cités dans notre liste n’est mentionné comme servant à moudre l’écorce des chênes pour obtenir le « tan » (tanin) sous forme de poudre, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en eut pas. Le tanin était absorbé par les peaux dans les tanneries pour les rendre souples et imputrescibles. Il y avait des moulins à tan près de la forêt de Gralas aux Brouzils. En 1708, la succession de Jacques Robin, un habitant de la Gandouinière, est partagée entre Sébastien Robin et sa sœur Marie, mariée à Pierre Auvinet. Dans le partage on mentionne un moulin à tan. Malheureusement il n’est pas dit où était situé ce moulin. La roue hydraulique du moulin actionnait des pilons en bois dont les extrémités étaient munies de couteaux métalliques, qui broyaient et pulvérisaient les écorces d’arbres.

Les moulins à seigle et les moulins à froment, les plus nombreux
On distinguait aussi les moulins à seigle et les moulins à froment, qu’ils soient à eau ou à vent. Les moulins à eau avaient une roue différente pour le seigle et pour le froment.

Le régime seigneurial des moulins


Les livres d’histoire expliquent que sur les pressoirs des vendanges, les fours à cuire et les moulins, les seigneurs ont exercé leur monopole appelé droit de banalité. Celui-ci consistait à obliger les habitants à utiliser ces équipements pour en tirer profit. Sur l’exercice de la banalité seigneuriale, on a rencontré le cas d’un four dans le bourg des Essarts au 16e siècle, dans les bourgs de Boulogne et de la Merlatière (à la Raslière) au 17e siècle, et dans le bourg de Saint-Fulgent au 18e siècle. En revanche il existait dans la contrée des boulangeries dans les villages, exemptes de ce droit de banalité. Et on n’a pas rencontré de droit de banalité sur les pressoirs à vendanges.

La banalité des moulins s’incarnait dans le droit de vérolie suivant le mot utilisé dans le Bas-Poitou, consistant à obliger les habitants d’une seigneurie à faire moudre leurs grains au moulin du seigneur. Il ne rapportait pas d’argent directement, mais garantissait une clientèle, ce qui pouvait permettre de faire payer le service plus cher. On a rencontré ce droit de vérolie à la Chapelle de Chauché en 1658 (11). Les meuniers devaient venir charger les grains dans les maisons de la Chapelle et y rendre la farine, ne pouvant retenir les grains que la durée d’une saison. Les assises de Languiller (tribunal du seigneur) pouvaient condamner celui qui faisait moudre ses grains à un autre moulin que celui du seigneur. En 1484, l’amende se montait à 2 sols 6 deniers (12). Les droits étaient payés aux meuniers en prenant une portion de farine fixée selon la coutume. Ce quantum n’est pas indiqué dans la déclaration de 1658. On voit que le droit de vérolie ne s’appliquait pas dans toute l’étendue de la seigneurie. Les moulins furent vendus avec le droit de vérolie en 1718 par Daniel Prevost, seigneur de la Chapelle de Chauché, moyennant la perception par lui d’une rente foncière annuelle et perpétuelle de 36 livres (13). Ce montant valorise le bien à 720 livres, ce qui paraît bien peu pour les deux moulins. Ils devaient être en mauvais état.

On s’est servi de la documentation des moulins de la Chapelle de Chauché voisine, faute de connaître celle des moulins du Peux à Saint-André-Goule-d’Oie, bénéficiant aussi du droit de vérolie. Et ce droit n’est pas cité ailleurs pour les autres moulins dans la paroisse, ce qui ne veut pas dire là encore qu’il n’a pas existé pour certains. Il trouve sa source au Moyen Âge avec la création du système féodal et a dû probablement s’appliquer pour les moulins de Linières et disparaître avec eux dans cette seigneurie. Mais avant que la Révolution de 1789 n’y mette fin, ce droit s’était bien évanoui dans les pratiques pour la période observée à Saint-André. À la Boutinière, à la Bourolière et aux Landes du Pin, on observe que la propriété des moulins avait été concédée par les seigneurs à des particuliers sans mention du droit de vérolie, ceux-ci exerçant leur activité comme n’importe qu’elle autre activité artisanale. Néanmoins certaines métairies dépendant du château de la Rabatelière et proches des moulins du château avaient l’obligation d’y faire moudre leurs grains (18e et 19e siècles). Mais cela résultait d’une clause contractuelle des baux et non d’un droit féodal, même si cela revient au même. Ce dernier droit se rencontre néanmoins dans des tènements dépendants de la Rabatelière comme à la Landouinière de Chauché en 1745 (14). Avec des tout petits fiefs, le monopole créé par ce droit seigneurial perdait de son impact. On peut résumer la banalité seigneuriale des moulins de Saint-André à la veille de la Révolution en disant que sur les près de 11 moulins en fonctionnement alors, 1 seul appartenait à un seigneur (Boutarlière), 8 à des meuniers et 2 à des propriétaires inconnus. Et le droit de vérolie s’appliquait pour 3 d’entre eux au moins, et sans doute guère plus.

Avant la Révolution il fallait l’autorisation du seigneur du fief de construire un moulin, moyennant une redevance annuelle très faible (cens) et une redevance importante à chaque mutation de biens (rachat ou lods et vente). C’est la terre qui à l’origine faisait le droit de l’eau (pour réglementer son usage par le seigneur) et le droit de bâtir (sur une terre seulement concédée). S’est ajoutée ensuite’ajoutait l’autorisation de l’administration des Eaux et Forêts, exerçant la police de l’eau « dans l’intérêt du roi et du public », disait-on dans une ordonnance en 1716 de la maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte, compétente à Saint-André (15). La même administration continua sa mission après la Révolution.

Les propriétaires et périodes d’activité des moulins


Le ruisseau de la Fontaine de la Haute 
Gandouinière à la sortie de l’étang de Linières
Sur les moulins de Linières on ne dispose pas d’information mais il paraît très probable, à cause de la période concernée, que le seigneur des lieux est resté propriétaire des moulins, avec exercice du droit de vérolie. Le moulin à eau n’existait plus en 1675 et l’étang lui-même était envasé au 18e siècle.

À cette date le moulin à vent était mentionné encore, mais en 1796 il était en ruine et en 1838 le cadastre le mentionne sans les maisons qui s’y trouvaient auparavant avec leurs voies d’accès et cours attenantes. On ignore l’époque de l’arrêt de son activité. A-t-il été victime des destructions lors de la guerre de Vendée ? Rien ne permet de l’affirmer, non plus que pour aucun autre moulin sur la paroisse. Au vu du nombre de maisons incendiées dans la commune ce serait probable s’il était encore en activité à cette époque. Mais faute de document à cet effet on ne peut rien affirmer sur ce point.

Les deux moulins à vent et à eau du Peux. Alexandre Laheu, seigneur du Coin et du Peux, les a créés avec droit de vérolie au milieu du 17e siècle. Il les vendit en 1723 à un meunier, André Maindron. Ce fut en contrepartie d’une rente perpétuelle et annuelle de 45 livres et d’un gâteau de farine par an. Ce gâteau paraît être un usage chez les meuniers, car on le rencontre aussi accompagnant une rente sur un moulin de la Bourolière, où dans un acte de 1784 il est estimé valoir en argent 3 livres. On n’a pas la recette de ce gâteau, et rien ne dit qu’il était l’ancêtre de la fameuse brioche vendéenneLes petits-enfants d’André Maindron vendront leurs parts dans ces moulins du Peux en 1782 à leur frère André. On suppose que le droit de verolie faisait partie de la vente, mais ne pouvant s’appliquer que sur les villages du Coin et du Peux à Saint-André, et quelques autres à Chavagnes, dont la Burnière. Il obligeait les habitants de ces villages à faire moudre leurs grains au moulin du seigneur. La rente fut rachetée en 1803 par André Maindron pour 650 F. L’arrentement avait déjà transféré la propriété des moulins aux Maindron, mais c’était une propriété obérée par une dette qu’il fallait racheter pour s’en libérer.  

Le propriétaire du moulin à vent des landes de la Mancellière était en 1676 le seigneur des lieux, c’est-à-dire le châtelain de la Rabatelière. On le constate dans un bail de cette année-là, où il est loué pour 45 livres par an à deux meuniers : Jacques Roger, de la Morinière (Chavagnes), et Maurice Maindron, de la Boninière (Saint-André). Dans cette période les revenus de la seigneurie de la Rabatelière étaient en majeure partie saisis par un tribunal, et beaucoup de bâtiments dans les métairies au début du 18e siècle, le château lui-même, étaient en mauvais état, menaçant ruine. Dans les comptes des régisseurs à partir de 1730 le moulin de la Mancellière n’apparaît pas, alors que le châtelain de la Rabatelière possédait deux moulins à eau et à vent à proximité de son château, qu’ils louaient au meunier Pierre Suire en 1759 pour 110 livres par an (16). Il louait aussi les moulins de Thorigny proches aux meuniers Rochelet. La disparition du moulin de la Mancellière est avérée dans le cadastre de 1838, mais remonte à la fin du 17e siècle. En 1700 il ne restait que la tonnelle (17). 

Le ruisseau du Vendenneau à la Maigrière
Un moulin à eau de la Maigrière appartenait à la famille Papin de Saint-Fulgent en 1664. On ne connaît pas les propriétaires des moulins à vent. Mais ce ne furent pas les familles de Vaugiraud et Moreau, appartenant à la noblesse et à la riche bourgeoisie. Leurs propriétés à la Maigrière sont connues et ne comprennent pas de moulins. Elles comprennent un pressoir, mais dont le régime n’est pas indiqué. En revanche on les voit posséder des droits sur les moulins de la Bourolière.

Le Grand moulin à vent de la Bourolière a été construit vers 1570 par Mathieu Fonteneau, qui a racheté le droit de rachat (droit de mutation d’un bien noble) au seigneur de Languiller. Ce dernier a vendu ses autres droits seigneuriaux dans le tènement et sur les moulins à d’autres personnes. Au passage on relève qu’un moulin pouvait être classé noble ou roturier comme un autre bien foncier, ce qui entraînait un régime différent de redevances seigneuriales. Jacques Moreau, bourgeois habitant le bourg de Saint-André, paraît posséder un peu avant 1644 ce Grand moulin. Ensuite on ignore les transactions dont il a fait l’objet, mais en 1692 l’héritier de Jacques Moreau, de Vaugiraud de Bazoges-en-Paillers, possédait une rente de 10 livres par an sur lui et le Petit moulin à côté, ce qui veut dire que les moulins appartenaient à quelqu’un d’autre. En 1732, les droits sur les deux moulins de la Bourolière, étaient affermés par de Vaugiraud moyennant soixante livres par an, ramenées à cinquante en 1740, avec une rente diminuant son revenu cette année-là à trente-sept livres. La nature de ces droits n’est pas précisée. En 1740, le Grand Moulin était possédé pour une moitié par André Fonteneau, farinier demeurant dans une maison attenante. L’autre moitié du moulin appartenait à Jean Robin, laboureur, et à sa femme Renée Brillouet, demeurant à la Bergeonnière. Le Grand moulin périclita ensuite et tomba en ruines. La succession de Vaugiraud l’arrenta en 1765 à Charles Auguste de Tinguy, seigneur de Vanzais demeurant à la Basse Clavelière (Saint-Fulgent). Le prix en était une petite rente de 4 livres par an à hauteur du peu de valeur du bien, mais il était prévu que l’acquéreur ferait faire les réparations nécessaires. Par cet acte on comprend que le moulin supporte une nouvelle rente pour financer sa réparation, mais au prix de l’arrivée d’un nouveau créancier. En 1782 les héritiers de Tinguy vendirent leurs rentes à leur voisin meunier nommé Jean Badreau. La vente concerna deux rentes : une ancienne de 20 livres due au chevalier de Vaugiraud, et une nouvelle de 18 livres rendable chez les de Tinguy. André Fonteneau est toujours le propriétaire en titre du moulin, mais avec ces dettes importantes.

Le Petit Moulin à vent de la Bourolière fut acquis en 1721 par Jacques Maindron, meunier à la Clavelière, à André Auneau, moyennant la poursuite du paiement d’une rente foncière aux de Vaugiraud. Par mariage, le Petit moulin devint la propriété de Jean Badreau, qui racheta aux de Vaugiraud leur rente sur le moulin. Sa fille unique épousa en 1785 Clément Grolleau, un des fils du meunier de la Boutinière. Ce gendre était propriétaire des deux moulins à vent de la Bourolière au sortir de la Révolution. Avec les rentes déjà possédées par son beau-père, il n’eut sans doute pas à faire beaucoup d’efforts financiers pour cela. On ne saura probablement jamais comment il procéda, puisque c’était l’époque de la Guerre de Vendée, aussi destructrice pour les archives. Le fils de Clément Grolleau et de Jeanne Badreau, Jacques Antoine Polycarpe Grolleau, fit prospérer les moulins de la Haute Clavelière et de la Bourolière. Par mariages, les deux moulins de la Bourolière échurent au 20e siècle à Madeleine Soulard, épouse de Charles Audureau, marchand de grains à Saint-André. Le Grand moulin fut peut-être le dernier de la commune à tourner, car sa propriétaire le remit en marche momentanément lors de la première guerre mondiale.

Cette histoire des moulins de la Bourolière a fait intervenir de riches propriétaires de la bourgeoisie et de la noblesse à titre de possesseurs d’une partie des redevances seigneuriales et de rentes foncières. Dans ce dernier rôle ils ont prêté de l’argent dans les formes de crédit en usage à l’époque, les rentes foncières. Mais les propriétaires sont restés des meuniers du début à la fin.

Le moulin aux draps de la Boutinière, qui apparaît dans la documentation en 1675, appartient à un nommé Grolleau. On a pu reconstituer la généalogie de cette famille de meuniers de la Boutinière à partir du milieu du 18e siècle, avec un testament en 1765 de Jeanne Grolleau, fille de Clément Grolleau et Perrine Coutand. Voir à leur sujet l’article publié sur ce site en octobre 2015 : La Chevaleraye et la JavelièreLe moulin Soulard est intéressant à cause de sa jeunesse. Construit par un nommé Soulard en 1860/1870, il fut démoli au début du 20e siècle par Eugène Boisson (né en 1911), lequel l’avait fait tourner. La famille Soulard, était la famille maternelle d’Eugène Boisson. Aux meuniers Soulard avait succédé le meunier Marché. N’oublions pas que la deuxième partie du 19e siècle fut une période d’un très important développement agricole avec la modernisation des techniques, et la production céréalière s’était fortement accrue.

Les moulins à vent de la Boutinière ont une histoire connue plus ancienne. Le moulin turquois, appelé le moulin de Bordron, appartenait en indivision à Maurice Beriau et Maurice Rabereul en 1595, ce dernier meunier demeurant au Coudray. Comme toutes les propriétés immobilières, la construction du moulin nécessitait une concession seigneuriale du sol, à la Boutinière du seigneur des Bouchauds (Essarts). En contrepartie le seigneur recevait un cens de 2 sols et 6 deniers et 2 chapons par année et avait droit de justice foncière et droit de lods et ventes (droit de mutation sur des biens roturiers). En 1614 les propriétaires en indivision sont trois meuniers demeurant au Coudray : Maurice Rabereul, Pierre Netraud et Pierre Ardouin.

L’autre moulin à vent de la Boutinière appartenait en 1614 par moitié à Marguerite Leray, veuve d’un Moreau sieur du Plessis, frère de Jacques Moreau sieur du Coudray, une famille de riches bourgeois de Saint-André. L’autre moitié appartenait à Denis Maignan. Peut-être ce dernier était-il meunier, louant la partie ne lui appartenant pas. Ou bien les deux propriétaires louaient-ils le moulin à un meunier pour son exploitation. Le bail était alors rédigé comme celui d’une métairie, moyennant un loyer en argent généralement. On connait des propriétaires près de 60 ans plus tard. Dans une déclaration de 1671, la moitié par indivis est possédée par Louis Payneau sieur de la Patissière, auquel a succédé sa fille Catherine en 1698. Nous ne connaissons pas le propriétaire de l’autre moitié. On suit l’histoire des deux moulins à vent ensuite, sans pouvoir les distinguer, jusqu’au début du 19e siècle avec la famille des meuniers propriétaires et exploitants, les Grolleau. De nos jours des maisons ont été bâties sur leur motte, qu’on appelait jadis des cernes.

Le moulin à vent Briand ou Dria ou Belair appartenait aux frères Garnaud en 1766, de la famille des bourgeois qui ont été fermiers de la seigneurie de la Boutarlière à cette époque. En 1797 le propriétaire est un habitant de Vendrennes, Charles Marmin. C’est André Marmin qui habite au moulin en 1823. Mais on sait qu’y habitait une autre famille de meuniers sans savoir si elle en possédait une part. En 1804 et 1807 c’est Jean Janière, farinier, qui y demeure avec son épouse, Françoise Charrieau. En 1827 Louis Coutaud, marié avec Renée Boudaud y habite, avec François Coutaud, son frère, aussi farinier au moulin de Belair.

Le moulin à vent des Gâst ou moulin des Landes, appelé le moulin des Gaucher est cité en 1606 et 1654. Son possesseur paye un cens de 1 chapon et 3 sols par an. Les Gaucher étaient des propriétaires demeurant à la Brossière. Parmi eux, Jean Gaucher rend un aveu pour le fief de la Bequetière près de la Brossière le 14 novembre 1607, à Languiller à cause de la seigneurie des Bouchauds. En 1615 il rendait un autre aveu à Languiller pour le fief Toillet situé aussi à la Brossière. Des membres de cette famille ont été propriétaires à la Brossière au moins jusqu’en 1753. En 1701 le moulin est en ruines, appelé alors le moulin des landes. En 1703 il est possédé par les sœurs Gaucher, Perrine et Françoise, mariées respectivement à André Tetaud et Jean Metereau.

 

Un moulin turquois
Le moulin à vent turquois de la Boutarlière était la propriété du seigneur des lieux. Compte tenu de la petite étendue de la seigneurie, on doute que le droit de vérolie, s’il a existé, ait pu suffire à fournir la clientèle suffisante pour le faire tourner. On ignore l’époque de sa construction. Il semble avoir disparu peu après la Révolution, car nous avons la mention en 1797 d’un Pierre Beneteau meunier demeurant à la Boutarlière, très probablement travaillant sur place (18). Et dans un acte de 1827 on voit que le moulin a été démoli (19).

Pour finir on notera que la disparition des moulins à Saint-André-Goule-d’Oie à la fin du 19e siècle et tout début du 20e parait précoce par rapport à d’autres régions. Ainsi en 1925 dans la Vienne il y avait encore 186 moulins en activité (20). En 1801/1802 on dénombrait en France 82 300 moulins à eau et 15 800 moulins à vent. Le nombre total de moulins a diminué après : 50 000 en 1850, 29 688 en 1906 et 14 470 en 1931 (21).

Quelques données techniques sur les moulins


Dans les notes de l’abbé Boisson on relève, éparses, les informations suivantes concernant les moulins de la Rabatelière. D’abord les meuniers distinguaient les vents suivants :
-        Vent de galerne : nord-ouest, subdivisé en haute galerne (plein nord) et basse galerne.
-        Vent d’ouest : vent de la marée.
-        Vent de sud : vent de la soulaine, subdivisé en haute soulaine (soleil levant ou est) et basse soulaine (sud sud-ouest).

Mais l’abbé Boisson a écrit cette phrase qui incite à la prudence : « j’ai interrogé 4 anciens meuniers de la Rabatelière : les 2 frères Herbeteau, Célestin Rambaud et Joseph Boudaunet. Ils ne sont pas tout à fait d’accord. » (22). On est tenté néanmoins de se référer à Henri Herbreteau qui précisait :
-        Le serein : brise du soir, « un bon vent sans à coup, utilisé chez nous surtout au temps de la voile ».
-        Soulaine : vent du sud « le meilleur, le plus régulier ».
-     Marée : ouest « mauvais à Bel-Air, contrarié par les bois du château ». À cet égard il existait une coutume consacrée par les tribunaux emportant l’interdiction de laisser pousser des arbres à moins de 200 mètres d’un moulin à vent.
-        Galerne : nord.
-        Bas : sud-ouest.

Les ailes des moulins à vent étaient munies de toiles, puis elles le furent par des vergettes et planches en bois à partir de 1841 (invention Berton). Les vergettes étaient des tiges de fer partant de la tête de l’arbre pour manœuvrer, il y en avait une pour chaque aile. Les ailes en bois coûtaient plus cher aux meuniers, mais constituaient un net progrès sur la voile pour les manœuvres. Le chapeau du moulin à tonnelle supportant les ailes était manœuvré de l’extérieur par un « guide » (perche), ou de l’intérieur à l’aide d’un « brassail » (chaîne) commandant dans les deux cas une roue dentée graissée qui faisait coulisser le tout sur un chemin de bois (souvent de cormier). L’attention nécessaire à la conduite du moulin à vent en faisait un travail plus pénible que la conduite d’un moulin à eau. Mais quand l’eau manquait, parfois dès le printemps, il fallait abandonner ce dernier pour le moulin à vent. C’est au sujet de ce dernier qu’il faut appliquer ce bout de chanson : « meunier tu dors, ton moulin va trop vite ! ». Pour obtenir des ailes assez longues, les moulins à vent étaient souvent construits sur une butte de terre ou un rocher, appelé avec ses alentours un cerne. Mais pour les notaires de Saint-Fulgent chaque moulin à vent avait son cerne, et ce mot désignait de manière générale pour eux le sol sur lequel était construit le moulin avec ses abords immédiats.

Le nettoyage des meules nécessitait d’abord de les lever avec un palan. Sa fréquence dépendait de l’ail sauvage dont les graines restaient mélangées avec les grains de céréales, et encrassaient les meules. La métallurgie moderne apporta au 19e siècle des charrues en métal pouvant labourer profond. Cela a permis d’enterrer les plantes adventices aux céréales appelées « mauvaises herbes », et d’améliorer la qualité des grains. La rotation normale des meules était de 60 à 70 tours par minute (100 à 120 dans les coups de vent). On remplaça au 19e siècle les meules en pierre par l’installation de cylindres (inventés en Autriche-Hongrie). Les meules furent conservées cependant avec les cylindres, pour s’en servir jusqu’au bout pour moudre le blé noir (sarrasin), dont les gens de nos contrées faisaient une consommation en hiver sous forme de galettes de blé noir, comme cela se faisait à large échelle en Bretagne.
Les constructeurs de roues à aubes et autres machineries en bois des moulins (les moulanges) s’appelaient des amoulangeurs dans la contrée, pratiquant une spécialité de charpentier. Dans les années 1760 le régisseur du château de la Rabatelière payait les charpentiers 15 sols par jour. On est là sur un tarif élevé d’artisan, mais l’amoulangeur était payé à 20 sols, voire 30 sols par jour (23).

L’économie des moulins.


Pain de seigle
Dans notre époque observée à partir du 17e siècle, les grains étaient portés par les chefs de famille au meunier pour faire de la farine, ou bien le meunier passait chercher dans les fermes les grains et livrer la mouture. Le pain de pur froment était très rare à cette époque. Il était plutôt composé de mouture avec une grande variété de grains : froment, seigle, avoine dans des proportions adaptées aux revenus des consommateurs. À l’aire du « progrès » au cours du 19e siècle le froment s’imposa dans la fabrication du pain. Le seigle fait un timide retour de nos jours dans les boulangeries, aidé par sa qualité nutritive meilleure (plus riche en protéine). Mais il eut longtemps la réputation d’un pain des pauvres.

Au 16e siècle les meuniers sont de modestes personnages, louant leurs moulins à des prix peu élevés (24). La coutume du Poitou fixa le salaire du meunier au 16e siècle. Pour un boisseau de froment mesuré à ras (les grains affleurant les bords du boisseau), le meunier devait rendre un boisseau de farine mesuré comble (le cône de farine au-dessus des bords contenait autant de matière sèche que possible). Son salaire était de 8 sols 7 deniers pour un setier de froment (16 boisseaux). Ou parfois le meunier gardait une partie du grain pour se payer. Le seigneur de Saint-Fulgent fixait à 1/16e le droit de mouture perçu par lui ou ses fermiers (25). À la Landouinière de Chauché le seigneur de la Rabatelière prélevait en 1639 1/12 pour le droit de vérolie (26). On ne connaît pas les quantums en vigueur à Saint-André. Dans son livre sur les moulins de Vendée, Élie Durel indique que les meuniers se payaient au dixième. Ils « craulaient ». « Sur une rasière, soit 80 kg, le client retrouvait 51 kg de farine et 21 kg de son, 8 kg de farine servaient à payer le meunier » (27).

Les moulins à vent pouvaient moudre de 14 à 20 hectolitres de grains par jour dans de bonnes conditions de vent. Selon l’auteur, le meunier apportait la mouture non tamisée à son propriétaire dans de grandes pochées longues d’environ 1,50 m et peu larges, fabriquées en toile de lin. Il repartait avec les mêmes pochées remplies de grains à moudre (28). Au fil du temps et dès le milieu du 18e siècle ce métier de meunier a permis de s’enrichir. À voir l’histoire des Grolleau de la Boutinière et ceux de la Clavelière, on voit ses membres se marier avec des artisans et agriculteurs aisés. On les voit aussi faire crédit à des agriculteurs en difficultés, et finir parfois par s’approprier les biens hypothéqués de ces derniers.

On a du mal à connaître la valeur d’un moulin et son rapport. Le prix des fermes tenait compte des terres et maisons attenantes au moulin lui-même et louées en même temps. On a vu pour cela les prix varier dans des proportions considérables. Néanmoins le bail de 5 ans du moulin des Landes de la Mancellière en 1676 ne concernait, outre le moulin, qu’une ouche de 3 boisselées, et on est donc proche avec lui de la location du seul outil de travail. La ferme se montait à 45 livres par an et ne paraît pas grevée de rentes ou autres charges significatives (29). Ce montant est à l’époque celui d’un prix de ferme d’une borderie de quelques hectares.

Pour une autre approche on a un devis de réparation du moulin à seigle installé sur le ruisseau de la Grande Maine, à la Pesotière de Saint-Fulgent en 1754, qui monte à 683 livres, hors les bâtiments où il est installé. Il est difficile d’apprécier sa valeur à neuf mais on est tenté d’arrondir à 1 000 livres pour cela, à cause de l’importance des réparations envisagées qui sont décrites au devis (30). On a une valeur de cet ordre en 1659 avec le moulin à vent du château de la Rabatelière, dégarni de moulanges, qui fut estimé à 350 livres comme bien noble et 310 livres comme bien roturier (31).

La rentabilité des moulins variait de l’un à l’autre. Le régisseur de la Rabatelière eut cette réflexion en 1730 sur un moulin à Champ-Saint-Père : « les moulins ne conviennent qu’à ceux qui les font tourner, et non à un propriétaire à qui ils coûtent plus qu’ils ne valent » (32). En revanche le même régisseur avait conseillé quelques années plus tôt au châtelain de la Rabatelière, seigneur du bourg de Chavagnes-en-Paillers : « Pour Chavagnes je vous conseille de faire construire un four à ban qui devrait produire au moins 75 livres de revenus » (33). S’agissant d’un bourg important, le chiffre d’affaires escompté devait permettre apparemment d’envisager un bénéfice intéressant. Mais il nous faudrait des comptes pour comparer le prix pratiqué par un moulin banal dans la contrée avec celui des moulins sans monopole.

Il ne reste plus de moulins à eau à Saint-André. Depuis le début des années 2000 la réglementation donne la priorité aux poissons dans les cours d’eau. Alors, les propriétaires de moulins à eau doivent installer une déviation ou une échelle à poissons. Les frais importants qui en résultent découragerons les propriétaires les moins fortunés.



(1) M. Chamard, La Vendée pour les nuls, First Édition, 2014, page 41.
(2) Myriam Provence, Retrouver ses ancêtres meuniers et leurs moulins, Archives & Culture, 2021, page 7.
(3) Notes no 35 sur la Mancellière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.(4) Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par Languiller aux Essarts – deuxième copie, Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61, page 12.
(5) Note no 4 sur le bourg à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guery : S-A 3. 
(6) Inventaire après-décès en 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 144.
(7) Note no 17 sur la Brossière et ses fiefs attenants à Saint-André-Goule-d'Oie aux 15e et 16e sdièclres, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 4.
(8) Témoignage de Jean Thomas sur le moulin à eau du Gué à Sainte-Cécile.
(9) Idem (2), page 10.
(10) Déclaration roturière du 7-6-1606 de Toussaint Menanteau à Languiller pour la Chevaleraye à cause du Coin Foucaud, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 58.
(11) Déclaration roturière du 4-11-1658 des teneurs du bourg de la Chapelle et de la Barotière, ibidem : 150 J/C 77, page 5.
(13) Vente du 29-1-1790 d’une portion des moulins à eau et à vent de la Chapelle Begouin par Piveteau à Dabreteau, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13.
(14) Déclaration roturière du 2-12-1745 de Jacques Mandin pour la Landouinière (Chauché), Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 24.
(15) Interdiction du 18-9-1716 de détournement des eaux des rivières, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1287.
(16) Livre des comptes de la Rabatelière (1755-1767) et titres de propriété, ibidem : 150 J/K 6, page 90.
(17) Note no 28 sur la Mancellière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3. 
(18) Lieux-dits de Chauché, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 29-2.
(19) La Boutarlière, fonds Lagniau, Archives de Vendée : 250 J 59, page 12.
(20) Paul Raveau, Essai sur la situation économique et l’état social en Poitou au 16e siècle, Librairie des sciences politiques et sociales, Paris, 1931, page 68 [Archives de Vendée : L 14, en salle de lecture].
(21) Idem (2), page 59.
(22) Les moulins à la Rabatelière, fonds de l’abbé boisson, Archives du diocèse de Luçon : 7 Z 61.
(23) Livre des comptes de la Rabatelière (1755-1767) et titres de propriété, ibidem : 150 J/K 6.
(24) Idem (20), page 56.
(25) Aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la Bretesche), transcrit par Paul Boisson, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13.
(26) Déclaration roturière du 20-5-1639 de 8 teneurs à Languiller pour la Landouinière (Chauché), Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 24.
(27) E. Durel, Les moulins de Vendée, Geste Éditions, 2016, page 10.
(28) Augustin Herault, Les « gas » du bocage vendéen de 1760 à 1960, Hérault, Maulévrier, (1977), pages 30 et 246.
(29) Ferme du 25-7-1676 du moulin à vent de la Mancellière avec quittances, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière, ibidem : 150 J/G 48.
(30) Estimation des travaux du 17-6-1754 sur les moulins de la Pesotière (Saint-Fulgent), Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/114.
(31) Arpentements et estimations en octobre 1659 du château de la Rabatelière et autres terres jointes, ibidem : 150 J/A 13-4.
(32) Lettre du 29-4-1730 de Bousseau à M. Montaudouin sur le moulin de Montorgueil, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière, ibidem : 150 J/F 7.
(33) Lettre du 20-8-1727 de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière, ibidem : 150 J/F 7.

Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2019, complété en janvier 2023

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dimanche 1 septembre 2019

La Gandouinière de Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie


Gandouinière
Treize propriétaires de la Basse et Haute Gandouinière reconnaissaient en 1766 dans une déclaration roturière « devoir à chaque fête de Notre-Dame d’août à la seigneurie de Saint-Fulgent, à cause du fief Drolin réuni à ladite seigneurie de Saint-Fulgent, la rente foncière annuelle et perpétuelle de 16 boisseaux froment, mesure réduite des Essarts, requérable audit lieu de la Gandouinière, suivant les gaulaiements et titres anciens et nouveaux » (1). À l’origine il existait sur la paroisse de Saint-Fulgent un petit fief situé près de la Valinière appelé le fief Drolin ou Rollin. Il fut ensuite « infus » (absorbé) dans la seigneurie de Saint-Fulgent. Et le seigneur de Saint-Fulgent tenait cette rente de la Boutarlière roturièrement « et lui en ai payé les ventes (droit de mutation) par l’acquêt de la terre de Saint-Fulgent que j’ai fait ». C’est ce qu’écrivit en 1774 Agnan Fortin, l’acquéreur de la seigneurie de Saint-Fulgent en 1769, dans son aveu à Tiffauges (2). Ces deux textes nous apprennent donc que sous l’Ancien Régime on distinguait déjà les deux villages de la Basse et Haute Gandouinière. Et la rente due au seigneur de Saint-Fulgent à cause du fief de la Boutarlière trouve probablement son origine après le partage en 1342 où Maurice Droulin, « valet » (écuyer) et seigneur de Saint-Fulgent et de la Drollinière (devenue Linières), donna à Jean Droulin, son frère puîné, pour sa part dans les successions paternelle et maternelle, le fief de la Boutarlière et 25 livres 9 sols de rente (3). 

Maison de la Haute Gandouinière
Faute d’archives seigneuriales disponibles concernant la Gandouinière on n’a pu glaner que des informations éparses. Ainsi dans un partage de terres en 1774 on relève que deux pièces de terre relèvent roturièrement de Linières faisant partie du tènement de la Charillière, et un autre champ relève roturièrement de la Boutarlière faisant partie des tènements de la Haute et Basse Gandouinière (4). Mais les limites à cette époque entre la Basse et la Haute Gandouinière ne nous sont pas précisées.

De plus, il existait une enclave de la seigneurie de Languiller (Chauché) à la Gandouinière dans cette mouvance de la Boutarlière. En effet, dans un aveu au baron des Essarts en 1550, le seigneur de Languiller déclare, à cause de sa seigneurie annexe du Coin, une pièce de terre et un pré joignant l’un l’autre près le village et tènement de la Gandouinière. Ils touchaient aux terres du tènement de la Gandouinière, au fief et métairie de la Frisonnière (Essarts, aujourd’hui disparus) et au fief de Saint-André (le bourg). Contenant 20 boisselées, ils appartenaient à Jean et Pierre Robin et André Brisseau, « mentionnaires » (habitants) de la Gandouinière, qui payaient annuellement à Languiller 1,5 boisseau d’avoine à la Saint-Michel et cinq sols six deniers de cens à noël (5). En 1789 la rente était devenue 0,5 boisseau de seigle à la mesure des Essarts et 1 sol 6 deniers en argent, valant au total 16 sols (6). Une déclaration roturière de 1655 pour le pré précise qu’il s’appelait le Pré Gazon et contenait alors 2 journaux (7). On y lit aussi que ce pré était situé sur la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie. En 1779 le seigneur de la Rabatelière (acquéreur de Languiller) percevait au titre de ce pré 6 sols par an (8).

Cette enclave de Languiller nous confirme qu’une partie de la Gandouinière était située sur la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie. Et le registre paroissial de cette paroisse nous montre de son côté qu’une autre partie était située sur Chauché avant la Révolution. Un acte d’inhumation de Jacques Robin du 29 février 1788 (vue 214 du registre numérisé sur le site des Archives de Vendée) précise que ce dernier est décédé « au village de la Gandouinière de Chauché, village de cette dite paroisse ». Les habitants de la Gandouinière (Haute et Basse) fréquentaient l’église de Saint-André à cause de sa proximité. Ils s’y mariaient aussi après accord du curé de Chauché pour certains d’entre eux. Dans un acte de 1703 il est aussi mentionné qu’un habitant de la Gandouinière, Jacques Launay, était situé à Chauché (9). 

Ruisseau de la Fontaine de la Haute Gandouinière
Entre les deux villages
Avec la création des communes en 1790, une partie du village de la Gandouinière appartint à la commune de Chauché, et l’autre partie appartint à la commune de Saint-André-Goule-d’Oie (10). Les deux communes ne firent que reprendre les limites des anciennes paroisses, ici vraisemblablement comme ailleurs sur le territoire de Saint-André. Le ruisseau d’eau dit « de la Fontaine de la Haute Gandouinière », prenait sa source à quelques centaines de mètres au sud du village de la Haute Gandouinière, et faisait limite entre les deux communes : à l’est les maisons de la Basse-Gandouinière situées à Saint-André, et à l’ouest celles de la Haute-Gandouinière situées à Chauché. Les cadastres napoléoniens des deux communes concernées en 1838 le montrent clairement. Et il en est toujours ainsi. Ces deux parties du village qui sont citées dans les documents seigneuriaux, devaient donc déjà exister ainsi avant la Révolution, avec très probablement la même limite de séparation.

Les citoyens déclarèrent après la Révolution leurs actes d’état-civil à Chauché ou Saint-André, mais les paroissiens des deux villages (Haute et Basse) continuèrent de fréquenter l’église de Saint-André, même ceux de la Haute Gandouinière de la paroisse de Chauché. Pour faire enfin coller le droit à la réalité, l’évêque de Luçon rattacha par ordonnance du 2 février 1959 la Haute Gandouinière à la paroisse de Saint-André (11). Il en fit de même des autres villages qui avaient été situés depuis le Moyen Âge directement ou indirectement dans la mouvance féodale de Linières et dans l’ancienne paroisse de la Chapelle de Chauché avant la création de celle de Chauché : Charillière, Boutarlière, Gandouinière, Julière, Sainte-Anne, Guérinière, Guerinet, Mauvelonnière, Louisière, Linières, Villeneuve, et Bois du Vrignais.

Une famille Robin a habité la Gandouinière au moins de 1677 à 1862. En 1708, la succession de Jacques Robin est partagée entre Sébastien Robin et sa sœur Marie, mariée à Pierre Auvinet (12). Dans le partage on mentionne un moulin à tan, servant à moudre l’écorce des chênes pour obtenir le tan (tanin). Celui-ci était absorbé par les peaux dans les tanneries pour les rendre souples et imputrescibles. Malheureusement nous ne savons pas où était situé ce moulin.

En 1809, les teneurs de la Haute Gandouinière et Basse Gandouininière firent une nouvelle reconnaissance devant notaire d’une rente de 16 boisseaux de froment, telle qu’elle avait été reconnue déjà en 1730. N’étant pas de nature noble, elle n’avait pas été abolie par la Révolution. Les 16 boisseaux valaient désormais 43 décalitres et 52 centilitres de froment. Elle était due au fils d’Agnan Fortin, l’ancien seigneur de Saint-Fulgent, Guy Auguste Madeleine Fortin, sous-préfet du 3e arrondissement d’Indre-et-Loire (13). 

Maison de la Basse Gandouinière
Plus près de nous on a noté le don d’une petite borderie de 7 hectares fait dans son testament par Marie You, une habitante de la Gandouinière. Elle y est décédée le 31 octobre 1855 (vue 6 de l’état-civil de Saint-André aux Archives départementales), et la propriété de la borderie passa selon son vœu à la fabrique de la paroisse de Saint-André. Ses revenus devaient être employés, moitié à être distribués chaque année aux pauvres de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie, et l’autre moitié au traitement d’une institutrice, à condition qu’elle appartienne à une congrégation religieuse, à la charge d’instruire annuellement et perpétuellement 12 petites filles pauvres de la commune (14). La borderie fut louée par la fabrique pour un prix annuel de 400 F à la fin du 19e siècle, payé en deux termes (15).

En 1928 le conseil municipal de Saint-André demanda au préfet de la Vendée l’autorisation de vendre de gré à gré le quaireux de la Gandouinière appelé le quaireux de l’Halle ou de l’Aile (16). Les quaireux étaient des espaces de cours et d’accès aux bâtiments dans les villages. Ils entraient dans la description des immeubles bâtis et leurs étaient rattachés au temps de la propriété féodale. La propriété individuelle issue de la Révolution et l’établissement du cadastre délimitèrent les parcelles relevant des propriétés privées, le reste, souvent d’usage collectif de passage, devint propriété des communes. Dans les grandes métairies au contraire comme celles du domaine de Linières (Mauvelonnière, Linières, Morelière, etc.), ces espaces entre les habitations, et même des voies d’accès, restèrent dans la même propriété que les métairies. Au 20e siècle on fit un nouveau partage de ces quaireux et voies d’accès, soit pour les vendre ou donner à la commune, qui en assura l’entretien comme pour les chemins ruraux à sa charge, soit pour les vendre aux particuliers riverains. Dans le premier cas on a les métairies de l’ancien domaine de Linières. Dans le deuxième cas on a la Gandouinière, entre autres. Ce quaireux devait probablement être à l’usage exclusif de quelques propriétaires. Pour réaliser l’opération ils devaient s’entendre entre eux. La commune n’avait en général rien à perdre à céder ces bouts de terrain. Mais pour vendre il lui fallait se conformer aux lois fixant le régime d’aliénation d’un bien public sous l’autorisation et le contrôle du préfet. 



(1) Reconnaissance du 6-1-1766 d’une rente à la Gandouinière au seigneur de Saint-Fulgent,
Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/119.
(2) Aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la Bretesche), page 98, transcrit par Paul Boisson, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13.
(3) Lieux-dits de Chauché, la Boutarlière, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 29-2.
(4) Partage du 22-10-1774 de 7,5 boisselées à la Gandouinière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(5) Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par Languiller aux Essarts – deuxième copie recopiant un aveu de 1550, page 30, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61.
(6) Livre des recettes et dépenses 1787-1789, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/I 55, page 23.
(7) Mention dans une déclaration roturière du 18-4-1655 à Languiller pour le Pré Gazon à la Gandouinière, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 12-5.
(8) Partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 53, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(9) Inventaire et partage du 1-4-1703 de la succession de Jeanne Jeullin, veuve Merland, Archives de Vendée, famille Babin et Cicoteau : 25 J/4.
(10) Cadastre napoléonien de 1838. Et délibération du 12-2-1928 sur la vente d’un quaireux au village de la Gandouinière par le conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée, délibérations communales de Saint-André-Goule-d’Oie numérisées : vue 29.
(11) Ordonnance de l’évêque du 2-2-1959 transférant des villages de Chauché à Saint-André- Goule-d’Oie, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 38, transfert de villages.
(12) Lieux-dits de Saint-Fulgent, papiers de Mme Métaireau, Archives du diocèse de Luçon, fonds Boisson : 7 Z 23.
(13) Titre nouveau de reconnaissance du 27-2-1809 d’une rente de 16 boisseaux à Guy Fortin par les propriétaires de la Gandouinière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Charrier : 3 E 28.
(14) Recettes et dépenses de la fabrique de Saint-André (1846-1856), Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 29, chemise V.
(15) Ferme du 1-4-1879 de la propriété de la fabrique à la Basse Gandouinière, ibidem : carton no 29, chemise VIII.
(16) Dépenses et recettes particulières (1909-1940), Mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 1032.

Emmanuel François, tous droits réservés
Septembre 2019, complété en septembre 2023

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mercredi 21 août 2019

La vie religieuse à Saint-André-Goule-d’Oie (1820-1900)


Église paroissiale de Saint-André-Goule-d’Oie
Les activités liées à la pastorale ne sont pas toujours bien présentes dans les archives paroissiales. On y conserve la comptabilité de la fabrique, mais la statistique est une notion trop récente pour en rendre compte dans les temps anciens, sauf pour la communion de Pâques. Pourtant cette activité pastorale a été très forte dans la période 1820-1900 à Saint-André-Goule-d’Oie. Limitée dans son étude à cause des délais de protection des données personnelles dans les archives paroissiales, la période a fait l’objet de travaux statistiques dirigés par l’évêché et poussant l’observation jusque dans les années 1950. Témoignent de cette activité religieuse les chiffres de 93 % de pratique de la messe du dimanche chez les adultes, et 97 % de pratique de la communion de Pâques, constatées en 1956 dans le canton de Saint-Fulgent dont fait partie la paroisse de Saint-André (1). En 1823-1826, la pratique pascale à Saint-Fulgent atteignait les 93,8 %, descendu à 82,8 % en 1894-1896. Le redressement s’est opéré ensuite dès 1930 « à la faveur d’une modernisation réussie du système paroissial (œuvres et associations) » pendant la IIIe république (2). Cette vie religieuse a laissé des traces dans les archives de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie dans trois domaines : les missions et les reliques, les indulgences, et les confréries. Ces documents rendent compte d’évènements et de constitutions, comprenant parfois des listes de paroissiens, mais celles-ci de manière trop parcellaire pour une étude quantitative.

Les missions apostoliques et les reliques


Au début du mois de mai 1836 se déroula une mission dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, animée par deux missionnaires montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Le 10 mai, mardi des rogations (3e jour précédant le jeudi de l’Ascension), eut lieu une cérémonie d’inauguration de la relique de saint André apôtre. « La cérémonie commencée par une procession au calvaire, a été suivie d’un sermon sur les saintes reliques et d’une messe solennelle de saint André, et de la vénération de la sainte relique que tous les fidèles ont été admis à baiser ». Par les soins d’un nommé Marchand, prêtre missionnaire de la Congrégation du Saint Esprit, on a placé dans le mur de l’église du côté de l’évangile près le tableau de saint André (dans l’ancienne église) « un reliquaire en bois de 8 à 10 pouces de haut, dont le pied carré est en noir, le milieu ovale doré et orné de sculpture est surmonté d’une petite croix également dorée ». La relique de saint André apôtre avait été envoyée de Rome avec une attestation d’authenticité que les membres de la fabrique signèrent avoir vue (3).

Dans cet évènement il faut distinguer les œuvres missionnaires de celles liées aux dévotions comme la vénération des reliques, et sans doute la mission eut-elle un rôle plus important que la relique elle-même. Les missions paroissiales consistaient en une série d’exercices religieux dirigés dans une paroisse par un ou plusieurs prédicateurs extraordinaires, afin d’obtenir la conversion des populations ou l’approfondissement de leur vie chrétienne. Ces expéditions apostoliques se différenciaient des prédications ordinaires par les ministres des lieux. Elles se distinguaient aussi des prédications des missionnaires itinérants (le célèbre P. Grignon de Montfort par exemple). C’est après le concile de Trente (1545-1563), face au péril protestant, qu’elles eurent beaucoup de succès. On a ainsi la relation d’une mission à Saint-Fulgent en mars 1706, qui dura 5 semaines avec un programme chargé pour les 5 missionnaires venant de Beaulieu, de prêches (2 par jour) dans le parler local, de confessions, de visites domiciliaires, de processions, etc. (4). Cet exemple est symptomatique du réveil spirituel en France au 18e siècle. À peine la Révolution achevée, le problème des missions se posa à nouveau, pour rechristianiser un pays que l’on jugea alors largement décatholicisé. Devant l’insuffisance du clergé séculier rescapé des luttes de la Révolution, et l’absence du clergé régulier (les quelques représentants disparurent à ce moment-là), on se tourna vers les missionnaires. Il faut dire que pendant la tourmente des vocations étaient nées, et en Vendée le milieu était propice. À cet égard, la présence de fidèles chaque dimanche dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie, pourtant vendue comme bien national, mentionnée en février 1799, est révélatrice (5). Il n’y avait plus de prêtre et on priait sans lui. Cette ferveur s’explique au moins en partie comme une réaction au retour en septembre 1797, des persécutions antireligieuses de la Révolution. Dès l’Empire de Napoléon les missions reprirent et le XIXe siècle fut un siècle missionnaire. Une multitude de nouvelles institutions et congrégations se joignirent à ce mouvement, comme les Pères de Chavagnes-en-Paillers fondés en 1841. Les anciennes communautés se reconstituèrent et participèrent à cet élan missionnaire, dont les montfortains présents en mai 1836 dans la paroisse, mais aussi les jésuites et surtout les capucins qui disposaient de prédicateurs populaires au talent exceptionnel. Le père Marchand cité lors de la cérémonie à Saint-André appartenait à la congrégation du Saint Esprit, fondée en 1703 à Paris. Les missions paroissiales ont donc participé, en premier lieu, à la reconquête catholique.

Saint André
S’agissant du choix de l’apôtre André, un des douze apôtres de Jésus Christ, le fondateur du christianisme, pour la relique dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie, ce fut un geste fort en l’occurrence, même si la vénération des reliques n’était plus aussi répandue qu’au Moyen Âge. 

De plus une parcelle de la vraie croix fut exposée en 1846 dans l’église paroissiale de Saint-André-Goule-d’Oie sur décision des vicaires généraux de l’évêché de Luçon. Ceux-ci attestent de « l’authenticité de certaines parcelles du précieux bois de la croix de N. S. J. C. (Notre Seigneur Jésus Christ) disposées en forme de croix, appliquées sur un petit morceau de papier blanc de même forme, et ensuite sur une étoffe de soie rouge ; nous les avons placées dans un reliquaire de forme ovale et doré par devant, fermé de ce côté par un verre, et de l’autre par un fil de soie rouge dont les extrémités sont réunies par de la cire rouge, sur laquelle nous avons appliqué le sceau du chapitre » (6). Cette parcelle a voyagé dans les paroisses du diocèse.

En mars 1884, une nouvelle mission s’acheva par la bénédiction d’une statue de Marie par l’évêque du diocèse, érigée sur un socle en granit à la Croix Fleurette près du bourg de Saint-André. La veille, l’évêque avait ordonné prêtre un enfant de la Brossière, Xavier Rochereau, qui appartenait aux missionnaires de Chavagnes. Le mois d'avant, son frère Léon Rochereau, appartenant au même ordre, venait d’arriver en mission dans les Caraïbes anglaises (7).


Les indulgences

Dans la doctrine catholique, le péché (transgression de la loi de Dieu) doit être purgé dans l’au-delà (purgatoire) par des actes de réparation après avoir été absous dans la confession. Mais la peine peut être atténuée voire effacée par l'indulgence, partielle ou plénière. Le pardon de la confession efface la faute mais pas les effets de cette faute, que le pécheur est invité à réparer. Une formule célèbre ne dit rien d’autre : « Les casseurs seront les payeurs ! » Donc, moyennant certains actes, on diminue sa peine et on abrège son purgatoire. Voilà pour le principe des indulgences. En pratique son histoire est mouvementée.

Dès le Ve siècle, des codifications sont apparues sous l’instigation de missionnaires irlandais (les plus célèbres moines furent les saints Patrick, Colomban, Finnian, Kevin) dont la vie ascétique aurait fait du moindre chartreux un moine pantouflard ! Les tarifications sont devenues de plus en plus détaillées et sévères, et furent consignées dans des Pénitenciers, ou Guides pour confesseurs, qui se répandirent dans tout l’Occident. Pour éviter toute dérive de la part des confesseurs, des conciles fixèrent des barèmes généraux pour tous. Puis les autorités ecclésiastiques se mirent à tirer profit de ces indulgences, notamment avec les croisades en Terre Sainte au XIe siècle. Des indulgences furent promises aux combattants. Elles virent surtout la bonne affaire quand elles transformèrent les indulgences en monnaie sonnante et trébuchante. C’est ainsi que l’Église en fit commerce, ainsi que des reliques. Ce marchandage fut la goutte qui fit déborder le vase de la contestation : la construction de la basilique Saint-Pierre se faisait avec les sous des indulgences. Ainsi un certain Luther placarda ses fameuses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg où figurait le scandale du commerce des indulgences. La querelle des indulgences fut une des causes du schisme avec les protestants. On peut comprendre ensuite qu’il ne fallait pas trop sortir ces histoires d’indulgences et qu’il convenait de les faire oublier quelques temps. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’elles réapparurent dans le contexte d’une certaine restauration catholique. Exprimée en durée pour orienter la dévotion des fidèles, l’indulgence partielle n’emportait pas une remise de temps équivalente de purgatoire, mais le décompte a pris dans l’esprit de certains fidèles une place jugée trop importante par le concile Vatican II. Cette durée a été supprimée en 1967 par le pape Paul VI (8). Le contexte étant rappelé, voyons ce qui se passa à Saint-André-Goule-d’Oie au 19e siècle.

Le 21 mars 1884 l’évêque de Luçon accorda une indulgence de 40 jours pour chaque prière de l’Ave Maria récitée devant la statue de la Vierge dans l’église paroissiale, dont il avait béni la statue le 16 mars précédent (9).

En 1887 l’évêque accorda deux autres indulgences pour des calvaires dans la paroisse de Saint-André :

     Le 31 mars 1887 il accorda une indulgence de 40 jours pour ceux qui, apercevant la croix des Passelines, feront un signe de croix (10). Elle est située sur la route de Chauché à Saint-Fulgent en face de la voie conduisant au village de la Porcelière. Elle avait été érigée l’année précédente en mémoire de Pierre François Cougnon (1765-1793) par son petit-fils François Pierre Cougnon. Celui-ci voulait honorer son grand-père mort à Savenay le 23 décembre 1793, lors d’une terrible bataille qui marqua la fin de la Virée de galerne pendant la guerre de Vendée. L’association du Chant de la Pierre (Chauché) s’est occupée récemment de restaurer cette grande croix en pierres de taille. Après quoi, elle a fait l’objet d’une bénédiction le samedi 6 juin 2009 par le Père René Bousseau. Ce dernier a lu à cette occasion le document de l’évêque de Luçon, daté du 31 mars 1887, et donnant l’indulgence de 40 jours en se signant devant la croix (11).
-        Le 21 juillet 1887 l’évêque de Luçon accorda une autre indulgence de 40 jours pour ceux qui réciteront un Pater à la vue du calvaire, alors en bois, érigé au village de la Baritaudière (12).

Enfin le 17 juillet 1901, à la suite de la mission, l’évêque de Luçon accorda aussi une autre indulgence de 40 jours pour ceux qui, apercevant la croix  surmontant l’oratoire du calvaire du Sacré-Cœur, feront un signe de croix (13). Ce calvaire est dressé à l’intersection des routes de Saint-Fulgent et Chavagnes-en-Paillers à l’entrée du bourg de Saint-André. La statue du Sacré-Cœur est l’emblème des Vendéens.

Les croix, souvent érigées à l’occasion des missions apostoliques, étaient perçues de l’extérieur comme la manifestation du catholicisme des habitants, mais pour l’Église catholique elles étaient avant tout le signe du salut par excellence. Elles font partie des paysages de la commune.

Les confréries

Elles étaient au 19e siècle dans les paroisses catholiques, des groupements ou associations de fidèles érigés par la hiérarchie de l’Église dans un but précis de piété ou de charité. Ce mouvement des confréries avait commencé sous l’Ancien Régime, notamment au 17e siècle et début du 18e siècle (14). Mais pour la paroisse de Saint-André nous manquons de document pour les évoquer. 


L’évêque de Luçon érigea le 25 février 1822 dans l’église de Saint-André-Goule-d’Oie la Confrérie du Saint Rosaire, à la demande du curé Victor Marie Challet (15). Dans l’ordonnance épiscopale il est dit que les noms des associés des deux sexes seront inscrits sur un registre particulier. Ils bénéficieront des indulgences accordées par le Saint-Siège apostolique à cette confrérie. Cette très ancienne confrérie créée par les dominicains, réunissait depuis la fin du Moyen Âge les fidèles pour prier le Rosaire, qui est un exercice de piété catholique consistant à réciter des chapelets d’oraisons consacrés à la Vierge Marie, mère de Jésus Christ. Il existe bien dans les archives un registre des membres de la confrérie commençant en 1844 (16). Ils étaient nombreux et on y reconnaît des personnalités de la commune impliquées au conseil municipal ou à la fabrique. On relève sur ce registre la réception des nouveaux curés nommés dans la paroisse. Ainsi du curé Prosper Guibert arrivé en 1857 et reçu par la confrérie le 3 octobre 1858, du curé Augustin Baudry qui le remplace et reçu en 1861 (il mourra en 1868 à Saint-André). Le registre consigne régulièrement de nouveaux membres de 1859 à 1862, ensuite les dates ne sont pas indiquées. On a même un groupe de quelques personnes demeurant à Saint-Fulgent.

La Confrérie de l’Adoration perpétuelle de N. S. J. C. (Notre Seigneur Jésus Christ) dans le très Saint Sacrement de l’autel a été établie à perpétuité dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie par ordonnance de l’évêque de Luçon et les soins de M. Challet curé de cette paroisse, le 1er du mois d’avril 1830. Un document du curé note les noms des personnes qui se sont succédées de minuit à minuit pendant plusieurs jours à cette époque pour prier dans l’église. Elles se relevaient au bout d’une heure (17). La documentation conservée ne concerne qu’une courte période mais on peut penser que la pratique dura plus longtemps. C’est au XIXe siècle que l’Adoration permanente pour les fidèles laïcs prend son essor avec la création de nombreuses associations et sociétés. Les nuits d’Adoration se répandent en France, et l’année 1881 verra le jour du premier congrès eucharistique international. Tout cela dans le but de lutter contre l’ignorance et l’indifférence religieuses.

À la demande du curé Chauvin, l’évêque érigea le 20 juillet 1855 dans l’église de Saint-André la Confrérie du Saint Scapulaire. Il accorda à perpétuité les indulgences dont jouissent les mêmes confréries établies à Rome. Elles étaient du ressort de l’ordre religieux des Carmes (Notre-Dame du Mont-Carmel et saint Simon Stock). Le curé actuel de la paroisse est nommé directeur de la confrérie, et ses successeurs à perpétuité. Il pourra bénir les scapulaires et les médailles pour les associés seulement (18). Les noms des fidèles qui « paraîtront digne de cette faveur par leur dévotion et leur piété » au curé, ont été inscrits par lui là aussi sur un registre, couvrant une période accessible au public et une autre période (la plus récente) non accessible (19).

En 1894 c’est la Confrérie des Mères chrétiennes qu’on introduisit dans la paroisse de Saint-André. Dans leur règlement on voit que son but est de multiplier les grâces (aides surnaturelles et bienveillance divine) dont les mères de famille ont besoin pour maintenir l’esprit religieux dans les familles, et pour donner à leurs enfants une éducation solidement chrétienne. Elles porteront une croix suspendue à leur cou. Dirigée par le curé, la confrérie est gouvernée par un conseil de 8 membres élus à vie. Celui-ci décide des adhésions. Les associées se réunissent chaque mois un dimanche après les vêpres, où notamment le curé fera une instruction. Elles auront une place réservée dans toutes les processions solennelles derrière leur bannière. L’évêque signa son ordonnance d’érection le 8 janvier 1894 à la demande du curé Verdon et approuva ses statuts (20). La confrérie était affiliée à l’archiconfrérie dont le siège était à Paris. Le curé actuel de la paroisse est nommé directeur de la confrérie, et ses successeurs à perpétuité. Les noms des associées seront inscrits sur un registre particulier.

Bannière de la Confrérie 
du Très Saint Sacrement
Après avoir ciblé les mères de famille, le curé Morandeau de la paroisse porta attention aux hommes avec la Confrérie du Très Saint Sacrement, érigée par l’évêque le 15 juin 1905. Le Saint Sacrement (hostie consacrée) était exposé le 3e dimanche de chaque mois depuis la fin de la messe jusqu’à la fin des vêpres, « à condition qu’il y ait au moins deux personnes en adoration et qu’aucune cérémonie n’y fasse obstacle ». Il est aussi permis la procession du Très Saint Sacrement à condition que « M. le curé ait un dais convenable » (21). L’adoration du Saint Sacrement était ancienne et le développement de sa dévotion était lié aux débats théologiques, puisqu’elle porte la marque la plus forte du catholicisme dans sa théorie de la transsubstantiation (conversion du pain et du vin en corps et sang du Christ lors de l'Eucharistie). En réaction aux doctrines protestantes sur l’Eucharistie (niant aussi bien la transsubstantiation que la présence réelle), le concile de Trente et la contre-réforme catholique vont la développer.

L’évêque de Luçon approuva le 11 août 1908 les statuts de la Confrérie de la Doctrine chrétienne de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, œuvre de catéchistes volontaires. Elle se proposait de remédier à l’ignorance religieuse, en faisant le catéchisme aux enfants et en formant des auxiliaires du prêtre à cet effet. Ses membres étaient des parents qui enseignaient le catéchisme à leurs enfants, les instituteurs, ceux qui enseignent un minimum et ceux qui cotisaient à l’œuvre. Elle était dirigée par le curé et affiliée à l’archiconfrérie de Paris. Ses membres bénéficiaient d’indulgences accordées à la confrérie par le pape. Une réunion annuelle était prévue le 28 avril avec la célébration d’une messe spéciale pour les associés morts et vivants, et une instruction du curé. C’était le jour de sa fête patronale, jour aussi de la fête du révérend père de Montfort, apôtre de la Vendée (22). Les Pères ou les Frères de la Doctrine chrétienne constituaient une congrégation née, là encore, du concile de Trente et du constat de la faiblesse de la formation des catéchistes et des séminaristes. Ils n’ont pas été les seuls dans cette mission. Il suffit de penser à saint Philippe Néri et à l’Oratoire. Ils seront dispersés en 1792, et ils se reconstitueront au XIXe siècle.

Les archives de la paroisse de Saint-André sont lacunaires pour d’autres confréries. Ainsi en est-il pour l’Œuvre de la propagation de la Foi dont avons seulement une liste de membres vers les années 1870 (23). Cette confrérie avait été fondée à Lyon en 1822, et a fait partie des Œuvres Pontificales Missionnaires, ayant pour but de soutenir les missionnaires dans tous les continents en collectant de l’argent.

L’œuvre de la Sainte Enfance recruta aussi des paroissiens à Saint-André dans la deuxième moitié du 19e siècle (24). C’était une œuvre caritative catholique au service des missions. Elle a été fondée par un certain abbé de Forbin-Janson (1785-1844), missionnaire de la société des Missionnaires de France, elle-même fondée par le bordelais Jean-Baptiste Dauzan (1757-1847) dès l’époque de l’Empire. Elle se veut au service de la mission (créer des écoles chrétiennes, soutenir les familles chrétiennes…), axée au départ sur l’évangélisation de la Chine.

Conclusions

À travers l’exemple de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, c’est toute la Vendée, terre chrétienne a priori, qui participa au XIXe et première moitié du XXe siècle autant qu’ailleurs à l’élan missionnaire engagé par l’Église catholique pour faire de la France une nouvelle terre chrétienne. Cette évangélisation s’est voulue populaire, rétablissant les dévotions ancestrales pour la piété des fidèles. Elle visa la formation des âmes, sans oublier les engagements sociaux. Mais de ces derniers les archives de la paroisse n’ont pas gardé trace, et pourtant on sait à quel point ils ont marqué l’évolution de la société vendéenne au XXe siècle vers la modernité et le développement économique. Grâce à la séparation de l’Église et de l’État de 1905, mettant fin au régime du concordat de 1801, s’était ouverte une ère nouvelle d’une Église libre dans un État libre. Paradoxalement, elle est née de la lutte antireligieuse des républicains donnant naissance à la laïcité à la française.



(1) Henry Baudry, Actes du colloque de Saint-Fulgent, 27-28 septembre 1979, CNRS-CEAS Vendée-Insee-Laboratoire de géographie rurale de l’université de Nantes. Cité par Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien, Seuil, 2018, page 109.
(2) Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien, Seuil, 2018, page 110.
(3) Réception d’une relique de saint André l’apôtre le 10 mai 1836, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 28, chemise II.
(4) Rapports des chefs de services au conseil général de Vendée, 1899, 2e session ordinaire (vue 242/641).
(5) Lettre du 27 pluviôse an 7 de Benjamin Martineau, commissaire cantonal, au commissaire du département, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 12-III.
(6) Attestation du 10-1-1846 de parcelles de la croix du Christ exposées dans l’église de Saint-André, idem relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 28, chemise II.
(7) Récit du 17 mars 1884 de l’ordination à Saint-André-Goule-d’Oie, de Xavier Rochereau, La semaine catholique du diocèse de Luçon, Arch. dép. Vendée, 4 num 115/9, p. 539, vue 183 à 186/830, et 199/830.
(8) Letouzey et Ané, article Indulgences, dans Catholicisme, 1960, pages 1520-1536.
(9) Indulgence accordée le 21-3-1884 à Saint-André, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 31, chemise XIII.
(10) Indulgence le 31-3-1887 pour la croix des Passelines, idem : carton no 31, chemise XIII.
(11) Témoignage Mme Lucienne Mandin en 2010.
(12) Indulgence le 21-7-1887 pour le calvaire de la Baritaudière, idem : carton no 31, chemise XIII.
(13) Indulgence du 17-7-1901 pour la croix à l’entrée du bourg, idem : carton no 31, chemise XIII.
(14) F. Lebrun, Les réformes : dévotions communautaires et piété personnelle dans « Histoire de la vie privée », tome 3, 1986, Seuil, pages 90 et 100.
(15) Érection le 25-2-1822 dans l’église de Saint-André de la confrérie du Saint Rosaire, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 30, chemise IX.
(16) Membres de la Confrérie du Rosaire, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : E 2/15.
(17) Confrérie de l’adoration perpétuelle à Saint-André vers 1830, idem : E/9 et E/10.
(18) Érection le 20-7-1855 dans l’église de Saint-André de la Confrérie du Saint Scapulaire, idem : carton no 30, chemise IX.
(19) Membres de la Confrérie du Saint Scapulaire, ibidem : E 2/15.
(20) Érection le 8-1-1894 dans l’église de Saint-André de la Confrérie des Mères chrétiennes, idem : carton no 30, chemise IX.
(21) Érection le 15-6-1905 dans l’église de Saint-André de la confrérie du Très Saint Sacrement, idem : carton no 30, chemise IX.
(22) Statuts du 11-8-1908 de la Confrérie de la Doctrine chrétienne de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, idem : carton no 30, chemise IX.
(23) Membres de l’œuvre de la Propagation de la Foi, idem : E 2/15.
(24) Membres de l’œuvre de la Sainte Enfance, idem E 2/15.

Emmanuel François, tous droits réservés
Août 2019, complété en janvier 2024