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Auguste Couderc : Serment aux trois consuls |
Après
le coup d’état de Bonaparte, le dernier, qui achève le Directoire, la loi du 22
pluviôse an VIII (17 février 1800) rétablit l’administration communale. L’agent
municipal porte à nouveau le nom de maire. Pour les communes de moins de 5 000
habitants, les maires sont choisis par le préfet, pour une durée de 3 ans,
parmi les conseillers municipaux qui sont élus par un système complexe de
présélection sur des listes de notabilités.
Un arrêté
du préfet de la Vendée nomme, en application de l’article 20 de la loi du 22
pluviôse de l’an VIII, les membres du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie, le maire et son adjoint. Les membres du conseil municipal nommés sont :
Jean
Vaugiraud, Bourg (a)
Jean
Rondeau, Pin
Jean
Lumineau, Gandouinière
François
Brisseau, Brossière
François
Cougnon, Coudray
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Jacques
Bigot
Gilbert,
Racinauzière (b)
Louis
Pavageau, Porcelière
Jean
Herbreteau, Bourg
Julien
Meyrand, Brossière (c)
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(a) Jean Aimé Jacques de Vaugiraud, propriétaire à St André et ancien
officier de marine, revenu vivant de la Virée de Galerne au début de l’année
1794.
(b) Peut-être
Pierre, l’arrêté ne l’indique pas.
(c) Originaire
de Beaupréau (Maine-et-Loire). Julien Mérand (1759-1825) était propriétaire à
la Brossière et fut juge de paix à Saint-Fulgent en 1797, avant son remplacement
par Gérard. Il
était républicain.
Nomination du maire en 1800 : Simon
Herbreteau
Le
même arrêté nomme « le citoyen Herbreteau, maréchal, à la place de
maire de la commune de Saint André Goule d’Oie et le citoyen Fluzeau, ex agent,
à celle d’adjoint à la même commune. » Il s’agit de Simon Pierre
Herbreteau et de Jean François Fluzeau (1763-1824).
Le
maire est chargé seul de l’administration de la commune. Les conseillers ne
sont consultés que lorsqu’il le juge utile. Ce pouvoir absolu est exercé
pendant plusieurs décennies, renforçant le prestige attaché à la fonction. À partir de septembre 1802 les conseillers sont en place pour 10 ans, le maire et
son adjoint pour 5 ans.
La
première apparition du nouveau maire de Saint-André-Goule-d’Oie sur le registre
d’état-civil date du 20 thermidor an VIII (8-8-1800). Simon Pierre Herbreteau
avait déjà rédigé un acte isolé le 20 thermidor an VII (7-8-1799). Peut-être un
remplacement de Jean Bordron, en tant qu’adjoint. Visiblement il y a encore des
blancs dans les archives pour cette époque. Ils sont dus à la réticence de la population à reconnaître ce registre, mis en place par les républicains. Néanmoins, la
réserve fut rapidement levée, probablement grâce à l’autorité du nouveau maire. Simon Pierre Herbreteau signe en
tant que « maire de la commune faisant fonction d’officier public de
l’état civil ».
Le
maire tout de suite, le sous-préfet de Montaigu ensuite, mais plus tard, qui
cote et paraphe le registre, désignent désormais la commune en commençant par
le mot « saint ». La période révolutionnaire est terminée. Bientôt
aussi on va supprimer l’arrondissement de Montaigu, et le canton de Saint-Fulgent
sera rattaché à l’arrondissement de la Roche-sur-Yon, qu’on va appeler Napoléon-Vendée.
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René Berthon: Napoléon reçoit des sénateurs |
Dans
la liste du 2 floréal an XI (22-4-1803) du département de la Vendée des 550
plus imposés résidant du département, établie en exécution du sénatus-consulte
organique du 16 thermidor an X (4-8-1802), on ne trouve personne demeurant à
Saint-André-Goule-d’Oie. Pour le canton de Saint-Fulgent, deux personnes de Saint-Fulgent
(Merlet et Guyet, deux révolutionnaires) sont désignées, une de Chauché (Querqui
de la Pouzaire, quoique sur l’état il est indiqué de Chavagnes) et quatre de
Chavagnes (Bonnaventure, Gourraud, Guerry et Perard). Rappelons que les
sénatus-consultes organiques étaient des lois votées par le sénat pour modifier
la constitution. Celui du 16 thermidor an X organisait « la
consultation du peuple français » sur la question de savoir s’il
était d’accord pour que
Napoléon
Bonaparte devienne Consul à vie. On appréciera la définition du « peuple
français » de l’époque : 550 personnes dans le département.
On a
retrouvé le registre civique pour le département de la Vendée, voulu par le
décret impérial du 17 janvier 1806. On y trouve 26 personnes à Saint-André-Goule-d’Oie (1). C’est peu, quand on se souvient que tout homme âgé d’au moins 21 ans
accompli devait s’y faire inscrire, et que l’inscription « ne se
rattache au paiement d’aucune contribution ». Mais l’attentisme et la
méfiance étaient forts dans les campagnes contre ces inscriptions. Au point
qu’on pourrait presque considérer ces listes comme donnant le nom de ceux qui
font confiance au régime napoléonien, ou du moins ne s’en méfient pas !
Noms
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Années naissance
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Noms
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Années naissance
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Jean
François Fluzeau (a)
François
Fluzeau
Pierre
Herbreteau
Jean
François Bordron
Charles
Siret
Jean
Rochereau
Jean
Bordron
François
Mandin
Louis
Bordron
Pierre
Robin
Jean
Fonteneau
Julien
Mérand
Louis
Charpentier
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1763
1760
1765
1718
1764
1745
1771
1769
1777
1759
1760
1758
1762
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Jean
Herbreteau
Pierre
Mandin
Pierre
Charrier
Louis
Beneteau
Joseph
Garnaud
Louis
Pavageau
André
Herbreteau
Jean
Fonteneau
Pierre
Gilbert
Jean
Allain
Jean
Herbreteau
André
Bonnin
Jean
Desfontaines
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1743
1750
1766
1763
1762
1768
1746
1744
1750
1761
1771
1771
1769
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(a) Il
s’agit de l’adjoint au maire qui se faisait appeler communément François. François
Fluzeau qui suit est son cousin, né en 1750 (erreur dans le document).
La famille et la vie privée de Simon
Herbreteau
Qui
est Simon Pierre Herbreteau ? C’est le cousin du jeune Jean Bordron, qu’il
remplace à la mairie. Sa mère, Marie Bordron, est la sœur du premier maire de
la commune en 1792. Issue du monde des artisans taillandier, elle s’est mariée
en 1761 avec Jean Herbreteau, issu du monde des laboureurs et habitant la ferme
du château de Linières. Marie Bordron viendra habiter Linières, où naîtront ses
huit enfants, dont le troisième, Simon Pierre en 1765. Le grand-père de ce
dernier, Jean Herbreteau, et son grand-oncle, Mathurin Herbreteau, sont les
piliers de cette ferme au milieu du XVIIIe siècle, remplaçant les Rondeau au
début du siècle (dont ils sont les gendres). À noter que l’orthographe du
patronyme variera avec les curés : arbreteau, Herbreteau et Herbretaud.
Simon
Pierre exercera le même métier que son grand-père Bordron, comme le note le
registre dans son acte de mariage, puis plus tard au moment de la naissance de
sa première fille en 1793 : maréchal-taillandier. Dans notre récit sur son
grand-père, le premier maire de
Saint-André-Goule-d’Oie, nous avons expliqué en
quoi consistait ce métier de maréchal-taillandier fabriquant des outils à
tailler, à couper (haches, bêches, faux, faucilles, serpettes).
Le
nouveau maire est aussi le neveu par alliance de la sœur de Jean François Fluzeau (1763-1824),
le premier agent communal prédécesseur du fils Jean Bordron. En effet, la mère
de Simon Pierre Herbreteau est aussi la sœur de Pierre Bordron qui s’est marié
en 1769 avec Marie Madeleine Fluzeau. Jean François Fluzeau était témoin à ce
mariage aux côtés des châtelains de Linières : Marie Agnès Badereau du
Chaffaut, veuve de Louis Venant Cicoteau, mort à Saint-André en 1729, et Alexis
Samuel de Lespinay, son gendre.
Pierre
Herbreteau (le premier prénom, Simon, est parfois oublié) est né en 1765 et il
se maria avec Henriette Mandin en 1791. Celle-ci est la fille de Jacques Mandin
et de Marie Robin, régisseur et domestique à Linière.
Au
bas de l’acte de mariage on trouve la signature des trois frères de
Lespinay : Alexis, Charles et Armand, ainsi que celle de l’épouse de
l’aîné, Pauline de Montault. Il y manque la signature de la dame de Linière,
qui accouchera deux mois après ce mariage.
Sa
femme, Henriette Mandin est née en 1768 au château du Pally à Chantonnay où réside
Samuel de Lespinay, le père de Charles châtelain de Linières (à cette date, sa
mère est déjà décédée). Elle donna naissance à neuf enfants au moins, selon l’état civil
de Saint-André-Goule-d’Oie. Le fils aîné, Pierre, s’établit maréchal à Bazoges-en-Paillers, deux autres fils, Alexis et Louis, prirent la suite du père dans la
forge du bourg de Saint-André. Le dernier enfant, Agathe, née en 1810, se maria en
1832 avec Jean Charles Trotin, le fils du garde champêtre.
Simon
Pierre Herbreteau et Henriette Mandin signèrent au château de Linières leur
contrat de mariage rédigé par le notaire de Saint-Fulgent le 30 juillet 1791 (2).
Il a été convenu que les futurs époux « seront commun moitié par moitié en tous biens meubles acquêts et
conquêts (2) immeubles dès le jour de leur bénédiction nuptiale suivant et au
désir de la coutume de cette province de Poitou. » Les acquêts étaient
les biens acquis durant le mariage par l'un ou l'autre des époux et qui faisaient partie du bien commun. Les conquêts désignaient ce qu'on acquiert par son travail durant le mariage. Cette convention
est convenue par qui ? Les futurs époux bien sûr, mais aussi leurs
parents, ces derniers constituant les dotations des jeunes mariés. Du côté du
marié ses parents lui donnent une somme de 600 livres, par avance d’héritage suivant l’usage. Cette somme est décomposée en deux parties : 448 livres
de meubles et effets et 152 livres en argent. Du côté de la mariée ses parents
apportent aussi 600 livres en argent, à valoir sur son futur héritage. La somme
sera remise au futur époux dès le jour de la bénédiction nuptiale, est-il
précisé. Suivant une clause habituelle, il est prévu que l’épouse aura le « douaire coutumier » sur les
immeubles de son époux si elle devient veuve. En Poitou celui-ci équivalait au
tiers des biens immeubles.
Et
le texte du contrat de poursuivre : «
Toutes lesquelles susdites conventions ont été faites en présence et de
leurs consentements francs de … » Et sont énumérés outre les pères et
mères des mariés, onze parents proches, frères et sœurs, oncles et tantes,
beaux-frères et belles-sœurs. C’était l’usage, car le contrat de mariage créait
ainsi une nouvelle communauté de biens et constituait un acte de gestion
important, avec les successions, de la gestion des biens de famille. Dans le
cas particulier du mariage d’Henriette Mandin, signent en plus les châtelains
de Linières, son frère et sa sœur, car ils sont considérés comme faisant partie
de la famille : «
M. Charles
Augustin de Lespinay, capitaine au 18e régiment ci-devant Berry,
Dame Félicité Marie Louise Marguerite du Vigier son épouse, M. Armand François
de Lespinay, ancien capitaine au régiment du roi, Dame Louise Henriette de
Lespinay ».
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Noirmoutier autrefois |
Ce mariage au château montre la proximité des Lespinay
avec leurs métayers à Linières. On la voit aussi, le 7 avril 1785, avec la présentation
faite par Alexis Samuel de Lespinay, de la chapelle du Pally (Chantonnay) et de
la Bordrie, en faveur de Jean Herbreteau, clerc tonsuré, frère aîné de Simon
Herbreteau. Jean Herbreteau en prendra possession le 13 mai suivant (4). Ce
dernier est né à Linière en 1762, et fut vicaire à Soullans puis à Venansault. Il a refusé de prêter serment et il fut pour
cela exilé à Tarragone en Catalogne, embarqué en octobre 1792 aux Sables-d’Olonne sur le bateau, « l’heureux hasard », avec 38 autres prêtres. À son retour en 1797, son bateau s’échoua à l’Aiguillon à cause d’une tempête.
Il fut arrêté à nouveau et expédié à Rochefort pour un nouvel exil en Espagne.
Il s’évada à nouveau, en compagnie du curé de Saint-André-Goule-d’Oie, avant d’embarquer et se cacha au Poiré-sur-Vie. Le préfet
le note en 1800 comme « tête un peu chaude, mais a promis de faire
soumission aux lois ». Il fut nommé vicaire au Poiré après le
concordat. Plus tard il sera curé de Mouchamps (1809), puis se retira au Poiré
en 1821, où il mourut en 1832.
Le
premier enfant du couple, Henriette, sera baptisé le 23 juin 1793, alors que la
guerre de Vendée a débuté depuis la mi-mars. Le parrain est Armand de Lespinay,
frère du châtelain de Linières, et la marraine est la première fille du
châtelain, Henriette, âgée de seulement trois ans et demi.
Quatre
mois plus tard, la châtelaine Félicité du Vigier est en fuite dans la virée de
galerne. Puis le beau-père de Pierre Herbreteau, Jacques Mandin, est tué par
les bleus le 1er février 1794 (page 107 de mon livre), veille de la fameuse bataille de
Chauché, où Charette mis successivement en déroute trois colonnes infernales.
Il était régisseur. Dans son registre clandestin, le
prieur Allain note la présence à cet enterrement de Pierre Herbreteau son
gendre, de Jean Herbreteau et jacques Godard, tous deux métayers. Le premier
l’était à Linières et c’était le père de Pierre. Le deuxième l’était à la
Mauvelonnière.
Puis
c’est le château de Linières lui-même qui sera en partie brûlé par une colonne
infernale au début de 1794 (peut-être celle du général Grignon qui remontait de
Chantonnay vers Montaigu).
Combattant vendéen
Il a
participé aux combats vendéens, puisque le prieur note que le 15 janvier 1794,
Jacques Drapeau, sabotier au bourg de Saint-André, « a été tué au combat des Brouzils et est resté sur le champ de bataille ».
Puis il précise que « …a été témoin
de sa mort par les républicains Pierre Herbreteau maréchal dans le bourg… »
On
sait en effet que le 9 janvier, Charette a lancé sa troupe à l’assaut de Saint-Fulgent, dont la garnison, surprise, fut en grande partie massacrée. Le
lendemain il attaquait les Quatre-Chemins, où il essuya un revers le soir même.
Il se réfugia à nouveau dans la forêt de Gralas ensuite, d’où il sortit de
temps en temps pour attaquer des convois de soldats républicains. C’est ainsi
qu’eut lieu la bataille des Brouzils à la mi-janvier 1794, où Charette reçu une
balle dans l’épaule, une blessure qui affecta beaucoup ses soldats.
Le
grand-oncle du maire, Mathurin Herbreteau, métayer de la Morelière en 1793, a
été tué par les républicains en septembre de cette année-là, à l’âge de 65 ans.
La fonction du maire sous Napoléon
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Source : Archives départementales de Vendée |
Nous
n’avons pas de document sur la vie municipale de
Saint-André-Goule-d’Oie pendant
les 25 années de mandat de Simon Pierre Herbreteau. Il est cependant possible de
nous faire une idée sur l’activité du maire, à partir du 1
e
septembre 1814, avec le Bulletin administratif hebdomadaire adressé par le
préfet à MM. les maires du département de la Vendée. On y trouve les arrêtés du
préfet, ses circulaires aux autorités locales, ses instructions et les
communications officielles. Pour les années de transition entre le régime de
Napoléon Ie et la Restauration monarchique (1814/1816), ces textes nous
informent sur la fonction de maire dans les petites communes rurales. Ils sont
accessibles par internet sur le site des Archives départementales de la Vendée.
Auparavant,
il est utile de dire un mot des préfets. La fonction a été créée le 17 février 1800
par le premier
consul Bonaparte
afin de contrôler les départements et de pacifier le pays après les événements révolutionnaires.
De
François Ier à Louis XVI, les rois imposèrent les généralités, dirigées chacune
par un Intendant de justice, police et finances, pour supplanter les anciennes
structures et institutions féodales (bailliages et sénéchaussées). Les
intendants disposaient de larges pouvoirs dans un système centralisé autour du
roi. Ils réalisèrent l'unification administrative du pays, en réduisant les
libertés provinciales et municipales. Impopulaires, ils furent balayés par la
Révolution française, qui institua des assemblées dans les nouvelles
circonscriptions créées : les départements. La Convention rétablit le centralisme
de l’État en nommant à la tête des départements des agents nationaux aux ordres
du gouvernement, le 4 décembre 1793. On le voit, la fonction de préfet reprend
et prolonge la fonction de l’Intendant de l’Ancien Régime.
Dans
la même logique, le maire en 1814 est un fonctionnaire du département avant
tout, nommé par le préfet. Les réunions du conseil municipal sont fixées à des
périodes arrêtées par le préfet, mai et novembre généralement, pour le
consulter sur le budget de la commune.
Son
rôle dans la perception des contributions directes continue la fonction dévolue
aux assemblées paroissiales sous l’Ancien Régime pour répartir la taille. Il
est important, malgré l’institution des percepteurs. Le maire doit chaque année
informer les habitants de la commune des dates de paiement des contributions,
tenir à jour un livre des mutations (des propriétés), viser l’état des
assujettis à la patente, donner une liste de propriétaires pour la fonction de
commissaire répartiteur (fixer des valeurs permettant d’établir la taxe
foncière), etc. Le préfet n’hésite pas à exhorter le zèle des maires pour le
paiement des impôts : « Les Maires sont chargé de donner au
présent arrêté la plus grande publicité, et d'engager leurs administrés à
acquitter, avant d’y être contrains, la dette sacrée des contributions. »
Les
Vendéens, après les ruines subies au cours de la guerre civile et la
reconnaissance que leur « devait » normalement le roi, attendaient,
sans doute trop naïvement, quelque mansuétude en ce domaine, en signe de
reconnaissance. Ils furent déçus ! Signe des réticences rencontrées, le
préfet n’hésita pas à mobiliser les curés, en plus des maires, dans une lettre
du 30 septembre 1814 à « Messieurs les curés et desservants de ce
département ». Après avoir décrit tous les bienfaits apportés par le
retour de la monarchie en Vendée, il écrit : « L'impôt doit être
acquitté avec la plus rigoureuse ponctualité. Persuadez vos paroissiens,
Monsieur, que ce serait l’aggraver que de s'exposer à des frais que leur bonne
volonté peut prévenir….Il faut que l'arriéré des contributions directes
disparaisse, il faut que la contrebande cesse entièrement de démoraliser le
peuple, et de voler le trésor
royal. Ce brigandage a fait couler le sang, il a livré à la rigueur des lois
des familles entières ; ces malheurs et ce scandale peuvent être arrêtés par
les pieuses exhortations des Pasteurs de ce département. Engagez aussi les
contribuables de votre Paroisse à éviter l'envoi des garnisaires [soldats] qui
sont placés dans chacune des communes où le recouvrement de l'impôt trouve
quelque opposition. »
En matière de police, le préfet
décrit avec précision, dans une instruction du 10 octobre 1816, les devoirs du
maire dans l’établissement d’une liste nominative des habitants de la commune,
afin de répertorier, avec une définition claire, les suspects, les mal
intentionnés, les étrangers à la commune (devant posséder un passeport
intérieur établit et visé par le maire) et les vagabonds (qu’il doit faire
arrêter).
Les maires doivent contrôler,
en particulier :
qu’il n’existe pas de jeux de hasard pratiqués
dans leur commune, et qu’on n’utilise pas des cartes à jouer, autres que celles
vendues par la régie d’État,
le respect des dates de la chasse,
le respect des règlements sur les routes (élagages
des arbres, entretien des fossés, chargement maximal autorisé en fonction de la
largeur des jantes des roues), et au besoin il doit dresser des « contraventions
de grande voirie »,
l’interdiction de cultiver du tabac (le monopole
d’État, sous des modalités diverses, a commencé dès 1674 en France), « alors
que cela se fait dans quelques communes du département … Ces plantations
ne sont pas considérables quant au nombre de pieds. Mais elles ne laissent pas
d'être multipliées. Il y en a dans les jardins, dans des champs écartés, dans
l'intérieur des bois. Les cultivateurs mêlent le tabac parmi d'autres plantes
qui le dérobent à la vue ou empêchent de l’apercevoir, comme le maïs, les choux
etc. » Comment s’étonner après cela que ces paysans allergiques à l’intervention
de l’État pour les empêcher de cultiver le tabac, aient été allergiques aux
lois les empêchant de pratiquer leur religion à leur convenance ou les
enrôlant au service militaire ?
l’inventaire des armes dans les communes,
le respect de l’interdiction de la contrebande
de sel près des côtes,
les « cris séditieux ou aux provocations
à la révolte », qu’il doit « constater sur le champ ».
Dans une instruction du 11
octobre 1816, le préfet écrit : « Vous voudrez bien joindre, Messieurs,
la plus grande exactitude à faire connaître aussi promptement que régulièrement
tous les faits qui peuvent se passer dans vos Communes et dont la connaissance
intéresse l'Administration pour la tranquillité publique. » C’est une
caractéristique de la Restauration monarchique qui se méfie de ses ennemis
politiques. À partir de 1814, les préfets sont assignés à maintenir
l'ordre : « Mettez au premier rang de vos devoirs le maintien de
l'ordre public...la vigilance prévient le désordre » (Circulaire en 1815
du ministre de l'intérieur).
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Soldat vétéran de Napoléon |
Dans le domaine militaire, les
maires aident les autorités dans une fonction à caractère administratif.
Ainsi pour :
le paiement des soldes aux officiers en non
activité, mais restant à la disposition du gouvernement ; le maire donne
un visa, établit les certificats de vie et signale les changements d’adresse
des officiers pensionnés,
la formation des listes préparatoires et des
conseils d’organisation concernant l’enrôlement volontaire dans les armées et
la nouvelle garde nationale, ainsi que l’établissement des actes d’enrôlement,
l’établissement de la liste des propriétaires et
le nombre des chevaux dans la commune, préparant la monte des chevaux dans
l’armée,
l’établissement de certificats permettant la
démobilisation de certains militaires à mettre en congé.
Une instruction du 16 juin 1816 rappelle
aux maires de surveiller dans leur commune l’obligation aux officiers en non
activité de faire « disparaître de leur uniforme les signes qui ont
rapport à une organisation militaire antérieure. Cette disposition s’applique
également aux boutons…Ils doivent être remplacés par des boutons emprunts d’une
fleur de lys », sinon il y a risque de se voir supprimer la demi-solde.
Le maire doit prévenir les intéressés et certifier sur l’état qu’il signe
chaque mois pour le paiement de la demi-solde que les intéressés dans la
commune satisfont à cette obligation. Ils étaient nombreux les anciens
«grognards » de Napoléon, à arborer les uniformes de leurs glorieuses
campagnes militaires, et peu enclins à faire disparaître les signes de leur empereur
déchu. Désormais, ils devaient cacher au maire et aux gendarmes leurs
souvenirs, à moins d’être amis, sait-on jamais ? Mais qui aurait osé reprocher au
père Girard, demeurant pauvrement au Clouin, son admiration sans bornes pour
les deux chefs militaires qu’il avait servi sous les armes, Charette et
Napoléon ?
Ce travail administratif du
maire répondait aussi à un besoin d’informations statistiques du gouvernement.
On sait qu’en France l’État a toujours eu, depuis les rois capétiens, un rôle
d’intervention dans la vie sociale. Dans le domaine économique, on voit le
préfet demander aux maires, en 1814, d’indiquer la surface occupée dans leur
commune par les différentes cultures « de la Luzerne, du Sainfoin,
de la Vesse, jarosse ou Garobe, de la Gesse, blanche ou grise, du Trèfle, des
Choux, (avec l’attention de distinguer les espèces) des Navets, Raves ou Rèbes,
de la Pomme de terre, des Betteraves ou Carottes, du Blé-noir, de l'Avoine, des
Grains destinés à être mangés en vert, ou Coupages ». L’État
veut encourager la culture des fourrages artificiels, car « toute bonne
agriculture doit être fondée principalement sur les moyens de multiplier les
bestiaux et les engrais », écrit le préfet. On plaint quand même les
maires devant le travail demandé !
Trois
semaines après, le préfet envoie une autre instruction, tout aussi lourde à
exécuter : « Le gouvernement m’ordonne de recueillir des notions
sur le nombre de bêtes à corne qui existent dans le département. Je vous prie,
en conséquence, de vouloir bien me marquer combien il y a dans votre
commune : 1.° de vaches de deux ans et au-dessus ; 2.° de veaux de l'année
; 3.° de génisses de l'année; 4.° de taureaux d'un an ; 5.° de génisses d'un
an ; 6.° de taureaux de deux ans ; 7.° de
bœufs de trois ans et
au-dessus. » Psychologue, le haut fonctionnaire précise : « Sous
un Gouvernement sage et paternel, les recherches de cette nature ne doivent
inspirer aucune défiance. Celles-ci n'ont pour but que de fournir des données
nécessaires pour encourager le commerce des bestiaux, l'une des premières
sources de la prospérité du département. »
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Antoine Jean Gros : Louis XVIII |
Dans
le domaine social aussi l’
État intervient. Ainsi pour décider de travaux
d’hiver (1816/1817) à l’intention des ouvriers qui sont au chômage à cette
saison, et rémunérés sur fonds spéciaux du gouvernement. Le texte de
l’instruction du 17-12-1816 est révélateur de l’état d’esprit de
l’époque : « Le Roi, dont la pieuse et bienfaisante sollicitude
s’occupe constamment du soin de réparer, de prévenir même les maux de son
Peuple, a mis à ma disposition des fonds pour procurer, pendant la saison
rigoureuse, des secours et des travaux à la classe ouvrière de ce département. »
Il est vrai que la région connu une famine cette année-là.
Si
l’état d’esprit date, cette conception du rôle de l’État en France n’a pas pris
une ride. Elle s’enracine, on le voit, en profondeur dans l’histoire nationale.
Elle est la conséquence de la faiblesse des structures locales pour prendre en
charge les intérêts sociaux et économiques. Conséquence qui devient cause du
renforcement de l’État au fil du temps.
Ce
rôle du maire est aussi celui d’un fonctionnaire au service de l’action
politique du gouvernement en place. Il doit relayer sa propagande. C’est aussi
pour cela qu’il est choisi, de préférence parmi les partisans du pouvoir en
place. Qu’on en juge :
Dans
son instruction du 7 septembre 1814 au sujet de la fête du roi (la saint Louis
du 25 août, qui remplace la fête nationale du 14 juillet), le préfet écrit aux
maires : « J’ai l'honneur de vous adresser la description de la
fête donnée au Roi par la ville de Paris. Répandez dans votre commune les
détails de cette belle journée, ils font connaître l'amour et le respect que
les français portent à leur Roi, et les sentiments d'affection paternelle dont
le cœur de ce Monarque chéri est rempli pour ses sujets. La fête du Roi n’est
pas seulement une fête nationale, c'est une fête de famille, parce que le Roi
est véritablement le Père du peuple. A cette première fête, se rattachent
toutes les idées du bonheur que son retour nous assure ». Cette fête
« annonce que la révolution est finie et que les lys refleurissent sur la
France ».
Malheur au maire
désobéissant ! Il sera suspendu de ses fonctions, comme ce fut le cas du
maire de Chauché le 31 décembre 1816, M. Puitesson. Il s’était « permis,
au mépris de toute bienséance et contre tout devoir, de signer un libelle
dirigé contre l’administration supérieure de ce Département et ayant pour
titre : Réponse à la Proclamation du préfet par intérim du
département de la Vendée, en date du 21 novembre 1815 ». Dans sa
proclamation le préfet avait mis en garde contre de fausses rumeurs.
La place de Simon Herbreteau dans le paysage politique de l’époque
Pourquoi
Pierre Herbreteau a été choisi par l’autorité préfectorale pour être nommé
maire de
Saint-André-Goule-d’Oie ? L’arrêté de nomination n’est pas motivé et
c’est tout ce que nous avons trouvé. Il faudrait lire un de ces rapports que
devaient établir la police ou la gendarmerie et les fonctionnaires locaux, chargés de surveiller
les activités politiques locales. En tout cas il a inspiré confiance aux
nouvelles autorités bonapartistes.
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Anonyme :
Napoléon et le pape signent le concordat |
Rappelons
que Napoléon a voulu mettre les ennemis d’hier, royalistes et révolutionnaires,
à son service. Il avait étudié de près les combats de la guerre de Vendée et il
voulait la paix dans la région. Pour cela, il a vite compris qu’il lui fallait
négocier un concordat avec le pape, rétablissant la liberté du culte et réunissant
dans une même église le clergé qui avait prêté serment à la Constitution civile
du clergé et celui qui s’était refusé à le faire. Il a aussi voulu séduire
l’ancienne noblesse. À ce titre, on verra l’ancien châtelain de Linières,
Charles de Lespinay, amnistié et rayé de la liste des émigrés en novembre 1802.
Son frère aîné, le marquis Alexis, a été nommé au Corps Législatif (nom de l’Assemblée
nationale de l’époque) en 1811, tout en étant nommé maire de Chantonnay de 1811
à 1830. Son autre frère Armand a été nommé maire de La Pommeraye
en 1801.
Pierre
Herbreteau n’était pas bonapartiste au moment de sa première nomination. Cette
notion ne prendra du sens que plus tard. Il n’était pas du côté des
révolutionnaires, mais pourquoi se séparer du jeune Jean
Bordron ? À moins que le comportement personnel, ou la vie privée de ce
dernier aient donné lieu à des réserves. À Chauché, par contre, le préfet y avait
conservé le maire partisan de la Révolution dans ses fonctions. Il en fut de même pour quelques mois en 1800 à Saint-Fulgent avec Louis Merlet. La
personnalité, la disponibilité, la compétence, l’autorité supposée sur les
concitoyens, ont dû certainement compter en premier lieu, pour la désignation
de Pierre Herbreteau à l’âge de 35 ans.
Il avait participé aux combats des insurgés, et nous
pensons, et nous
pensons qu’il devait plutôt avoir des sympathies du côté des
royalistes. Le fait de conserver son poste après la restauration monarchique en
1814, nous incline à le penser. Sa bonne réputation de compétence, d’autorité
et d’intégrité ne devait pas suffire à la préfecture, il fallait aussi un
minimum de zèle envers le roi. Mais sa longévité dans un poste pas toujours
facile, où il fallait relayer les avis, les demandes d’enquêtes, les instructions,
parfois partisanes du gouvernement, est un gage de ses qualités personnelles
pour cette fonction. Par comparaison, la commune de Chauché a changé cinq fois
de maire pendant la durée de ses mandats, de 1800 à 1825.
La première restauration monarchique de 1814
maintient la nomination des maires, ils sont choisis au sein des conseils
municipaux, eux-mêmes nommés. Plus tard est rétabli le suffrage censitaire :
seuls les hommes de 30 ans payant un (cens), impôt de 300 Frs, (c’est beaucoup)
ont le droit de vote. Ensuite, la loi du 29 juin 1820, dite loi « du double
vote », permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois.
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Moulin à girouette |
Un
fait intéressant donne la mesure du sens politique et pratique de Simon Pierre
Herbreteau au moment du bref retour de Napoléon. Pendant les Cent jours
(20-3-1815 au 8-7-1815), quand l’empereur reprit le pouvoir jusqu’à sa défaite
définitive de Waterloo, certains fonctionnaires eurent des sueurs froides.
Après avoir juré fidélité au roi Louis XVIII (lors de la première restauration
du 2-4-1814 au 20-3-1815), ils durent travailler pour Napoléon, puis à nouveau
pour le roi (lors de la deuxième restauration à partir du 8-7-1815). Le maire
de Saint-André su s’adapter aux circonstances, comme on le remarque sur le
registre de l’état civil. Pendant les Cent jours le nom de l’arrondissement,
Bourbon-Vendée, comporte une surcharge d’écriture, bien visible. Le mot
« Bourbon » a été écrit sur celui de « Napoléon », qu’on a
un peu effacé auparavant. Car, pendant les Cent jours, le nom de
l’arrondissement avait bien sûr changé en fonction des circonstances. On
imagine que le maire dut attendre la fin de l’année, pariant sur la stabilité
du nouveau régime pour effectuer cette correction et montrer son loyalisme au
roi, après avoir servi l’empereur. C’est que le maire de l’époque est plus
considéré comme le représentant de l’
État que celui des citoyens de sa commune.
De toute façon, le personnel politique de l’époque a donné un « bal des
girouettes » à cette occasion, appartenant aux plus notoires de l’Histoire
de France.
Rappelons
sur ce point que le général Brayer (le grand-père de Marcel de Brayer,
propriétaire de Linières de 1868 à 1875) fut condamné à mort après la 2e
restauration monarchique pour avoir trahi son serment de fidélité au roi. Il
est vrai que ses responsabilités avaient été d’un autre niveau (général en
poste à Lyon) et il avait mis ses troupes à la disposition de l’empereur de
retour de l’île d’Elbe.
Pierre
Herbreteau rédige son dernier acte d’état civil le 7 février 1826, à l’âge de
61 ans, cinq ans avant sa mort le 26 mai 1831. Sa femme Henriette mourra cinq
mois plus tard, le 11 octobre 1831.
Décidément
cette forge du bourg, berceau de la famille Bordron, aura donné trois maires à
la commune en peu de temps. Jean Bordron d’abord, puis son fils Jean et enfin
un neveu, Pierre Herbreteau. Et pourtant on devine que les opinions politiques
devaient parfois faire débat après la guerre de Vendée. Dans cette commune
rurale, il faut sans doute se rappeler que les qualités humaines des
responsables communaux devaient compter davantage que les débats partisans pour
obtenir la confiance des concitoyens, sinon celle du préfet.
(1) Registre civique du 17-1-1806, Archives de Vendée : 3 M 5.
(2) Archives de Vendée, étude de notaire de Saint-Fulgent, Frappier Rigournière : 3 E 30/13, contrat de mariage Simon Pierre Herbreteau et Henriette Mandin du 30-7-1791.
(3) Le conquêt est
tout bien immeuble qui appartient à la communauté des époux, par opposition aux
biens propres de chaque époux. Dans le langage juridique moderne le mot conquêt
a disparu, et seul celui d’acquêt est resté pour désigner les biens de la
communauté des époux.
(4) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé
boisson : 7 Z 95, le clergé avant et sous la Révolution. D’après le répertoire
des actes du notaire Claude Joseph Frappier de la Rigournière.
Emmanuel François, tous droits réservés