jeudi 2 septembre 2010

Deux maires de 1826 à 1830 : François Cougnon et Léon de Tinguy


François Cougnon, maire de 1829 à 1829


Le nouveau maire de Saint-André-Goule-d’Oie nommé au moment du renouvellement quinquennal, le 1e janvier 1826, pour remplacer Simon Pierre Herbreteau, est François Cougnon. Celui-ci prend la suite dans la rédaction des actes sur le registre d’état-civil le 13 février 1826.

Ce choix paraît naturel dans le contexte politique de l’époque. Il est le fils du capitaine de paroisse de Saint-André au moment de la guerre de Vendée. La monarchie restaurée s’attachait à honorer ainsi l’ancien capitaine de paroisse qui avait combattu pour « dieu et le roi » sous les ordres des généraux de Royrand, Sapinaud et Charette. François Cougnon avait déjà reçu des mains du préfet un fusil d’honneur au titre de capitaine au 2e corps d’armée de l’Ouest. Mme Lucienne Mandin, qui a fait des recherches généalogiques à Saint-André, fait une description intéressante de son rôle de capitaine de paroisse : « Il eut parfois une tâche très ingrate qui exigeait de lui beaucoup de diplomatie. Et en particulier, lorsque Charette lui commandait de rassembler ses hommes, dans un lieu donné, il lui fallait se rendre au domicile de chacun d’eux et réussir à les convaincre d’abandonner, de suite, leur foyer et le travail des champs, pour le suivre, car nos braves paysans de l’époque n’étaient pas enrôlés, il s’agissait seulement d’un devoir moral. Il en a été récompensé, et ce n’est que justice. »

Le nouveau maire est son fils, né en 1792, prénommé François comme lui.

Il est intéressant de noter qu’à Chauché, l’adjoint nommé en 1826 est Pierre Maindron, né le 24 septembre 1766 et « ancien officier de l’armée royale vendéenne », selon les termes de l’arrêté de nomination. On sait qu’il s’était distingué aux cotés de Charette lui aussi et qu’il vint habiter Linières à la fin de sa vie. Compte tenu du contexte, sa nomination est clairement, comme celle de François Cougnon, un signe de reconnaissance au sein du parti royaliste.

Dans l’état des nominations conservé aux archives de la Vendée il est indiqué que François Cougnon fils est marié, propriétaire et expert. Ce dernier mot désigne une activité d’agent immobilier dans le foncier. On a un exemple concret de ce que pouvait être ce rôle dans les gaulaiements qu’il a réalisés en 1834 à la Javelière. Il s’agissait de valider les surfaces des parcelles foncières possédées dans tout le tènement, et ensuite calculer la part de chaque propriétaire dans le paiement d’une rente collective due par tous. Certes il n’y avait plus de redevances seigneuriales à cette date, mais restaient quelques rentes purement foncières, nécessitant de refaire les calculs de répartition à cause des nombreux changements de propriétaires. Des arpenteurs et des notaires réalisaient ces actes sous l’Ancien Régime. Dans les exemples rencontrés les propriétaires ont fait appel à François Cougnon pour réaliser l’acte à l’amiable. Il savait compter, c’est à dire ici utiliser la règle de trois et faire de longues additions, ce qui déjà n’était pas rien. Mais il faut y voir aussi le signe d’une confiance placée en lui. 

C’est à lui que s’adressa vers 1830 Marie de Vaugiraud des Sables-d’Olonne relativement aux parcelles foncières qu’elle possédait encore après la vente en 1822 du logis du bourg dont elle avait hérité (1). On le voit aussi sollicité par Léon de Tinguy en 1835, pour estimer les biens meubles de sa communauté d’avec sa femme défunte (2). Le conseil municipal de Saint-André lui demanda en 1841 l’arpentage et l’estimation des terrains communaux de la commune (3). 

Par ailleurs il dispose de 600 F de revenus fiscaux. Il demeurait au Coudray comme son père. Il était âgé de 34 ans au moment de son entrée en fonction. Il s’était marié le 7 juillet 1813 à Saint-André avec Marie Loizeau et le couple n’eut pas d’enfants.

L’adjoint nommé par le préfet au 1e janvier 1826 n’est plus François Fluzeau. Ce dernier est remplacé par Pierre François Mandin, crédité de 200 F de revenus fiscaux pour son activité de propriétaire cultivateur à la Bergeonnière. Lui aussi est un combattant distingué de la guerre de Vendée, officier ayant participé à la Virée de Galerne et ayant réussi à échapper au désastre de Savenay en décembre 1793. Il restera adjoint au maire jusqu’en 1830. Voir notre article publié sur lui en avril 2011 : . Pierre François Mandin, adjoint au maire de 1826 à 1830;

François Cougnon ne restera maire que trois ans. Il démissionnera en mai 1829, et il sera remplacé par Léon de Tinguy, avec qui il parait très lié. Il est mort en 1858.

Léon Auguste de Tinguy du Pouët en 1829/1830


Les de Tinguy sont une famille noble du Bas-Poitou remontant à un seigneur de la Garde à la Rocheservière en 1350. Elle comprend plusieurs branches, dont celle de la Giroulière s’est installée au Coudray et à la Chevaleraie à Saint-André-Goule-d’Oie, et à la Clavelière de Saint-Fulgent. Au XVIIIe siècle, y vécurent dans ces lieux Jean Abraham de Tinguy, seigneur de la Sauvagère et Perrine Bruneau de la Giroulière (Chavagnes). Les registres de Saint-André et de Saint-Fulgent gardent la trace de la naissance de leurs enfants, et les actes notariés informent aussi de leurs domiciles successifs.

Le premier de leurs enfants, René Henri de Tinguy, rejoint Charette et participe à la prise de Noirmoutier. Charette le nomme gouverneur de l’île en octobre 1793. Capturé par les républicains ensuite, il eut la langue arrachée et fut fusillé le 10 janvier 1794 par les bleus, deux jours après le généralissime d’Elbée, sur l’île de Noirmoutier.

Le mariage cocasse de leur fille Henriette à Saint-André en 1768 avec Antoine Durcot de Puytesson est raconté dans mon livre (page 85).

Leur fille Jeanne Henriette a eu pour parrain Charles Guyet (le père de Joseph qui se mariera en 1804 avec l’ex vicomtesse de Lespinay, châtelaine de Linière).

Le nouveau maire de Saint-André en 1829 appartient à une autre branche, les de Tinguy du Pouët, qui s’est installée à la Clavelière de Saint-Fulgent au cours du XVIIIe siècle. Son père est né le 22 mars 1761 à Saint-Mars-la-Réorthe, où il fut seigneur du Pouët, le 22 mars 1761. Son grand-père s’appelait Charles Gabriel de Tinguy, seigneur du Pouët, et sa grand-mère paternelle Marie Suzannet.

Blason des Tinguy du Poüet
Il est né à Saligny le 20 juin 1806 de Pierre Alexandre Benjamin de Tinguy et dArmande Louise Henriette Buor. Il s’est marié à Luçon le 20 novembre 1827 avec Élisa Adélaïde Alexandrine de Buor de La Voy, née à Corpe (près de Luçon) le 8 avril 1806.

Son père a été maire de Saint-Fulgent de 1807 à 1828 et sera remplacé dans cette fonction par son fils, Louis Henri Benjamin de Tinguy du Pouët, de 1828 jusqu’à la Révolution de 1830. Ce dernier était né à Boufféré en 1804 et se mariera avec la sœur jumelle de la femme de son frère : Caroline Bénigne de Buor de La Voy.

Son père était un militaire, chef de bataillon et chevalier de Saint Louis. En tant que maire il accueillit Napoléon, de retour d’Espagne le lundi 8 août 1808 vers 19h30. Dans son discours il rappela avec émotion à l’empereur qu’ils avaient été condisciples à l’école militaire. Napoléon lui répondit brièvement que beaucoup de choses malheureuses avaient eu lieu depuis. On raconte aussi qu’après le discours du maire, une fille de Mlle Delille de la Morandière offrit à l’impératrice une corbeille de roses et de lauriers ; quelques jours plus tard, cette corbeille devait lui être rendue toute remplie de cadeaux.

Le registre d’état-civil de Saint-André garde l’acte de décès d’Édouard Dillon le 26 décembre 1825, au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie (vue 43 à l’état-civil accessible sur le site internet des Archives de la Vendée). L’information vaut un développement. E. Dillon était né le 2 juin 1764 à Londres. Selon l’inscription du registre de Saint-André, c’était un officier supérieur au service de sa majesté britannique, fils de feu Étienne Dillon et de feu Élisabeth McCarthy (4). Les témoins sur l’acte de décès sont Alexandre de Tinguy (maire de Saint-Fulgent), Guillaume Chauvreau, instituteur, et François Cougnon (fils) propriétaire cultivateur, tous « amis du défunt. » Cet acte de décès révèle la solidarité envers ce militaire, des de Tingy et des royalistes convaincus intimes de la famille, l’instituteur et le jeune propriétaire du Coudray.

Les Dillon sont connus. Famille noble ancienne d’origine écossaise, qui a suivi en exil en France le roi d’Écosse déchu de ses droits, elle a donné des serviteurs au royaume de France. Au long du XVIIIe siècle, un régiment d’écossais, appartenant à la famille Dillon, servira vaillamment les rois de France. Pour la récompenser, un membre de la famille sera même nommé archevêque de Narbonne par Louis XVI. Les liens d’amitié entre Alexandre de Tinguy et Édouard Dillon étaient-ils de bon voisinage ou remontaient-ils à plus loin, on ne sait. Mais ce dernier étant officier britannique, il faut le distinguer des Dillon de nationalité française.

Ce décès n’eut pas lieu au domicile de Léon de Tinguy, et le défunt habitait chez lui au logis du bourg. Sa veuve, Marie Anne Quantin, vendit le logis à Léon de Tinguy en 1829, acheté en 1822 de l’héritière de Jean de Vaugiraud (5). Plus tard, le bâtiment deviendra le presbytère de Saint-André-Goule-d’Oie.

Il comprenait au rez de chaussée une cuisine, une salle à manger, un salon de compagnie, un corridor et une laiterie. À l’étage il y avait 6 chambres, dont 2 avec une cheminée. Les communs comprenaient autour d’une cour à l’arrière du logis (côté sud), où s’entassaient les fagots de bois pour l’hiver, divers bâtiments : un cellier, une sellerie, une écurie, un grenier, une remise,  une boulangerie, une grange et une étable aux vaches. Cette description résulte d’un inventaire après-décès fait par Me Pertuzé, notaire à Saint-Fulgent, les 5 et 6 janvier 1835, suite au décès de Mme de Tinguy, née Elise Buor de la Voy (6). Elle laissait deux enfants survivants, héritiers en sa succession, dont leur tuteur nommé par le conseil de famille était Ernest Grelier du Fougeroux demeurant la Chapelle-Thémer.

L’énumération des objets mobiliers dans cet inventaire nous informe du mode de vie du jeune couple de notables en 1835, membres d’anciennes familles nobles vendéennes. Leur salle à manger était meublée d’une table ronde en 3 compartiments, 2 petites tables et d’un buffet, tous en bois de cerisier. Dans leur vaisselle on relève 10 assiettes en porcelaine et d’autres, avec une cafetière, en terre de pipe, qui était une variété de faïence fine réalisée en Lorraine. Dans la laiterie se trouvaient des charniers (abris pour garder les viandes salées), et des terriers (abris creusés dans le sol). Le salon de compagnie était meublé d’une commode couverte en marbre, une petite table, 15 chaises, 4 fauteuils, deux gondoles et un canapé. Les lits des chambres à l’étage étaient composés de leurs bois en cerisier ou en chêne, avec leurs rideaux en coton, plus une paillasse, un ou deux matelas, une couette, un traversin, un oreiller, une ou deux couvertures. Sur un lit il y avait en plus un édredon. Une petite pièce à l’étage comprenait une baignoire. 

Cabriolet
Au moment de l’inventaire en janvier 1835, le cellier était bien garni avec 1750 litres de vin blanc en barriques, 150 litres en bouteilles de vin blanc, et 250 litres de vin rouge en barriques. Dans le grenier il y avait alors 3 tonnes de froment et de seigle, et 2,1 tonnes d’avoine, preuve d’une forte activité agricole du propriétaire avec ses métairies. On est impressionné par les 700 fagots de bois comptés dans la cour, pour alimenter les 5 cheminées de la maison. Un cabriolet avec son harnais et l’équipage en dépendant, valant 700 francs, occupait principalement la remise. Dans une sellerie à côté étaient rangées 4 selles, 3 brides et 2 colliers. C’est qu’il y avait un cheval et deux juments à équiper dans l’écurie. Un jeune cheval à poils rouges âgé de 3 ans fut estimé valoir 150 F. Une jument de 4 ans fut estimée 300 F, et une autre, grise, âgée de 6 ans, 432 F. Dans l’écurie il y avait une couchette composée de son bois en chêne, une paillasse et un matelas. De même, dans une chambre près de la remise se trouvait un lit en forme de couchette composé de son bois en chêne, une paillasse, une couette en plumes mélangées, un traversin en balle et trois mauvaises couvertures. C’était l’usage que les garçons d’écurie avaient une chambre dans les communs. Et dans cette chambre il y avait à côté du lit un vieux coffre presque usé en bois de cerisier, une scie, une fourche, un dail (faux) et une faucille, les instruments de travail de l’occupant. La grange abritait 3 tonnes de foin et une étable à vaches hébergeait 3 vaches à poils rouges et une génisse.

Comme il se doit la maîtresse de maison accumulait du linge dans ses armoires comme d’autres approvisionnait leurs bas de laine : 40 paires de drap, plus 20 autres paires de draps de domestiques (le notaire comme tout le monde faisait la différence), 25 douzaines de serviettes, 22 essuie-mains, 23 nappes, etc. La garde-robe de Mme de Tinguy n’est pas détaillée malheureusement et nous aurons du mal à connaître la mode de l’époque. Tout juste le notaire note à part les bijoux : 3 bagues et une noix montée en diamant, valant le tout 400 F. Cela montre qu’on était chez des notables, mais de fortune mesurée, pour autant que l'évaluation de celle-ci puisse répondre à une cetaine objectivité. L’argenterie fut estimée valoir 672 F. Le total de l’actif des biens meubles se monta à 8 647 F et le passif à 1 300 F. L’inventaire comporte l’énumération des titres de propriété du couple, mais pas ses livres. Dommage, derrière des lectures des personnalités peuvent se dessiner, mais cette exclusion résulte d’un choix du notaire. 

Léon de Tinguy a 23 ans quand il est nommé maire, la même année où il s’installe au logis du bourg. C’est l’année aussi où naît son premier fils, Louis. Son épouse lui donnera trois enfants et décédera le 30 août 1834. Il est crédité d’un revenu de 4 000 F, selon le percepteur, au moment de sa nomination.

Léon de Tinguy se remariera avec Aimée Stéphanie de Béjarry ensuite, appartenant à une famille ancienne de la noblesse vendéenne (originaire de Saint-Martin-Lars). Elle donnera naissance à deux enfants et mourra, suite à un accouchement elle aussi, le 2 juillet 1840.

Léon de Tinguy a démissionné pour protester contre la Révolution de juillet 1830 qui venait de chasser Charles X de son trône, le frère de Louis XVI. De toute façon le nouveau pouvoir n’aurait pas conservé un maire légitimiste partisan du roi renversé. Il ne sera resté maire qu’une année. Pierre Mandin, qui était toujours adjoint, a démissionné ensuite, mais en assurant l’intérim pendant l’été 1830.


(1) Archives de Mme Potier vues en 1974, Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 76-1.
(2) Inventaire des 5 et 6 janvier 1835 à la requête de Léon Auguste de Tinguy, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Pertuzé : 3 E 30-27.
(3) Arpentage et estimation du 9-6-1841 par F. Cougnon des communs de Saint-André, édifices et services publics, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(4) Il y avait une famille Mac Carthy dans la région du bocage vendéen. Marie Rosalie Mac Carthy était l’épouse d’Auguste Salomon du Chaffaut (Boufféré) en 1804, et elle avait un frère, Charles Mac Carthy, qui demeurait en 1804 à Saint-Pierre-d’Oloron (Charente-Inférieure) [Notaires de Montaigu, étude E, Thibaud, inventaire après décès du 22 messidor an XII (11-7-1804), vue 379]. Nous n’avons pas établi de lien avec l’épouse d’Edouard Dillon.
(5) Notes no 14 et 15 sur le bourg de Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry: S-A 3.
(3) Idem (2).


Emmanuel François, tous droits réservés
Septembre 2010, complété en mai 2021

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lundi 2 août 2010

La naissance cachée de Guyet-Desfontaines

C’est le 27 avril 1797 que naît Marcellin Benjamin Desfontaines. Sa naissance est déclarée dans le 4e arrondissement de Paris, où se trouve l’adresse de sa mère, Marie Marguerite Félicité Duvigier (page 120 de mon livre, Les châtelains de Linières à Saint-André-Goule-d’Oie), épouse du vicomte Charles de Lespinay et châtelaine de Linière. Le père de l’enfant n’est pas le mari, mais qui est-ce ?

Le père déclaré est Denis François Desfontaines et la mère est toujours mariée, à cette date, au châtelain de Linière parti se battre contre les autorités révolutionnaires dans les rangs des émigrés à l’étranger, comme la plupart des nobles du Bas-Poitou.

Les recherches sur ce père déclaré, menées sur le registre paroissial de Saint-André-Goule-d’Oie, ne donnent pas d’information confirmant son existence. Avant cette année 1797, on trouve des Desfontaines à la Frissonière des Essarts sur le registre de Saint-André, à la Milonnière et à la Maigrière, mais aucun ne porte les prénoms de Denis, François.

Dans mon livre j’écarte l’hypothèse d’un prête-nom et je ne conteste pas la sincérité des informations inscrites sur cet acte de naissance. Et pourtant, le coté insolite de la situation peut mettre en doute l’existence de ce père dénommé Desfontaines. Peu de temps après, en effet, Mme Duvigier (son nom de jeune fille avec la particule accolée au patronyme) va vivre avec Joseph Guyet, puis se marier avec lui après avoir divorcé. Mais il paraissait difficile qu’un juge accepte qu’une mère puisse adopter son fils naturel plus tard, ou alors, il faut accepter l’idée de la complicité d’un fonctionnaire dans une magouille sur l’état-civil à cette époque. C’est cette dernière idée que je n’ai pas osé adopter.

Dans sa thèse de doctorat sur Amaury-Duval, Véronique Noël-Bouton-Rollet, évoque la famille du peintre et la place importante qu’y a tenue Guyet-Desfontaines, son beau-frère. Elle aussi a tenté de percer le mystère de la naissance de ce dernier. Son analyse est différente de la mienne. Elle pense que Desfontaines est un prête-nom, le vrai père étant naturellement Joseph Guyet.

Copie du jugement d’adoption 
Source : Archives départementales de la Vendée
Sa réflexion se fonde sur le jugement du juge de paix en 1824, décidant de l’adoption de Marcellin Desfontaines par M. et Mme Guyet. Il est maintenant disponible aux Archives de Vendée (1). Le juge s’appuie sur l’état de notoriété établissant l’impossibilité dans laquelle est l’administration de justifier « du consentement ou de décès des père et mère », selon les actes reçus du juge de paix de Fontenay-le-Comte et du juge de paix du 4e arrondissement de Paris. Qu’on ne retrouve pas trace de Denis François Desfontaines, rien de surprenant. Cultivateur, selon ce que rappelle le jugement, en Vendée, où s’est déroulée une guerre civile meurtrière, quoi d’étonnant ? Mais la mère s’appelait Joséphine Félicité Duverger, elle aussi disparue ! La disparition des parents naturels étant acquise aux yeux du juge, il examine ensuite les autres éléments légaux de l’adoption et prend la décision demandée par les intéressés.

La sagacité du juge a-t-elle été prise en défaut, en distinguant la mère naturelle de la mère adoptive malgré l’apparence ? En effet, l’acte de naissance désignait la mère ainsi : Joséphine Félicité Duverger ; et la mère adoptive est désignée ainsi : Marie Marguerite Félicité Duvigier. Plutôt, il a dû fermer les yeux volontairement. Pourquoi ? S’il y a eu un marché ou une influence, nous n’en avons pas la trace. Tout au plus, il semble que les mœurs administratives n’étaient pas aussi rigoureuses que de nos jours. Pour prendre un exemple constaté par les historiens, rappelons-nous que Talleyrand a su « magouiller » l’état-civil pour donner une situation à une de ses filles naturelles, née en 1803 de ses amours avec une femme mariée (Mme Gand), et alors que lui-même était encore évêque. Il est vrai qu’il était ministre.

Il ne faut pas non plus négliger une autre explication : le juge a pu préférer en l’occurrence l’humain au droit. La fausse déclaration de naissance date de 27 ans en arrière, et accorder l’adoption dans le cas d’une filiation soupçonnée d’avoir été cachée est, à l’évidence, une prise en compte de la réalité humaine et de l’intérêt de l’enfant. Ce dernier sera avocat, puis notaire à Paris, et enfin député de la Vendée et maire de Marly-le-Roi.

Copie de l’acte de naissance

Ajoutons que la copie ci-dessus de l’acte de naissance de Guyet-Desfontaines indique que la mère déclarée à la naissance habitait au no 40 rue du Four (2). Il s’agissait de la rue du Four-Saint-Honoré dans le 4e arrondissement division place Vendôme. Alors que Mme Duvigier (avant Mme de Lespinay) habitait rue Saint-Honoré no 41, suivant son acte de divorce en 1800, c'est à dire la même adresse. Enfin, l’avocat de M. de Lespinay, dans sa plaidoirie en cour d’appel pour annuler le divorce, avoue que des amours de son ex-épouse avec Joseph Guyet est né un enfant. Et l’on sait qu’il n’y eu pas d’autre naissance ensuite, comme l’ont vérifié les juges de l’adoption en 1824.  

En retenant l’idée d’une déclaration de naissance avec un faux nom du père, la vie, pendant la période révolutionnaire, de Félicité de Lespinay née du Vigier, prend un éclairage tout simple.

Laissée seule avec deux bébés à Linières par son mari, parti combattre à l’étranger à la fin 1791, persécutée par les bleus dès 1792, elle suit en 1793 la cohorte des réfugiés civils qui se joignent aux combattants vendéens dans la Virée de Galerne. Elle y retrouve probablement un oncle de son mari, âgé de 65 ans, Louis Gabriel de Lespinay de Beaumont, puisque celui-ci perdra la vie à Dol en novembre 1793.

Elle échappe aux massacres du Mans en décembre 1793 et est condamnée à la noyade à Nantes le mois suivant. Elle réussit à échapper à ses bourreaux, et se réfugie on ne sait où. En mars 1795 elle est à Blois, sans qu’on sache depuis combien de temps et pourquoiProbablement a-t-elle dû s’éloigner « à plus de 20 lieues » du département de la Vendée, suivant l’arrêté de Hentz et Francastel, deux conventionnels en mission en Vendée, s’appliquant aux réfugiés, mêmes « patriotes », pour parfaire la déportation de la population. Le 4 mai elle est à Saint-André-Goule-d’Oie et le lendemain 5 mai à Nantes, où elle y est encore au mois de juillet suivant (3).

Une relation personnelle et intime l’unit ensuite avec Joseph Guyet, un jeune bourgeois fils d’un important fermier et propriétaire foncier et ancien maître de poste du relais de Saint-Fulgent. Début août 1796 elle devient enceinte et rachète elle-même Linières, avec l’aide financière de Joseph Guyet. Sur ce point, voir notre article publié en janvier 2010 : Le divorce de Lespinay/du Vigier en 1800.

À la naissance de Marcellin en avril 1797, Joseph Guyet fait une fausse déclaration sur l’identité du père. Il déforme un peu le patronyme de la mère, ajoutant une erreur dans ses prénoms. Le couple, illégitime car la dame de Linières n'était pas encore divorcée, ne voulait pas révéler son existence par cette naissance. L’époque est connue pour son désordre et une certaine déliquescence des mœurs politiques, favorisant cette fausse déclaration.

Le jeune couple élève donc son enfant à Paris, sachant qu’on ne retrouvera pas les parents déclarés officiellement au moment de la procédure légale d’adoption le moment venu. Si nécessaire on présente l'enfant comme un petit vendéen rescapé de la guerre et adopté par le couple (il s'appelle Desfontaines). Les intimes de la famille savent que ce sont ses vrais parents qui l'élèvent.

En 1800, Charles de Lespinay reparaît officiellement, mais son domaine appartient désormais à sa femme, qui le revend à Joseph Guyet, un mois avant le prononcé du divorce par le maire de Chauché, facile et expéditif, en décembre 1800. Félicité Duvigier et Joseph Guyet se marient civilement en 1804 (4). Charles de Lespinay, toujours civilement émigré (il ne sera rayé de la liste des émigrés qu’en 1802), n’a pas droit au chapitre : le divorce est de droit alors au bénéfice des épouses d’émigrés par simple procédure administrative. Il fera un procès contre ce divorce en 1802, qu’il perdra jusqu’en Cour de cassation en 1804. Il mourra en 1807. Félicité perdra ses deux filles Henriette et Pauline, nées de Lespinay. À partir de 1811, Marcellin sera son unique enfant. L’année d’après, Félicité et Joseph Guyet se marieront à l’église à Paris.

Germaine de Staël
Dans cette histoire, les rumeurs désobligeantes sur le comportement de Joseph Guyet, trouvent difficilement leur place parmi des faits avérés. Quand Mme de Lespinay rachète le domaine de Linière en 1796, sa relation intime avec Joseph Guyet est déjà consommée. Elle a 24 ans et lui 22 ans. N’oublions pas non plus qu’elle avait 19 ans de moins que son premier mari, militaire de carrière, à une époque où les parents mariaient leurs enfants en pensant aux patrimoines. Une nouvelle époque s’ouvrait alors, avec de nouvelles mœurs : l’amour devait gouverner les mariages (Cf. « Delphine » en 1802, roman de Mme de Staël).

Que la naissance adultérine ait été cachée en 1797, on n’est pas étonné au regard des mœurs de l’époque. On peut seulement se demander pourquoi le divorce a été demandé si tard, presque quatre ans après. Il semble que le jeune couple ait tenté de trouver un accord tacite sur ce divorce avec l’ex-mari, moyennant une contrepartie patrimoniale autour du domaine de Linières. Mais le mari a rejeté tout arrangement, préférant attaquer judiciairement le divorce, perdant tout de ce fait : son domaine et la garde de sa fille.

Quant au changement de propriétaire de Linières, c’est une situation bien compliquée où les points de vue opposés sur l’émigration et la vente des biens nationaux, se prolongeant dans la guerre civile, relèvent de choix politiques irréconciliables. Tout au plus, peut-on remarquer que les nouveaux propriétaires sont devenus par la suite d’indéfectibles défenseurs de la Révolution, évidemment. Quant aux anciens propriétaires, leur ressentiment a pu durer longtemps, on ne peut pas s’en étonner. Et le ressentiment n’était pas que patrimonial à Linières.

Dans cette situation, la restauration monarchique n’a rien pu faire d’important pour faire bouger les choses. La conservation des biens acquis nationalement a été promise par Louis XVIII aux anciens révolutionnaires, comme faisant partie du prix à payer pour son retour sur le trône en 1814. La politique d’indemnisation ensuite par l’État des émigrés spoliés, n’a pas suffi à faire oublier les confiscations révolutionnaires. D’ailleurs, à ce titre, il semble qu’en mai 1829, Félicité Guyet a été reçue au château du Pally à Chantonnay, chez le marquis Alexis de Lespinay, pour s’y voir remettre sa part des indemnités versées par l’État en compensation des ventes en bien national des propriétés de son ex-mari, Charles de Lespinay. En effet, la loi du 27-3-1825, appelée par ses adversaires le « milliard des émigrés » parce qu’elle limitait ses indemnisations aux nobles spoliés, avait permis de verser en Vendée 15,2 millions de F. à 321 propriétaires.


(1) Archives de Vendée, Papiers de famille du général baron de Lespinay (1789-1920), familles alliées, succession de Guyet-Desfontaines : 44 J 16, acte d’adoption du 13-7-1824 de Guyet-Desfontaines.
(2) Fiche Coutot de Paris ancien : naissance de Marcellin Benjamin Desfontaines le 7 floréal an V. Et reconstitution d’acte d’état civil du 10-02-1872, acte de naissance de Guyet-Desfontaines du 7 floréal an 5 : Archives privées Fitzhebert (dossier no 2).  
(3) Inventaire des certificats de résidence de Mme Duvigier entre décembre 1792 et juillet 1795 Archives de la Vienne, dossier de Mme Duvigier : 1 Q 174 no 14.
(4) Le 8 septembre 1804 selon les Archives de Vendée, Papiers de famille du général baron de Lespinay (1789-1920), familles alliées, succession de Guyet-Desfontaines : 44 J 16, acte d’adoption du 13-7-1824. Un autre document donne la date de 1802, mais il ressort de ce que nous savons de la procédure judiciaire sur le divorce, que cette dernière date parait douteuse. Et il n’existe pas de fiche Coutot pour cet acte, qui a probablement eut lieu à Paris.

Emmanuel François, tous droits réservés 
Août 2010, complété en octobre 2018

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Simon Pierre Herbreteau maire de 1800 à 1825

Auguste Couderc : Serment aux trois consuls
Après le coup d’état de Bonaparte, le dernier, qui achève le Directoire, la loi du 22 pluviôse an VIII (17 février 1800) rétablit l’administration communale. L’agent municipal porte à nouveau le nom de maire. Pour les communes de moins de 5 000 habitants, les maires sont choisis par le préfet, pour une durée de 3 ans, parmi les conseillers municipaux qui sont élus par un système complexe de présélection sur des listes de notabilités.

Un arrêté du préfet de la Vendée nomme, en application de l’article 20 de la loi du 22 pluviôse de l’an VIII, les membres du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie, le maire et son adjoint.  Les membres du conseil municipal nommés sont :

Jean Vaugiraud, Bourg (a)
Jean Rondeau, Pin
Jean Lumineau, Gandouinière
François Brisseau, Brossière
François Cougnon, Coudray
Jacques Bigot
Gilbert, Racinauzière (b)
Louis Pavageau, Porcelière
Jean Herbreteau, Bourg
Julien Meyrand, Brossière (c)

(a) Jean Aimé Jacques de Vaugiraud, propriétaire à St André et ancien officier de marine, revenu vivant de la Virée de Galerne au début de l’année 1794.
(b) Peut-être Pierre, l’arrêté ne l’indique pas.
(c) Originaire de Beaupréau (Maine-et-Loire). Julien Mérand (1759-1825) était propriétaire à la Brossière et fut juge de paix à Saint-Fulgent en 1797, avant son remplacement par Gérard. Il était républicain.

Nomination du maire en 1800 : Simon Herbreteau 


Le même arrêté nomme « le citoyen Herbreteau, maréchal, à la place de maire de la commune de Saint André Goule d’Oie et le citoyen Fluzeau, ex agent, à celle d’adjoint à la même commune. » Il s’agit de Simon Pierre Herbreteau et de Jean François Fluzeau (1763-1824). 

Le maire est chargé seul de l’administration de la commune. Les conseillers ne sont consultés que lorsqu’il le juge utile. Ce pouvoir absolu est exercé pendant plusieurs décennies, renforçant le prestige attaché à la fonction. À partir de septembre 1802 les conseillers sont en place pour 10 ans, le maire et son adjoint pour 5 ans.

La première apparition du nouveau maire de Saint-André-Goule-d’Oie sur le registre d’état-civil date du 20 thermidor an VIII (8-8-1800). Simon Pierre Herbreteau avait déjà rédigé un acte isolé le 20 thermidor an VII (7-8-1799). Peut-être un remplacement de Jean Bordron, en tant qu’adjoint. Visiblement il y a encore des blancs dans les archives pour cette époque. Ils sont dus à la réticence de la population à reconnaître ce registre, mis en place par les républicains. Néanmoins, la réserve fut rapidement levée, probablement grâce à l’autorité du nouveau maire. Simon Pierre Herbreteau signe en tant que « maire de la commune faisant fonction d’officier public de l’état civil ».

Le maire tout de suite, le sous-préfet de Montaigu ensuite, mais plus tard, qui cote et paraphe le registre, désignent désormais la commune en commençant par le mot « saint ». La période révolutionnaire est terminée. Bientôt aussi on va supprimer l’arrondissement de Montaigu, et le canton de Saint-Fulgent sera rattaché à l’arrondissement de la Roche-sur-Yon, qu’on va appeler Napoléon-Vendée.

René Berthon: Napoléon reçoit des sénateurs
Dans la liste du 2 floréal an XI (22-4-1803) du département de la Vendée des 550 plus imposés résidant du département, établie en exécution du sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X (4-8-1802), on ne trouve personne demeurant à Saint-André-Goule-d’Oie. Pour le canton de Saint-Fulgent, deux personnes de Saint-Fulgent (Merlet et Guyet, deux révolutionnaires) sont désignées, une de Chauché (Querqui de la Pouzaire, quoique sur l’état il est indiqué de Chavagnes) et quatre de Chavagnes (Bonnaventure, Gourraud, Guerry et Perard). Rappelons que les sénatus-consultes organiques étaient des lois votées par le sénat pour modifier la constitution. Celui du 16 thermidor an X organisait « la consultation du peuple français » sur la question de savoir s’il était d’accord pour que Napoléon Bonaparte devienne Consul à vie. On appréciera la définition du « peuple français » de l’époque : 550 personnes dans le département.

On a retrouvé le registre civique pour le département de la Vendée, voulu par le décret impérial du 17 janvier 1806. On y trouve 26 personnes à Saint-André-Goule-d’Oie (1). C’est peu, quand on se souvient que tout homme âgé d’au moins 21 ans accompli devait s’y faire inscrire, et que l’inscription « ne se rattache au paiement d’aucune contribution ». Mais l’attentisme et la méfiance étaient forts dans les campagnes contre ces inscriptions. Au point qu’on pourrait presque considérer ces listes comme donnant le nom de ceux qui font confiance au régime napoléonien, ou du moins ne s’en méfient pas !

Noms
Années naissance
Noms
Années naissance
Jean François Fluzeau (a)
François Fluzeau
Pierre Herbreteau
Jean François Bordron
Charles Siret
Jean Rochereau
Jean Bordron
François Mandin
Louis Bordron
Pierre Robin
Jean Fonteneau
Julien Mérand
Louis Charpentier
1763
1760
1765
1718
1764
1745
1771
1769
1777
1759
1760
1758
1762
Jean Herbreteau
Pierre Mandin
Pierre Charrier
Louis Beneteau
Joseph Garnaud
Louis Pavageau
André Herbreteau
Jean Fonteneau
Pierre Gilbert
Jean Allain
Jean Herbreteau
André Bonnin
Jean Desfontaines
1743
1750
1766
1763
1762
1768
1746
1744
1750
1761
1771
1771
1769

(a) Il s’agit de l’adjoint au maire qui se faisait appeler communément François. François Fluzeau qui suit est son cousin, né en 1750 (erreur dans le document).

La famille et la vie privée de Simon Herbreteau


Qui est Simon Pierre Herbreteau ? C’est le cousin du jeune Jean Bordron, qu’il remplace à la mairie. Sa mère, Marie Bordron, est la sœur du premier maire de la commune en 1792. Issue du monde des artisans taillandier, elle s’est mariée en 1761 avec Jean Herbreteau, issu du monde des laboureurs et habitant la ferme du château de Linières. Marie Bordron viendra habiter Linières, où naîtront ses huit enfants, dont le troisième, Simon Pierre en 1765. Le grand-père de ce dernier, Jean Herbreteau, et son grand-oncle, Mathurin Herbreteau, sont les piliers de cette ferme au milieu du XVIIIe siècle, remplaçant les Rondeau au début du siècle (dont ils sont les gendres). À noter que l’orthographe du patronyme variera avec les curés : arbreteau, Herbreteau et Herbretaud.

Simon Pierre exercera le même métier que son grand-père Bordron, comme le note le registre dans son acte de mariage, puis plus tard au moment de la naissance de sa première fille en 1793 : maréchal-taillandier. Dans notre récit sur son grand-père, le premier maire de Saint-André-Goule-d’Oie, nous avons expliqué en quoi consistait ce métier de maréchal-taillandier fabriquant des outils à tailler, à couper (haches, bêches, faux, faucilles, serpettes).

Le nouveau maire est aussi le neveu par alliance de la sœur de Jean François Fluzeau (1763-1824), le premier agent communal prédécesseur du fils Jean Bordron. En effet, la mère de Simon Pierre Herbreteau est aussi la sœur de Pierre Bordron qui s’est marié en 1769 avec Marie Madeleine Fluzeau. Jean François Fluzeau était témoin à ce mariage aux côtés des châtelains de Linières : Marie Agnès Badereau du Chaffaut, veuve de Louis Venant Cicoteau, mort à Saint-André en 1729, et Alexis Samuel de Lespinay, son gendre.

Pierre Herbreteau (le premier prénom, Simon, est parfois oublié) est né en 1765 et il se maria avec Henriette Mandin en 1791. Celle-ci est la fille de Jacques Mandin et de Marie Robin, régisseur et domestique à Linière.

Au bas de l’acte de mariage on trouve la signature des trois frères de Lespinay : Alexis, Charles et Armand, ainsi que celle de l’épouse de l’aîné, Pauline de Montault. Il y manque la signature de la dame de Linière, qui accouchera deux mois après ce mariage.

Sa femme, Henriette Mandin est née en 1768 au château du Pally à Chantonnay où réside Samuel de Lespinay, le père de Charles châtelain de Linières (à cette date, sa mère est déjà décédée). Elle donna naissance à neuf enfants au moins, selon l’état civil de Saint-André-Goule-d’Oie. Le fils aîné, Pierre, s’établit maréchal à Bazoges-en-Paillers, deux autres fils, Alexis et Louis, prirent la suite du père dans la forge du bourg de Saint-André. Le dernier enfant, Agathe, née en 1810, se maria en 1832 avec Jean Charles Trotin, le fils du garde champêtre.

Simon Pierre Herbreteau et Henriette Mandin signèrent au château de Linières leur contrat de mariage rédigé par le notaire de Saint-Fulgent le 30 juillet 1791 (2). Il a été convenu que les futurs époux « seront commun moitié par moitié en tous biens meubles acquêts et conquêts (2) immeubles dès le jour de leur bénédiction nuptiale suivant et au désir de la coutume de cette province de Poitou. » Les acquêts étaient les biens acquis durant le mariage par l'un ou l'autre des époux et qui faisaient partie du bien commun. Les conquêts désignaient ce qu'on acquiert par son travail durant le mariage. Cette convention est convenue par qui ? Les futurs époux bien sûr, mais aussi leurs parents, ces derniers constituant les dotations des jeunes mariés. Du côté du marié ses parents lui donnent une somme de 600 livres, par avance d’héritage suivant l’usage. Cette somme est décomposée en deux parties : 448 livres de meubles et effets et 152 livres en argent. Du côté de la mariée ses parents apportent aussi 600 livres en argent, à valoir sur son futur héritage. La somme sera remise au futur époux dès le jour de la bénédiction nuptiale, est-il précisé. Suivant une clause habituelle, il est prévu que l’épouse aura le « douaire coutumier » sur les immeubles de son époux si elle devient veuve. En Poitou celui-ci équivalait au tiers des biens immeubles.

Et le texte du contrat de poursuivre : « Toutes lesquelles susdites conventions ont été faites en présence et de leurs consentements francs de … » Et sont énumérés outre les pères et mères des mariés, onze parents proches, frères et sœurs, oncles et tantes, beaux-frères et belles-sœurs. C’était l’usage, car le contrat de mariage créait ainsi une nouvelle communauté de biens et constituait un acte de gestion important, avec les successions, de la gestion des biens de famille. Dans le cas particulier du mariage d’Henriette Mandin, signent en plus les châtelains de Linières, son frère et sa sœur, car ils sont considérés comme faisant partie de la famille : « M. Charles Augustin de Lespinay, capitaine au 18e régiment ci-devant Berry, Dame Félicité Marie Louise Marguerite du Vigier son épouse, M. Armand François de Lespinay, ancien capitaine au régiment du roi, Dame Louise Henriette de Lespinay ».

Noirmoutier autrefois
Ce mariage au château montre la proximité des Lespinay avec leurs métayers à Linières. On la voit aussi, le 7 avril 1785, avec la présentation faite par Alexis Samuel de Lespinay, de la chapelle du Pally (Chantonnay) et de la Bordrie, en faveur de Jean Herbreteau, clerc tonsuré, frère aîné de Simon Herbreteau. Jean Herbreteau en prendra possession le 13 mai suivant (4). Ce dernier est né à Linière en 1762, et fut vicaire à Soullans puis à Venansault. Il a refusé de prêter serment et il fut pour cela exilé à Tarragone en Catalogne, embarqué en octobre 1792 aux Sables-d’Olonne sur le bateau, « l’heureux hasard », avec 38 autres prêtres. À son retour en 1797, son bateau s’échoua à l’Aiguillon à cause d’une tempête. Il fut arrêté à nouveau et expédié à Rochefort pour un nouvel exil en Espagne. Il s’évada à nouveau, en compagnie du curé de Saint-André-Goule-d’Oie, avant d’embarquer et se cacha au Poiré-sur-Vie. Le préfet le note en 1800 comme « tête un peu chaude, mais a promis de faire soumission aux lois ». Il fut nommé vicaire au Poiré après le concordat. Plus tard il sera curé de Mouchamps (1809), puis se retira au Poiré en 1821, où il mourut en 1832.

Le premier enfant du couple, Henriette, sera baptisé le 23 juin 1793, alors que la guerre de Vendée a débuté depuis la mi-mars. Le parrain est Armand de Lespinay, frère du châtelain de Linières, et la marraine est la première fille du châtelain, Henriette, âgée de seulement trois ans et demi.

Quatre mois plus tard, la châtelaine Félicité du Vigier est en fuite dans la virée de galerne. Puis le beau-père de Pierre Herbreteau, Jacques Mandin, est tué par les bleus le 1er février 1794 (page 107 de mon livre), veille de la fameuse bataille de Chauché, où Charette mis successivement en déroute trois colonnes infernales. Il était régisseur. Dans son registre clandestin, le prieur Allain note la présence à cet enterrement de Pierre Herbreteau son gendre, de Jean Herbreteau et jacques Godard, tous deux métayers. Le premier l’était à Linières et c’était le père de Pierre. Le deuxième l’était à la Mauvelonnière.

Puis c’est le château de Linières lui-même qui sera en partie brûlé par une colonne infernale au début de 1794 (peut-être celle du général Grignon qui remontait de Chantonnay vers Montaigu).

Combattant vendéen


Il a participé aux combats vendéens, puisque le prieur note que le 15 janvier 1794, Jacques Drapeau, sabotier au bourg de Saint-André, « a été tué au combat des Brouzils et est resté sur le champ de bataille ». Puis il précise que « …a été témoin de sa mort par les républicains Pierre Herbreteau maréchal dans le bourg… »

On sait en effet que le 9 janvier, Charette a lancé sa troupe à l’assaut de Saint-Fulgent, dont la garnison, surprise, fut en grande partie massacrée. Le lendemain il attaquait les Quatre-Chemins, où il essuya un revers le soir même. Il se réfugia à nouveau dans la forêt de Gralas ensuite, d’où il sortit de temps en temps pour attaquer des convois de soldats républicains. C’est ainsi qu’eut lieu la bataille des Brouzils à la mi-janvier 1794, où Charette reçu une balle dans l’épaule, une blessure qui affecta beaucoup ses soldats.

Le grand-oncle du maire, Mathurin Herbreteau, métayer de la Morelière en 1793, a été tué par les républicains en septembre de cette année-là, à l’âge de 65 ans.

La fonction du maire sous Napoléon


Source : Archives départementales de Vendée
Nous n’avons pas de document sur la vie municipale de Saint-André-Goule-d’Oie pendant les 25 années de mandat de Simon Pierre Herbreteau. Il est cependant possible de nous faire une idée sur l’activité du maire, à partir du 1e septembre 1814, avec le Bulletin administratif hebdomadaire adressé par le préfet à MM. les maires du département de la Vendée. On y trouve les arrêtés du préfet, ses circulaires aux autorités locales, ses instructions et les communications officielles. Pour les années de transition entre le régime de Napoléon Ie et la Restauration monarchique (1814/1816), ces textes nous informent sur la fonction de maire dans les petites communes rurales. Ils sont accessibles par internet sur le site des Archives départementales de la Vendée.

Auparavant, il est utile de dire un mot des préfets. La fonction a été créée le 17 février 1800 par le premier consul Bonaparte afin de contrôler les départements et de pacifier le pays après les événements révolutionnaires.

De François Ier à Louis XVI, les rois imposèrent les généralités, dirigées chacune par un Intendant de justice, police et finances, pour supplanter les anciennes structures et institutions féodales (bailliages et sénéchaussées). Les intendants disposaient de larges pouvoirs dans un système centralisé autour du roi. Ils réalisèrent l'unification administrative du pays, en réduisant les libertés provinciales et municipales. Impopulaires, ils furent balayés par la Révolution française, qui institua des assemblées dans les nouvelles circonscriptions créées : les départements. La Convention rétablit le centralisme de l’État en nommant à la tête des départements des agents nationaux aux ordres du gouvernement, le 4 décembre 1793. On le voit, la fonction de préfet reprend et prolonge la fonction de l’Intendant de l’Ancien Régime.

Dans la même logique, le maire en 1814 est un fonctionnaire du département avant tout, nommé par le préfet. Les réunions du conseil municipal sont fixées à des périodes arrêtées par le préfet, mai et novembre généralement, pour le consulter sur le budget de la commune.

Son rôle dans la perception des contributions directes continue la fonction dévolue aux assemblées paroissiales sous l’Ancien Régime pour répartir la taille. Il est important, malgré l’institution des percepteurs. Le maire doit chaque année informer les habitants de la commune des dates de paiement des contributions, tenir à jour un livre des mutations (des propriétés), viser l’état des assujettis à la patente, donner une liste de propriétaires pour la fonction de commissaire répartiteur (fixer des valeurs permettant d’établir la taxe foncière), etc. Le préfet n’hésite pas à exhorter le zèle des maires pour le paiement des impôts : « Les Maires sont chargé de donner au présent arrêté la plus grande publicité, et d'engager leurs administrés à acquitter, avant d’y être contrains, la dette sacrée des contributions. »

Les Vendéens, après les ruines subies au cours de la guerre civile et la reconnaissance que leur « devait » normalement le roi, attendaient, sans doute trop naïvement, quelque mansuétude en ce domaine, en signe de reconnaissance. Ils furent déçus ! Signe des réticences rencontrées, le préfet n’hésita pas à mobiliser les curés, en plus des maires, dans une lettre du 30 septembre 1814 à « Messieurs les curés et desservants de ce département ». Après avoir décrit tous les bienfaits apportés par le retour de la monarchie en Vendée, il écrit : « L'impôt doit être acquitté avec la plus rigoureuse ponctualité. Persuadez vos paroissiens, Monsieur, que ce serait l’aggraver que de s'exposer à des frais que leur bonne volonté peut prévenir….Il faut que l'arriéré des contributions directes disparaisse, il faut que la contrebande cesse entièrement de démoraliser le peuple, et de voler le trésor royal. Ce brigandage a fait couler le sang, il a livré à la rigueur des lois des familles entières ; ces malheurs et ce scandale peuvent être arrêtés par les pieuses exhortations des Pasteurs de ce département. Engagez aussi les contribuables de votre Paroisse à éviter l'envoi des garnisaires [soldats] qui sont placés dans chacune des communes où le recouvrement de l'impôt trouve quelque opposition. »

 En matière de police, le préfet décrit avec précision, dans une instruction du 10 octobre 1816, les devoirs du maire dans l’établissement d’une liste nominative des habitants de la commune, afin de répertorier, avec une définition claire, les suspects, les mal intentionnés, les étrangers à la commune (devant posséder un passeport intérieur établit et visé par le maire) et les vagabonds (qu’il doit faire arrêter).

Les maires doivent contrôler, en particulier :
    qu’il n’existe pas de jeux de hasard pratiqués dans leur commune, et qu’on n’utilise pas des cartes à jouer, autres que celles vendues par la régie d’État,
       le respect des dates de la chasse,
     le respect des règlements sur les routes (élagages des arbres, entretien des fossés, chargement maximal autorisé en fonction de la largeur des jantes des roues), et au besoin il doit dresser des « contraventions de grande voirie »,

     l’interdiction de cultiver du tabac (le monopole d’État, sous des modalités diverses, a commencé dès 1674 en France), « alors que cela se fait dans quelques communes du département … Ces plantations ne sont pas considérables quant au nombre de pieds. Mais elles ne laissent pas d'être multipliées. Il y en a dans les jardins, dans des champs écartés, dans l'intérieur des bois. Les cultivateurs mêlent le tabac parmi d'autres plantes qui le dérobent à la vue ou empêchent de l’apercevoir, comme le maïs, les choux etc. » Comment s’étonner après cela que ces paysans allergiques à l’intervention de l’État pour les empêcher de cultiver le tabac, aient été allergiques aux lois les empêchant de pratiquer leur religion à leur convenance ou les enrôlant au service militaire ?     
     l’inventaire des armes dans les communes,
     le respect de l’interdiction de la contrebande de sel près des côtes,
     les « cris séditieux ou aux provocations à la révolte », qu’il doit « constater sur le champ ».

Dans une instruction du 11 octobre 1816, le préfet écrit : « Vous voudrez bien joindre, Messieurs, la plus grande exactitude à faire connaître aussi promptement que régulièrement tous les faits qui peuvent se passer dans vos Communes et dont la connaissance intéresse l'Administration pour la tranquillité publique. » C’est une caractéristique de la Restauration monarchique qui se méfie de ses ennemis politiques. À partir de 1814, les préfets sont assignés à maintenir l'ordre : « Mettez au premier rang de vos devoirs le maintien de l'ordre public...la vigilance prévient le désordre » (Circulaire en 1815 du ministre de l'intérieur).

Soldat vétéran de Napoléon
Dans le domaine militaire, les maires aident les autorités dans une fonction à caractère administratif. Ainsi pour :
     le paiement des soldes aux officiers en non activité, mais restant à la disposition du gouvernement ; le maire donne un visa, établit les certificats de vie et signale les changements d’adresse des officiers pensionnés,
     la formation des listes préparatoires et des conseils d’organisation concernant l’enrôlement volontaire dans les armées et la nouvelle garde nationale, ainsi que l’établissement des actes d’enrôlement,
       l’établissement de la liste des propriétaires et le nombre des chevaux dans la commune, préparant la monte des chevaux dans l’armée,
    l’établissement de certificats permettant la démobilisation de certains militaires à mettre en congé.
       Une instruction du 16 juin 1816 rappelle aux maires de surveiller dans leur commune l’obligation aux officiers en non activité de faire « disparaître de leur uniforme les signes qui ont rapport à une organisation militaire antérieure. Cette disposition s’applique également aux boutons…Ils doivent être remplacés par des boutons emprunts d’une fleur de lys », sinon il y a risque de se voir supprimer la demi-solde. Le maire doit prévenir les intéressés et certifier sur l’état qu’il signe chaque mois pour le paiement de la demi-solde que les intéressés dans la commune satisfont à cette obligation. Ils étaient nombreux les anciens «grognards » de Napoléon, à arborer les uniformes de leurs glorieuses campagnes militaires, et peu enclins à faire disparaître les signes de leur empereur déchu. Désormais, ils devaient cacher au maire et aux gendarmes leurs souvenirs, à moins d’être amis, sait-on jamais ? Mais qui aurait osé reprocher au père Girard, demeurant pauvrement au Clouin, son admiration sans bornes pour les deux chefs militaires qu’il avait servi sous les armes, Charette et Napoléon ?

Ce travail administratif du maire répondait aussi à un besoin d’informations statistiques du gouvernement. On sait qu’en France l’État a toujours eu, depuis les rois capétiens, un rôle d’intervention dans la vie sociale. Dans le domaine économique, on voit le préfet demander aux maires, en 1814, d’indiquer la surface occupée dans leur commune par les différentes cultures « de la Luzerne, du Sainfoin, de la Vesse, jarosse ou Garobe, de la Gesse, blanche ou grise, du Trèfle, des Choux, (avec l’attention de distinguer les espèces) des Navets, Raves ou Rèbes, de la Pomme de terre, des Betteraves ou Carottes, du Blé-noir, de l'Avoine, des Grains destinés à être mangés en vert, ou Coupages ». L’État veut encourager la culture des fourrages artificiels, car « toute bonne agriculture doit être fondée principalement sur les moyens de multiplier les bestiaux et les engrais », écrit le préfet. On plaint quand même les maires devant le travail demandé !

Trois semaines après, le préfet envoie une autre instruction, tout aussi lourde à exécuter : « Le gouvernement m’ordonne de recueillir des notions sur le nombre de bêtes à corne qui existent dans le département. Je vous prie, en conséquence, de vouloir bien me marquer combien il y a dans votre commune : 1.° de vaches de deux ans et au-dessus ; 2.° de veaux de l'année ; 3.° de génisses de l'année; 4.° de taureaux d'un an ; 5.° de génisses d'un an ; 6.° de taureaux de deux ans ; 7.° de bœufs de trois ans et au-dessus. » Psychologue, le haut fonctionnaire précise : « Sous un Gouvernement sage et paternel, les recherches de cette nature ne doivent inspirer aucune défiance. Celles-ci n'ont pour but que de fournir des données nécessaires pour encourager le commerce des bestiaux, l'une des premières sources de la prospérité du département. »

Antoine Jean Gros : Louis XVIII
Dans le domaine social aussi l’État intervient. Ainsi pour décider de travaux d’hiver (1816/1817) à l’intention des ouvriers qui sont au chômage à cette saison, et rémunérés sur fonds spéciaux du gouvernement. Le texte de l’instruction du 17-12-1816 est révélateur de l’état d’esprit de l’époque : « Le Roi, dont la pieuse et bienfaisante sollicitude s’occupe constamment du soin de réparer, de prévenir même les maux de son Peuple, a mis à ma disposition des fonds pour procurer, pendant la saison rigoureuse, des secours et des travaux à la classe ouvrière de ce département. » Il est vrai que la région connu une famine cette année-là.

Si l’état d’esprit date, cette conception du rôle de l’État en France n’a pas pris une ride. Elle s’enracine, on le voit, en profondeur dans l’histoire nationale. Elle est la conséquence de la faiblesse des structures locales pour prendre en charge les intérêts sociaux et économiques. Conséquence qui devient cause du renforcement de l’État au fil du temps.

Ce rôle du maire est aussi celui d’un fonctionnaire au service de l’action politique du gouvernement en place. Il doit relayer sa propagande. C’est aussi pour cela qu’il est choisi, de préférence parmi les partisans du pouvoir en place. Qu’on en juge :

Dans son instruction du 7 septembre 1814 au sujet de la fête du roi (la saint Louis du 25 août, qui remplace la fête nationale du 14 juillet), le préfet écrit aux maires : « J’ai l'honneur de vous adresser la description de la fête donnée au Roi par la ville de Paris. Répandez dans votre commune les détails de cette belle journée, ils font connaître l'amour et le respect que les français portent à leur Roi, et les sentiments d'affection paternelle dont le cœur de ce Monarque chéri est rempli pour ses sujets. La fête du Roi n’est pas seulement une fête nationale, c'est une fête de famille, parce que le Roi est véritablement le Père du peuple. A cette première fête, se rattachent toutes les idées du bonheur que son retour nous assure ». Cette fête « annonce que la révolution est finie et que les lys refleurissent sur la France ».

Malheur au maire désobéissant ! Il sera suspendu de ses fonctions, comme ce fut le cas du maire de Chauché le 31 décembre 1816, M. Puitesson. Il s’était « permis, au mépris de toute bienséance et contre tout devoir, de signer un libelle dirigé contre l’administration supérieure de ce Département et ayant pour titre : Réponse à la Proclamation du préfet par intérim du département de la Vendée, en date du 21 novembre 1815 ». Dans sa proclamation le préfet avait mis en garde contre de fausses rumeurs.

La place de Simon Herbreteau dans le paysage politique de l’époque


Pourquoi Pierre Herbreteau a été choisi par l’autorité préfectorale pour être nommé maire de Saint-André-Goule-d’Oie ? L’arrêté de nomination n’est pas motivé et c’est tout ce que nous avons trouvé. Il faudrait lire un de ces rapports que devaient établir la police ou la gendarmerie et les fonctionnaires locaux, chargés de surveiller les activités politiques locales. En tout cas il a inspiré confiance aux nouvelles autorités bonapartistes.

Anonyme :
Napoléon et le pape signent le concordat
Rappelons que Napoléon a voulu mettre les ennemis d’hier, royalistes et révolutionnaires, à son service. Il avait étudié de près les combats de la guerre de Vendée et il voulait la paix dans la région. Pour cela, il a vite compris qu’il lui fallait négocier un concordat avec le pape, rétablissant la liberté du culte et réunissant dans une même église le clergé qui avait prêté serment à la Constitution civile du clergé et celui qui s’était refusé à le faire. Il a aussi voulu séduire l’ancienne noblesse. À ce titre, on verra l’ancien châtelain de Linières, Charles de Lespinay, amnistié et rayé de la liste des émigrés en novembre 1802. Son frère aîné, le marquis Alexis, a été nommé au Corps Législatif (nom de l’Assemblée nationale de l’époque) en 1811, tout en étant nommé maire de Chantonnay de 1811 à 1830. Son autre frère Armand a été nommé maire de La Pommeraye en 1801.

Pierre Herbreteau n’était pas bonapartiste au moment de sa première nomination. Cette notion ne prendra du sens que plus tard. Il n’était pas du côté des révolutionnaires, mais pourquoi se séparer du jeune Jean Bordron ? À moins que le comportement personnel, ou la vie privée de ce dernier aient donné lieu à des réserves. À Chauché, par contre, le préfet y avait conservé le maire partisan de la Révolution dans ses fonctions. Il en fut de même pour quelques mois en 1800 à Saint-Fulgent avec Louis Merlet. La personnalité, la disponibilité, la compétence, l’autorité supposée sur les concitoyens, ont dû certainement compter en premier lieu, pour la désignation de Pierre Herbreteau à l’âge de 35 ans.

Il avait participé aux combats des insurgés, et nous pensons, et nous pensons qu’il devait plutôt avoir des sympathies du côté des royalistes. Le fait de conserver son poste après la restauration monarchique en 1814, nous incline à le penser. Sa bonne réputation de compétence, d’autorité et d’intégrité ne devait pas suffire à la préfecture, il fallait aussi un minimum de zèle envers le roi. Mais sa longévité dans un poste pas toujours facile, où il fallait relayer les avis, les demandes d’enquêtes, les instructions, parfois partisanes du gouvernement, est un gage de ses qualités personnelles pour cette fonction. Par comparaison, la commune de Chauché a changé cinq fois de maire pendant la durée de ses mandats, de 1800 à 1825.

La première restauration monarchique de 1814 maintient la nomination des maires, ils sont choisis au sein des conseils municipaux, eux-mêmes nommés. Plus tard est rétabli le suffrage censitaire : seuls les hommes de 30 ans payant un (cens), impôt de 300 Frs, (c’est beaucoup) ont le droit de vote. Ensuite, la loi du 29 juin 1820, dite loi « du double vote », permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois.

Moulin à girouette
Un fait intéressant donne la mesure du sens politique et pratique de Simon Pierre Herbreteau au moment du bref retour de Napoléon. Pendant les Cent jours (20-3-1815 au 8-7-1815), quand l’empereur reprit le pouvoir jusqu’à sa défaite définitive de Waterloo, certains fonctionnaires eurent des sueurs froides. Après avoir juré fidélité au roi Louis XVIII (lors de la première restauration du 2-4-1814 au 20-3-1815), ils durent travailler pour Napoléon, puis à nouveau pour le roi (lors de la deuxième restauration à partir du 8-7-1815). Le maire de Saint-André su s’adapter aux circonstances, comme on le remarque sur le registre de l’état civil. Pendant les Cent jours le nom de l’arrondissement, Bourbon-Vendée, comporte une surcharge d’écriture, bien visible. Le mot « Bourbon » a été écrit sur celui de « Napoléon », qu’on a un peu effacé auparavant. Car, pendant les Cent jours, le nom de l’arrondissement avait bien sûr changé en fonction des circonstances. On imagine que le maire dut attendre la fin de l’année, pariant sur la stabilité du nouveau régime pour effectuer cette correction et montrer son loyalisme au roi, après avoir servi l’empereur. C’est que le maire de l’époque est plus considéré comme le représentant de l’État que celui des citoyens de sa commune. De toute façon, le personnel politique de l’époque a donné un « bal des girouettes » à cette occasion, appartenant aux plus notoires de l’Histoire de France.

Rappelons sur ce point que le général Brayer (le grand-père de Marcel de Brayer, propriétaire de Linières de 1868 à 1875) fut condamné à mort après la 2e restauration monarchique pour avoir trahi son serment de fidélité au roi. Il est vrai que ses responsabilités avaient été d’un autre niveau (général en poste à Lyon) et il avait mis ses troupes à la disposition de l’empereur de retour de l’île d’Elbe.

Pierre Herbreteau rédige son dernier acte d’état civil le 7 février 1826, à l’âge de 61 ans, cinq ans avant sa mort le 26 mai 1831. Sa femme Henriette mourra cinq mois plus tard, le 11 octobre 1831.

Décidément cette forge du bourg, berceau de la famille Bordron, aura donné trois maires à la commune en peu de temps. Jean Bordron d’abord, puis son fils Jean et enfin un neveu, Pierre Herbreteau. Et pourtant on devine que les opinions politiques devaient parfois faire débat après la guerre de Vendée. Dans cette commune rurale, il faut sans doute se rappeler que les qualités humaines des responsables communaux devaient compter davantage que les débats partisans pour obtenir la confiance des concitoyens, sinon celle du préfet.


(1) Registre civique du 17-1-1806, Archives de Vendée : 3 M 5.
(2) Archives de Vendée, étude de notaire de Saint-Fulgent, Frappier Rigournière : 3 E 30/13, contrat de mariage Simon Pierre Herbreteau et Henriette Mandin du 30-7-1791.
(3) Le conquêt est tout bien immeuble qui appartient à la communauté des époux, par opposition aux biens propres de chaque époux. Dans le langage juridique moderne le mot conquêt a disparu, et seul celui d’acquêt est resté pour désigner les biens de la communauté des époux.
(4) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 95, le clergé avant et sous la Révolution. D’après le répertoire des actes du notaire Claude Joseph Frappier de la Rigournière.


Emmanuel François, tous droits réservés
Août 2010, modifié en décembre 2023

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